Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 27 janvier 2021, 18-20.702, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 27 janvier 2021, 18-20.702, Inédit
Cour de cassation - Chambre commerciale
- N° de pourvoi : 18-20.702
- ECLI:FR:CCASS:2021:CO00079
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 27 janvier 2021
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 03 juillet 2018- Président
- Mme Darbois (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 27 janvier 2021
Cassation partielle
Mme DARBOIS, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président
Arrêt n° 79 F-D
Pourvoi n° Z 18-20.702
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 27 JANVIER 2021
1°/ la société France Quick, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
2°/ la société Quick restaurants, société anonyme de droit belge, dont le siège est [...],
ont formé le pourvoi n° Z 18-20.702 contre l'arrêt rendu le 3 juillet 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige les opposant à la société des Etablissements Bougro Sodebo, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Mollard, conseiller, les observations de Me Bertrand, avocat des sociétés France Quick et Quick restaurants, de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la société des Etablissements Bougro Sodebo, après débats en l'audience publique du 1er décembre 2020 où étaient présents Mme Darbois, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Mollard, conseiller rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 juillet 2018), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 8 juin 2017, pourvoi n° 15-20.966), la société de droit belge Quick restaurants, société mère du groupe Quick, est titulaire de la marque internationale couvrant la France « Giant », enregistrée auprès de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (l'OMPI) le 14 juin 2006, sous le n° 892 802, pour désigner divers produits alimentaires et services de restauration figurant dans les classes 29, 30 et 43, notamment, en classes 29 et 30, les « aliments, mets et plats préparés, non compris dans d'autres classes, en particulier articles de fast food ». La société France Quick, filiale de la société Quick restaurants, gère la chaîne de restauration à l'enseigne « Quick » sur le territoire français, pour lequel elle détient la licence de la marque « Giant. »
2. La société Etablissements Bougro Sodebo (la société Sodebo) a, le 3 février 2011, déposé auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI), sous le n° 11 3 803 212, la marque « Pizza Giant Sodebo » pour désigner divers produits en classe 29 et 30 et a, à compter du printemps 2011, commercialisé dans les supermarchés une gamme de pizzas conditionnées en parts individuelles, sous la dénomination « Pizza Giant. »
3. Les sociétés Quick restaurants et France Quick (les sociétés Quick) ont assigné la société Sodebo en annulation de la marque « Pizza Giant Sodebo », en contrefaçon de la marque « Giant » et en concurrence déloyale et parasitaire.
4. La société Sodebo a demandé reconventionnellement l'annulation de la partie française de la marque « Giant » pour défaut de distinctivité.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa sixième branche, ci-après annexée
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
6. Les sociétés Quick font grief à l'arrêt de prononcer la nullité de la partie française de la marque internationale « Giant » n° 892 802, de dire que la partie la plus diligente ferait parvenir à l'INPI cette décision lorsque celle-ci serait définitive et, en conséquence, de déclarer irrecevables les demandes en contrefaçon de la marque « Giant » n° 892 802, de nullité de la marque française « Pizza Giant Sodebo » n° 11 3 803 212 et pour atteinte à la marque renommée « Giant » n° 892 802, formées par la société Quick restaurants, alors :
« 1°/ que la distinctivité intrinsèque de la marque s'apprécie au regard des caractéristiques du produit tel que désigné dans l'enregistrement ; qu'en considérant que le terme « Giant » était, à la date du dépôt de la marque, dépourvu de toute distinctivité intrinsèque, au motif que ce terme, appliqué aux hamburgers commercialisés par les sociétés Quick, avait "vocation à désigner la dimension importante de l'aliment", sans examiner la distinctivité intrinsèque de la marque au regard des caractéristiques des produits tels que désignés dans l'enregistrement, lequel ne définissait pas ces produits avec mention d'une dimension particulière, la cour d'appel a violé l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ;
2°/ que, pour apprécier le caractère intrinsèquement distinctif d'un signe lors de son dépôt à titre de marque, le juge peut, sans erreur de droit, prendre en considération des éléments qui, bien que postérieurs à la date de ce dépôt, permettent de tirer des conclusions sur la situation telle qu'elle se présentait à cette date ; qu'en tenant le sondage réalisé du 17 au 18 septembre 2004 [lire 2014], d'où il résultait que 44 % des français interrogés associaient le mot « Giant » à une marque ou un produit, c'est-à-dire percevaient ce mot comme étant apte à remplir la fonction de la marque d'identification d'une origine commerciale, pour indifférent à son appréciation du caractère intrinsèquement distinctif du signe pour la raison que ce sondage était postérieur de huit ans à son dépôt à titre de marque, la cour d'appel a violé l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle. »
Réponse de la Cour
7. D'une part, après avoir relevé que, dans le domaine des produits alimentaires, il est courant d'utiliser des adjectifs qui décrivent la caractéristique mise en avant, notamment s'agissant des quantités importantes ou réduites, et que, dans le domaine des hamburgers, les quantités importantes sont souvent mises en avant dans la dénomination même du produit, qui est systématiquement anglaise, l'arrêt retient que la banalité de l'usage des termes « long », « big », « double » ou tous autres exprimant la quantité dans le secteur du « fast food » impose que ces signes usuels restent à la disposition de toutes les personnes qui y exercent leur activité et qu'aucun concurrent ne puisse les monopoliser et priver les autres de leur libre usage dans leur profession. Il retient également que l'adjectif anglais « Giant », était, à la date du dépôt de la marque « Giant », nécessairement compris par le consommateur francophone de produits alimentaires et de restauration, en particulier d'articles de « fast food », comme signifiant géant et, par extension, énorme et qu'il désignait ainsi une caractéristique des produits désignés par la marque, en l'occurrence leur quantité.
8. Ayant, par ces motifs, apprécié le caractère distinctif du signe « Giant » à l'égard des produits ou services désignés dans la demande de marque, la cour d'appel a pu retenir qu'à la date du dépôt de celle-ci, le signe « Giant » était dépourvu de toute distinctivité.
9. D'autre part, en retenant qu'il est indifférent que, selon un sondage réalisé les 17 et 18 septembre 2014, 44 % des Français associent le mot « Giant » à une marque ou un produit, la cour d'appel n'a pas considéré qu'un élément postérieur à la date du dépôt ne puisse pas être pris en considération, mais a estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation du caractère probant des éléments produits devant elle, que ce sondage ne permettait pas de tirer des conclusions sur la situation telle qu'elle se présentait au moment de l'enregistrement de la marque « Giant » auprès de l'OMPI, le 14 juin 2006.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches
Enoncé du moyen
11. Les sociétés Quick font le même grief à l'arrêt, alors :
« 3°/ que le caractère distinctif d'une marque peut être acquis en conséquence de l'usage de cette marque ; que pour déterminer si une marque a acquis un caractère distinctif par l'usage, il convient d'apprécier globalement les éléments qui peuvent démontrer que la marque est devenue apte à identifier le service concerné comme provenant d'une entreprise déterminée et donc à distinguer ce produit de ceux d'autres entreprises ; qu'en considérant que la marque « Giant » n'était pas devenue distinctive par l'usage, tout en constatant que les sociétés Quick Restaurants et France Quick justifiaient, pour les années pertinentes, "d'un usage continu, intense et de longue durée des signes de la gamme Giant ainsi que de l'importance des investissements publicitaires qui y sont consacrés" d'où il résultait nécessairement qu'en conséquence de cet usage "continu, intense et de longue durée", le signe « Giant » était devenu apte, dans l'esprit du consommateur moyen, à identifier le produit désigné dans l'enregistrement comme provenant des sociétés Quick, de sorte que se trouvait établi le caractère distinctif de la marque, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ;
4°/ que le caractère distinctif d'une marque peut être acquis en conséquence de l'usage de cette marque ; que pour déterminer si une marque a acquis un caractère distinctif par l'usage, il convient d'apprécier globalement les éléments qui peuvent démontrer que la marque est devenue apte à identifier le produit ou le service concerné comme provenant d'une entreprise déterminée et donc à distinguer ce produit ou ce service de ceux d'autres entreprises ; qu'en considérant que la marque « Giant » n'était pas devenue distinctive par l'usage, au motif que la preuve n'était pas rapportée de ce que le consommateur aurait perçu le signe « Giant » en tant que "marque et non comme une caractéristique quantitative des produits vendus" sans rechercher si, en conséquence de l'usage du signe « Giant », qu'elle a précisément qualifié de "continu, intense et de longue durée", la marque « Giant » n° 892 802 n'était pas devenue apte, dans l'esprit du consommateur moyen, à identifier les produits et services désignés à son enregistrement comme provenant de la société Quick, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ;
5°/ que le caractère distinctif d'une marque peut être acquis en conséquence de l'usage de cette marque ; qu'en considérant que le sondage réalisé du 17 au 18 septembre 2014, qui révélait que 44 % des français associaient le mot « Giant » à une marque ou un produit, n'avait pas à être pris en considération dès lors qu'il était "postérieur de plus de huit ans au dépôt de la marque" et qu'il se rapportait à une période "postérieure au 3 février 2011", date à laquelle la marque "Pizza Giant Sodebo" avait été déposée, tout en constatant que les sociétés Quick justifiaient de "l'importance des investissements publicitaires" au titre des années 2009 et 2010 d'où il résultait nécessairement qu'un sondage réalisé en 2014, permettant de mesurer les effets de l'investissement publicitaire consenti, était parfaitement pertinent, peu important qu'il ait été réalisé plus de huit ans après le dépôt de la marque « Giant » et après le dépôt de la marque "Pizza Giant Sodebo", la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle. »
Réponse de la Cour
12. En premier lieu, l'usage en tant que marque d'un signe dépourvu de caractère distinctif intrinsèque, fût-il continu, intense et de longue durée, ne rend pas nécessairement ce signe apte à identifier les produits et services désignés dans l'enregistrement comme provenant du titulaire de la marque.
