Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 3 février 2021, 19-12.193, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 3 février 2021




Cassation partielle


M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 170 F-D

Pourvoi n° W 19-12.193







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 FÉVRIER 2021

M. F... N..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° W 19-12.193 contre l'arrêt rendu le 13 décembre 2018 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Les Ateliers du Chêne, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

2°/ à la société Charlois premium logistique, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , anciennement dénommée société Transports Thomas,

défenderesses à la cassation.

La société Les Ateliers du Chêne a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. N..., de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Les Ateliers du Chêne, après débats en l'audience publique du 9 décembre 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. N... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Charlois premium logistique, anciennement dénommée Transports Thomas.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 13 décembre 2018), M. N... a été engagé le 24 juin 1999 par la société Malviche, devenue société Les Ateliers du Chêne, en qualité de conducteur de camions.

3. Contestant son licenciement pour motif économique intervenu le 18 octobre 2013, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, alors « que le versement de primes ne peut tenir lieu de paiement d'heures supplémentaires qui ne donnent pas lieu uniquement à un salaire majoré mais, d'une part, doivent s'exécuter dans le cadre d'un contingent annuel et, d'autre part, ouvrent droit à un repos compensateur ; qu'en jugeant au contraire, pour débouter le salarié de sa demande de rappel d'heures supplémentaires, après avoir constaté que "le nombre d'heures supplémentaires prétendues est établi par les agendas, les feuilles de présence, le décompte versé aux débats par M. N...", que "cependant la SAS Malviche justifie avoir payé ces temps de travail sous forme de primes de rendement", la cour d'appel a violé l'article L. 3121-22 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3121-22 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

6. Selon ce texte, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.

7. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que le nombre d'heures supplémentaires prétendues est établi par les agendas, les feuilles de présence, le décompte versé aux débats par le salarié, que cependant l'employeur justifie avoir payé ces temps de travail sous forme de primes de rendement.

8. En statuant ainsi, alors que le versement de primes ne peut tenir lieu de paiement d'heures supplémentaires qui ne donnent pas lieu uniquement à un salaire majoré mais, d'une part, doivent s'exécuter dans le cadre d'un contingent annuel et, d'autre part, ouvrent droit à un repos compensateur, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen du pourvoi principal du salarié, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé, alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation relatif à la demande du salarié en rappel de salaire pour heures supplémentaires, emportera par voie de conséquence la cassation du chef de l'arrêt déboutant le salarié de sa demande au titre du travail dissimulé, fondée sur l'absence de mention des heures supplémentaires sur le bulletin de paie, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

10. La cassation à intervenir des dispositions de l'arrêt portant sur les heures supplémentaires entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif relatif à l'indemnité de travail dissimulé, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. N... de ses demandes en paiement au titre des heures supplémentaires outre les congés payés afférents, et au titre de l'indemnité pour travail dissimulé, l'arrêt rendu le13 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Condamne la société Les Ateliers du Chêne aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Les Ateliers du Chêne et la condamne à payer à M. N... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour M. N..., demandeur au pourvoi principal


PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'avoir débouté le salarié de sa demande en paiement au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE M. N... sollicite le paiement d'heures supplémentaires accomplies du mois de février 2009 au mois d'octobre 2013, soit la somme totale de 48 414,06 € ; que cette demande se prescrit par cinq ans, en application de la loi du 17 juin 2008, ce nouveau délai courant, à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'en l'espèce, M. N... a saisi le conseil de prud'hommes, le 9 janvier 2014, en sorte que ses demandes ne sont pas prescrites ; qu'aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que le même texte précise qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que le nombre d'heures supplémentaires prétendues est établi par les agendas, les feuilles de présence, le décompte versé aux débats par M. N... ; que cependant la SAS Malviche justifie avoir payé ces temps de travail sous forme de primes de rendement ; que l'appelant ne saurait être rémunéré deux fois pour une même prestation, sauf à admettre qu'il pourrait bénéficier d'un paiement sans cause ; qu'en conséquence, M. N... doit être débouté de sa demande en paiement de la somme de 48 414,06 € et des congés payés afférents ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE M. F... N... sollicite des sommes au titre des années 2009 à 2013 soit sur cinq ans, la rupture de son contrat de travail a lieu le 18 octobre 2013 ; que par application de l'article L. 3245-1 du code du travail, modifié par la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, art. 21 l'action en paiement se prescrit par trois ans ; que M. F... N... a déposé sa demande auprès du conseil des prud'hommes le 9 janvier 2014 ; que cette demande ne peut porter que sur la période du 19 octobre 2010 au 18 octobre 2013 ; que les heures supplémentaires majorées à 25 % figurant dans les feuilles de salaire ont bien été payées ; que les sommes correspondant aux heures supplémentaires majorées à 50 % sont inscrites dans les feuilles de salaires sous forme de prime de rendement et ont bien été payées à M. F... N..., même si celles-ci apparaissent sous forme de prime ; qu'il était d'usage dans la société de payer ces heures à 50 % sous la forme d'une prime de rendement (pièces 23-24-25) d'un commun accord entre les salariés et l'employeur ; qu'en l'espèce, le Conseil estime que le salarié ne saurait prétendre à un nouveau paiement de ces heures et que l'équité commande en conséquence de ne pas faire droit à sa demande ; que les comptes d'heures portées par M. F... N... sur les feuilles de présence (pièce 28) fournies par l'entreprise Malviche ont bien été payés sauf la pause déjeuner d'une heure imposée à tous les salariés de l'entreprise (pièce 29) et non 10 à 15 minutes comme indiqué par M. F... N... ; qu'en octobre 2010 et octobre 2013, la SAS Malviche a versé 14 200 € au titre des heures à 25 % et 26 860 € au titre des heures à 50 % montant total 41 060 (pièce 27) ; que M. F... N... livrait des palettes en partant entre 3 ou 4 heures du matin et devait attendre l'ouverture des entreprises (pièces 22, 23, 24), les horaires non justifiés permettaient aux chauffeurs d'être libérés plus tôt de leur travail ; que M. F... N... se réfère au contingent de 130 heures supplémentaires résultant de l'accord du 10 octobre 2000, mais cet accord a été remplacé par l'accord de 2009 fixant le contingent à 220 heures ; que ses demandes sont rejetées ;

1°) ALORS QUE le versement de primes ne peut tenir lieu de paiement d'heures supplémentaires qui ne donnent pas lieu uniquement à un salaire majoré mais, d'une part, doivent s'exécuter dans le cadre d'un contingent annuel et, d'autre part, ouvrent droit à un repos compensateur ; qu'en jugeant au contraire, pour débouter le salarié de sa demande de rappel d'heures supplémentaires, après avoir constaté que « le nombre d'heures supplémentaires prétendues est établi par les agendas, les feuilles de présence, le décompte versé aux débats par M. N... », que « cependant la SAS Malviche justifie avoir payé ces temps de travail sous forme de primes de rendement », la cour d'appel a violé l'article L. 3121-22 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige ;

2°) ALORS QUE les dispositions régissant le paiement des heures supplémentaires constituent des dispositions d'ordre public auxquelles il ne peut être dérogé ; qu'en retenant, pour débouter le salarié de sa demande de rappel d'heures supplémentaires, que « l'appelant ne saurait être rémunéré deux fois pour une même prestation, sauf à admettre qu'il pourrait bénéficier d'un paiement sans cause », lorsque le versement par l'employeur de primes correspondant à la rémunération déguisée d'heures supplémentaires ne saurait faire obstacle à la demande en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires présentée par le salarié, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QU'EN TOUT ETAT DE CAUSE, il appartenait au juge, saisi d'une demande en paiement d'heures supplémentaires, de rechercher si la totalité des heures supplémentaires accomplies par le salarié, pour un montant total de 48 414,06 €, avait été rémunérée sous forme de prime ; qu'en s'abstenant d'effectuer une telle recherche, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 3121-22 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige.


SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'avoir débouté le salarié de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges, en relevant que l'employeur avait communiqué aux organismes sociaux les éléments établissant la réalité des prestations de travail accomplies par M. N..., ont justement débouté ce dernier de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé ; que cette décision doit être confirmée ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article L. 8221-5 du code du travail expose : « est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour l'employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de certaines formalités (déclaration préalable à l'embauche, remise des bulletins de paye avec mention du nombre d'heures de travail réellement accomplies) ; des déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale » ; que les pièce versées au dossier, les relevés de présence (pièce 28) fournis par l'entreprise et validés par le salarié démontrent que l'employeur n'a pas une volonté de vouloir dissimuler des heures de travail ; que tous les organismes sociaux ont été réglés et que M. F... N... a reçu les sommes qui lui étaient dues, la rémunération sous forme de prime ne reposait sur aucune intention de l'employeur de se soustraire aux formalités énumérées à l'article L. 8221-5 du code du travail ; que par conséquent, le Conseil estime que l'infraction pour travail dissimulé n'est pas caractérisée ;

1°) ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation relatif à la demande du salarié en rappel de salaire pour heures supplémentaires, emportera par voie de conséquence la cassation du chef de l'arrêt déboutant le salarié de sa demande au titre du travail dissimulé, fondée sur l'absence de mention des heures supplémentaires sur le bulletin de paie, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le fait pour l'employeur d'avoir volontairement déguisé la rémunération d'heures supplémentaires sous forme de primes démontre l'intention de l'employeur de se soustraire aux formalités énumérées à l'article L. 8221-5 du code du travail et caractérise la dissimulation d'emploi salarié ; qu'en jugeant au contraire, pour débouter le salarié de sa demande au titre du travail dissimulé, que « les pièce versées au dossier, les relevés de présence (pièce 28) fournis par l'entreprise et validés par le salarié démontrent que l'employeur n'a pas une volonté de vouloir dissimuler des heures de travail ; que tous les organismes sociaux ont été réglés et que M. F... N... a reçu les sommes qui lui étaient dues, la rémunération sous forme de prime ne reposait sur aucune intention de l'employeur de se soustraire aux formalités énumérées à l'article L. 8221-5 du code du travail », la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations, a manifestement violé l'article L. 8221-5 du code du travail, alors applicable. Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Les Ateliers du Chêne, demanderesse au pourvoi incident


IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. N... ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la SAS Malviche, désormais dénommée SAS Les Ateliers du Chêne, à payer au salarié les sommes de 2 330,21 € au titre du solde d'indemnité de licenciement, 6 473,34 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 647,33 € au titre des congés payés afférents, 20 000 € nette à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 1000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de l'indemnité allouée à ce titre en premier ressort,

AUX MOTIFS PROPRES QUE « attendu qu'aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa version applicable au présente litige, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusé par le salarié, d'un élément essentiel du contrat du travail, consécutives, notamment, à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; attendu que, par lettre du 4 octobre 2013, la SAS Malviche a notifié à M. N... son licenciement pour motif économique ; attendu qu'il convient de constater que, dans cette missive, l'employeur se borne à mentionner l'abandon du service transports, sans en indiquer la cause, sans faire état de difficultés économiques, de mutations technologiques ou de la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; que, de plus, la SAS Malviche ne produit aucune pièce comptable ou financière, telle qu'un bilan, établissant des difficultés financières ; qu'il n'est pas justifié de la baisse de l'activité ou de la perte de marchés ou de résultats déficitaires ou de tout événement mettant en péril la pérennité de l'entreprise ; que l'employeur ne prouve pas davantage qu'il a satisfait à l'obligation de rechercher loyalement le reclassement de M. N..., telle que définie par l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige ; qu'en effet, les lettres qu'il a dressées aux autres entreprises du groupe, à savoir le groupe Charlois, pour les interroger sur l'existence d'emplois disponibles, ne mentionne pas la formation, la qualification, le parcours et l'expérience professionnelle de M. N... ; attendu que, dans ces conditions, le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse » ;

ET AUX MOTIFS à les supposer ADOPTES QUE « attendu qu'il ressort des pièces et des débats que le motif économique invoqué par la société Malviche n'est pas énoncé de façon claire dans la lettre de licenciement (pièce n° 3), attendu que la lettre de licenciement doit préciser les difficultés économiques selon les critères de l'article L. 1233-3 du code du travail, ainsi que les conséquences sur l'emploi (Cass.soc. 27 mars 2012 n° 11-14223), attendu que le cadre d'appréciation du motif économique ne peut se cantonner à la seule entreprise qui souhaite licencier pour motif économique mais au niveau de l'ensemble du groupe ; en conséquence, la licenciement économique est requalifié sans cause réelle et sérieuse » ;

