Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 janvier 2021, 19-18.549, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 janvier 2021, 19-18.549, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 19-18.549
- ECLI:FR:CCASS:2021:SO00015
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mercredi 06 janvier 2021
Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, du 16 avril 2019- Président
- Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 janvier 2021
Rejet
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 15 F-D
Pourvoi n° E 19-18.549
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JANVIER 2021
La société Lotoise d'évaporation (SOLEV), société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° E 19-18.549 contre l'arrêt rendu le 16 avril 2019 par la cour d'appel d'Agen (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. N... A..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Lotoise d'évaporation, de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. A..., après débats en l'audience publique du 10 novembre 2020 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, M. Ricour, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 16 avril 2019), M. A... a été engagé par la société Lotoise d'évaporation le 13 mars 2000. Il exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable de production.
2. Le 18 décembre 2015, le salarié et l'employeur ont signé une convention de rupture.
3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande d'annulation de la convention de rupture et d'une demande en paiement de diverses sommes.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du protocole de rupture conventionnelle et de le condamner à verser diverses sommes au salarié à titre de créances salariales et de dommages-intérêts, alors :
« 1°/ que la nullité d'une convention pour dol ne peut être encourue que lorsqu'au moment de sa conclusion, des informations de nature à influer sur le consentement du contractant lui ont été volontairement dissimulées par son cocontractant ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir et offrait de prouver qu'à la date de la conclusion de la rupture conventionnelle, aucune décision relative à l'engagement d'une procédure de licenciement collectif pour motif économique, ni à l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi n'avait été prise, qu'il avait seulement été opté, le 28 janvier 2016, pour une fermeture de l'usine du 28 mars au 3 avril et du 2 au 8 mai 2016 ainsi que pour le lancement d'une procédure de chômage partiel et que les négociations relatives à l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi n'avaient été engagées avec les représentants du personnel que courant février 2016 ; qu'en se bornant à relever qu'un plan d'action avait été annoncé le 10 décembre 2015 pour redresser la société et qu'un plan de sauvegarde prévoyant des licenciements collectifs avait été présenté en février 2016 au comité d'entreprise, sans mieux caractériser que l'employeur savait, avant la signature de la rupture conventionnelle le 18 décembre 2015, que le poste du salarié serait supprimé dans le cadre de ce plan de sauvegarde et que le salarié bénéficierait de mesures plus favorables que celles qui lui étaient offertes dans le cadre de la rupture conventionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 devenu 1130 et 1116 devenu 1137 du code civil ;
2°/ que la nullité d'une convention pour dol ne peut être encourue que lorsqu'au moment de sa conclusion, des informations de nature à influer sur le consentement du contractant lui ont été volontairement dissimulées par son cocontractant ; qu'en se bornant à relever que l'employeur savait, avant la signature de la rupture conventionnelle, qu'un plan de sauvegarde était en préparation, prévoyant de multiples licenciements et des mesures d'accompagnement et qu'il ne pouvait soutenir ignorer que le poste du salarié, avec qui il était en discussion, serait supprimé dans le cadre de ce plan, sans à aucun moment caractériser que l'employeur aurait agi intentionnellement afin de tromper le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 devenu 1130 et 1116 devenu 1137 du code civil ;
3°/ que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que le salarié, alors qu'il avait été informé de la dégradation de la situation économique de l'entreprise courant 2015 et que des mesures de restructuration devraient être mises en oeuvres, il avait confirmé à son employeur le 24 novembre 2015 qu'il souhaitait quitter son poste dans le cadre d'une rupture conventionnelle ; qu'en prononçant la nullité de la rupture conventionnelle, sans à aucun moment expliquer en quoi le fait qu'informé de la situation économique de l'entreprise et de la nécessité de mettre en oeuvre des mesures de réorganisation, le salarié ait préféré conclure une rupture conventionnelle, n'était pas de nature à écarter le caractère déterminant des informations détenues par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 devenu 1130 et 1116 devenu 1137 du code civil, ensemble l'article 954 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. La cour d'appel, qui a constaté, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que l'employeur avait dissimulé au salarié l'existence, à la date de conclusion de la convention de rupture, d'un plan de sauvegarde de l'emploi en cours de préparation, prévoyant la suppression de son poste, et que cette dissimulation avait été déterminante du consentement de celui-ci, a légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Lotoise d'évaporation aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Lotoise d'évaporation et la condamne à payer à M. A... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Lotoise d'évaporation.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, d'AVOIR statuant à nouveau et y ajoutant, prononcé la nullité du protocole de rupture conventionnelle signé par les parties le 18 décembre 2015, d'AVOIR condamné l'employeur à verser au salarié les sommes de 38 726,58 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, de 19 124,24 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1 912,42 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents, de 37 715 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse, et de 2 500 euros à titre d'indemnité de procédure, et d'AVOIR condamné l'employeur aux entiers dépens d'instance et d'appel ;
AUX MOTIFS QUE « M. A... a été embauché par Solev le 13 mars 2000. A partir de 2012, il a occupé les fonctions de responsable de production, classification cadre position 2 coefficient 130 de la convention collective de la métallurgie. Dans le dernier état de la relation contractuelle, sa rémunération mensuelle brute était de 4 750 euros.