13. Le grief de la première branche procède donc d'un postulat erroné.
14. En second lieu, après avoir énoncé que, pour apprécier si le signe « Giant » a acquis un caractère distinctif par l'usage qui en a été fait, il convient de se placer au 3 février 2011, date à laquelle la marque « Pizza Giant Sodebo » a été déposée, l'arrêt retient que si les sociétés Quick justifient, pour les années 2009 à 2011, d'un usage continu, intense et de longue durée des signes de la gamme Giant, ainsi que de l'importance des investissements publicitaires qui y sont consacrés, il n'est pas pour autant établi que le signe « Giant » ait été connu et identifié par le public pertinent en tant que marque et non comme une caractéristique quantitative des produits vendus, l'enquête d'opinion sur la perception du signe étant inopérante puisque réalisée du 17 au 18 septembre 2014, soit plus de deux ans après la date de la contrefaçon alléguée du 3 février 2011.
15. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise et a souverainement considéré que le sondage réalisé du 17 au 18 septembre 2014 ne rapportait pas la preuve de ce qu'au 3 février 2011, le signe « Giant » avait déjà acquis un caractère distinctif, a légalement justifié sa décision.
16. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
17. Les sociétés Quick font grief à l'arrêt de rejeter les demandes de la société France Quick dirigées contre la société Sodebo sur le fondement de la concurrence déloyale et des agissements parasitaires, alors « que constitue un acte de concurrence déloyale le fait d'utiliser un signe créant un risque de confusion dans l'esprit du consommateur avec les produits et les services d'un tiers ; que s'il n'est pas une condition du bien-fondé de l'action en concurrence déloyale, le caractère original ou distinctif des éléments dont la reprise est incriminée constitue néanmoins un facteur pertinent pour l'examen du risque de confusion ; qu'en considérant que n'était pas démontré un risque de confusion entre le hamburger « Giant » commercialisé par l'enseigne Quick et la pizza "Giant Sodebo", tout en constatant que les sociétés Quick justifiaient "pour les années 2009 à 2011, d'un usage continu, intense et de longue durée des signes de la gamme Giant ainsi que de l'importance des investissements publicitaires qui y sont consacrés", la cour d'appel, qui n'a pas recherché si la notoriété et l'usage intensif du signe « Giant » par les sociétés Quick ne constituaient pas un facteur pertinent pour l'examen du risque de confusion, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 (ancien article 1382) du code civil. »
Réponse de la Cour
18. L'arrêt retient que, nonobstant l'usage continu, intense et de longue durée du signe « Giant » et l'importance des investissements publicitaires entre 2009 et 2011, les sociétés Quick ne rapportent pas la preuve qu'à la date de l'enregistrement de la marque « Pizza Giant Sodebo », le 3 février 2011, enregistrement n'ayant précédé que de quelques mois l'exploitation, à compter du printemps 2011, de cette marque, le signe « Giant » était perçu autrement que comme la description d'une caractéristique des produits et services commercialisés sous ce signe, ce dont il résulte qu'il n'est pas établi que l'usage du signe « Giant » lui avait permis d'acquérir une quelconque notoriété ni qu'il existait un risque de confusion entre les produits commercialisés sous ce signe par les sociétés Quick et Sodebo.
19. Dès lors, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision.
20. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
21. Les sociétés Quick font le même grief à l'arrêt, alors « que le succès de l'action en responsabilité pour agissements parasitaires ne suppose pas la démonstration d'un risque de confusion ; que dans leurs conclusions d'appel, les sociétés Quick soutenaient que la société Sodebo avait "manifestement cherché à tirer indûment profit de la notoriété attachée à la marque ‘Giant' d'une part, et des efforts publicitaires et investissements financiers réalisés par la société France Quick d'autre part" ; qu'en se bornant, pour écarter l'existence d'agissements parasitaires imputables à la société Sodebo, à énoncer qu'il n'était pas démontré de risque de confusion entre le hamburger « Giant » commercialisé par l'enseigne Quick et la pizza "Giant Sodebo", la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1240 (ancien article 1382) du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
22. En vertu de ce texte, le succès de l'action en responsabilité pour agissements parasitaires, qui est ouverte à celui qui ne peut se prévaloir de droits privatifs, n'est pas subordonné à l'existence d'un risque de confusion.
23. Pour rejeter la demande des sociétés Quick au titre des agissements parasitaires, l'arrêt retient qu'il n'est pas démontré de risque de confusion entre le hamburger « Giant » commercialisé par l'enseigne Quick et la pizza « Giant Sodebo » vendue en moyennes et grandes surfaces.
24. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure la responsabilité de la société Sodebo pour agissements parasitaires au détriment des sociétés Quick, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il déboute la société Quick France de sa demande formée sur le fondement des agissements parasitaires, l'arrêt rendu le 3 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Etablissements Bougro Sodebo aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Etablissements Bougro Sodebo ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour les sociétés France Quick et Quick restaurants.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la nullité de la partie française de la marque internationale « GIANT » n° 892 802 de la société Quick Restaurants, d'avoir dit que la partie la plus diligente ferait parvenir à l'INPI cette décision lorsque celle-ci serait définitive et d'avoir en conséquence déclaré irrecevables les demandes en contrefaçon de la marque « GIANT » n° 892 802, de nullité de la marque française PIZZA GIANT SODEBO n° 11 3 803 212 et pour atteinte à la marque renommée « GIANT » n° 892 802 formées par la société Quick Restaurants ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE selon l'article L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle, est déclaré nul par décision de justice l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L 711-1 à L 711-4 ; que selon l'article L. 711-2, le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés ; que sont dépourvus de caractère distinctif (') b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service ; (...) Le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l'usage ; Sur la distinctivité intrinsèque : c'est par de justes motifs que la cour fait siens que le tribunal a estimé que le terme Giant était, à la date du dépôt de la marque, dépourvu de toute distinctivité intrinsèque pour désigner les produits ou services qui y étaient désignés ; Qu'il sera ajouté, de première part, qu'est inopérant le moyen selon lequel l'emploi répandu du signe Giant dans le secteur des fast-food ne serait pas suffisamment établi dès lors qu'il n'est pas contesté que le mot anglais 'giant', par sa proximité linguistique avec son équivalent en langue française, était, à la date du dépôt de la marque, nécessairement compris du consommateur francophone de produits alimentaires et de restauration, en particulier d'articles de fast-food, comme signifiant géant et, par extension, énorme et que ce signe désignait ainsi une caractéristique des produits désignés par la marque, en l'espèce leur quantité ; qu'il sera précisé, en tant que de besoin, que, sans être démentie, la société intimée a justifié que dans le domaine des hamburgers les quantités importantes sont souvent mises en avant dans la dénomination même du produit, qui est systématiquement anglaise : long barbecue, long bacon, long fish, long chicken (QUICK), long chili cheese, long chicken (BURGER KING), big king, big fish (BURGER KING), big mac (MAC DONALD'S), big king XXL, double cheese bacon XXL (BURGER KING), menu effet XL (QUICK), double bacon lover, double cheese bacon XXL, double steakhouse (BURGER KING), double cheese BBQ, chicken BBQ (MAC DONALD'S) ; que la banalité de l'usage des termes « long », « big », « double », XL ou XXL ou tous autres exprimant la quantité dans le secteur du « fast food » impose que ces signes usuels restent à la disposition de toutes les personnes qui y exercent leur activité et qu'aucun concurrent puisse les monopoliser et priver les autres de leur libre usage dans leur profession ; Que de seconde part, il est indifférent à cette appréciation que selon un sondage du 17 au 18 septembre 2004, soit postérieur de plus de 8 ans au dépôt de la marque, 44% des français auraient associé le mot GIANT à une marque ou un produit ; Sur l'acquisition de la distinctivité par l'usage : Considérant, au préalable, qu'en prévoyant, au dernier alinéa de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, que le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque « peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l'usage », la France a usé de la faculté laissée aux Etats membres par l'article 3§3 dernière phrase, de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, de ne pas déclarer nulle une marque enregistrée lorsque le caractère distinctif a été acquis après son enregistrement ; que l'acquisition du caractère distinctif par l'usage suppose que celui qui se prétend titulaire de la marque rapporte la preuve d'un usage continu, intense et de longue durée du signe désigné par la marque, de l'importance des investissements publicitaires qui y sont consacrés, de sorte que le signe soit connu et identifié par le public pertinent en tant que marque ; qu'il convient, pour porter cette appréciation, de se placer à