Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 11 février 2021, 20-11.037, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 février 2021




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 171 FS-P+L

Pourvoi n° K 20-11.037




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 FÉVRIER 2021

La société Carsen, société civile immobilière, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° K 20-11.037 contre l'arrêt rendu le 14 novembre 2019 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 2), dans le litige l'opposant à Mme X... A..., épouse V..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Carsen, de la SCP Alain Bénabent, avocat de Mme A..., après débats en l'audience publique du 12 janvier 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Boyer, Jobert, conseillers, Mmes Georget, Renard, Djikpa, M. Zedda, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 14 novembre 2019), par acte notarié du 3 juillet 2015, la société civile immobilère Carsen (la SCI) a vendu à Mme A... épouse V... un immeuble à usage d'habitation composé de deux appartements.

2. Invoquant l'absence de raccordement de l'un de ces appartements au réseau d'assainissement collectif et la présence d'étais de chantiers dans des cloisons, Mme A... a assigné la SCI en résolution de la vente pour vices cachés, paiement de frais et indemnisation de ses préjudices.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La SCI fait grief à l'arrêt de limiter à l'immeuble vendu la restitution consécutive à la résolution de la vente, alors « que la restitution des fruits tirés du bien vendu étant une conséquence légale de la résolution de la vente, le juge qui prononce cette résolution est tenu de condamner le vendeur à restituer à l'acquéreur, en même temps que l'immeuble, les fruits de ce dernier entre la date de conclusion de la vente et la date de résolution ; que pour refuser à la SCI Carsen la restitution par Mme A... des loyers et de l'avantage fiscal perçus avant le prononcé de la résolution, la cour d'appel s'est contentée de relever que la SCI Carsen n'avait formé dans le dispositif de ses conclusions aucune demande à ce titre; qu'en statuant ainsi cependant qu'il lui appartenait de tirer les conséquences légales de la résolution qu'elle prononçait et donc d'ordonner d'office la restitution des fruits perçus par Mme A... entre la conclusion de la vente et sa résolution, la cour d'appel a violé l'article 1641du code civil, ensemble l'article 1644 du même code. »

Réponse de la Cour

4. Si la restitution des fruits générés par le bien depuis la vente constitue une conséquence légale de l'anéantissement du contrat, le juge ne peut la prononcer d'office, dès lors qu'en application des dispositions des articles 549 et 550 du code civil,,une telle restitution est subordonnée à la bonne foi du possesseur.

5. La cour d'appel a relevé que la SCI, qui soutenait que Mme A... ne pouvait à la fois solliciter la résolution de la vente avec les conséquences de droit en termes de restitutions et conserver les loyers perçus et l'avantage fiscal, ne formait cependant aucune demande à ce titre.

6. C'est par conséquent à bon droit qu'elle a limité la restitution à l'immeuble vendu.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la SCI Carsen aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la SCI Carsen et la condamne à payer à Mme A... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Carsen.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité à l'immeuble vendu la restitution par Madame X... A... épouse V... à la SCI Carsen en conséquence de la résolution de la vente conclue le 3 juillet 2015 ;

