Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 11 février 2021, 19-22.943, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 11 février 2021, 19-22.943, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 19-22.943
- ECLI:FR:CCASS:2021:C300172
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 11 février 2021
Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, du 02 avril 2019- Président
- M. Chauvin
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 11 février 2021
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 172 FS-P
Pourvoi n° F 19-22.943
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 FÉVRIER 2021
1°/ M. F... D...,
2°/ Mme N... X...,
domiciliés tous deux [...],
ont formé le pourvoi n° F 19-22.943 contre l'arrêt rendu le 2 avril 2019 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige les opposant à la société Sogesmi, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , exerçant sous la dénomination commerciale Sogesmi, Les demeures traditionnelles, défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Georget, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. D... et de Mme X..., de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la société Sogesmi, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 janvier 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Georget, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Boyer, Mme Abgrall, M. Jobert, conseillers, Mmes Renard, Djikpa, M. Zedda, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 2 avril 2019), M. D... et Mme X... ont conclu avec la société Sogesmi SAS (la société Sogesmi) un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture du plan comprenant une condition suspensive d'obtention par le constructeur de la garantie de livraison dans le délai de douze mois à compter de la signature de l'acte.
2. Le constructeur n'a pas obtenu la garantie de livraison sollicitée auprès de deux établissements.
3. Les maîtres de l'ouvrage, soutenant que le constructeur était responsable de ce refus de garantie, l'ont assigné en paiement de diverses sommes.
Examen des moyens
Sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. D... et Mme X... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de dommages-intérêts, alors « que le constructeur est tenu à l'égard du maître de l'ouvrage d'un devoir de conseil lui imposant de vérifier la situation matérielle du terrain sur lequel sera implanté la construction ; qu'en écartant tout manquement du constructeur à son devoir de conseil portant sur la nature et l'importance des travaux nécessaires au raccordement de la construction au réseau public au motif inopérant qu'il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir pris en compte l'existence de servitudes dont il n'avait pas été informé, quand celui-ci était tenu de vérifier sur place l'existence de canalisations sur le terrain ou¿ à tout le moins à proximité, permettant un raccordement de la construction au réseau public, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, ensemble les articles L. 231-2 et R. 231-4 du code de la construction et de l'habitation. »
Réponse de la cour
Recevabilité du moyen
5. La société Sogesmi conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le moyen, pris en sa première branche, est nouveau et mélangé de fait et, partant, irrecevable.
6. Toutefois, le moyen est né de l'arrêt.
7. Il est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et les articles L. 231-2 et R. 231-4 du code de la construction et de l'habitation :
8. Selon le premier de ces textes, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution.
9. Il résulte des deuxième et troisième que le contrat de construction de maison individuelle avec fourniture du plan doit comporter les énonciations relatives à la consistance et les caractéristiques techniques du bâtiment à construire comportant les raccordements aux réseaux divers. Est annexée à ce contrat une notice descriptive qui mentionne les raccordements de l'immeuble à l'égout et aux distributions assurées par les services publics, notamment aux distributions d'eau, de gaz, d'électricité ou de chauffage, en distinguant ceux qui sont inclus dans le prix et, s'il y a lieu, ceux dont le coût reste à la charge du maître de l'ouvrage.
10. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts pour manquement du constructeur à son devoir de conseil, l'arrêt retient que le coût du raccordement au réseau public a été pris en compte lors de la signature du contrat, le 30 novembre 2012, puisque celui-ci, fixé à la somme de 6 000 euros, était stipulé réservé par le maître de l'ouvrage au titre des travaux dont il conservait la charge, comme cela résultait de la notice descriptive signée le même jour que le contrat, d'autre part, il ne peut être reproché au constructeur de ne pas avoir pris en compte la bonne configuration de la parcelle, dès lors qu'il n'était pas informé de la servitude qui devait servir au passage des canalisations à destination du réseau public, laquelle n'avait été créée que le jour de la signature de l'acte authentique de vente de la parcelle sur laquelle la construction devait être édifiée, soit le 29 août 2013, par conséquent près de neuf mois plus tard ;