la date à laquelle le tiers supposé contrefacteur a commencé à utiliser les termes litigieux, en l'espèce à la date du 3 février 2011, date à laquelle la marque la marque « PIZZA GIANT SODEBO » a été déposée ; que la cour observe tout d'abord que de nombreuses pièces produites par les sociétés QUICK se rapportent à une période postérieure au 3 février 2011 et sont donc inopérantes ; qu'il en est ainsi de onze campagnes publicitaires allant du 30 juin 2011 à l'année 2018, des investissements réalisés entre le 30 juin 2011 et l'année 2018, du rapport d'activité pour l'année 2013, et surtout du sondage portant sur la perception du signe « Giant » réalisé du 17 au 18 septembre 2014 ; Que subsistent alors un certain nombre de pièces justifiant de deux campagnes publicitaires en 2009 et 2010, sous formes d'insertions télévisuelles ou d'insertions d'affiches, portant sur le produit Giant Max ; des rapports d'activité annuels du groupe Quick faisant état des produits incontournables du groupe, citant notamment les hamburgers Giant Max ou Love Giant ; des chiffres d'affaires de la gamme Giant, de 106,5 millions d'euros en 2011 ; qu'il peut être ainsi considéré que les sociétés appelantes justifient, sous les réserves qui suivent, pour les années 2009 à 2011, d'un usage continu, intense et de longue durée des signes de la gamme Giant ainsi que de l'importance des investissements publicitaires qui y sont consacrés ; Que pour autant, la cour considère comme le tribunal que la preuve n'est pas suffisamment rapportée que le signe « Giant » ait été alors connu et identifié par le public pertinent, consommateur de produits alimentaires, en tant que marque et non comme une caractéristique quantitative des produits vendus ; qu'il a déjà été dit que l'enquête d'opinion sur la perception du signe « Giant », essentielle pour répondre à une telle question, est inopérante puisque réalisée du 17 au 18 septembre 2014, soit plus de deux ans après la date de la contrefaçon alléguée du 3 février 2011 ; qu'en outre, le jugement n'est pas contredit en ce qu'il a dit que le signe « Giant » n'était jamais employé seul, mais accompagné d'autres termes comme « quick », « love » ou « max », étant décliné selon les années en Love GIANT, en GIANT Max, en GIANT Max Country, en Q GIANT BAR, ou encore en GIANT Max Hot ; qu'alors que ces termes associés sont eux aussi parfaitement descriptifs des caractéristiques du produit vendu, ils ne permettent pas au consommateur moyen de donner au terme giant une signification autre que celle de la grande taille du hamburger ; Que le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité de la partie française de la marque internationale « GIANT » n° 892 802 détenue par la société QUICK RESTAURANTS ; Que par voie de conséquence, il sera aussi confirmé en ce qu'il a dit que les demandes en contrefaçon de la marque « GIANT » nº 892 802, de nullité de la marque française PIZZA GIANT SODEBO nº 11 3 803 212 et pour atteinte à la marque renommée « GIANT » nº 892 802 formées par la société QUICK RESTAURANTS étaient irrecevables (arrêt attaqué pp. 8-9-10) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DU JUGEMENT QUE le mot giant est un adjectif anglais signifiant géant ou encore énorme en langue française. Il doit être relevé avec la défenderesse que ce terme, du fait notamment de sa proximité avec l'adjectif français géant, est très facilement compris par le consommateur français, habitué par ailleurs au recours à des mots anglais notamment dans le domaine du commerce et surtout dans le domaine des fast-food, d'origine anglo-saxone ; en outre, dans le domaine des produits alimentaires, il est courant d'utiliser des adjectifs qui décrivent la caractéristique mise en avant, notamment s'agissant des quantités importantes ou réduites. En l'espèce, le terme giant a vocation à désigner la dimension importante de l'aliment et ne sera perçu que comme tel par le consommateur ; en conséquence, le terme giant est dépourvu de toute distinctivité ; la société Quick Restaurants soutient également que l'usage intensif de la marque en France lui donne en tout état de cause un caractère distinctif ; cependant, le tribunal ne peut que relever que les demanderesses n'apportent aucune preuve de l'usage du terme giant par elles comme marque ; en effet, les rapports d'activités du groupe Quick 2009 à 2011 ne démontrent pas que ce terme est devenu pour les consommateurs une marque distinctive dans le domaine alimentaire ; de même, la pièce 16 intitulée « étude sur les investissements financiers promotionnels des demanderesses sur leurs produits GIANT en 2010, 2011 et 2012 (établie) par la société GDA MEDIA » ne prouve pas un usage massif de la marque GIANT, celle-ci n'étant jamais employée seule, mais accompagnée d'autres termes comme « quick », « love » ou « max » ; il ressort ainsi des éléments soumis à l'appréciation du tribunal que le terme « giant » est effectivement le nom de son hamburger « phare » mais il n'est pas démontré que ce nom de hamburger, désignant celui de grande taille vendu par QUICK, décliné selon les années en Love GIANT, en GIANT Max, en GIANT Max Country, en Q GIANT BAR, ou encore en GIANT Max Hot, est perçu par le consommateur comme une marque ; dès lors, les demanderesses ne prouvent pas que la marque « giant » est devenue distinctive par l'usage (jugement pp. 6-7) ;
ALORS, d'une part, QUE la distinctivité intrinsèque de la marque s'apprécie au regard des caractéristiques du produit tel que désigné dans l'enregistrement ; qu'en considérant que le terme « GIANT » était, à la date du dépôt de la marque, dépourvu de toute distinctivité intrinsèque, au motif que ce terme, appliqué aux hamburgers commercialisés par les sociétés Quick, avait « vocation à désigner la dimension importante de l'aliment » (motifs adoptés, jugement p. 6 al. 4), sans examiner la distinctivité intrinsèque de la marque au regard des caractéristiques des produits tels que désignés dans l'enregistrement, lequel ne définissait pas ces produits avec mention d'une dimension particulière, la cour d'appel a violé l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ;
ALORS, d'autre part, QUE pour apprécier le caractère intrinsèquement distinctif d'un signe lors de son dépôt à titre de marque, le juge peut, sans erreur de droit, prendre en considération des éléments qui, bien que postérieurs à la date de ce dépôt, permettent de tirer des conclusions sur la situation telle qu'elle se présentait à cette date ; qu'en tenant le sondage réalisé du 17 au 18 septembre 2004, d'où il résultait que 44% des français interrogés associaient le mot GIANT à une marque ou un produit, c'est-à-dire percevaient ce mot comme étant apte à remplir la fonction de la marque d'identification d'une origine commerciale, pour indifférent à son appréciation du caractère intrinsèquement distinctif du signe pour la raison que ce sondage était postérieur de huit ans à son dépôt à titre de marque, la cour d'appel a violé l'article L 711-2 du Code de la propriété intellectuelle ;
ALORS, de troisième part, QUE le caractère distinctif d'une marque peut être acquis en conséquence de l'usage de cette marque ; que pour déterminer si une marque a acquis un caractère distinctif par l'usage, il convient d'apprécier globalement les éléments qui peuvent démontrer que la marque est devenue apte à identifier le service concerné comme provenant d'une entreprise déterminée et donc à distinguer ce produit de ceux d'autres entreprises ; qu'en considérant que la marque « GIANT » n'était pas devenue distinctive par l'usage, tout en constatant que les sociétés Quick Restaurants et France Quick justifiaient, pour les années pertinentes, « d'un usage continu, intense et de longue durée des signes de la gamme Giant ainsi que de l'importance des investissements publicitaires qui y sont consacrés » d'où il résultait nécessairement qu'en conséquence de cet usage « continu, intense et de longue durée », le signe « GIANT » était devenu apte, dans l'esprit du consommateur moyen, à identifier le produit désigné dans l'enregistrement comme provenant des sociétés Quick, de sorte que se trouvait établi le caractère distinctif de la marque, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ;
ALORS, de quatrième part, QUE le caractère distinctif d'une marque peut être acquis en conséquence de l'usage de cette marque ; que pour déterminer si une marque a acquis un caractère distinctif par l'usage, il convient d'apprécier globalement les éléments qui peuvent démontrer que la marque est devenue apte à identifier le produit ou le service concerné comme provenant d'une entreprise déterminée et donc à distinguer ce produit ou ce service de ceux d'autres entreprises ; qu'en considérant que la marque « GIANT » n'était pas devenue distinctive par l'usage, au motif que la preuve n'était pas rapportée de ce que le consommateur aurait perçu le signe « GIANT » en tant que « marque et non comme une caractéristique quantitative des produits vendus » sans rechercher si, en conséquence de l'usage du signe « GIANT », qu'elle a précisément qualifié de « continu, intense et de longue durée », la marque « GIANT » nº 892 802 n'était pas devenue apte, dans l'esprit du consommateur moyen, à identifier les produits et services désignés à son enregistrement comme provenant de la société Quick, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ;