Courant 2015, les dirigeants de Solev informaient les responsables de service que la situation économique de l'entreprise s'était dégradée et que des mesures de restructuration devraient être mises en oeuvre. En mai 2015, un nouveau directeur général était nommé, puis en septembre un nouveau directeur adjoint.
Selon courrier du 24 novembre 2015, M. A... « confirmait » à son employeur qu'il souhaitait quitter son poste dans le cadre d'une rupture conventionnelle.
Le 26 novembre 2015, M. A... était reçu par M. O... – chargé du développement économique transmission / reprise des entreprises au sein de la chambre des métiers et de l'artisanat du Limousin – pour évoquer les conditions de reprise d'une entreprise artisanale en Limousin, selon l'attestation établie par M. O... le 10 décembre 2015.
(
) I. - SUR LA NULLITÉ DE LA RUPTURE CONVENTIONNELLE :
A. - Sur la régularité de la procédure préalable :
M. A... soutient tout d'abord, sans cependant en tirer aucune conséquence au niveau du dispositif de ses conclusions, que le 18 décembre 2015 il a signé sur instructions de la directrice des ressources humaines de Solev non seulement le protocole de rupture conventionnelle et le formulaire CERFA récapitulant le déroulement de la procédure et l'accord intervenu, mais également la lettre manuscrite datée du 24 novembre par laquelle il exprimait le désir de quitter son poste dans le cadre d'une rupture conventionnelle et les lettres datées du 27 novembre et du 10 décembre 2015 le convoquant à des entretiens dans le cadre de la procédure préalable prévue aux articles L. 1237-11 et suivants du code du travail.
Ce faisant il invoque implicitement mais nécessairement l'irrégularité de la procédure préalable à la signature d'une rupture conventionnelle pour non-respect des articles visés ci-dessus.
Pour écarter cette argumentation, il suffira de relever que tous ces documents sont datés, qu'ils comportent la signature manuscrite de M. A... et que celui-ci ne produit aucun document, aucun témoignage, aucune attestation venant corroborer de quelque manière que ce soit ce qui demeure une simple allégation dépourvue de toute valeur probante.
Par suite il y a simplement lieu de relever que la procédure prévue par les articles précités a été régulièrement mise en oeuvre avant la signature de la convention de rupture.
B. - Sur le vice du consentement :
Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.
Il peut être constitué par la dissimulation par l'une des parties à son co-contractant d'un fait qui, s'il avait été connu de lui l'aurait empêché de contracter.
En l'espèce il est constant qu'un plan de sauvegarde de l'emploi a été présenté le 16 février 2016 au comité d'entreprise de Solev, qu'il a fait l'objet de plusieurs consultations avant d'aboutir à un accord collectif majoritaire du comité d'entreprise le 28 avril 2016 et à une validation par la DIRECCTE le 13 mai 2016.
Le document d'information et de consultation présenté au comité d'entreprise le 16 février 2016 prévoyait des licenciements collectifs et des mesures d'accompagnement.
Il ouvrait non seulement droit à un congé de reclassement de 12 mois, avec maintien intégral du salaire pendant la durée du préavis et rémunération à hauteur de 80 % du salaire ensuite, mais comportait également des mesures d'accompagnement et des aides pour financer la formation à la création d'entreprise (4 000 euros) et la reprise d'entreprise (7 500 euros).
Si M. A... avait été informé de la suppression de son poste, prévu dans le plan, et par voie de conséquence de son droit à bénéficier du plan de sauvegarde de l'emploi et des mesures d'accompagnement, il n'aurait certainement pas accepté de signer la rupture conventionnelle.