11. En statuant ainsi, alors qu'il incombe au constructeur de maison individuelle avec fourniture du plan de s'assurer de la nature et de l'importance des travaux nécessaires au raccordement de la construction aux réseaux publics, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'infirmant le jugement, il rejette la demande de dommages-intérêts de M. D... et Mme X... , l'arrêt rendu le 2 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne la société Sogesmi aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Sogesmi et la condamne à payer à M. D... et Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. D... et Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. D... et Mme X... de leur demande de condamnation de la société Sogesmi à leur payer la somme de 148 106,18 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE l'article 1178 devenu 1304-3 du code civil dispose que la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement ; qu'il incombe dès lors au maître de l'ouvrage de démontrer que la défaillance de la condition suspensive d'obtention de la garantie d'achèvement résulte d'une faute du constructeur ; qu'en l'espèce, si les refus de garantie ont été motivés par l'insuffisance de la marge et de la rentabilité de l'opération pour le constructeur, les éléments produits ne mettent en évidence aucun lien entre cette insuffisance de marge et la nécessité de faire passer par une servitude les réseaux destinés à être raccordés au domaine public, ni avec l'absence d'intégration, dans le prix, d'une dépense que le constructeur aurait omis indûment de prévoir, les échanges de courriers électroniques entre le maître de l'ouvrage et le constructeur ou son agent commercial, n'étant pas suffisants pour établir la preuve de l'existence d'une faute à l'origine de la défaillance de la condition suspensive ; que la transmission, par le constructeur, d'un devis pour la réalisation d'une tranchée ne permet pas d'affirmer que l'absence de chiffrage de ces prestations a été pris en compte par les organismes de garantie sollicités, étant relevé de surcroît que ce devis prévoit aussi la pose d'une pompe de relevage qui apparaît avoir été comprise dans le contrat litigieux ; qu'il doit encore être relevé que ce devis n'a pas été accepté par le maître de l'ouvrage, lequel n'a du reste pas envisagé la poursuite du contrat puisqu'au contraire, il a conclu un autre CCMI avec un autre constructeur, prenant dès lors acte de l'annihilation du contrat initial ; qu'il faut ajouter qu'aucun élément ne permet d'affirmer que la prise en compte correcte du coût de raccordement au réseau public aurait eu pour effet de permettre que l'opération de construction réponde davantage aux critères de rentabilité exigés par l'un ou l'autre des garants sollicités, pas plus qu'il n'est établi, alors que le constructeur a bien entrepris les démarches dans le délai de douze mois stipulé, que si les garants avaient été sollicités plus rapidement, leur réponse aurait été différente, l'affirmation du maître de l'ouvrage, selon laquelle le constructeur lui a indiqué que s'il prenait en charge les travaux de raccordement, le projet retrouverait une marge correcte lui permettant d'obtenir la garantie, n'étant pas établie par les pièces produites, le message électronique du 3 décembre 2013 ne contenant en aucun cas un tel engagement puisque se bornant à évoquer la fourniture d'un devis relatif au raccordement (devis qui ne sera pas accepté, comme il vient d'être relevé au paragraphe précédent) ;
1°) ALORS QUE la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement ; qu'en se bornant à retenir, pour écarter toute faute imputable au constructeur à l'origine de la défaillance de la condition suspensive relative à l'obtention d'une garantie de livraison, qu'il n'était pas établi que l'insuffisance de la marge et de la rentabilité de l'opération pour le constructeur qui avait justifié le refus de délivrance de la garantie de livraison aurait été en lien avec la sous-évaluation des travaux de raccordement, sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée, si ce refus n'avait pas été justifié par l'omission de plusieurs travaux – réalisation d'un mur de retenue de terre, revêtements des sols des chambres et des murs de l'ensemble de la maison et réparation de l'accès commun aux pavillons – lors de la fixation du prix de la construction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1178 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;
2°) ALORS QUE la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement ; qu'en se bornant à retenir, pour écarter toute faute imputable au constructeur à l'origine de la défaillance de la condition suspensive relative à l'obtention d'une garantie de livraison, qu'il n'était pas établi que l'insuffisance de la marge et de la rentabilité de l'opération pour le constructeur qui avait justifié le refus de délivrance de la garantie de livraison aurait été en lien avec la sous-évaluation des travaux de raccordement, sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée, si ce refus-ci n'avait pas été justifié par une mauvaise évaluation globale du prix de la construction imputable au constructeur – le prix s'étant avéré en moyenne de moitié inférieur à celui proposé par cinq autres constructeurs , la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1178 du code civil dans sa rédaction applicable au litige.