ALORS, de cinquième part, QUE le caractère distinctif d'une marque peut être acquis en conséquence de l'usage de cette marque ; qu'en considérant que le sondage réalisé du 17 au 18 septembre 2014, qui révélait que 44 % des français associaient le mot « GIANT » à une marque ou un produit, n'avait pas à être pris en considération dès lors qu'il était « postérieur de plus de 8 ans au dépôt de la marque » et qu'il se rapportait à une période « postérieure au 3 février 2011, date à laquelle la marque « PIZZA GIANT SODEBO » avait été déposée tout en constatant que les sociétés Quick justifiaient de « l'importance des investissements publicitaires » au titre des années 2009 et 2010 d'où il résultait nécessairement qu'un sondage réalisé en 2014, permettant de mesurer les effets de l'investissement publicitaire consenti, était parfaitement pertinent, peu important qu'il ait été réalisé plus de huit ans après le dépôt de la marque « GIANT » et après le dépôt de la marque « PIZZA GIANT SODEBO », la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ;
ALORS, enfin, QUE le caractère distinctif d'une marque peut être acquis en conséquence de l'usage de cette marque ; qu'en relevant, pour refuser l'acquisition par l'usage du caractère distinctif de la marque « GIANT », que le signe « GIANT » n'était jamais employé seul et se trouvait associé à plusieurs produits quand cette circonstance, loin d'affaiblir la notion de marque, ne faisait que la renforcer, plusieurs produits se trouvant ainsi placés sous une marque commune les identifiant comme provenant de la société Quick, la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Quick France de ses demandes dirigées contre la société des Etablissements Bougro « Sodebo » sur le fondement de la concurrence déloyale et des agissements parasitaires ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE d'abord, alors qu'aucun acte de contrefaçon n'est retenu, c'est exactement que le premier juge a dit que la demande formée par la société FRANCE QUICK sur le fondement de la concurrence déloyale découlant des actes de contrefaçon devait être rejetée ; que le jugement sera confirmé de ce chef ; que la société FRANCE QUICK soutient ensuite qu'en exploitant la marque Pizza GIANT pour désigner des produits d'alimentation rapide, en tirant indûment profit de la notoriété de l'enseigne ainsi que des investissements publicitaires et financiers réalisés par la société FRANCE QUICK SAS, la société SODEBO aurait commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire à son préjudice ; Que la société SODEBO demande la confirmation du jugement pour les motifs qu'il contient ; Que pour débouter la société FRANCE QUICK de ces demandes, le tribunal a notamment considéré : que si les demanderesses considèrent que la désignation d'une pizza conditionnée en part individuelle, d'une taille certaine, sous la marque « Pizza Giant Sodebo » est fautive pour créer une confusion avec son enseigne QUICK et son hamburger GIANT, les circuits de distribution pour les plats cuisinés comme des parts de pizza destinées à être réchauffées dans des micro-ondes, commercialisés en grande surface, d'une part, et des hamburgers vendus dans les seuls lieux à enseigne QUICK, d'autre part, sont très différents ; que par ailleurs, le consommateur ne fera pas le lien entre l'enseigne QUICK, son hamburger giant d'une part et la part de pizza à réchauffer au micro-onde, l'enseigne QUICK ne commercialisant aucune pizza ; que de même, l'étiquetage des produits commercialisés par la défenderesse est dépourvu de toute ambiguïté s'agissant de leur origine, la marque SODEBO étant très nettement perceptible et constituant le seul indicateur d'origine ; qu'en effet, les termes PIZZA et GIANT sont uniquement descriptifs de la nature du produit et de la quantité ; qu'il n'est donc pas démontré de risque de confusion entre le hamburger GIANT commercialisé par l'enseigne QUICK et la pizza giant SODEBO vendue en moyenne et grande surface ; Que la cour, adoptant ces justes motifs, confirmera le jugement (arrêt attaqué pp. 10-11) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DU JUGEMENT QUE la concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un signe qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce ; l'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée ; les demanderesses considèrent que la désignation d'une pizza conditionnée en part individuelle, d'une taille certaine, sous la marque « Pizza Giant Sobedo » est fautive pour créer une référence avec son enseigne Quick et son hamburger GIANT ; or, il doit être relevé que les circuits de distribution entre les plats cuisinés comme des parts de pizza destinées à être réchauffées dans des micro-ondes, commercialisés en grande surface et des hamburgers vendus dans les seuls lieux à enseigne QUICK, sont très différents ; par ailleurs, le consommateur ne fera pas le lien entre l'enseigne QUICK, son « hamburger giant » d'une part, et la part de pizza à réchauffer au micro-onde, l'enseigne QUICK ne commercialisant aucune pizza ; de même, l'étiquetage des produits commercialisés par la défenderesse sont dépourvus de toute ambiguïté s'agissant de leur origine, la marque SODEBO étant très nettement perceptible et constituant le seul indicateur d'origine ; en effet, les termes PIZZA et GIANT sont uniquement descriptifs de la nature du produit et de la quantité ; il n'est donc pas démontré de risque de confusion entre le « hamburger GIANT » commercialisé par l'enseigne QUICK et la pizza giant SODEBO » vendue en moyenne et grande surface » (jugement pp. 7-8) ;
ALORS, d'une part, QUE constitue un acte de concurrence déloyale le fait d'utiliser un signe créant un risque de confusion dans l'esprit du consommateur avec les produits et les services d'un tiers ; que s'il n'est pas une condition du bien-fondé de l'action en concurrence déloyale, le caractère original ou distinctif des éléments dont la reprise est incriminée constitue néanmoins un facteur pertinent pour l'examen du risque de confusion ; qu'en considérant que n'était pas démontré un risque de confusion entre le hamburger « GIANT » commercialisé par l'enseigne QUICK et la pizza « GIANT SODEBO », tout en constatant que les sociétés Quick justifiaient « pour les années 2009 à 2011, d'un usage continu, intense et de longue durée des signes de la gamme Giant ainsi que de l'importance des investissements publicitaires qui y sont consacrés », la cour d'appel, qui n'a pas recherché si la notoriété et l'usage intensif du signe « GIANT » par les sociétés Quick ne constituaient pas un facteur pertinent pour l'examen du risque de confusion, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 (ancien article 1382) du code civil ;
ALORS, d'autre part, QUE le succès de l'action en responsabilité pour agissements parasitaires ne suppose pas la démonstration d'un risque de confusion ; que dans leurs conclusions d'appel (signifiées le 7 mai 2018, p. 61), les sociétés Quick soutenaient que la société Sodebo avait « manifestement cherché à tirer indument profit de la notoriété attachée à la marque « GIANT » d'une part, et des efforts publicitaires et investissements financiers réalisés par la société FRANCE QUICK d'autre part » ; qu'en se bornant, pour écarter l'existence d'agissements parasitaires imputables à la société Sodebo, à énoncer qu'il n'était pas démontré de risque de confusion entre le hamburger « GIANT » commercialisé par l'enseigne QUICK et la pizza « GIANT SODEBO », la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de base légale de l'arrêt au regard des dispositions de l'article 1240 (ancien article 1382) du code civil.ECLI:FR:CCASS:2021:CO00079
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 27 janvier 2021
Cassation partielle
Mme DARBOIS, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président
Arrêt n° 79 F-D
Pourvoi n° Z 18-20.702
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 27 JANVIER 2021
1°/ la société France Quick, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
2°/ la société Quick restaurants, société anonyme de droit belge, dont le siège est [...],
ont formé le pourvoi n° Z 18-20.702 contre l'arrêt rendu le 3 juillet 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige les opposant à la société des Etablissements Bougro Sodebo, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Mollard, conseiller, les observations de Me Bertrand, avocat des sociétés France Quick et Quick restaurants, de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la société des Etablissements Bougro Sodebo, après débats en l'audience publique du 1er décembre 2020 où étaient présents Mme Darbois, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Mollard, conseiller rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 juillet 2018), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 8 juin 2017, pourvoi n° 15-20.966), la société de droit belge Quick restaurants, société mère du groupe Quick, est titulaire de la marque internationale couvrant la France « Giant », enregistrée auprès de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (l'OMPI) le 14 juin 2006, sous le n° 892 802, pour désigner divers produits alimentaires et services de restauration figurant dans les classes 29, 30 et 43, notamment, en classes 29 et 30, les « aliments, mets et plats préparés, non compris dans d'autres classes, en particulier articles de fast food ». La société France Quick, filiale de la société Quick restaurants, gère la chaîne de restauration à l'enseigne « Quick » sur le territoire français, pour lequel elle détient la licence de la marque « Giant. »
2. La société Etablissements Bougro Sodebo (la société Sodebo) a, le 3 février 2011, déposé auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI), sous le n° 11 3 803 212, la marque « Pizza Giant Sodebo » pour désigner divers produits en classe 29 et 30 et a, à compter du printemps 2011, commercialisé dans les supermarchés une gamme de pizzas conditionnées en parts individuelles, sous la dénomination « Pizza Giant. »
3. Les sociétés Quick restaurants et France Quick (les sociétés Quick) ont assigné la société Sodebo en annulation de la marque « Pizza Giant Sodebo », en contrefaçon de la marque « Giant » et en concurrence déloyale et parasitaire.