En effet il résulte tout d'abord de l'attestation délivrée par M. O... le 5 décembre 2017 que l'entretien du 25 novembre 2015 n'avait été qu'une prise de contact destinée à informer M. A... de l'existence de possibilités de reprise d'une entreprise artisanale, sans qu'il soit question d'un projet concret. Il n'existait donc aucune urgence pour M. A... de quitter son emploi. Au demeurant son projet de reprise ne s'est concrétisé que le 30 novembre 2016, par l'acquisition au travers d'une société créée à cet effet d'un fonds artisanal.
Par ailleurs il apparaît que pour concrétiser son projet, M. A... aurait pu bénéficier des mesures d'accompagnement du plan pour financer la formation et une partie du prix du fonds, alors qu'il justifie avoir dû régler une facture de 2 800 euros à un organisme de formation à la gestion de l'entreprise.
Enfin les conditions financières liées à la rupture conventionnelle (14 500 euros d'indemnité de rupture en sus des indemnités légales de licenciement) étaient nettement inférieures à celles dont ils auraient bénéficié dans le cadre du congé de reclassement, précédemment exposées, étant rappelé qu'en cas de rupture conventionnelle l'ouverture du droit aux allocations de chômage est différé à concurrence du montant de l'indemnité de rupture.
Solev fait justement mais vainement observer que c'est à la date de la signature de la rupture conventionnelle, le 16 décembre 2015, qu'il faut se placer pour déterminer s'il existe ou non un vice du consentement.
En effet, il est constant, et le plan de sauvegarde de l'emploi le rappelle expressément, que Solev connaissait depuis plusieurs années des difficultés et des résultats déficitaires. Elle a confié à la société Valtus une mission d'audit, qui devait aboutir à des préconisations de restructuration à la fin du mois d'octobre 2015.
L'examen des comptes rendus de réunions du comité d'entreprise de Solev met en évidence que la mission d'audit s'est poursuivie en octobre et novembre 2015 et que le 10 décembre la direction de Solev a annoncé qu'un plan d'action était en cours d'élaboration en vue de redresser et de pérenniser la société.
Solev ne justifie de l'existence d'aucun autre plan que le plan de sauvegarde de l'emploi qui a été finalement présenté au comité d'entreprise en février 2016.
Dès lors la preuve est suffisamment rapportée que le 10 décembre au moins, c'est à dire avant la signature de la rupture conventionnelle qui est intervenue le 16 décembre, Solev savait qu'un plan de sauvegarde était en préparation, prévoyant de multiples licenciements et des mesures d'accompagnement.
Elle ne peut sérieusement soutenir qu'elle ne savait pas à cette date que le poste de M. A..., avec qui elle était en discussion à la suite de la demande de rupture conventionnelle qu'il avait formée, serait supprimé dans le cadre de ce plan.
La dissimulation de ce plan et de ses conséquences sur l'emploi de M. A... est constitutive de manoeuvres dolosives qui ont vicié le consentement du salarié qui sans elles n'aurait pas signé la rupture conventionnelle.
Par suite il y a lieu de prononcer la nullité de la rupture conventionnelle.
Il suffira simplement d'ajouter que la circonstance que la demande initiale de rupture conventionnelle ait été formée par M. A... est sans incidence sur l'issue du litige, dès lors que l'employeur était en possession d'éléments d'information que le salarié ignorait et qu'il était tenu de les porter à la connaissance de celui-ci à l'occasion des discussions précédant la conclusion de la rupture conventionnelle pour que son consentement soit pleinement éclairé.
II. - SUR LES CONSÉQUENCES DE L'ANNULATION DE LA RUPTURE CONVENTIONNELLE :
L'annulation de la rupture conventionnelle n'ouvre pas droit à la réintégration du salarié, mais produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et justifie donc l'allocation des indemnités de rupture.
A. - Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement :
L'article 29 modifié de la convention collective des ingénieurs et cadre de la métallurgie dispose que le taux de l'indemnité de licenciement allouée au salarié licencié sans avoir commis de faute grave est égal à 1/5 de mois par année d'ancienneté pour la tranche de 1 à 7 ans d'ancienneté et à 3/5 de mois par année d'ancienneté pour la tranche au-delà de 7 ans, avec majoration de 20 % de l'indemnité pour les salariés âgés d'au moins 50 ans et de moins de 55 ans ayant 5 ans d'ancienneté.