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. D... et Mme X... de leur demande de condamnation de la société Sogesmi à leur payer la somme de 148 106,18 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QU'en ce qui concerne le devoir de consèil, il convient de préciser que, la caducité du contrat, à la différence de la nullité - qui n'a en l'espèce jamais été demandée et qui ne pouvait être relevée d'office - ne produisant d'effet que pour l'avenir, rien n'interdit de rechercher la responsabilité du constructeur sur le fondement de l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil, et il appartient au maître de l'ouvrage de prouver le manquement à cette obligation, comme le préjudice qui en est directement résulté ; qu'en l'espèce, le constructeur voyait peser sur lui un devoir de conseil lui imposant de s'assurer que l'opération de construction envisagée prenait en compte les contraintes résultant de l'état d'enclavement de la parcelle ; que pour autant, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir pris en compte l'existence de servitudes différentes de celles dont il avait été informé ; qu'or, comme le constructeur le fait valoir, non seulement le coût du raccordement au réseau public a bien été pris en compte lors de la signature du contrat le 30 novembre 2012 puisque celui-ci, fixé à la somme de 6 000 euros, était stipulé réservé par le maître de l'ouvrage au titre des travaux dont il gardait la charge, comme cela résulte de la notice descriptive signée le même jour que le ccmi, mais en outre, il ne peut être reproché au constructeur de ne pas avoir pris en compte la bonne configuration de la parcelle, dès lors que c'est seulement le jour de la signature de l'acte authentique de vente de la parcelle sur laquelle la construction devait être édifiée, soit le 29 août 2013, huit mois plus tard, que la servitude qui devait servir au passage des canalisations à destination du réseau public a été créée ; qu'il ne peut donc pas être retenu de manquement du constructeur à son devoir de conseil, de sorte que le jugement doit être infirmé et le maître de l'ouvrage débouté ;
1°) ALORS QUE le constructeur est tenu à l'égard du maître de l'ouvrage d'un devoir de conseil lui imposant de vérifier la situation matérielle du terrain sur lequel sera implanté la construction ; qu'en écartant tout manquement du constructeur à son devoir de conseil portant sur la nature et l'importance des travaux nécessaires au raccordement de la construction au réseau public au motif inopérant qu'il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir pris en compte l'existence de servitudes dont il n'avait pas été informé, quand celui-ci était tenu de vérifier sur place l'existence de canalisations sur le terrain ou¿ à tout le moins à proximité, permettant un raccordement de la construction au réseau public, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, ensemble les articles L. 231-2 et R. 231-4 du code de la construction et de l'habitation ;
2°) ALORS QUE le constructeur est tenu à l'égard du maître de l'ouvrage d'un devoir de conseil portant sur le coût de la construction ; qu'en écartant toute manquement du constructeur à son devoir de conseil, sans répondre aux conclusions d'appel des maîtres de l'ouvrage, qui soutenaient que le constructeur avait procédé à une mauvaise évaluation globale du prix de la construction, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2021:C300172
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 11 février 2021
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 172 FS-P
Pourvoi n° F 19-22.943
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 FÉVRIER 2021
1°/ M. F... D...,
2°/ Mme N... X...,
domiciliés tous deux [...],
ont formé le pourvoi n° F 19-22.943 contre l'arrêt rendu le 2 avril 2019 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige les opposant à la société Sogesmi, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , exerçant sous la dénomination commerciale Sogesmi, Les demeures traditionnelles, défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Georget, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. D... et de Mme X..., de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la société Sogesmi, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 janvier 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Georget, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Boyer, Mme Abgrall, M. Jobert, conseillers, Mmes Renard, Djikpa, M. Zedda, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 2 avril 2019), M. D... et Mme X... ont conclu avec la société Sogesmi SAS (la société Sogesmi) un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture du plan comprenant une condition suspensive d'obtention par le constructeur de la garantie de livraison dans le délai de douze mois à compter de la signature de l'acte.
2. Le constructeur n'a pas obtenu la garantie de livraison sollicitée auprès de deux établissements.
3. Les maîtres de l'ouvrage, soutenant que le constructeur était responsable de ce refus de garantie, l'ont assigné en paiement de diverses sommes.
Examen des moyens
Sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. D... et Mme X... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de dommages-intérêts, alors « que le constructeur est tenu à l'égard du maître de l'ouvrage d'un devoir de conseil lui imposant de vérifier la situation matérielle du terrain sur lequel sera implanté la construction ; qu'en écartant tout manquement du constructeur à son devoir de conseil portant sur la nature et l'importance des travaux nécessaires au raccordement de la construction au réseau public au motif inopérant qu'il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir pris en compte l'existence de servitudes dont il n'avait pas été informé, quand celui-ci était tenu de vérifier sur place l'existence de canalisations sur le terrain ou¿ à tout le moins à proximité, permettant un raccordement de la construction au réseau public, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, ensemble les articles L. 231-2 et R. 231-4 du code de la construction et de l'habitation. »
Réponse de la cour
Recevabilité du moyen
5. La société Sogesmi conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le moyen, pris en sa première branche, est nouveau et mélangé de fait et, partant, irrecevable.
