Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 27 janvier 2021, 17-31.046, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 27 janvier 2021, 17-31.046, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 17-31.046
- ECLI:FR:CCASS:2021:SO00138
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 27 janvier 2021
Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, du 10 octobre 2017- Président
- M. Cathala
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 27 janvier 2021
Cassation partielle
M. CATHALA, président
Arrêt n° 138 FP-P+R+I
Pourvoi n° X 17-31.046
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 JANVIER 2021
M. L... Q..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° X 17-31.046 contre l'arrêt rendu le 10 octobre 2017 par la cour d'appel de Nîmes (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Laboratoire Demavic, société par actions simplifiée, dont le siège est 6 rue du professeur Louis Neel, BP 105, 21600 Longvic, défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. Q..., de la SCP Ortscheidt, avocat de la société Laboratoire Demavic, les plaidoiries de Me Mégret et celles de Me Ortscheidt, l'avis de Mme Courcol-Bouchard, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 3 décembre 2020 où étaient présents M. Cathala, président, M. Flores, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mme Farthouat-Danon, M. Schamber, Mme Leprieur, MM. Rinuy, Ricour, Mme Van Ruymbeke, M. Pietton, Mmes Cavrois, Pécaut-Rivolier, Richard, conseillers, Mmes Duvallet, Chamley-Coulet, M. Duval, Mme Prieur, conseillers référendaires, Mme Courcol-Bouchard, premier avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 10 octobre 2017), M. Q... a été engagé à compter du 1er septembre 2008 par la société Laboratoire Demavic (la société) en qualité de technico-commercial.
2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt d'écarter sa demande de dommages-intérêts en réparation de l'absence de mise en oeuvre de la clause de son contrat prévoyant le paiement d'une part variable et sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, alors « qu'en retenant que "la commune intention des parties avait consisté à fixer une rémunération fixe complétée par une partie variable, consistant en une commission au taux de 20 % calculée sur la marge nette du secteur commercial "et que le contrat de travail du salarié ne prévoyait pas, en plus de cette commission, le paiement d'une partie variable dont les modalités seraient définies en début de chaque cycle commercial, quand le contrat de travail du salarié stipulait expressément, en son article 9 : "en rémunération de ses fonctions, [le salarié] percevra un salaire brut mensuel forfaitaire de 2 400 €. Une commission de 20 % de la marge nette sur son secteur lui sera versée. En contrepartie de cette rémunération, [le salarié] sera réputé avoir accompli soit 151,67 heures par mois, soit un minimum de cent visites clients. Cette rémunération sera complétée d'une partie variable dont les modalités seront définies au début de chaque cycle commercial'', la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause. »
Réponse de la Cour
4. C'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté des termes du contrat de travail rendait nécessaire, que la cour d'appel a retenu que la commune intention des parties avait été de convenir d'une rémunération fixe complétée par une partie variable, sous forme de commissions au taux de 20 %, calculées sur la marge nette du secteur commercial.
5. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt d'écarter ses demandes de rappel de commissions et de résiliation judiciaire du contrat de travail, alors « que les cotisations sociales dues par l'employeur restent exclusivement à sa charge, toute convention contraire étant nulle de plein droit ; qu'en retenant, en l'espèce, que le calcul des commissions dues au salarié, qui s'effectuait sur la marge brute diminuée de l'ensemble des charges sociales exposées par l'employeur, était licite, la cour d'appel a violé l'article L. 241-8 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
7. Aux termes de l'article L. 241-8 du code de la sécurité sociale, les cotisations sociales dues par l'employeur restent exclusivement à sa charge, toute convention contraire étant nulle de plein droit.
8. Il résulte certes de la jurisprudence de la chambre sociale (Soc., 17 octobre 2000, pourvoi n° 98-45.669, Bull. 2000, V, n° 329) qu'il s'en déduit que sont nulles de plein droit les dispositions d'un contrat de travail en vertu desquelles la rémunération variable d'un salarié est déterminée déduction faite des cotisations sociales à la charge de l'employeur.
9. Toutefois, s'agissant de la détermination de l'assiette de la rémunération variable, de telles dispositions contractuelles n'ont pas pour effet de faire peser sur le salarié la charge des cotisations patronales. Il en résulte qu'il y a lieu de juger désormais que la détermination de l'assiette de la rémunération variable ne relève pas de la prohibition de l'article L. 241-8 du code de la sécurité sociale qui ne concerne que le paiement des cotisations sociales.
10. C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel, après avoir retenu qu'il est stipulé au contrat de travail que le salarié percevra, outre son fixe, une commission de 20 % de la marge nette de son secteur et que la société détermine la marge brute perçue par elle pour chaque produit vendu, que de cette marge brute est déduit, outre tous les frais de voiture, téléphone, restaurant, péage exposés par le salarié, un forfait au titre des charges sociales, que la déduction de ces frais détermine la marge nette sur laquelle est calculée la commission de 20 %, en a déduit que l'employeur détermine simplement le montant de la marge nette, laquelle constitue l'assiette du commissionnement, sans faire ainsi supporter au salarié les cotisations patronales de sécurité sociale.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
12. Le salarié fait grief à l'arrêt d'écarter ses demandes de rappel d'heures supplémentaires impayées et de congés payés afférents, de dommages-intérêts pour travail dissimulé, au titre de la contrepartie obligatoire en repos non accordé et d'écarter sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, alors :
« 1°/ qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre, à charge pour celui-ci de fournir, à son tour, ses propres éléments de preuve ; qu'en retenant, en l'espèce, que les éléments communiqués par le salarié ne suffisaient pas à étayer sa réclamation, quand elle constatait, pourtant, d'une part, que le salarié communiquait "un décompte des heures de travail qu'il indiqu[ait] avoir accomplies durant la période considérée, lequel mentionn[ait], jour après jour, les heures de prise et de fin de service, ainsi que de ses rendez-vous professionnels avec la mention du magasin visité, le nombre d'heures quotidien et le total hebdomadaire'' et, d'autre part, que la société admettait elle-même ignorer le nombre d'heures accomplies par le salarié et ne pas les contrôler, de sorte qu'elle ne fournissait aucun élément en réponse à ceux produits par le salarié, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;
2°/ qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre, à charge pour celui-ci de fournir, à son tour, ses propres éléments de preuve ; qu'en retenant, en l'espèce, que le décompte produit par le salarié, dont elle avait constaté qu'il " mentionn[ait], jour après jour, les heures de prise et de fin de service, ainsi que de ses rendez-vous professionnels avec la mention du magasin visité, le nombre d'heures quotidien et le total hebdomadaire "aurait été "insuffisamment précis en ce qu'il ne précis[ait] pas la prise éventuelle d'une pause méridienne'', sans constater que l'employeur n'aurait pas été en mesure d'y répondre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
13. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
14. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
15. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
16. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, l'arrêt retient que le salarié communique un décompte des heures de travail qu'il indique avoir accomplies durant la période considérée, lequel mentionne, jour après jour, les heures de prise et de fin de service, ainsi que de ses rendez-vous professionnels avec la mention du magasin visité, le nombre d'heures de travail quotidien et le total hebdomadaire.