Compte tenu de l'ancienneté de M. A... (15 ans et 11 mois), de son âge (50 ans et 1 mois) et de la moyenne mensuelle des salaires pour les 3 derniers mois (4 781,06 euros) l'indemnité conventionnelle de licenciement due à M. A... s'élève à 38 726,58 euros, somme que Solev sera condamnée à lui payer.
B. - Sur l'indemnité compensatrice de préavis :
Aux termes de la convention collective applicable, le délai de préavis est de 4 mois pour l'ingénieur ou cadre âgé de 50 à 55 ans.
En conséquence, Solev sera condamnée à payer à M. A... une indemnité compensatrice de préavis de 19 124, 24 euros, et une indemnité compensatrice de congés payés afférents de 1 912,42 euros.
C. - Sur les dommages et intérêts :
La rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse a causé à M. A... un préjudice direct et certain qui, compte tenu de son âge, de son ancienneté et du fait qu'il a mis près d'un an pour réaliser son projet de reprise d'entreprise artisanale sera justement indemnisé par l'allocation d'une indemnité de 71 715 euros, dont il y a lieu de déduire le montant de 40 000 euros, correspondant à la somme déjà perçue en exécution de la rupture conventionnelle, qu'il est tenu de restituer du fait de l'annulation de celle-ci.
III. - SUR LA RUPTURE DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ :
M. A... soutient qu'il a été victime d'une inégalité de traitement l'autorisant à réclamer une indemnité de 40 000 euros dès lors qu'il n'a pas bénéficié des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi.
Pour confirmer les dispositions du jugement entrepris rejetant cette prétention, il suffira de relever :
- que la rupture d'égalité ne peut être invoquée que dans l'hypothèse où des personnes placées dans une situation identique ne bénéficient pas du même traitement ;
- que la décision de la Cour de cassation produite par l'appelant concerne une hypothèse tout à fait différente : une inégalité de traitement résultant du fait que les salariés d'une entreprise placés dans une situation identique n'avaient pas tous vocation à bénéficier des mêmes avantages ;
- que du fait de la signature le 18 décembre 2015 d'une rupture conventionnelle, il se trouvait dans une situation différente de celle des salariés en fonction dans l'entreprise à la date de l'entrée en vigueur du plan de sauvegarde de l'emploi validé par l'autorité administrative ;
- que par suite le fait qu'il n'ait pas bénéficié des dispositions du plan de sauvegarde validé par la DIRECCTE le 13 mai 2016 ne constitue pas une inégalité de traitement » ;
1°) ALORS QUE la nullité d'une convention pour dol ne peut être encourue que lorsqu'au moment de sa conclusion, des informations de nature à influer sur le consentement du contractant lui ont été volontairement dissimulées par son cocontractant ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir et offrait de prouver qu'à la date de la conclusion de la rupture conventionnelle, aucune décision relative à l'engagement d'une procédure de licenciement collectif pour motif économique, ni à l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi n'avait été prise, qu'il avait seulement été opté, le 28 janvier 2016, pour une fermeture de l'usine du 28 mars au 3 avril et du 2 au 8 mai 2016 ainsi que pour le lancement d'une procédure de chômage partiel et que les négociations relatives à l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi n'avaient été engagées avec les représentants du personnel que courant février 2016 (conclusions d'appel p.7 et 8 ; production n°13) ; qu'en se bornant à relever qu'un plan d'action avait été annoncé le 10 décembre 2015 pour redresser la société et qu'un plan de sauvegarde prévoyant des licenciements collectifs avait été présenté en février 2016 au comité d'entreprise, sans mieux caractériser que l'employeur savait, avant la signature de la rupture conventionnelle le 18 décembre 2015, que le poste du salarié serait supprimé dans le cadre de ce plan de sauvegarde et que la salarié bénéficierait de mesures plus favorables que celles qui lui étaient offertes dans le cadre de la rupture conventionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 devenu 1130 et 1116 devenu 1137 du code civil ;
2°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE la nullité d'une convention pour dol ne peut être encourue que lorsqu'au moment de sa conclusion, des informations de nature à influer sur le consentement du contractant lui ont été volontairement dissimulées par son cocontractant ; qu'en se bornant à relever que l'employeur savait, avant la signature de la rupture conventionnelle, qu'un plan de sauvegarde était en préparation, prévoyant de multiples licenciements et des mesures d'accompagnement et qu'il ne pouvait soutenir ignorer que le poste du salarié, avec qui il était en discussion, serait supprimé dans le cadre de ce plan, sans à aucun moment caractériser que l'employeur aurait agi intentionnellement afin de tromper le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 devenu 1130 et 1116 devenu 1137 du code civil ;
3°) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; qu'en l'espèce, il resulte des constatations de l'arrêt que le salarié, alors qu'il avait été informé de la dégradation de la situation économique de l'entreprise courant 2015 et que des mesures de restructuration devraient être mises en oeuvres, il avait confirmé à son employeur le 24 novembre 2015 qu'il souhaitait quitter son poste dans le cadre d'une rupture conventionnelle (arrêt p. 2 § 3, 4 et 5) ; qu'en prononçant la nullité de la rupture conventionnelle, sans à aucun moment expliquer en quoi le fait qu'informé de la situation économique de l'entreprise et de la nécessité de mettre en oeuvre des mesures de réorganisation, le salarié ait préféré conclure une rupture conventionnelle, n'était pas de nature à écarter le caractère déterminant des informations détenues par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 devenu 1130 et 1116 devenu 1137 du code civil, ensemble l'article 954 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2021:SO00015
SOC.