4. La société Sodebo a demandé reconventionnellement l'annulation de la partie française de la marque « Giant » pour défaut de distinctivité.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa sixième branche, ci-après annexée
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
6. Les sociétés Quick font grief à l'arrêt de prononcer la nullité de la partie française de la marque internationale « Giant » n° 892 802, de dire que la partie la plus diligente ferait parvenir à l'INPI cette décision lorsque celle-ci serait définitive et, en conséquence, de déclarer irrecevables les demandes en contrefaçon de la marque « Giant » n° 892 802, de nullité de la marque française « Pizza Giant Sodebo » n° 11 3 803 212 et pour atteinte à la marque renommée « Giant » n° 892 802, formées par la société Quick restaurants, alors :
« 1°/ que la distinctivité intrinsèque de la marque s'apprécie au regard des caractéristiques du produit tel que désigné dans l'enregistrement ; qu'en considérant que le terme « Giant » était, à la date du dépôt de la marque, dépourvu de toute distinctivité intrinsèque, au motif que ce terme, appliqué aux hamburgers commercialisés par les sociétés Quick, avait "vocation à désigner la dimension importante de l'aliment", sans examiner la distinctivité intrinsèque de la marque au regard des caractéristiques des produits tels que désignés dans l'enregistrement, lequel ne définissait pas ces produits avec mention d'une dimension particulière, la cour d'appel a violé l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ;
2°/ que, pour apprécier le caractère intrinsèquement distinctif d'un signe lors de son dépôt à titre de marque, le juge peut, sans erreur de droit, prendre en considération des éléments qui, bien que postérieurs à la date de ce dépôt, permettent de tirer des conclusions sur la situation telle qu'elle se présentait à cette date ; qu'en tenant le sondage réalisé du 17 au 18 septembre 2004 [lire 2014], d'où il résultait que 44 % des français interrogés associaient le mot « Giant » à une marque ou un produit, c'est-à-dire percevaient ce mot comme étant apte à remplir la fonction de la marque d'identification d'une origine commerciale, pour indifférent à son appréciation du caractère intrinsèquement distinctif du signe pour la raison que ce sondage était postérieur de huit ans à son dépôt à titre de marque, la cour d'appel a violé l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle. »
Réponse de la Cour
7. D'une part, après avoir relevé que, dans le domaine des produits alimentaires, il est courant d'utiliser des adjectifs qui décrivent la caractéristique mise en avant, notamment s'agissant des quantités importantes ou réduites, et que, dans le domaine des hamburgers, les quantités importantes sont souvent mises en avant dans la dénomination même du produit, qui est systématiquement anglaise, l'arrêt retient que la banalité de l'usage des termes « long », « big », « double » ou tous autres exprimant la quantité dans le secteur du « fast food » impose que ces signes usuels restent à la disposition de toutes les personnes qui y exercent leur activité et qu'aucun concurrent ne puisse les monopoliser et priver les autres de leur libre usage dans leur profession. Il retient également que l'adjectif anglais « Giant », était, à la date du dépôt de la marque « Giant », nécessairement compris par le consommateur francophone de produits alimentaires et de restauration, en particulier d'articles de « fast food », comme signifiant géant et, par extension, énorme et qu'il désignait ainsi une caractéristique des produits désignés par la marque, en l'occurrence leur quantité.
8. Ayant, par ces motifs, apprécié le caractère distinctif du signe « Giant » à l'égard des produits ou services désignés dans la demande de marque, la cour d'appel a pu retenir qu'à la date du dépôt de celle-ci, le signe « Giant » était dépourvu de toute distinctivité.
9. D'autre part, en retenant qu'il est indifférent que, selon un sondage réalisé les 17 et 18 septembre 2014, 44 % des Français associent le mot « Giant » à une marque ou un produit, la cour d'appel n'a pas considéré qu'un élément postérieur à la date du dépôt ne puisse pas être pris en considération, mais a estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation du caractère probant des éléments produits devant elle, que ce sondage ne permettait pas de tirer des conclusions sur la situation telle qu'elle se présentait au moment de l'enregistrement de la marque « Giant » auprès de l'OMPI, le 14 juin 2006.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches
Enoncé du moyen
11. Les sociétés Quick font le même grief à l'arrêt, alors :
« 3°/ que le caractère distinctif d'une marque peut être acquis en conséquence de l'usage de cette marque ; que pour déterminer si une marque a acquis un caractère distinctif par l'usage, il convient d'apprécier globalement les éléments qui peuvent démontrer que la marque est devenue apte à identifier le service concerné comme provenant d'une entreprise déterminée et donc à distinguer ce produit de ceux d'autres entreprises ; qu'en considérant que la marque « Giant » n'était pas devenue distinctive par l'usage, tout en constatant que les sociétés Quick Restaurants et France Quick justifiaient, pour les années pertinentes, "d'un usage continu, intense et de longue durée des signes de la gamme Giant ainsi que de l'importance des investissements publicitaires qui y sont consacrés" d'où il résultait nécessairement qu'en conséquence de cet usage "continu, intense et de longue durée", le signe « Giant » était devenu apte, dans l'esprit du consommateur moyen, à identifier le produit désigné dans l'enregistrement comme provenant des sociétés Quick, de sorte que se trouvait établi le caractère distinctif de la marque, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ;
4°/ que le caractère distinctif d'une marque peut être acquis en conséquence de l'usage de cette marque ; que pour déterminer si une marque a acquis un caractère distinctif par l'usage, il convient d'apprécier globalement les éléments qui peuvent démontrer que la marque est devenue apte à identifier le produit ou le service concerné comme provenant d'une entreprise déterminée et donc à distinguer ce produit ou ce service de ceux d'autres entreprises ; qu'en considérant que la marque « Giant » n'était pas devenue distinctive par l'usage, au motif que la preuve n'était pas rapportée de ce que le consommateur aurait perçu le signe « Giant » en tant que "marque et non comme une caractéristique quantitative des produits vendus" sans rechercher si, en conséquence de l'usage du signe « Giant », qu'elle a précisément qualifié de "continu, intense et de longue durée", la marque « Giant » n° 892 802 n'était pas devenue apte, dans l'esprit du consommateur moyen, à identifier les produits et services désignés à son enregistrement comme provenant de la société Quick, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ;
5°/ que le caractère distinctif d'une marque peut être acquis en conséquence de l'usage de cette marque ; qu'en considérant que le sondage réalisé du 17 au 18 septembre 2014, qui révélait que 44 % des français associaient le mot « Giant » à une marque ou un produit, n'avait pas à être pris en considération dès lors qu'il était "postérieur de plus de huit ans au dépôt de la marque" et qu'il se rapportait à une période "postérieure au 3 février 2011", date à laquelle la marque "Pizza Giant Sodebo" avait été déposée, tout en constatant que les sociétés Quick justifiaient de "l'importance des investissements publicitaires" au titre des années 2009 et 2010 d'où il résultait nécessairement qu'un sondage réalisé en 2014, permettant de mesurer les effets de l'investissement publicitaire consenti, était parfaitement pertinent, peu important qu'il ait été réalisé plus de huit ans après le dépôt de la marque « Giant » et après le dépôt de la marque "Pizza Giant Sodebo", la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle. »
Réponse de la Cour
12. En premier lieu, l'usage en tant que marque d'un signe dépourvu de caractère distinctif intrinsèque, fût-il continu, intense et de longue durée, ne rend pas nécessairement ce signe apte à identifier les produits et services désignés dans l'enregistrement comme provenant du titulaire de la marque.