6. Toutefois, le moyen est né de l'arrêt.
7. Il est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et les articles L. 231-2 et R. 231-4 du code de la construction et de l'habitation :
8. Selon le premier de ces textes, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution.
9. Il résulte des deuxième et troisième que le contrat de construction de maison individuelle avec fourniture du plan doit comporter les énonciations relatives à la consistance et les caractéristiques techniques du bâtiment à construire comportant les raccordements aux réseaux divers. Est annexée à ce contrat une notice descriptive qui mentionne les raccordements de l'immeuble à l'égout et aux distributions assurées par les services publics, notamment aux distributions d'eau, de gaz, d'électricité ou de chauffage, en distinguant ceux qui sont inclus dans le prix et, s'il y a lieu, ceux dont le coût reste à la charge du maître de l'ouvrage.
10. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts pour manquement du constructeur à son devoir de conseil, l'arrêt retient que le coût du raccordement au réseau public a été pris en compte lors de la signature du contrat, le 30 novembre 2012, puisque celui-ci, fixé à la somme de 6 000 euros, était stipulé réservé par le maître de l'ouvrage au titre des travaux dont il conservait la charge, comme cela résultait de la notice descriptive signée le même jour que le contrat, d'autre part, il ne peut être reproché au constructeur de ne pas avoir pris en compte la bonne configuration de la parcelle, dès lors qu'il n'était pas informé de la servitude qui devait servir au passage des canalisations à destination du réseau public, laquelle n'avait été créée que le jour de la signature de l'acte authentique de vente de la parcelle sur laquelle la construction devait être édifiée, soit le 29 août 2013, par conséquent près de neuf mois plus tard ;
11. En statuant ainsi, alors qu'il incombe au constructeur de maison individuelle avec fourniture du plan de s'assurer de la nature et de l'importance des travaux nécessaires au raccordement de la construction aux réseaux publics, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'infirmant le jugement, il rejette la demande de dommages-intérêts de M. D... et Mme X... , l'arrêt rendu le 2 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne la société Sogesmi aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Sogesmi et la condamne à payer à M. D... et Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. D... et Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. D... et Mme X... de leur demande de condamnation de la société Sogesmi à leur payer la somme de 148 106,18 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE l'article 1178 devenu 1304-3 du code civil dispose que la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement ; qu'il incombe dès lors au maître de l'ouvrage de démontrer que la défaillance de la condition suspensive d'obtention de la garantie d'achèvement résulte d'une faute du constructeur ; qu'en l'espèce, si les refus de garantie ont été motivés par l'insuffisance de la marge et de la rentabilité de l'opération pour le constructeur, les éléments produits ne mettent en évidence aucun lien entre cette insuffisance de marge et la nécessité de faire passer par une servitude les réseaux destinés à être raccordés au domaine public, ni avec l'absence d'intégration, dans le prix, d'une dépense que le constructeur aurait omis indûment de prévoir, les échanges de courriers électroniques entre le maître de l'ouvrage et le constructeur ou son agent commercial, n'étant pas suffisants pour établir la preuve de l'existence d'une faute à l'origine de la défaillance de la condition suspensive ; que la transmission, par le constructeur, d'un devis pour la réalisation d'une tranchée ne permet pas d'affirmer que l'absence de chiffrage de ces prestations a été pris en compte par les organismes de garantie sollicités, étant relevé de surcroît que ce devis prévoit aussi la pose d'une pompe de relevage qui apparaît avoir été comprise dans le contrat litigieux ; qu'il doit encore être relevé que ce devis n'a pas été accepté par le maître de l'ouvrage, lequel n'a du reste pas envisagé la poursuite du contrat puisqu'au contraire, il a conclu un autre CCMI avec un autre constructeur, prenant dès lors acte de l'annihilation du contrat initial ; qu'il faut ajouter qu'aucun élément ne permet d'affirmer que la prise en compte correcte du coût de raccordement au réseau public aurait eu pour effet de permettre que l'opération de construction réponde davantage aux critères de rentabilité exigés par l'un ou l'autre des garants sollicités, pas plus qu'il n'est établi, alors que le constructeur a bien entrepris les démarches dans le délai de douze mois stipulé, que si les garants avaient été sollicités plus rapidement, leur réponse aurait été différente, l'affirmation du maître de l'ouvrage, selon laquelle le constructeur lui a indiqué que s'il prenait en charge les travaux de raccordement, le projet retrouverait une marge correcte lui permettant d'obtenir la garantie, n'étant pas établie par les pièces produites, le message électronique du 3 décembre 2013 ne contenant en aucun cas un tel engagement puisque se bornant à évoquer la fourniture d'un devis relatif au raccordement (devis qui ne sera pas accepté, comme il vient d'être relevé au paragraphe précédent) ;