17. L'arrêt retient encore que l'employeur objecte, à juste titre, d'une part, que le salarié, qui travaillait de manière itinérante à 600 kilomètres de son siège social, ne précisait pas ses horaires de travail sur ses compte-rendus hebdomadaires et en justifie en produisant plusieurs de ses documents établis en 2012 et, d'autre part, que les fiches de frais ne permettaient pas de déterminer les horaires réellement accomplis par le salarié au cours de ses tournées.
18. L'arrêt ajoute que le décompte du salarié est insuffisamment précis en ce qu'il ne précise pas la prise éventuelle d'une pause méridienne.
19. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le quatrième moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. Q... de ses demandes de rappel d'heures supplémentaires et congés payés afférents, d'indemnité pour travail dissimulé, de dommages-intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos, de prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et de dommages-intérêts au titre de la rupture, l'arrêt rendu le 10 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société Laboratoire Demavic aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Laboratoire Demavic et la condamne à payer à M. Q... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Boré,Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. Q...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR écarté la demande de M. Q... tendant à la condamnation de la société Demavic à lui payer les sommes de 21 978,26 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires impayées et de 2 197,82 euros au titre des congés payés afférents, outre des dommages et intérêts pour travail dissimulé ainsi qu'au titre de la contrepartie obligatoire en repos non accordé et d'AVOIR en conséquence écarté sa demande de résiliation judiciaire de son contrat aux torts de la société Demavic ;
AUX MOTIFS QU'il résulte de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, au soutien de sa demande en paiement de la somme brute de 21 978,26 € au titre des 1 048,50 heures supplémentaires sur la période de 2010 à 2013, l'intimé communique :
- un décompte des heures de travail qu'il indique avoir accomplies durant la période considérée, lequel mentionne, jour après jour, les heures de prise et de fin de service, ainsi que de ses rendez-vous professionnels avec la mention du magasin visité, le nombre d'heures quotidien et le total hebdomadaire,
- les lettres de licenciement de deux de ses collègues, à savoir Madame D... et Monsieur B..., en date respectivement des 08 août 2012 et 30 mai 2014, desquelles il ressort que l'employeur pouvait exploiter le système de géolocalisation dont étaient équipés les véhicules des commerciaux afin de caractériser des manquements,
- la réclamation qu'il a présentée par lettre du 29 avril 2013, aux termes de laquelle il évaluait le nombre d'heures supplémentaires « après une première approche de calcul » à 2 592 heures,
- la brochure de présentation du système de géolocalisation « LINK 510 » dont étaient équipés les véhicules des commerciaux qui précise notamment qu'il permet de recevoir en temps réel des informations sur le temps de travail et générer des rapports automatiques indiquant le kilométrage, le parcours et le temps de conduite ;
qu'il invoque en outre l'étendue du secteur qui lui était confié, correspondant à une vingtaine de départements situés dans le Sud-Est de la France ; que la société Demavic,
- en premier lieu, objecte à juste titre, d'une part, que le salarié, qui travaillait de manière itinérante à 600 kilomètres de son siège social, ne précisait pas ses horaires de travail sur ses compte-rendus hebdomadaires, ainsi qu'elle en justifie en produisant plusieurs de ses documents établis en 2012, et d'autre part, que ses fiches de frais ne permettaient pas de déterminer les horaires réellement accomplis par le salarié au cours de ses tournées,
- en second lieu, plaide, sans être démentie utilement par le salarié sur ce dernier point, que si elle pouvait relever, incidemment, à l'occasion de dossiers disciplinaires tels ceux concernant Madame D... et Monsieur B..., et dans la limite des deux derniers mois, des informations issues du dispositif de géolocalisation, elle ne procédait en aucun cas à un contrôle continu de l'activité de ses salariés par ce biais,
- en troisième lieu, établit par l'attestation de Monsieur R... et des bulletins de salaires de plusieurs de ses collaborateurs, que l'accomplissement d'heures supplémentaires est soumis à autorisation préalable du chef de service et qu'elle règle des heures supplémentaires,
- et, en dernier lieu, souligne que le salarié n'avait jamais présenté de réclamation de ce chef ou relativement à sa charge de travail ou encore à l'importance du secteur à développer, avant le 29 avril 2013, veille de son second arrêt maladie qui se poursuivra jusqu'à son licenciement pour inaptitude, les éléments communiqués par Monsieur Q... ne suffisent pas à étayer sa réclamation en ce qu'il aurait accompli des heures supplémentaires à la demande ou avec l'accord même implicite de l'employeur ;
qu'en outre, son décompte est insuffisamment précis en ce qu'il ne précise pas la prise éventuelle d'une pause méridienne ; que s'agissant des deux salons auxquels Monsieur Q... a participé durant la période considérée, la société Demavic réplique que le salarié a récupéré les heures supplémentaires y afférentes, ce qu'il a du reste fait dans le mois qui a suivi l'organisation de ces salons ainsi qu'il ressort de ses bulletins de salaires [
] ; que si les manquements invoqués par le salarié au soutien de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail sont établis et d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de ce contrat, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date et que le salarié est toujours au service de l'employeur, ou à la date du licenciement, lorsque celui-ci lui a été notifié ultérieurement pour d'autres faits ; qu'il résulte de ce qui précède que les manquements avérés, à savoir l'imprécision initiale du mode de calcul de l'assiette de la « marge nette », l'existence d'erreurs lesquelles ont été pour la plupart régularisées, avant même l'introduction de l'instance ou concomitamment à l'introduction de celle-ci (commissionnement au titre du remplacement effectué sur le département du Rhône en 2010) et enfin la non-justification de l'imputation de 3 246 euros de frais sur la marge brute de son secteur durant la suspension de son contrat de travail, ne rendaient pas impossible la poursuite de la relation de travail en ce qu'ils étaient trop anciens, régularisés, ou insuffisamment grave (créance de 649,20 euros à titre de rappel de commission) ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur Q... de sa demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur ;
1° ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre, à charge pour celui-ci de fournir, à son tour, ses propres éléments de preuve ; qu'en retenant, en l'espèce, que les éléments communiqués par M. Q... ne suffisaient pas à étayer sa réclamation, quand elle constatait, pourtant, d'une part, que le salarié communiquait « un décompte des heures de travail qu'il indiqu[ait] avoir accomplies durant la période considérée, lequel mentionn[ait], jour après jour, les heures de prise et de fin de service, ainsi que de ses rendez-vous professionnels avec la mention du magasin visité, le nombre d'heures quotidien et le total hebdomadaire » (arrêt, p. 5, al. 9) et, d'autre part, que la société Demavic admettait elle-même ignorer le nombre d'heures accomplies par le salarié et ne pas les contrôler, de sorte qu'elle ne fournissait aucun élément en réponse à ceux produits par l'exposant (arrêt, p. 6, al. 3), la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;
2° ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre, à charge pour celui-ci de fournir, à son tour, ses propres éléments de preuve ; qu'en retenant, en l'espèce, que le décompte produit par M. Q..., dont elle avait constaté qu'il « mentionn[ait], jour après jour, les heures de prise et de fin de service, ainsi que de ses rendez-vous professionnels avec la mention du magasin visité, le nombre d'heures quotidien et le total hebdomadaire » (arrêt, p. 5, al. 9) aurait été « insuffisamment précis en ce qu'il ne précis[ait] pas la prise éventuelle d'une pause méridienne » (arrêt, p. 6, al. 4), sans constater que l'employeur n'aurait pas été en mesure d'y répondre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR écarté la demande de M. Q... tendant à la condamnation de la société Demavic à lui verser la somme de 9 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'absence de mise en oeuvre de la clause de son contrat prévoyant le paiement d'une part variable et d'AVOIR en conséquence écarté sa demande de résiliation judiciaire de son contrat aux torts de la société Demavic ;
AUX MOTIFS QUE le contrat de travail énonce en son article 9 intitulé « rémunération » ceci :
« En rémunération de ses fonctions, Monsieur Q... percevra un salaire brut mensuel forfaitaire de 2 400 €. Une commission de 20 % de la marge nette sur son secteur lui sera versée.
En contrepartie de cette rémunération, Monsieur sera réputé avoir accompli soit 151,67 heures par mois, soit un minimum de 100 visites clients.
Cette rémunération sera complétée d'une partie variable dont les modalités seront définies au début de chaque cycle commercial » ; qu'à l'occasion de sa première réclamation, adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 29 avril 2013, Monsieur Q... a sollicité non pas le paiement de cette « partie variable de rémunération », mais la communication de ses modalités et ce, dans les termes suivants :
« Après relecture de mon contrat de travail, je m'interroge sur l'article 9 des rémunérations car il stipule qu'en plus de mon salaire et de mes commissions, ma rémunération doit être complétée d'une partie variable dont les modalités doivent être définies au début de chaque cycle commercial. Cela dit, je reste toujours dans l'attente de ces modalités, je vous demande donc de bien vouloir me les communiquer au plus tôt »,
ce à quoi la société Demavic lui a répliqué le 05 juillet 2013 qu'il savait « pertinemment que la prime variable à laquelle il faisait référence était en fait la prime de 20 % et qu'une note d'information avait été diffusée le 25 février 2011 à l'ensemble des salariés pour clarifier la rédaction imprécise du contrat de travail, ainsi libellée : Il est prévu dans certains contrats que cette rémunération sera complétée d'une partie variable. Il s'agit de la simple reprise de vos conditions générales de rémunération se traduisant par la libération d'une partie variable. Si ce libellé est susceptible de produire un questionnement chez les plus récents d'entre vous, nous en sommes désolés. Il reste qu'il n'a jamais été prévu de verser une partie fixe, une commission et une partie variable, les deux dernières notions faisant double emploi » ;
que la société Demavic s'oppose à la réclamation présentée de ce chef par Monsieur Q... en invoquant une « rédaction maladroite » en ce que la « partie variable » constituait dans son intention la « commission de 20 % » ; elle plaide « l'erreur de droit » ; que trois anciens collègues de Monsieur Q..., Messieurs I..., V... et R... attestent avoir bien reçu la note du 25 février 2011 ; que l'intimé ne conteste pas en avoir été effectivement destinataire ; que Monsieur R... recruté le 07 décembre 2009, soit à une date proche de l'embauche de Monsieur Q..., comme chef de secteur, précise dans son attestation que sa rémunération était « bien composée d'une partie fixe et d'une partie variable, et non pas d'un fixe, d'une commission et d'une partie variable, les deux dernières notions faisant double emploi » ; que dans la mesure où Monsieur Q... s'interrogeait lui-même le 29 avril 2013 quant à la composition de sa rémunération, l'intimé n'est pas fondé à affirmer que la clause ne serait pas équivoque ou ambigüe ; qu'il est constant que la société Demavic n'a jamais mis en oeuvre les modalités d'une partie variable de rémunération distincte du commissionnement de 20 % et que Monsieur Q... ne prétend pas avoir protesté à réception de ce courrier du 25 février 2011 , qu'il s'infère des éléments de la clause et de l'interprétation de la clause litigieuse que la commune intention des parties a consisté à fixer une rémunération fixe complétée par une partie variable, consistant en une commission au taux de 20 % calculée sur la marge nette du secteur du commercial ; que la demande d'indemnisation présentée par Monsieur Q... à ce titre n'étant pas fondée, elle sera rejetée, le jugement étant complété en ce sens ;
ALORS QU'en retenant que « la commune intention des parties avait consisté à fixer une rémunération fixe complétée par une partie variable, consistant en une commission au taux de 20 % calculée sur la marge nette du secteur commercial » et que le contrat de travail de M. Q... ne prévoyait pas, en plus de cette commission, le paiement d'une partie variable dont les modalités seraient définies en début de chaque cycle commercial, quand le contrat de travail de M. Q... stipulait expressément, en son article 9 : « en rémunération de ses fonctions, Monsieur Q... percevra un salaire brut mensuel forfaitaire de 2 400 €. Une commission de 20 % de la marge nette sur son secteur lui sera versée. En contrepartie de cette rémunération, Monsieur sera réputé avoir accompli soit 151,67 heures par mois, soit un minimum de 100 visites clients. Cette rémunération sera complétée d'une partie variable dont les modalités seront définies au début de chaque cycle commercial », la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR écarté la demande de M. Q... tendant à la condamnation de la société Demavic à lui verser un rappel de commissions et d'AVOIR en conséquence écarté sa demande de résiliation judiciaire de son contrat aux torts de la société Demavic ;