13. Le grief de la première branche procède donc d'un postulat erroné.
14. En second lieu, après avoir énoncé que, pour apprécier si le signe « Giant » a acquis un caractère distinctif par l'usage qui en a été fait, il convient de se placer au 3 février 2011, date à laquelle la marque « Pizza Giant Sodebo » a été déposée, l'arrêt retient que si les sociétés Quick justifient, pour les années 2009 à 2011, d'un usage continu, intense et de longue durée des signes de la gamme Giant, ainsi que de l'importance des investissements publicitaires qui y sont consacrés, il n'est pas pour autant établi que le signe « Giant » ait été connu et identifié par le public pertinent en tant que marque et non comme une caractéristique quantitative des produits vendus, l'enquête d'opinion sur la perception du signe étant inopérante puisque réalisée du 17 au 18 septembre 2014, soit plus de deux ans après la date de la contrefaçon alléguée du 3 février 2011.
15. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise et a souverainement considéré que le sondage réalisé du 17 au 18 septembre 2014 ne rapportait pas la preuve de ce qu'au 3 février 2011, le signe « Giant » avait déjà acquis un caractère distinctif, a légalement justifié sa décision.
16. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
17. Les sociétés Quick font grief à l'arrêt de rejeter les demandes de la société France Quick dirigées contre la société Sodebo sur le fondement de la concurrence déloyale et des agissements parasitaires, alors « que constitue un acte de concurrence déloyale le fait d'utiliser un signe créant un risque de confusion dans l'esprit du consommateur avec les produits et les services d'un tiers ; que s'il n'est pas une condition du bien-fondé de l'action en concurrence déloyale, le caractère original ou distinctif des éléments dont la reprise est incriminée constitue néanmoins un facteur pertinent pour l'examen du risque de confusion ; qu'en considérant que n'était pas démontré un risque de confusion entre le hamburger « Giant » commercialisé par l'enseigne Quick et la pizza "Giant Sodebo", tout en constatant que les sociétés Quick justifiaient "pour les années 2009 à 2011, d'un usage continu, intense et de longue durée des signes de la gamme Giant ainsi que de l'importance des investissements publicitaires qui y sont consacrés", la cour d'appel, qui n'a pas recherché si la notoriété et l'usage intensif du signe « Giant » par les sociétés Quick ne constituaient pas un facteur pertinent pour l'examen du risque de confusion, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 (ancien article 1382) du code civil. »
Réponse de la Cour
18. L'arrêt retient que, nonobstant l'usage continu, intense et de longue durée du signe « Giant » et l'importance des investissements publicitaires entre 2009 et 2011, les sociétés Quick ne rapportent pas la preuve qu'à la date de l'enregistrement de la marque « Pizza Giant Sodebo », le 3 février 2011, enregistrement n'ayant précédé que de quelques mois l'exploitation, à compter du printemps 2011, de cette marque, le signe « Giant » était perçu autrement que comme la description d'une caractéristique des produits et services commercialisés sous ce signe, ce dont il résulte qu'il n'est pas établi que l'usage du signe « Giant » lui avait permis d'acquérir une quelconque notoriété ni qu'il existait un risque de confusion entre les produits commercialisés sous ce signe par les sociétés Quick et Sodebo.
19. Dès lors, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision.
20. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
21. Les sociétés Quick font le même grief à l'arrêt, alors « que le succès de l'action en responsabilité pour agissements parasitaires ne suppose pas la démonstration d'un risque de confusion ; que dans leurs conclusions d'appel, les sociétés Quick soutenaient que la société Sodebo avait "manifestement cherché à tirer indûment profit de la notoriété attachée à la marque ‘Giant' d'une part, et des efforts publicitaires et investissements financiers réalisés par la société France Quick d'autre part" ; qu'en se bornant, pour écarter l'existence d'agissements parasitaires imputables à la société Sodebo, à énoncer qu'il n'était pas démontré de risque de confusion entre le hamburger « Giant » commercialisé par l'enseigne Quick et la pizza "Giant Sodebo", la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1240 (ancien article 1382) du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
22. En vertu de ce texte, le succès de l'action en responsabilité pour agissements parasitaires, qui est ouverte à celui qui ne peut se prévaloir de droits privatifs, n'est pas subordonné à l'existence d'un risque de confusion.
23. Pour rejeter la demande des sociétés Quick au titre des agissements parasitaires, l'arrêt retient qu'il n'est pas démontré de risque de confusion entre le hamburger « Giant » commercialisé par l'enseigne Quick et la pizza « Giant Sodebo » vendue en moyennes et grandes surfaces.
24. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure la responsabilité de la société Sodebo pour agissements parasitaires au détriment des sociétés Quick, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il déboute la société Quick France de sa demande formée sur le fondement des agissements parasitaires, l'arrêt rendu le 3 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Etablissements Bougro Sodebo aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Etablissements Bougro Sodebo ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour les sociétés France Quick et Quick restaurants.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la nullité de la partie française de la marque internationale « GIANT » n° 892 802 de la société Quick Restaurants, d'avoir dit que la partie la plus diligente ferait parvenir à l'INPI cette décision lorsque celle-ci serait définitive et d'avoir en conséquence déclaré irrecevables les demandes en contrefaçon de la marque « GIANT » n° 892 802, de nullité de la marque française PIZZA GIANT SODEBO n° 11 3 803 212 et pour atteinte à la marque renommée « GIANT » n° 892 802 formées par la société Quick Restaurants ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE selon l'article L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle, est déclaré nul par décision de justice l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L 711-1 à L 711-4 ; que selon l'article L. 711-2, le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés ; que sont dépourvus de caractère distinctif (') b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service ; (...) Le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l'usage ; Sur la distinctivité intrinsèque : c'est par de justes motifs que la cour fait siens que le tribunal a estimé que le terme Giant était, à la date du dépôt de la marque, dépourvu de toute distinctivité intrinsèque pour désigner les produits ou services qui y étaient désignés ; Qu'il sera ajouté, de première part, qu'est inopérant le moyen selon lequel l'emploi répandu du signe Giant dans le secteur des fast-food ne serait pas suffisamment établi dès lors qu'il n'est pas contesté que le mot anglais 'giant', par sa proximité linguistique avec son équivalent en langue française, était, à la date du dépôt de la marque, nécessairement compris du consommateur francophone de produits alimentaires et de restauration, en particulier d'articles de fast-food, comme signifiant géant et, par extension, énorme et que ce signe désignait ainsi une caractéristique des produits désignés par la marque, en l'espèce leur quantité ; qu'il sera précisé, en tant que de besoin, que, sans être démentie, la société intimée a justifié que dans le domaine des hamburgers les quantités importantes sont souvent mises en avant dans la dénomination même du produit, qui est systématiquement anglaise : long barbecue, long bacon, long fish, long chicken (QUICK), long chili cheese, long chicken (BURGER KING), big king, big fish (BURGER KING), big mac (MAC DONALD'S), big king XXL, double cheese bacon XXL (BURGER KING), menu effet XL (QUICK), double bacon lover, double cheese bacon XXL, double steakhouse (BURGER KING), double cheese BBQ, chicken BBQ (MAC DONALD'S) ; que la banalité de l'usage des termes « long », « big », « double », XL ou XXL ou tous autres exprimant la quantité dans le secteur du « fast food » impose que ces signes usuels restent à la disposition de toutes les personnes qui y exercent leur activité et qu'aucun concurrent puisse les monopoliser et priver les autres de leur libre usage dans leur profession ; Que de seconde part, il est indifférent à cette appréciation que selon un sondage du 17 au 18 septembre 2004, soit postérieur de plus de 8 ans au dépôt de la marque, 44% des français auraient associé le mot GIANT à une marque ou un produit ; Sur l'acquisition de la distinctivité par l'usage : Considérant, au préalable, qu'en prévoyant, au dernier alinéa