1°) ALORS QUE la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement ; qu'en se bornant à retenir, pour écarter toute faute imputable au constructeur à l'origine de la défaillance de la condition suspensive relative à l'obtention d'une garantie de livraison, qu'il n'était pas établi que l'insuffisance de la marge et de la rentabilité de l'opération pour le constructeur qui avait justifié le refus de délivrance de la garantie de livraison aurait été en lien avec la sous-évaluation des travaux de raccordement, sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée, si ce refus n'avait pas été justifié par l'omission de plusieurs travaux – réalisation d'un mur de retenue de terre, revêtements des sols des chambres et des murs de l'ensemble de la maison et réparation de l'accès commun aux pavillons – lors de la fixation du prix de la construction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1178 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;
2°) ALORS QUE la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement ; qu'en se bornant à retenir, pour écarter toute faute imputable au constructeur à l'origine de la défaillance de la condition suspensive relative à l'obtention d'une garantie de livraison, qu'il n'était pas établi que l'insuffisance de la marge et de la rentabilité de l'opération pour le constructeur qui avait justifié le refus de délivrance de la garantie de livraison aurait été en lien avec la sous-évaluation des travaux de raccordement, sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée, si ce refus-ci n'avait pas été justifié par une mauvaise évaluation globale du prix de la construction imputable au constructeur – le prix s'étant avéré en moyenne de moitié inférieur à celui proposé par cinq autres constructeurs , la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1178 du code civil dans sa rédaction applicable au litige.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. D... et Mme X... de leur demande de condamnation de la société Sogesmi à leur payer la somme de 148 106,18 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QU'en ce qui concerne le devoir de consèil, il convient de préciser que, la caducité du contrat, à la différence de la nullité - qui n'a en l'espèce jamais été demandée et qui ne pouvait être relevée d'office - ne produisant d'effet que pour l'avenir, rien n'interdit de rechercher la responsabilité du constructeur sur le fondement de l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil, et il appartient au maître de l'ouvrage de prouver le manquement à cette obligation, comme le préjudice qui en est directement résulté ; qu'en l'espèce, le constructeur voyait peser sur lui un devoir de conseil lui imposant de s'assurer que l'opération de construction envisagée prenait en compte les contraintes résultant de l'état d'enclavement de la parcelle ; que pour autant, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir pris en compte l'existence de servitudes différentes de celles dont il avait été informé ; qu'or, comme le constructeur le fait valoir, non seulement le coût du raccordement au réseau public a bien été pris en compte lors de la signature du contrat le 30 novembre 2012 puisque celui-ci, fixé à la somme de 6 000 euros, était stipulé réservé par le maître de l'ouvrage au titre des travaux dont il gardait la charge, comme cela résulte de la notice descriptive signée le même jour que le ccmi, mais en outre, il ne peut être reproché au constructeur de ne pas avoir pris en compte la bonne configuration de la parcelle, dès lors que c'est seulement le jour de la signature de l'acte authentique de vente de la parcelle sur laquelle la construction devait être édifiée, soit le 29 août 2013, huit mois plus tard, que la servitude qui devait servir au passage des canalisations à destination du réseau public a été créée ; qu'il ne peut donc pas être retenu de manquement du constructeur à son devoir de conseil, de sorte que le jugement doit être infirmé et le maître de l'ouvrage débouté ;
1°) ALORS QUE le constructeur est tenu à l'égard du maître de l'ouvrage d'un devoir de conseil lui imposant de vérifier la situation matérielle du terrain sur lequel sera implanté la construction ; qu'en écartant tout manquement du constructeur à son devoir de conseil portant sur la nature et l'importance des travaux nécessaires au raccordement de la construction au réseau public au motif inopérant qu'il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir pris en compte l'existence de servitudes dont il n'avait pas été informé, quand celui-ci était tenu de vérifier sur place l'existence de canalisations sur le terrain ou¿ à tout le moins à proximité, permettant un raccordement de la construction au réseau public, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, ensemble les articles L. 231-2 et R. 231-4 du code de la construction et de l'habitation ;
2°) ALORS QUE le constructeur est tenu à l'égard du maître de l'ouvrage d'un devoir de conseil portant sur le coût de la construction ; qu'en écartant toute manquement du constructeur à son devoir de conseil, sans répondre aux conclusions d'appel des maîtres de l'ouvrage, qui soutenaient que le constructeur avait procédé à une mauvaise évaluation globale du prix de la construction, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.