AUX MOTIFS QUE « Sur les restitutions : Par suite de la résolution de la vente, il y a lieu d'ordonner la restitution de l'immeuble à la SCI Carsen et la restitution du prix de vente d'un montant de 157.000 euros à Madame A.... La SCI Carsen sera également tenue au remboursement à l'acquéreur des frais occasionnés par la vente, conformément aux dispositions de l'article 1646 du code civil. Il résulte des dispositions de l'article 1961 du code général des impôts que la répétition des droits d'enregistrement d'un acte résolu pour vices cachés peut être réclamée auprès de l'administration fiscale. Par voie de conséquence, cette somme, d'un montant de 9 309 euros, n'est pas due par le vendeur. En revanche, Madame A... justifie avoir versé la somme de 2887,42 euros au titre des émoluments et frais notariés qui ne lui sera pas restituée par le notaire. La SCI Carsen sera tenue au remboursement à l'acquéreur de cette somme ainsi que des frais d'agence d'un montant de 9 000 euros, soit la somme totale de 11 887,42 euros. - Sur les dommages et intérêts : Madame A... sollicite la condamnation de la SCI Carsen à lui payer l'ensemble des frais liés à l'acquisition de l'immeuble (frais de prêt immobilier, intérêts, assurances, facture d'eau), le coût des travaux effectués ainsi que les impôts et assurance du bien. Elle se fonde sur les dispositions de l'article 1645 du code civil aux termes duquel : «Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.» La SCI Carsen soutient ne pas avoir eu connaissance de l'absence de raccordement d'un des deux appartements au réseau d'assainissement public et avoir indiqué de bonne foi le contraire dans l'acte de vente, la société ADR le lui ayant indiqué. Elle ajoute ne jamais avoir eu de difficulté pendant dix ans. À ce titre, elle produit une attestation de Madame Q... Y..., gérante de la société ADR de 2008 à 2013, qui indique avoir dit aux gérants de la SCI Carsen que le bâtiment était raccordé au tout-à-l'égout. Cette attestation, par ailleurs non conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile en ce que, dactylographiée, elle ne mentionne ni son lien éventuel avec la SCI Carsen, ni sa connaissance des sanctions pénales encourues en cas de fausse attestation et n'est pas accompagnée d'un justificatif d'identité de son auteur, n'est pas circonstanciée. En effet, elle ne précise pas dans quelles conditions elle aurait eu connaissance de ce raccordement et en aurait averti la SCI Carsen. Il y a lieu de considérer qu'elle n'a donc pas de valeur probante. Par ailleurs, il est précisé dans l'acte du 22 septembre 2004, par lequel la SCI Carsen a acquis ledit immeuble une clause : « Sur l'assainissement et les eaux usées : D'un courrier des services de Lille Métropole communauté urbaine en date du 17 août 2004 demeuré joint et annexé aux présentes après mention, il a été stipulé ce que suit : «Je vous informe qu'il n'y a pas de regard de branchement sur la partie publique ou droit de l'immeuble cité en objet ». L'enquête n'a donc pas déterminé si le branchement à l'égout existe ». « Le rejet direct des eaux usées dans ce secteur est autorisé ». Il ressort clairement de cette clause qu'un doute existait sur le raccordement de l'immeuble au réseau d'assainissement public lorsque la SCI l'a acquis en 2004. Dès lors, en affirmant dans l'acte de vente que les biens étaient raccordés au réseau d'assainissement public alors qu'elle avait été informée par son vendeur de l'absence de regards de branchement et qu'un doute sérieux existait à ce titre, la SCI Carsen a délibérément donné des informations erronées à son acquéreur lors de la revente du bien. Par ailleurs, la SCI Carsen, qui a acquis l'immeuble en 2004, ne peut soutenir ne pas avoir dû vidanger la fosse d'aisance pendant plus de dix ans alors que sa présence nécessite une vidange régulière et qu'elle-même soutient aux termes de ses conclusions qu'il est difficilement concevable que Madame A... ait « effectué une seule vidange en 2 ans ». La SCI Carsen, qui connaissait donc l'existence de ce vice, est redevable de l'ensemble des dommages et intérêts liés à la résolution de vente. Il en est ainsi de l'ensemble des commissions, frais, intérêts et assurances liés à l'emprunt immobilier, mais également de toutes les dépenses consécutives à la propriété du bien (assurance habitation propriétaire, taxes foncières) ainsi que des travaux d'amélioration qui ont été faits à perte, soit la somme totale de 28 914,05 euros. Ne sont en revanche pas dues les factures d'eau liées à l'usage du bien. Il sera relevé que la SCI Carsen, qui soutient que Madame A... ne peut à la fois solliciter la résolution de la vente avec les conséquences de droit en termes de restitutions et conserver les loyers perçus et l'avantage fiscal, ne forme cependant aucune demande à ce titre. La SCI Carsen sera dès lors condamnée à payer à Madame A... la somme de 28 914,05 euros à titre de dommages et intérêts. En revanche, Madame A... ne justifie pas de frais éventuels qu'elle devrait régler lors de la rétrocession de l'immeuble. Elle sera déboutée de cette demande (arrêt, p.6 à 8) » ;

1. ALORS QUE la restitution des fruits tirés du bien vendu étant une conséquence légale de la résolution de la vente, le juge qui prononce la résolution est tenu de condamner le vendeur à restituer à l'acquéreur, en même temps que l'immeuble, les fruits de ce dernier entre la date de conclusion de la vente et la date de résolution ; que pour refuser à la SCI Carsen la restitution par Mme A... des loyers et de l'avantage fiscal perçus avant le prononcé de la résolution, la cour d'appel s'est contentée de relever que la SCI Carsen n'avait formé dans le dispositif de ses conclusions aucune demande à ce titre ; qu'en statuant ainsi cependant qu'il lui appartenait de tirer les conséquences légales de la résolution qu'elle prononçait et donc d'ordonner d'office la restitution des fruits perçus par Mme A... entre la conclusion de la vente et sa résolution, la cour d'appel a violé l'article 1641 du code civil, ensemble l'article 1644 du même code. ECLI:FR:CCASS:2021:C300171
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