de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, que le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque « peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l'usage », la France a usé de la faculté laissée aux Etats membres par l'article 3§3 dernière phrase, de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, de ne pas déclarer nulle une marque enregistrée lorsque le caractère distinctif a été acquis après son enregistrement ; que l'acquisition du caractère distinctif par l'usage suppose que celui qui se prétend titulaire de la marque rapporte la preuve d'un usage continu, intense et de longue durée du signe désigné par la marque, de l'importance des investissements publicitaires qui y sont consacrés, de sorte que le signe soit connu et identifié par le public pertinent en tant que marque ; qu'il convient, pour porter cette appréciation, de se placer à la date à laquelle le tiers supposé contrefacteur a commencé à utiliser les termes litigieux, en l'espèce à la date du 3 février 2011, date à laquelle la marque la marque « PIZZA GIANT SODEBO » a été déposée ; que la cour observe tout d'abord que de nombreuses pièces produites par les sociétés QUICK se rapportent à une période postérieure au 3 février 2011 et sont donc inopérantes ; qu'il en est ainsi de onze campagnes publicitaires allant du 30 juin 2011 à l'année 2018, des investissements réalisés entre le 30 juin 2011 et l'année 2018, du rapport d'activité pour l'année 2013, et surtout du sondage portant sur la perception du signe « Giant » réalisé du 17 au 18 septembre 2014 ; Que subsistent alors un certain nombre de pièces justifiant de deux campagnes publicitaires en 2009 et 2010, sous formes d'insertions télévisuelles ou d'insertions d'affiches, portant sur le produit Giant Max ; des rapports d'activité annuels du groupe Quick faisant état des produits incontournables du groupe, citant notamment les hamburgers Giant Max ou Love Giant ; des chiffres d'affaires de la gamme Giant, de 106,5 millions d'euros en 2011 ; qu'il peut être ainsi considéré que les sociétés appelantes justifient, sous les réserves qui suivent, pour les années 2009 à 2011, d'un usage continu, intense et de longue durée des signes de la gamme Giant ainsi que de l'importance des investissements publicitaires qui y sont consacrés ; Que pour autant, la cour considère comme le tribunal que la preuve n'est pas suffisamment rapportée que le signe « Giant » ait été alors connu et identifié par le public pertinent, consommateur de produits alimentaires, en tant que marque et non comme une caractéristique quantitative des produits vendus ; qu'il a déjà été dit que l'enquête d'opinion sur la perception du signe « Giant », essentielle pour répondre à une telle question, est inopérante puisque réalisée du 17 au 18 septembre 2014, soit plus de deux ans après la date de la contrefaçon alléguée du 3 février 2011 ; qu'en outre, le jugement n'est pas contredit en ce qu'il a dit que le signe « Giant » n'était jamais employé seul, mais accompagné d'autres termes comme « quick », « love » ou « max », étant décliné selon les années en Love GIANT, en GIANT Max, en GIANT Max Country, en Q GIANT BAR, ou encore en GIANT Max Hot ; qu'alors que ces termes associés sont eux aussi parfaitement descriptifs des caractéristiques du produit vendu, ils ne permettent pas au consommateur moyen de donner au terme giant une signification autre que celle de la grande taille du hamburger ; Que le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité de la partie française de la marque internationale « GIANT » n° 892 802 détenue par la société QUICK RESTAURANTS ; Que par voie de conséquence, il sera aussi confirmé en ce qu'il a dit que les demandes en contrefaçon de la marque « GIANT » nº 892 802, de nullité de la marque française PIZZA GIANT SODEBO nº 11 3 803 212 et pour atteinte à la marque renommée « GIANT » nº 892 802 formées par la société QUICK RESTAURANTS étaient irrecevables (arrêt attaqué pp. 8-9-10) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DU JUGEMENT QUE le mot giant est un adjectif anglais signifiant géant ou encore énorme en langue française. Il doit être relevé avec la défenderesse que ce terme, du fait notamment de sa proximité avec l'adjectif français géant, est très facilement compris par le consommateur français, habitué par ailleurs au recours à des mots anglais notamment dans le domaine du commerce et surtout dans le domaine des fast-food, d'origine anglo-saxone ; en outre, dans le domaine des produits alimentaires, il est courant d'utiliser des adjectifs qui décrivent la caractéristique mise en avant, notamment s'agissant des quantités importantes ou réduites. En l'espèce, le terme giant a vocation à désigner la dimension importante de l'aliment et ne sera perçu que comme tel par le consommateur ; en conséquence, le terme giant est dépourvu de toute distinctivité ; la société Quick Restaurants soutient également que l'usage intensif de la marque en France lui donne en tout état de cause un caractère distinctif ; cependant, le tribunal ne peut que relever que les demanderesses n'apportent aucune preuve de l'usage du terme giant par elles comme marque ; en effet, les rapports d'activités du groupe Quick 2009 à 2011 ne démontrent pas que ce terme est devenu pour les consommateurs une marque distinctive dans le domaine alimentaire ; de même, la pièce 16 intitulée « étude sur les investissements financiers promotionnels des demanderesses sur leurs produits GIANT en 2010, 2011 et 2012 (établie) par la société GDA MEDIA » ne prouve pas un usage massif de la marque GIANT, celle-ci n'étant jamais employée seule, mais accompagnée d'autres termes comme « quick », « love » ou « max » ; il ressort ainsi des éléments soumis à l'appréciation du tribunal que le terme « giant » est effectivement le nom de son hamburger « phare » mais il n'est pas démontré que ce nom de hamburger, désignant celui de grande taille vendu par QUICK, décliné selon les années en Love GIANT, en GIANT Max, en GIANT Max Country, en Q GIANT BAR, ou encore en GIANT Max Hot, est perçu par le consommateur comme une marque ; dès lors, les demanderesses ne prouvent pas que la marque « giant » est devenue distinctive par l'usage (jugement pp. 6-7) ;
ALORS, d'une part, QUE la distinctivité intrinsèque de la marque s'apprécie au regard des caractéristiques du produit tel que désigné dans l'enregistrement ; qu'en considérant que le terme « GIANT » était, à la date du dépôt de la marque, dépourvu de toute distinctivité intrinsèque, au motif que ce terme, appliqué aux hamburgers commercialisés par les sociétés Quick, avait « vocation à désigner la dimension importante de l'aliment » (motifs adoptés, jugement p. 6 al. 4), sans examiner la distinctivité intrinsèque de la marque au regard des caractéristiques des produits tels que désignés dans l'enregistrement, lequel ne définissait pas ces produits avec mention d'une dimension particulière, la cour d'appel a violé l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ;
ALORS, d'autre part, QUE pour apprécier le caractère intrinsèquement distinctif d'un signe lors de son dépôt à titre de marque, le juge peut, sans erreur de droit, prendre en considération des éléments qui, bien que postérieurs à la date de ce dépôt, permettent de tirer des conclusions sur la situation telle qu'elle se présentait à cette date ; qu'en tenant le sondage réalisé du 17 au 18 septembre 2004, d'où il résultait que 44% des français interrogés associaient le mot GIANT à une marque ou un produit, c'est-à-dire percevaient ce mot comme étant apte à remplir la fonction de la marque d'identification d'une origine commerciale, pour indifférent à son appréciation du caractère intrinsèquement distinctif du signe pour la raison que ce sondage était postérieur de huit ans à son dépôt à titre de marque, la cour d'appel a violé l'article L 711-2 du Code de la propriété intellectuelle ;
ALORS, de troisième part, QUE le caractère distinctif d'une marque peut être acquis en conséquence de l'usage de cette marque ; que pour déterminer si une marque a acquis un caractère distinctif par l'usage, il convient d'apprécier globalement les éléments qui peuvent démontrer que la marque est devenue apte à identifier le service concerné comme provenant d'une entreprise déterminée et donc à distinguer ce produit de ceux d'autres entreprises ; qu'en considérant que la marque « GIANT » n'était pas devenue distinctive par l'usage, tout en constatant que les sociétés Quick Restaurants et France Quick justifiaient, pour les années pertinentes, « d'un usage continu, intense et de longue durée des signes de la gamme Giant ainsi que de l'importance des investissements publicitaires qui y sont consacrés » d'où il résultait nécessairement qu'en conséquence de cet usage « continu, intense et de longue durée », le signe « GIANT » était devenu apte, dans l'esprit du consommateur moyen, à identifier le produit désigné dans l'enregistrement comme provenant des sociétés Quick, de sorte que se trouvait établi le caractère distinctif de la marque, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ;