AUX MOTIFS QU'il est de droit qu'une clause du contrat de travail peut prévoir une variation de la rémunération du salarié dès lors qu'elle est fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l'employeur, ne fait pas porter le risque d'entreprise sur le salarié et n'a pas pour effet de réduire la rémunération au-dessous des minima légaux et conventionnels ; qu'en l'espèce, il est stipulé au contrat de travail que Monsieur Q... percevrait, outre son fixe, une « commission de 20 % de la marge nette de son secteur » ; qu'il résulte des écritures de l'employeur, non contredites par Monsieur Q... sur ce point, et des témoignages de Monsieur W..., directeur des ventes, et de Monsieur R..., que le montant de la commission était ainsi déterminé :
- le calcul des commissions est effectué chaque mois par le biais d'un tableau Excel transmis à chacun des salariés,
- la société Demavic détermine la marge brute perçue par elle pour chaque produit vendu, cette marge brute correspondant à un pourcentage de chiffre d'affaires qui varie selon les enseignes et pour les mêmes produits commercialisés auprès de la même enseigne,
- de cette marge brute, sont déduits, outre tous les frais (voiture, téléphone, restaurant, péage) exposés par le salarié, un forfait au titre des charges sociales correspondant au « salaire chargé » qui a évolué durant la période entre 3 429 €, 3 480 €, 3 471 € et 2 424 €,
- la déduction de ces frais détermine la marge nette sur laquelle est calculée la commission de 20 %,
- chaque mois, Monsieur W..., directeur commercial national, transmet par mail à chacun des collaborateurs le tableau de suivi des marges de son secteur ; en suivant, une conférence téléphonique est organisée, au cours de laquelle le montant de la commission du mois est validé par le collaborateur et son responsable hiérarchique ;
que Monsieur Q... soulève l'illicéité des modalités de commissionnement ainsi appliquées par l'employeur en ce que le dispositif contreviendrait au principe selon lequel le salarié ne saurait supporter les frais induits par son activité, ni les charges sociales ; que toutefois, en déduisant, non pas de la rémunération du salarié, mais de la marge brute, les frais professionnels exposés par le salarié que la société prend effectivement en charge ainsi que le coût global de la rémunération, l'employeur détermine simplement le montant de la marge nette laquelle constitue l'assiette du commissionnement sur laquelle il applique ensuite le taux contractuel de 20 % ; [
] qu'à l'examen comparé du décompte détaillé fourni par l'employeur et de celui dont se prévaut le salarié, la seule différence pour justifier la créance réclamée par ce dernier repose sur le fait que Monsieur Q... considère de manière erronée que les déductions des frais et des charges sociales qui sont appliquées à la marge brute pour déterminer l'assiette du commissionnement seraient illicites et à l'adoption par Monsieur Q... d'un mode de calcul de la marge nette (marge brute/1,45) sur lequel il ne fournit aucune explication ;
ALORS QUE les cotisations sociales dues par l'employeur restent exclusivement à sa charge, toute convention contraire étant nulle de plein droit ; qu'en retenant, en l'espèce, que le calcul des commissions dues à M. Q..., qui s'effectuait sur la marge brute diminuée de l'ensemble des charges sociales exposées par l'employeur, était licite, la cour d'appel a violé l'article L. 241-8 du code de la sécurité sociale.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR écarté la demande de M. Q... tendant à la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de la société Demavic ;
AUX MOTIFS QUE si les manquements invoqués par le salarié au soutien de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail sont établis et d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de ce contrat, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date et que le salarié est toujours au service de l'employeur, ou à la date du licenciement, lorsque celui-ci lui a été notifié ultérieurement pour d'autres faits ; qu'il résulte de ce qui précède que les manquements avérés, à savoir l'imprécision initiale du mode de calcul de l'assiette de la « marge nette », l'existence d'erreurs lesquelles ont été pour la plupart régularisées, avant même l'introduction de l'instance ou concomitamment à l'introduction de celle-ci (commissionnement au titre du remplacement effectué sur le département du Rhône en 2010) et enfin la non-justification de l'imputation de 3 246 euros de frais sur la marge brute de son secteur durant la suspension de son contrat de travail, ne rendaient pas impossible la poursuite de la relation de travail en ce qu'ils étaient trop anciens, régularisés, ou insuffisamment grave (créance de 649,20 euros à titre de rappel de commission) ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur Q... de sa demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur ;
ALORS QUE constitue une faute de l'employeur empêchant la poursuite du contrat la mise en place d'un système de rémunération variable dénué de fiabilité ; qu'en se bornant à retenir que les erreurs de calcul de la rémunération due à M. Q... qui avaient été effectivement commises n'étaient pas d'une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite du contrat (arrêt, p. 11, dernier al. et p. 12, al. 1er), sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le fait d'avoir mis en place un système de calcul dénué de fiabilité et donnant lieu à des erreurs très fréquentes ne constituait pas un manquement de la société Demavic justifiant la résiliation judiciaire à ses torts du contrat de M. Q..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article L. 1221-1 du code du travail.ECLI:FR:CCASS:2021:SO00138
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 27 janvier 2021
Cassation partielle
M. CATHALA, président
Arrêt n° 138 FP-P+R+I
Pourvoi n° X 17-31.046
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 JANVIER 2021
M. L... Q..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° X 17-31.046 contre l'arrêt rendu le 10 octobre 2017 par la cour d'appel de Nîmes (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Laboratoire Demavic, société par actions simplifiée, dont le siège est 6 rue du professeur Louis Neel, BP 105, 21600 Longvic, défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. Q..., de la SCP Ortscheidt, avocat de la société Laboratoire Demavic, les plaidoiries de Me Mégret et celles de Me Ortscheidt, l'avis de Mme Courcol-Bouchard, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 3 décembre 2020 où étaient présents M. Cathala, président, M. Flores, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mme Farthouat-Danon, M. Schamber, Mme Leprieur, MM. Rinuy, Ricour, Mme Van Ruymbeke, M. Pietton, Mmes Cavrois, Pécaut-Rivolier, Richard, conseillers, Mmes Duvallet, Chamley-Coulet, M. Duval, Mme Prieur, conseillers référendaires, Mme Courcol-Bouchard, premier avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 10 octobre 2017), M. Q... a été engagé à compter du 1er septembre 2008 par la société Laboratoire Demavic (la société) en qualité de technico-commercial.
