Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 2 septembre 2020, 18-25.642, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 1

JT



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 2 septembre 2020




Cassation partielle sans renvoi


Mme BATUT, président



Arrêt n° 485 F-D

Pourvoi n° U 18-25.642




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 SEPTEMBRE 2020

1°/ J... R... , veuve Z..., ayant été domiciliée [...] , décédée en cours d'instance, représentée par ses ayants droit,

2°/ M. N... Z...,

3°/ Mme X... Z...,

4°/ Mme O... Z...,

tous trois domiciliés [...] ,

5°/ M. Q... Z..., domicilié [...] ),

ont formé le pourvoi n° U 18-25.642 contre l'arrêt rendu le 16 mai 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (6e chambre D), dans le litige les opposant :

1°/ à M. B... Z..., domicilié [...] ,

2°/ à Mme W... Z..., épouse V... , domiciliée [...] ,

3°/ à D... Z..., épouse H... , ayant été domiciliée [...] , décédée,

4°/ à M. B... A... Z..., domicilié [...] ,

5°/ à M. C... Z..., domicilié [...] ,

6°/ à Mme S... Z..., épouse F... , domiciliée [...] ,

7°/ à M. P... Z..., domicilié [...] ,

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de MM. N... et Q... Z... et de Mmes X... et O... Z..., après débats en l'audience publique du 9 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Reprise d'instance

1. Il est donné acte à Mmes X... et O... Z... et M. Q... Z... de ce que, en tant qu'héritiers de J... R... , qui est décédée le [...], ils reprennent l'instance par elle introduite.

Désistement partiel

2. Il est donné acte à Mmes X... et O... Z... et MM. N... et Q... Z... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre D... Z....

Faits et procédure

3. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 mai 2018), à la suite du décès de leurs parents, T... Z... et K... I... , Q... Z... et ses six frères et soeurs se sont retrouvés en indivision sur différents immeubles. Q... Z... est décédé le [...], laissant pour lui succéder son épouse J... R... et ses quatre enfants, X..., O..., N... et Q..., qui ont hérité de ses droits dans l'indivision. Des difficultés sont survenues au cours des opérations de partage de cette indivision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Mmes X... et O... Z... et MM. N... et Q... Z... font grief à l'arrêt d'ordonner le partage et la liquidation de la succession de T... Z... et de K... I... , alors « qu'à peine d'irrecevabilité, l'assignation en partage doit préciser les diligences entreprises par le demandeur en vue de parvenir à un partage amiable ; qu'en se bornant à énoncer, pour juger que l'assignation en partage était recevable et ainsi ordonner le partage et la liquidation de la succession de T... Z... et de K... Z..., qu'il était justifié aux débats de démarches amiables afin d'aboutir à un partage amiable devant M. E..., notaire, et que M. N... Z... agissant pour le compte de l'hoirie Z... avait fait savoir qu'il s'opposait à la proposition de partage telle que faite par le notaire, sans indiquer, précisément, quelles diligences les demandeurs avaient entreprises en vue de parvenir à un partage amiable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1360 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Sous le couvert d'un grief non fondé de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, les appréciations souveraines par lesquelles la cour d'appel a estimé qu'une lettre du 28 mars 2003 par laquelle M. N... Z..., agissant pour l'hoirie Z..., avait fait savoir qu'il s'opposait à la proposition de partage, telle que faite par le notaire, justifiait de démarches amiables antérieures à l'assignation afin d'aboutir à un partage amiable.

6. Le moyen ne peut donc être accueilli.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. Mmes X... et O... Z... et MM. N... et Q... Z... font grief à l'arrêt de les condamner à verser la somme de 2 000 euros à MM. B..., B... M..., C... et P... Z... et Mmes V... et F... à titre de dommages-intérêts, alors « qu'un appel abusif suppose l'existence de circonstances de nature à faire dégénérer en faute le droit de l'appelant d'agir en justice ; qu'en énonçant, pour condamner l'hoirie Q... Z... à verser la somme de 2 000 euros à MM. B..., B... M..., C... et P... Z... et Mmes V... et F... à titre de dommages-intérêts, que son appel, apparaissant dénué d'objet sérieux, revêtait un caractère abusif causant nécessairement un préjudice aux intimés, lequel serait justement réparé à hauteur de 2 000 euros pour l'ensemble d'entre eux, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser un abus du droit d'agir en justice, violant ainsi, l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1382, devenu 1240, du code civil, et 559 du code de procédure civile :

8. Il résulte de ces textes que seule une faute de l'appelant faisant dégénérer en abus l'exercice de la voie de recours qui lui était ouverte peut donner lieu à l'octroi de dommages-intérêts pour appel abusif.

9. Pour condamner Mmes X... et O... Z... et MM. N... et Q... Z... à verser la somme de 2 000 euros à MM. B..., B... M..., C... et P... Z... et Mmes V... et F... à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que l'appel des premiers, apparaissant dénué d'objet sérieux, revêt un caractère abusif causant nécessairement un préjudice aux seconds.

10. Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser les circonstances de nature à faire dégénérer en abus l'exercice par l'appelant de son droit d'appel, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

13. Aucune faute précise n'étant reprochée à Mmes X... et O... Z... et MM. N... et Q... Z..., la demande de MM. B..., B... M..., C... et P... Z... et Mmes V... et F... tendant au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ne peut être accueillie.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne J... R... , Mmes X... et O... Z... et MM. N... et Q... Z... à verser la somme de 2 000 euros à MM. B..., B... M..., C... et P... Z... et Mmes V... et F... à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 16 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

REJETTE la demande de MM. B..., B... M..., C... et P... Z... et Mmes V... et F... ;

Condamne MM. B..., B... M..., C... et P... Z... et Mmes V... et F... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mmes X... et O... Z... et MM. N... et Q... Z... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux septembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour MM. N... et Q... Z... et Mmes X... et O... Z...,

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Mme J... R... , M. N... Z..., Mme X... Z..., Mme O... Z... et M. Q... Z... font grief à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné le partage et la liquidation de la succession de T... Z... et de K... Z... ;

AUX MOTIFS QU'en vertu de l'article 1360 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, l'assignation en partage contient un descriptif sommaire du patrimoine à partager et précise les intentions du demandeur quant à la répartition des biens ainsi que les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable ; la demande initiale telle que portée au fond devant le tribunal de grande instance de Tarascon est celle de l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de T... Z... décédé le [...] et de son épouse K... I... décédée le [...], d'où provient la masse indivise objet du litige ; que sur le descriptif sommaire du patrimoine à partager ; qu'il ressort de l'exploit introductif les références cadastrales des parcelles incluses dans l'indivision ; que ces références suffisent à répondre à la condition de l'existence d'un descriptif sommaire ; que sur les intentions des demandeurs quant à la répartition des biens ; que les premiers juges ont justement retenu que les intentions des demandeurs quant à la répartition des biens ressortaient de l'objet de leur demande initiale, à savoir un rachat des parts indivises de l'hoirie Q... Z... ; que cette deuxième condition légale est remplie ; que sur les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable ; qu'il est justifié aux débats de démarches amiables afin d'aboutir à un partage amiable devant Maître G... E..., notaire à [...] ; que par une correspondance en date du 28 mars 2033, N... Z... agissant pour le compte de l'hoirie Z... a fait savoir qu'il s'opposait à la proposition de partage telle que faite par le notaire ; qu'ainsi, la démonstration de l'existence de diligences est établie ; que les conditions de l'article 1360 du code de procédure civile étant remplies, c'est donc à bon droit que les premiers juges ont ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de T... Z... et de son épouse K... I... ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE selon l'article 1360 du code de procédure civile, l'assignation en partage contient à peine d'irrecevabilité un descriptif sommaire du patrimoine à partager et précise les intentions du demandeur quant à la répartition des biens ainsi que les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable ; que force est de constater en l'espèce que cette exigence a été respectée puisque l'exploit introductif d'instance mentionne les références cadastrales des parcelles incluses dans l'indivision ; que l'article 1360 du code civil est d'interprétation stricte et il n'est nullement exigée une description précise de la composition active et passive de masse indivise ; que les intentions des demandeurs quant à la répartition des biens ressortent par ailleurs de l'objet de leur demande initiale ; qu'aucune irrecevabilité de l'assignation ne saurait dès lors être encourue de ce chef ; qu'aux termes de l'article 815 du code civil nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et le partage peut toujours être provoqué à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement ou convention ; qu'il ressort des explications respectives des parties que la masse indivise provient de la succession de Monsieur T... L... Y... Z... décédé le [...] à [...] et de Madame K... I... veuve de Monsieur T... Z... décédée le [...] dans la même commune ; qu'il est en outre constant qu'aucun accord amiable n'a pu aboutir entre les parties, sans que le tribunal n'ait à apprécier le bien fondé des différentes propositions qui ont pu être formulées dans ce cadre amiable ;

ALORS QU'à peine d'irrecevabilité, l'assignation en partage doit préciser les diligences entreprises par le demandeur en vue de parvenir à un partage amiable ; qu'en se bornant à énoncer, pour juger que l'assignation en partage était recevable et ainsi ordonner le partage et la liquidation de la succession de T... Z... et de K... Z..., qu'il était justifié aux débats de démarches amiables afin d'aboutir à un partage amiable devant Me E..., notaire, et que M. N... Z... agissant pour le compte de l'hoirie Z... avait fait savoir qu'il s'opposait à la proposition de partage telle que faite par le notaire, sans indiquer, précisément, quelles diligences les demandeurs avaient entreprises en vue de parvenir à un partage amiable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1360 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Mme J... R... , M. N... Z..., Mme X... Z..., Mme O... Z... et M. Q... Z... font grief à l'arrêt attaqué de les avoir condamnés à verser la somme de 2.000 € à M. B... Z..., Mme W... Z..., M. B...-A... Z..., M. C... Z..., Mme S... Z... et M. P... Z... à titre de dommages et intérêts.

AUX MOTIFS QU'en vertu de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que l'appel de l'hoirie Q... Z... apparaissant dénué d'objet sérieux, revêt un caractère abusif causant nécessairement un préjudice aux intimés, lequel sera justement réparé à hauteur de 2.000 euros pour l'ensemble d'entre eux ;

ALORS QU'un appel abusif suppose l'existence de circonstances de nature à faire dégénérer en faute le droit de l'appelant d'agir en justice ; qu'en énonçant, pour condamner l'hoirie Q... Z... à verser la somme de 2.000 € à M. B... Z..., Mme W... Z..., M. B...-A... Z..., M. C... Z..., Mme S... Z... et M. P... Z... à titre de dommages et intérêts, que son appel, apparaissant dénué d'objet sérieux, revêtait un caractère abusif causant nécessairement un préjudice aux intimés, lequel serait justement réparé à hauteur de 2.000 € pour l'ensemble d'entre eux, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser un abus du droit d'agir en justice, violant ainsi, l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.ECLI:FR:CCASS:2020:C100485
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