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 janvier 2021
Rejet
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 15 F-D
Pourvoi n° E 19-18.549
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JANVIER 2021
La société Lotoise d'évaporation (SOLEV), société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° E 19-18.549 contre l'arrêt rendu le 16 avril 2019 par la cour d'appel d'Agen (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. N... A..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Lotoise d'évaporation, de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. A..., après débats en l'audience publique du 10 novembre 2020 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, M. Ricour, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 16 avril 2019), M. A... a été engagé par la société Lotoise d'évaporation le 13 mars 2000. Il exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable de production.
2. Le 18 décembre 2015, le salarié et l'employeur ont signé une convention de rupture.
3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande d'annulation de la convention de rupture et d'une demande en paiement de diverses sommes.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du protocole de rupture conventionnelle et de le condamner à verser diverses sommes au salarié à titre de créances salariales et de dommages-intérêts, alors :
« 1°/ que la nullité d'une convention pour dol ne peut être encourue que lorsqu'au moment de sa conclusion, des informations de nature à influer sur le consentement du contractant lui ont été volontairement dissimulées par son cocontractant ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir et offrait de prouver qu'à la date de la conclusion de la rupture conventionnelle, aucune décision relative à l'engagement d'une procédure de licenciement collectif pour motif économique, ni à l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi n'avait été prise, qu'il avait seulement été opté, le 28 janvier 2016, pour une fermeture de l'usine du 28 mars au 3 avril et du 2 au 8 mai 2016 ainsi que pour le lancement d'une procédure de chômage partiel et que les négociations relatives à l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi n'avaient été engagées avec les représentants du personnel que courant février 2016 ; qu'en se bornant à relever qu'un plan d'action avait été annoncé le 10 décembre 2015 pour redresser la société et qu'un plan de sauvegarde prévoyant des licenciements collectifs avait été présenté en février 2016 au comité d'entreprise, sans mieux caractériser que l'employeur savait, avant la signature de la rupture conventionnelle le 18 décembre 2015, que le poste du salarié serait supprimé dans le cadre de ce plan de sauvegarde et que le salarié bénéficierait de mesures plus favorables que celles qui lui étaient offertes dans le cadre de la rupture conventionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 devenu 1130 et 1116 devenu 1137 du code civil ;
2°/ que la nullité d'une convention pour dol ne peut être encourue que lorsqu'au moment de sa conclusion, des informations de nature à influer sur le consentement du contractant lui ont été volontairement dissimulées par son cocontractant ; qu'en se bornant à relever que l'employeur savait, avant la signature de la rupture conventionnelle, qu'un plan de sauvegarde était en préparation, prévoyant de multiples licenciements et des mesures d'accompagnement et qu'il ne pouvait soutenir ignorer que le poste du salarié, avec qui il était en discussion, serait supprimé dans le cadre de ce plan, sans à aucun moment caractériser que l'employeur aurait agi intentionnellement afin de tromper le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 devenu 1130 et 1116 devenu 1137 du code civil ;
3°/ que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que le salarié, alors qu'il avait été informé de la dégradation de la situation économique de l'entreprise courant 2015 et que des mesures de restructuration devraient être mises en oeuvres, il avait confirmé à son employeur le 24 novembre 2015 qu'il souhaitait quitter son poste dans le cadre d'une rupture conventionnelle ; qu'en prononçant la nullité de la rupture conventionnelle, sans à aucun moment expliquer en quoi le fait qu'informé de la situation économique de l'entreprise et de la nécessité de mettre en oeuvre des mesures de réorganisation, le salarié ait préféré conclure une rupture conventionnelle, n'était pas de nature à écarter le