1.ALORS QU'est suffisamment motivée la lettre de licenciement dont il se déduit une réorganisation de l'entreprise et son incidence sur l'emploi du salarié ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement faisait état de la fermeture du service transport de l'entreprise et indiquait, par référence à un courrier du 13 septembre 2013, la suppression du poste de chauffeur qui en résultait ; qu'en jugeant que la lettre de licenciement n'était pas suffisamment motivée, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-2, L. 1233-3 et L. 1233-16 du code du travail dans leur rédaction applicable à l'espèce ;

2. ALORS QUE la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement lorsqu'elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; que la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ne suppose pas qu'elle soit déficitaire, ni même que sa pérennité soit en cause, mais seulement qu'existe un risque pour l'avenir qu'il convient de prévenir ; qu'en l'espèce, la société Ateliers du chêne expliquait qu'elle avait été contrainte de supprimer le service transport dont les charges ne pouvaient plus être supportées par les revenus d'activité et rappelait qu'une telle réorganisation constituait un motif économique de licenciement lorsqu'elle était effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise (conclusions p. 3) ; qu'en retenant, pour dire que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, que la société ne produisait aucune pièce comptable établissant des difficultés financières et qu'il n'était pas justifié d'événement mettant en péril la pérennité de l'entreprise, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce ;

3. ALORS QUE la réorganisation constitue un motif économique de licenciement lorsqu'elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; qu'en l'espèce, pour justifier de la nécessité de procéder à une réorganisation de l'entreprise la société Ateliers du chêne versait aux débats un tableau faisant état d'une baisse constante, régulière et alarmante du nombre de palettes fabriquées dans l'entreprise entre 2010 et 2014 (pièce n° 1), un récapitulatif des frais engagés au titre du transport de ces palettes sur la même période (pièce n° 2) ainsi que des éléments chiffrés qui permettaient de constater que si la part de chiffre d'affaires réalisée au titre de la vente de palettes était de 42,28 % en 2011, elle n'était plus que de 9,83 % en 2014 (pièce n° 3) ; qu'en se bornant, pour juger que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, à énoncer qu'il n'était pas justifié de la baisse d'activité ou de la perte de marchés ou de résultats déficitaires ou de tout événement mettant en péril la pérennité de l'entreprise, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les éléments invoqués ne constituaient pas une menace pour la compétitivité de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce ;

4. ALORS QUE lorsque l'entreprise fait partie d'un groupe, la cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau du secteur d'activité du groupe dont elle relève ; que lorsque l'entreprise appartient à un groupe mais est la seule dans son secteur d'activité, le motif économique s'apprécie alors à son seul niveau ; qu'en l'espèce, la société employeur soutenait être la seule entreprise du groupe ayant pour activité la fabrication de palettes (conclusions d'appel, p. 2 et 3) ; qu'en énonçant, par motifs adoptés, que le cadre d'appréciation du motif économique ne pouvait se cantonner à la seule entreprise qui souhaite licencier pour motif économique mais devait se faire au niveau de l'ensemble du groupe, sans caractériser en quoi toutes les entreprises du groupe relevaient du même secteur d'activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;

5. ALORS QUE procède à une recherche loyale de reclassement l'employeur qui consulte les autres sociétés du groupe en indiquant le poste en dernier lieu occupé par le salarié, sans qu'il soit besoin, à ce stade, de préciser d'autres éléments ; qu'en l'espèce, dans le cadre de ses recherches de reclassement la société Ateliers du chêne, alors dénommée Malviche, avait adressé un courrier aux autres sociétés du groupe Charlois en précisant pour chacun des salariés concernés leur fonction, leur âge et leur ancienneté dans l'entreprise ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir, à ce stade de la recherche, précisé la formation, la qualification, le parcours et l'expérience professionnelle des chauffeurs pour lesquels un reclassement était recherché, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du Code du travail, dans sa rédaction applicable à l'espèce.ECLI:FR:CCASS:2021:SO00170
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