2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt d'écarter sa demande de dommages-intérêts en réparation de l'absence de mise en oeuvre de la clause de son contrat prévoyant le paiement d'une part variable et sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, alors « qu'en retenant que "la commune intention des parties avait consisté à fixer une rémunération fixe complétée par une partie variable, consistant en une commission au taux de 20 % calculée sur la marge nette du secteur commercial "et que le contrat de travail du salarié ne prévoyait pas, en plus de cette commission, le paiement d'une partie variable dont les modalités seraient définies en début de chaque cycle commercial, quand le contrat de travail du salarié stipulait expressément, en son article 9 : "en rémunération de ses fonctions, [le salarié] percevra un salaire brut mensuel forfaitaire de 2 400 €. Une commission de 20 % de la marge nette sur son secteur lui sera versée. En contrepartie de cette rémunération, [le salarié] sera réputé avoir accompli soit 151,67 heures par mois, soit un minimum de cent visites clients. Cette rémunération sera complétée d'une partie variable dont les modalités seront définies au début de chaque cycle commercial'', la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause. »
Réponse de la Cour
4. C'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté des termes du contrat de travail rendait nécessaire, que la cour d'appel a retenu que la commune intention des parties avait été de convenir d'une rémunération fixe complétée par une partie variable, sous forme de commissions au taux de 20 %, calculées sur la marge nette du secteur commercial.
5. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt d'écarter ses demandes de rappel de commissions et de résiliation judiciaire du contrat de travail, alors « que les cotisations sociales dues par l'employeur restent exclusivement à sa charge, toute convention contraire étant nulle de plein droit ; qu'en retenant, en l'espèce, que le calcul des commissions dues au salarié, qui s'effectuait sur la marge brute diminuée de l'ensemble des charges sociales exposées par l'employeur, était licite, la cour d'appel a violé l'article L. 241-8 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
7. Aux termes de l'article L. 241-8 du code de la sécurité sociale, les cotisations sociales dues par l'employeur restent exclusivement à sa charge, toute convention contraire étant nulle de plein droit.
8. Il résulte certes de la jurisprudence de la chambre sociale (Soc., 17 octobre 2000, pourvoi n° 98-45.669, Bull. 2000, V, n° 329) qu'il s'en déduit que sont nulles de plein droit les dispositions d'un contrat de travail en vertu desquelles la rémunération variable d'un salarié est déterminée déduction faite des cotisations sociales à la charge de l'employeur.
9. Toutefois, s'agissant de la détermination de l'assiette de la rémunération variable, de telles dispositions contractuelles n'ont pas pour effet de faire peser sur le salarié la charge des cotisations patronales. Il en résulte qu'il y a lieu de juger désormais que la détermination de l'assiette de la rémunération variable ne relève pas de la prohibition de l'article L. 241-8 du code de la sécurité sociale qui ne concerne que le paiement des cotisations sociales.
10. C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel, après avoir retenu qu'il est stipulé au contrat de travail que le salarié percevra, outre son fixe, une commission de 20 % de la marge nette de son secteur et que la société détermine la marge brute perçue par elle pour chaque produit vendu, que de cette marge brute est déduit, outre tous les frais de voiture, téléphone, restaurant, péage exposés par le salarié, un forfait au titre des charges sociales, que la déduction de ces frais détermine la marge nette sur laquelle est calculée la commission de 20 %, en a déduit que l'employeur détermine simplement le montant de la marge nette, laquelle constitue l'assiette du commissionnement, sans faire ainsi supporter au salarié les cotisations patronales de sécurité sociale.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
12. Le salarié fait grief à l'arrêt d'écarter ses demandes de rappel d'heures supplémentaires impayées et de congés payés afférents, de dommages-intérêts pour travail dissimulé, au titre de la contrepartie obligatoire en repos non accordé et d'écarter sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, alors :
« 1°/ qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre, à charge pour celui-ci de fournir, à son tour, ses propres éléments de preuve ; qu'en retenant, en l'espèce, que les éléments communiqués par le salarié ne suffisaient pas à étayer sa réclamation, quand elle constatait, pourtant, d'une part, que le salarié communiquait "un décompte des heures de travail qu'il indiqu[ait] avoir accomplies durant la période considérée, lequel mentionn[ait], jour après jour, les heures de prise et de fin de service, ainsi que de ses rendez-vous professionnels avec la mention du magasin visité, le nombre d'heures quotidien et le total hebdomadaire'' et, d'autre part, que la société admettait elle-même ignorer le nombre d'heures accomplies par le salarié et ne pas les contrôler, de sorte qu'elle ne fournissait aucun élément en réponse à ceux produits par le salarié, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;
2°/ qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre, à charge pour celui-ci de fournir, à son tour, ses propres éléments de preuve ; qu'en retenant, en l'espèce, que le décompte produit par le salarié, dont elle avait constaté qu'il " mentionn[ait], jour après jour, les heures de prise et de fin de service, ainsi que de ses rendez-vous professionnels avec la mention du magasin visité, le nombre d'heures quotidien et le total hebdomadaire "aurait été "insuffisamment précis en ce qu'il ne précis[ait] pas la prise éventuelle d'une pause méridienne'', sans constater que l'employeur n'aurait pas été en mesure d'y répondre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :
13. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
14. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
15. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
16. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, l'arrêt retient que le salarié communique un décompte des heures de travail qu'il indique avoir accomplies durant la période considérée, lequel mentionne, jour après jour, les heures de prise et de fin de service, ainsi que de ses rendez-vous professionnels avec la mention du magasin visité, le nombre d'heures de travail quotidien et le total hebdomadaire.