caractère déterminant des informations détenues par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 devenu 1130 et 1116 devenu 1137 du code civil, ensemble l'article 954 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. La cour d'appel, qui a constaté, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que l'employeur avait dissimulé au salarié l'existence, à la date de conclusion de la convention de rupture, d'un plan de sauvegarde de l'emploi en cours de préparation, prévoyant la suppression de son poste, et que cette dissimulation avait été déterminante du consentement de celui-ci, a légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Lotoise d'évaporation aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Lotoise d'évaporation et la condamne à payer à M. A... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Lotoise d'évaporation.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, d'AVOIR statuant à nouveau et y ajoutant, prononcé la nullité du protocole de rupture conventionnelle signé par les parties le 18 décembre 2015, d'AVOIR condamné l'employeur à verser au salarié les sommes de 38 726,58 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, de 19 124,24 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1 912,42 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents, de 37 715 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse, et de 2 500 euros à titre d'indemnité de procédure, et d'AVOIR condamné l'employeur aux entiers dépens d'instance et d'appel ;
AUX MOTIFS QUE « M. A... a été embauché par Solev le 13 mars 2000. A partir de 2012, il a occupé les fonctions de responsable de production, classification cadre position 2 coefficient 130 de la convention collective de la métallurgie. Dans le dernier état de la relation contractuelle, sa rémunération mensuelle brute était de 4 750 euros.
Courant 2015, les dirigeants de Solev informaient les responsables de service que la situation économique de l'entreprise s'était dégradée et que des mesures de restructuration devraient être mises en oeuvre. En mai 2015, un nouveau directeur général était nommé, puis en septembre un nouveau directeur adjoint.
Selon courrier du 24 novembre 2015, M. A... « confirmait » à son employeur qu'il souhaitait quitter son poste dans le cadre d'une rupture conventionnelle.
Le 26 novembre 2015, M. A... était reçu par M. O... – chargé du développement économique transmission / reprise des entreprises au sein de la chambre des métiers et de l'artisanat du Limousin – pour évoquer les conditions de reprise d'une entreprise artisanale en Limousin, selon l'attestation établie par M. O... le 10 décembre 2015.
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) I. - SUR LA NULLITÉ DE LA RUPTURE CONVENTIONNELLE :
A. - Sur la régularité de la procédure préalable :
M. A... soutient tout d'abord, sans cependant en tirer aucune conséquence au niveau du dispositif de ses conclusions, que le 18 décembre 2015 il a signé sur instructions de la directrice des ressources humaines de Solev non seulement le protocole de rupture conventionnelle et le formulaire CERFA récapitulant le déroulement de la procédure et l'accord intervenu, mais également la lettre manuscrite datée du 24 novembre par laquelle il exprimait le désir de quitter son poste dans le cadre d'une rupture conventionnelle et les lettres datées du 27 novembre et du 10 décembre 2015 le convoquant à des entretiens dans le cadre de la procédure préalable prévue aux articles L. 1237-11 et suivants du code du travail.
Ce faisant il invoque implicitement mais nécessairement l'irrégularité de la procédure préalable à la signature d'une rupture conventionnelle pour non-respect des articles visés ci-dessus.
Pour écarter cette argumentation, il suffira de relever que tous ces documents sont datés, qu'ils comportent la signature manuscrite de M. A... et que celui-ci ne produit aucun document, aucun témoignage, aucune attestation venant corroborer de quelque manière que ce soit ce qui demeure une simple allégation dépourvue de toute valeur probante.
Par suite il y a simplement lieu de relever que la procédure prévue par les articles précités a été régulièrement mise en oeuvre avant la signature de la convention de rupture.
B. - Sur le vice du consentement :
Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.
Il peut être constitué par la dissimulation par l'une des parties à son co-contractant d'un fait qui, s'il avait été connu de lui l'aurait empêché de contracter.