ALORS, de quatrième part, QUE le caractère distinctif d'une marque peut être acquis en conséquence de l'usage de cette marque ; que pour déterminer si une marque a acquis un caractère distinctif par l'usage, il convient d'apprécier globalement les éléments qui peuvent démontrer que la marque est devenue apte à identifier le produit ou le service concerné comme provenant d'une entreprise déterminée et donc à distinguer ce produit ou ce service de ceux d'autres entreprises ; qu'en considérant que la marque « GIANT » n'était pas devenue distinctive par l'usage, au motif que la preuve n'était pas rapportée de ce que le consommateur aurait perçu le signe « GIANT » en tant que « marque et non comme une caractéristique quantitative des produits vendus » sans rechercher si, en conséquence de l'usage du signe « GIANT », qu'elle a précisément qualifié de « continu, intense et de longue durée », la marque « GIANT » nº 892 802 n'était pas devenue apte, dans l'esprit du consommateur moyen, à identifier les produits et services désignés à son enregistrement comme provenant de la société Quick, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ;
ALORS, de cinquième part, QUE le caractère distinctif d'une marque peut être acquis en conséquence de l'usage de cette marque ; qu'en considérant que le sondage réalisé du 17 au 18 septembre 2014, qui révélait que 44 % des français associaient le mot « GIANT » à une marque ou un produit, n'avait pas à être pris en considération dès lors qu'il était « postérieur de plus de 8 ans au dépôt de la marque » et qu'il se rapportait à une période « postérieure au 3 février 2011, date à laquelle la marque « PIZZA GIANT SODEBO » avait été déposée tout en constatant que les sociétés Quick justifiaient de « l'importance des investissements publicitaires » au titre des années 2009 et 2010 d'où il résultait nécessairement qu'un sondage réalisé en 2014, permettant de mesurer les effets de l'investissement publicitaire consenti, était parfaitement pertinent, peu important qu'il ait été réalisé plus de huit ans après le dépôt de la marque « GIANT » et après le dépôt de la marque « PIZZA GIANT SODEBO », la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ;
ALORS, enfin, QUE le caractère distinctif d'une marque peut être acquis en conséquence de l'usage de cette marque ; qu'en relevant, pour refuser l'acquisition par l'usage du caractère distinctif de la marque « GIANT », que le signe « GIANT » n'était jamais employé seul et se trouvait associé à plusieurs produits quand cette circonstance, loin d'affaiblir la notion de marque, ne faisait que la renforcer, plusieurs produits se trouvant ainsi placés sous une marque commune les identifiant comme provenant de la société Quick, la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Quick France de ses demandes dirigées contre la société des Etablissements Bougro « Sodebo » sur le fondement de la concurrence déloyale et des agissements parasitaires ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE d'abord, alors qu'aucun acte de contrefaçon n'est retenu, c'est exactement que le premier juge a dit que la demande formée par la société FRANCE QUICK sur le fondement de la concurrence déloyale découlant des actes de contrefaçon devait être rejetée ; que le jugement sera confirmé de ce chef ; que la société FRANCE QUICK soutient ensuite qu'en exploitant la marque Pizza GIANT pour désigner des produits d'alimentation rapide, en tirant indûment profit de la notoriété de l'enseigne ainsi que des investissements publicitaires et financiers réalisés par la société FRANCE QUICK SAS, la société SODEBO aurait commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire à son préjudice ; Que la société SODEBO demande la confirmation du jugement pour les motifs qu'il contient ; Que pour débouter la société FRANCE QUICK de ces demandes, le tribunal a notamment considéré : que si les demanderesses considèrent que la désignation d'une pizza conditionnée en part individuelle, d'une taille certaine, sous la marque « Pizza Giant Sodebo » est fautive pour créer une confusion avec son enseigne QUICK et son hamburger GIANT, les circuits de distribution pour les plats cuisinés comme des parts de pizza destinées à être réchauffées dans des micro-ondes, commercialisés en grande surface, d'une part, et des hamburgers vendus dans les seuls lieux à enseigne QUICK, d'autre part, sont très différents ; que par ailleurs, le consommateur ne fera pas le lien entre l'enseigne QUICK, son hamburger giant d'une part et la part de pizza à réchauffer au micro-onde, l'enseigne QUICK ne commercialisant aucune pizza ; que de même, l'étiquetage des produits commercialisés par la défenderesse est dépourvu de toute ambiguïté s'agissant de leur origine, la marque SODEBO étant très nettement perceptible et constituant le seul indicateur d'origine ; qu'en effet, les termes PIZZA et GIANT sont uniquement descriptifs de la nature du produit et de la quantité ; qu'il n'est donc pas démontré de risque de confusion entre le hamburger GIANT commercialisé par l'enseigne QUICK et la pizza giant SODEBO vendue en moyenne et grande surface ; Que la cour, adoptant ces justes motifs, confirmera le jugement (arrêt attaqué pp. 10-11) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DU JUGEMENT QUE la concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un signe qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce ; l'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée ; les demanderesses considèrent que la désignation d'une pizza conditionnée en part individuelle, d'une taille certaine, sous la marque « Pizza Giant Sobedo » est fautive pour créer une référence avec son enseigne Quick et son hamburger GIANT ; or, il doit être relevé que les circuits de distribution entre les plats cuisinés comme des parts de pizza destinées à être réchauffées dans des micro-ondes, commercialisés en grande surface et des hamburgers vendus dans les seuls lieux à enseigne QUICK, sont très différents ; par ailleurs, le consommateur ne fera pas le lien entre l'enseigne QUICK, son « hamburger giant » d'une part, et la part de pizza à réchauffer au micro-onde, l'enseigne QUICK ne commercialisant aucune pizza ; de même, l'étiquetage des produits commercialisés par la défenderesse sont dépourvus de toute ambiguïté s'agissant de leur origine, la marque SODEBO étant très nettement perceptible et constituant le seul indicateur d'origine ; en effet, les termes PIZZA et GIANT sont uniquement descriptifs de la nature du produit et de la quantité ; il n'est donc pas démontré de risque de confusion entre le « hamburger GIANT » commercialisé par l'enseigne QUICK et la pizza giant SODEBO » vendue en moyenne et grande surface » (jugement pp. 7-8) ;
ALORS, d'une part, QUE constitue un acte de concurrence déloyale le fait d'utiliser un signe créant un risque de confusion dans l'esprit du consommateur avec les produits et les services d'un tiers ; que s'il n'est pas une condition du bien-fondé de l'action en concurrence déloyale, le caractère original ou distinctif des éléments dont la reprise est incriminée constitue néanmoins un facteur pertinent pour l'examen du risque de confusion ; qu'en considérant que n'était pas démontré un risque de confusion entre le hamburger « GIANT » commercialisé par l'enseigne QUICK et la pizza « GIANT SODEBO », tout en constatant que les sociétés Quick justifiaient « pour les années 2009 à 2011, d'un usage continu, intense et de longue durée des signes de la gamme Giant ainsi que de l'importance des investissements publicitaires qui y sont consacrés », la cour d'appel, qui n'a pas recherché si la notoriété et l'usage intensif du signe « GIANT » par les sociétés Quick ne constituaient pas un facteur pertinent pour l'examen du risque de confusion, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 (ancien article 1382) du code civil ;
ALORS, d'autre part, QUE le succès de l'action en responsabilité pour agissements parasitaires ne suppose pas la démonstration d'un risque de confusion ; que dans leurs conclusions d'appel (signifiées le 7 mai 2018, p. 61), les sociétés Quick soutenaient que la société Sodebo avait « manifestement cherché à tirer indument profit de la notoriété attachée à la marque « GIANT » d'une part, et des efforts publicitaires et investissements financiers réalisés par la société FRANCE QUICK d'autre part » ; qu'en se bornant, pour écarter l'existence d'agissements parasitaires imputables à la société Sodebo, à énoncer qu'il n'était pas démontré de risque de confusion entre le hamburger « GIANT » commercialisé par l'enseigne QUICK et la pizza « GIANT SODEBO », la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de base légale de l'arrêt au regard des dispositions de l'article 1240 (ancien article 1382) du code civil.