17. L'arrêt retient encore que l'employeur objecte, à juste titre, d'une part, que le salarié, qui travaillait de manière itinérante à 600 kilomètres de son siège social, ne précisait pas ses horaires de travail sur ses compte-rendus hebdomadaires et en justifie en produisant plusieurs de ses documents établis en 2012 et, d'autre part, que les fiches de frais ne permettaient pas de déterminer les horaires réellement accomplis par le salarié au cours de ses tournées.
18. L'arrêt ajoute que le décompte du salarié est insuffisamment précis en ce qu'il ne précise pas la prise éventuelle d'une pause méridienne.
19. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le quatrième moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. Q... de ses demandes de rappel d'heures supplémentaires et congés payés afférents, d'indemnité pour travail dissimulé, de dommages-intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos, de prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et de dommages-intérêts au titre de la rupture, l'arrêt rendu le 10 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société Laboratoire Demavic aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Laboratoire Demavic et la condamne à payer à M. Q... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Boré,Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. Q...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR écarté la demande de M. Q... tendant à la condamnation de la société Demavic à lui payer les sommes de 21 978,26 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires impayées et de 2 197,82 euros au titre des congés payés afférents, outre des dommages et intérêts pour travail dissimulé ainsi qu'au titre de la contrepartie obligatoire en repos non accordé et d'AVOIR en conséquence écarté sa demande de résiliation judiciaire de son contrat aux torts de la société Demavic ;
AUX MOTIFS QU'il résulte de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, au soutien de sa demande en paiement de la somme brute de 21 978,26 € au titre des 1 048,50 heures supplémentaires sur la période de 2010 à 2013, l'intimé communique :
- un décompte des heures de travail qu'il indique avoir accomplies durant la période considérée, lequel mentionne, jour après jour, les heures de prise et de fin de service, ainsi que de ses rendez-vous professionnels avec la mention du magasin visité, le nombre d'heures quotidien et le total hebdomadaire,
- les lettres de licenciement de deux de ses collègues, à savoir Madame D... et Monsieur B..., en date respectivement des 08 août 2012 et 30 mai 2014, desquelles il ressort que l'employeur pouvait exploiter le système de géolocalisation dont étaient équipés les véhicules des commerciaux afin de caractériser des manquements,
- la réclamation qu'il a présentée par lettre du 29 avril 2013, aux termes de laquelle il évaluait le nombre d'heures supplémentaires « après une première approche de calcul » à 2 592 heures,
- la brochure de présentation du système de géolocalisation « LINK 510 » dont étaient équipés les véhicules des commerciaux qui précise notamment qu'il permet de recevoir en temps réel des informations sur le temps de travail et générer des rapports automatiques indiquant le kilométrage, le parcours et le temps de conduite ;
qu'il invoque en outre l'étendue du secteur qui lui était confié, correspondant à une vingtaine de départements situés dans le Sud-Est de la France ; que la société Demavic,
- en premier lieu, objecte à juste titre, d'une part, que le salarié, qui travaillait de manière itinérante à 600 kilomètres de son siège social, ne précisait pas ses horaires de travail sur ses compte-rendus hebdomadaires, ainsi qu'elle en justifie en produisant plusieurs de ses documents établis en 2012, et d'autre part, que ses fiches de frais ne permettaient pas de déterminer les horaires réellement accomplis par le salarié au cours de ses tournées,
- en second lieu, plaide, sans être démentie utilement par le salarié sur ce dernier point, que si elle pouvait relever, incidemment, à l'occasion de dossiers disciplinaires tels ceux concernant Madame D... et Monsieur B..., et dans la limite des deux derniers mois, des informations issues du dispositif de géolocalisation, elle ne procédait en aucun cas à un contrôle continu de l'activité de ses salariés par ce biais,
- en troisième lieu, établit par l'attestation de Monsieur R... et des bulletins de salaires de plusieurs de ses collaborateurs, que l'accomplissement d'heures supplémentaires est soumis à autorisation préalable du chef de service et qu'elle règle des heures supplémentaires,
- et, en dernier lieu, souligne que le salarié n'avait jamais présenté de réclamation de ce chef ou relativement à sa charge de travail ou encore à l'importance du secteur à développer, avant le 29 avril 2013, veille de son second arrêt maladie qui se poursuivra jusqu'à son licenciement pour inaptitude, les éléments communiqués par Monsieur Q... ne suffisent pas à étayer sa réclamation en ce qu'il aurait accompli des heures supplémentaires à la demande ou avec l'accord même implicite de l'employeur ;
qu'en outre, son décompte est insuffisamment précis en ce qu'il ne précise pas la prise éventuelle d'une pause méridienne ; que s'agissant des deux salons auxquels Monsieur Q... a participé durant la période considérée, la société Demavic réplique que le salarié a récupéré les heures supplémentaires y afférentes, ce qu'il a du reste fait dans le mois qui a suivi l'organisation de ces salons ainsi qu'il ressort de ses bulletins de salaires [
] ; que si les manquements invoqués par le salarié au soutien de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail sont établis et d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de ce contrat, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date et que le salarié est toujours au service de l'employeur, ou à la date du licenciement, lorsque celui-ci lui a été notifié ultérieurement pour d'autres faits ; qu'il résulte de ce qui précède que les manquements avérés, à savoir l'imprécision initiale du mode de calcul de l'assiette de la « marge nette », l'existence d'erreurs lesquelles ont été pour la plupart régularisées, avant même l'introduction de l'instance ou concomitamment à l'introduction de celle-ci (commissionnement au titre du remplacement effectué sur le département du Rhône en 2010) et enfin la non-justification de l'imputation de 3 246 euros de frais sur la marge brute de son secteur durant la suspension de son contrat de travail, ne rendaient pas impossible la poursuite de la relation de travail en ce qu'ils étaient trop anciens, régularisés, ou insuffisamment grave (créance de 649,20 euros à titre de rappel de commission) ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur Q... de sa demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur ;
1° ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre, à charge pour celui-ci de fournir, à son tour, ses propres éléments de preuve ; qu'en retenant, en l'espèce, que les éléments communiqués par M. Q... ne suffisaient pas à étayer sa réclamation, quand elle constatait, pourtant, d'une part, que le salarié communiquait « un décompte des heures de travail qu'il indiqu[ait] avoir accomplies durant la période considérée, lequel mentionn[ait], jour après jour, les heures de prise et de fin de service, ainsi que de ses rendez-vous professionnels avec la mention du magasin visité, le nombre d'heures quotidien et le total hebdomadaire » (arrêt, p. 5, al. 9) et, d'autre part, que la société Demavic admettait elle-même ignorer le nombre d'heures accomplies par le salarié et ne pas les contrôler, de sorte qu'elle ne fournissait aucun élément en réponse à ceux produits par l'exposant (arrêt, p. 6, al. 3), la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;
2° ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre, à charge pour celui-ci de fournir, à son tour, ses propres éléments de preuve ; qu'en retenant, en l'espèce, que le décompte produit par M. Q..., dont elle avait constaté qu'il « mentionn[ait], jour après jour, les heures de prise et de fin de service, ainsi que de ses rendez-vous professionnels avec la mention du magasin visité, le nombre d'heures quotidien et le total hebdomadaire » (arrêt, p. 5, al. 9) aurait été « insuffisamment précis en ce qu'il ne précis[ait] pas la prise éventuelle d'une pause méridienne » (arrêt, p. 6, al. 4), sans constater que l'employeur n'aurait pas été en mesure d'y répondre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR écarté la demande de M. Q... tendant à la condamnation de la société Demavic à lui verser la somme de 9 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'absence de mise en oeuvre de la clause de son contrat prévoyant le paiement d'une part variable et d'AVOIR en conséquence écarté sa demande de résiliation judiciaire de son contrat aux torts de la société Demavic ;
AUX MOTIFS QUE le contrat de travail énonce en son article 9 intitulé « rémunération » ceci :
« En rémunération de ses fonctions, Monsieur Q... percevra un salaire brut mensuel forfaitaire de 2 400 €. Une commission de 20 % de la marge nette sur son secteur lui sera versée.
En contrepartie de cette rémunération, Monsieur sera réputé avoir accompli soit 151,67 heures par mois, soit un minimum de 100 visites clients.
Cette rémunération sera complétée d'une partie variable dont les modalités seront définies au début de chaque cycle commercial » ; qu'à l'occasion de sa première réclamation, adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 29 avril 2013, Monsieur Q... a sollicité non pas le paiement de cette « partie variable de rémunération », mais la communication de ses modalités et ce, dans les termes suivants :
« Après relecture de mon contrat de travail, je m'interroge sur l'article 9 des rémunérations car il stipule qu'en plus de mon salaire et de mes commissions, ma rémunération doit être complétée d'une partie variable dont les modalités doivent être définies au début de chaque cycle commercial. Cela dit, je reste toujours dans l'attente de ces modalités, je vous demande donc de bien vouloir me les communiquer au plus tôt »,
ce à quoi la société Demavic lui a répliqué le 05 juillet 2013 qu'il savait « pertinemment que la prime variable à laquelle il faisait référence était en fait la prime de 20 % et qu'une note d'information avait été diffusée le 25 février 2011 à l'ensemble des salariés pour clarifier la rédaction imprécise du contrat de travail, ainsi libellée : Il est prévu dans certains contrats que cette rémunération sera complétée d'une partie variable. Il s'agit de la simple reprise de vos conditions générales de rémunération se traduisant par la libération d'une partie variable. Si ce libellé est susceptible de produire un questionnement chez les plus récents d'entre vous, nous en sommes désolés. Il reste qu'il n'a jamais été prévu de verser une partie fixe, une commission et une partie variable, les deux dernières notions faisant double emploi » ;
que la société Demavic s'oppose à la réclamation présentée de ce chef par Monsieur Q... en invoquant une « rédaction maladroite » en ce que la « partie variable » constituait dans son intention la « commission de 20 % » ; elle plaide « l'erreur de droit » ; que trois anciens collègues de Monsieur Q..., Messieurs I..., V... et R... attestent avoir bien reçu la note du 25 février 2011 ; que l'intimé ne conteste pas en avoir été effectivement destinataire ; que Monsieur R... recruté le 07 décembre 2009, soit à une date proche de l'embauche de Monsieur Q..., comme chef de secteur, précise dans son attestation que sa rémunération était « bien composée d'une partie fixe et d'une partie variable, et non pas d'un fixe, d'une commission et d'une partie variable, les deux dernières notions faisant double emploi » ; que dans la mesure où Monsieur Q... s'interrogeait lui-même le 29 avril 2013 quant à la composition de sa rémunération, l'intimé n'est pas fondé à affirmer que la clause ne serait pas équivoque ou ambigüe ; qu'il est constant que la société Demavic n'a jamais mis en oeuvre les modalités d'une partie variable de rémunération distincte du commissionnement de 20 % et que Monsieur Q... ne prétend pas avoir protesté à réception de ce courrier du 25 février 2011 , qu'il s'infère des éléments de la clause et de l'interprétation de la clause litigieuse que la commune intention des parties a consisté à fixer une rémunération fixe complétée par une partie variable, consistant en une commission au taux de 20 % calculée sur la marge nette du secteur du commercial ; que la demande d'indemnisation présentée par Monsieur Q... à ce titre n'étant pas fondée, elle sera rejetée, le jugement étant complété en ce sens ;
ALORS QU'en retenant que « la commune intention des parties avait consisté à fixer une rémunération fixe complétée par une partie variable, consistant en une commission au taux de 20 % calculée sur la marge nette du secteur commercial » et que le contrat de travail de M. Q... ne prévoyait pas, en plus de cette commission, le paiement d'une partie variable dont les modalités seraient définies en début de chaque cycle commercial, quand le contrat de travail de M. Q... stipulait expressément, en son article 9 : « en rémunération de ses fonctions, Monsieur Q... percevra un salaire brut mensuel forfaitaire de 2 400 €. Une commission de 20 % de la marge nette sur son secteur lui sera versée. En contrepartie de cette rémunération, Monsieur sera réputé avoir accompli soit 151,67 heures par mois, soit un minimum de 100 visites clients. Cette rémunération sera complétée d'une partie variable dont les modalités seront définies au début de chaque cycle commercial », la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR écarté la demande de M. Q... tendant à la condamnation de la société Demavic à lui verser un rappel de commissions et d'AVOIR en conséquence écarté sa demande de résiliation judiciaire de son contrat aux torts de la société Demavic ;
AUX MOTIFS QU'il est de droit qu'une clause du contrat de travail peut prévoir une variation de la rémunération du salarié dès lors qu'elle est fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l'employeur, ne fait pas porter le risque d'entreprise sur le salarié et n'a pas pour effet de réduire la rémunération au-dessous des minima légaux et conventionnels ; qu'en l'espèce, il est stipulé au contrat de travail que Monsieur Q... percevrait, outre son fixe, une « commission de 20 % de la marge nette de son secteur » ; qu'il résulte des écritures de l'employeur, non contredites par Monsieur Q... sur ce point, et des témoignages de Monsieur W..., directeur des ventes, et de Monsieur R..., que le montant de la commission était ainsi déterminé :
- le calcul des commissions est effectué chaque mois par le biais d'un tableau Excel transmis à chacun des salariés,
- la société Demavic détermine la marge brute perçue par elle pour chaque produit vendu, cette marge brute correspondant à un pourcentage de chiffre d'affaires qui varie selon les enseignes et pour les mêmes produits commercialisés auprès de la même enseigne,
- de cette marge brute, sont déduits, outre tous les frais (voiture, téléphone, restaurant, péage) exposés par le salarié, un forfait au titre des charges sociales correspondant au « salaire chargé » qui a évolué durant la période entre 3 429 €, 3 480 €, 3 471 € et 2 424 €,
- la déduction de ces frais détermine la marge nette sur laquelle est calculée la commission de 20 %,
- chaque mois, Monsieur W..., directeur commercial national, transmet par mail à chacun des collaborateurs le tableau de suivi des marges de son secteur ; en suivant, une conférence téléphonique est organisée, au cours de laquelle le montant de la commission du mois est validé par le collaborateur et son responsable hiérarchique ;
que Monsieur Q... soulève l'illicéité des modalités de commissionnement ainsi appliquées par l'employeur en ce que le dispositif contreviendrait au principe selon lequel le salarié ne saurait supporter les frais induits par son activité, ni les charges sociales ; que toutefois, en déduisant, non pas de la rémunération du salarié, mais de la marge brute, les frais professionnels exposés par le salarié que la société prend effectivement en charge ainsi que le coût global de la rémunération, l'employeur détermine simplement le montant de la marge nette laquelle constitue l'assiette du commissionnement sur laquelle il applique ensuite le taux contractuel de 20 % ; [
] qu'à l'examen comparé du décompte détaillé fourni par l'employeur et de celui dont se prévaut le salarié, la seule différence pour justifier la créance réclamée par ce dernier repose sur le fait que Monsieur Q... considère de manière erronée que les déductions des frais et des charges sociales qui sont appliquées à la marge brute pour déterminer l'assiette du commissionnement seraient illicites et à l'adoption par Monsieur Q... d'un mode de calcul de la marge nette (marge brute/1,45) sur lequel il ne fournit aucune explication ;
ALORS QUE les cotisations sociales dues par l'employeur restent exclusivement à sa charge, toute convention contraire étant nulle de plein droit ; qu'en retenant, en l'espèce, que le calcul des commissions dues à M. Q..., qui s'effectuait sur la marge brute diminuée de l'ensemble des charges sociales exposées par l'employeur, était licite, la cour d'appel a violé l'article L. 241-8 du code de la sécurité sociale.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR écarté la demande de M. Q... tendant à la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de la société Demavic ;
AUX MOTIFS QUE si les manquements invoqués par le salarié au soutien de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail sont établis et d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de ce contrat, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date et que le salarié est toujours au service de l'employeur, ou à la date du licenciement, lorsque celui-ci lui a été notifié ultérieurement pour d'autres faits ; qu'il résulte de ce qui précède que les manquements avérés, à savoir l'imprécision initiale du mode de calcul de l'assiette de la « marge nette », l'existence d'erreurs lesquelles ont été pour la plupart régularisées, avant même l'introduction de l'instance ou concomitamment à l'introduction de celle-ci (commissionnement au titre du remplacement effectué sur le département du Rhône en 2010) et enfin la non-justification de l'imputation de 3 246 euros de frais sur la marge brute de son secteur durant la suspension de son contrat de travail, ne rendaient pas impossible la poursuite de la relation de travail en ce qu'ils étaient trop anciens, régularisés, ou insuffisamment grave (créance de 649,20 euros à titre de rappel de commission) ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur Q... de sa demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur ;
ALORS QUE constitue une faute de l'employeur empêchant la poursuite du contrat la mise en place d'un système de rémunération variable dénué de fiabilité ; qu'en se bornant à retenir que les erreurs de calcul de la rémunération due à M. Q... qui avaient été effectivement commises n'étaient pas d'une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite du contrat (arrêt, p. 11, dernier al. et p. 12, al. 1er), sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le fait d'avoir mis en place un système de calcul dénué de fiabilité et donnant lieu à des erreurs très fréquentes ne constituait pas un manquement de la société Demavic justifiant la résiliation judiciaire à ses torts du contrat de M. Q..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article L. 1221-1 du code du travail.