En l'espèce il est constant qu'un plan de sauvegarde de l'emploi a été présenté le 16 février 2016 au comité d'entreprise de Solev, qu'il a fait l'objet de plusieurs consultations avant d'aboutir à un accord collectif majoritaire du comité d'entreprise le 28 avril 2016 et à une validation par la DIRECCTE le 13 mai 2016.
Le document d'information et de consultation présenté au comité d'entreprise le 16 février 2016 prévoyait des licenciements collectifs et des mesures d'accompagnement.
Il ouvrait non seulement droit à un congé de reclassement de 12 mois, avec maintien intégral du salaire pendant la durée du préavis et rémunération à hauteur de 80 % du salaire ensuite, mais comportait également des mesures d'accompagnement et des aides pour financer la formation à la création d'entreprise (4 000 euros) et la reprise d'entreprise (7 500 euros).
Si M. A... avait été informé de la suppression de son poste, prévu dans le plan, et par voie de conséquence de son droit à bénéficier du plan de sauvegarde de l'emploi et des mesures d'accompagnement, il n'aurait certainement pas accepté de signer la rupture conventionnelle.
En effet il résulte tout d'abord de l'attestation délivrée par M. O... le 5 décembre 2017 que l'entretien du 25 novembre 2015 n'avait été qu'une prise de contact destinée à informer M. A... de l'existence de possibilités de reprise d'une entreprise artisanale, sans qu'il soit question d'un projet concret. Il n'existait donc aucune urgence pour M. A... de quitter son emploi. Au demeurant son projet de reprise ne s'est concrétisé que le 30 novembre 2016, par l'acquisition au travers d'une société créée à cet effet d'un fonds artisanal.
Par ailleurs il apparaît que pour concrétiser son projet, M. A... aurait pu bénéficier des mesures d'accompagnement du plan pour financer la formation et une partie du prix du fonds, alors qu'il justifie avoir dû régler une facture de 2 800 euros à un organisme de formation à la gestion de l'entreprise.
Enfin les conditions financières liées à la rupture conventionnelle (14 500 euros d'indemnité de rupture en sus des indemnités légales de licenciement) étaient nettement inférieures à celles dont ils auraient bénéficié dans le cadre du congé de reclassement, précédemment exposées, étant rappelé qu'en cas de rupture conventionnelle l'ouverture du droit aux allocations de chômage est différé à concurrence du montant de l'indemnité de rupture.
Solev fait justement mais vainement observer que c'est à la date de la signature de la rupture conventionnelle, le 16 décembre 2015, qu'il faut se placer pour déterminer s'il existe ou non un vice du consentement.
En effet, il est constant, et le plan de sauvegarde de l'emploi le rappelle expressément, que Solev connaissait depuis plusieurs années des difficultés et des résultats déficitaires. Elle a confié à la société Valtus une mission d'audit, qui devait aboutir à des préconisations de restructuration à la fin du mois d'octobre 2015.
L'examen des comptes rendus de réunions du comité d'entreprise de Solev met en évidence que la mission d'audit s'est poursuivie en octobre et novembre 2015 et que le 10 décembre la direction de Solev a annoncé qu'un plan d'action était en cours d'élaboration en vue de redresser et de pérenniser la société.
Solev ne justifie de l'existence d'aucun autre plan que le plan de sauvegarde de l'emploi qui a été finalement présenté au comité d'entreprise en février 2016.
Dès lors la preuve est suffisamment rapportée que le 10 décembre au moins, c'est à dire avant la signature de la rupture conventionnelle qui est intervenue le 16 décembre, Solev savait qu'un plan de sauvegarde était en préparation, prévoyant de multiples licenciements et des mesures d'accompagnement.
Elle ne peut sérieusement soutenir qu'elle ne savait pas à cette date que le poste de M. A..., avec qui elle était en discussion à la suite de la demande de rupture conventionnelle qu'il avait formée, serait supprimé dans le cadre de ce plan.
La dissimulation de ce plan et de ses conséquences sur l'emploi de M. A... est constitutive de manoeuvres dolosives qui ont vicié le consentement du salarié qui sans elles n'aurait pas signé la rupture conventionnelle.
Par suite il y a lieu de prononcer la nullité de la rupture conventionnelle.
Il suffira simplement d'ajouter que la circonstance que la demande initiale de rupture conventionnelle ait été formée par M. A... est sans incidence sur l'issue du litige, dès lors que l'employeur était en possession d'éléments d'information que le salarié ignorait et qu'il était tenu de les porter à la connaissance de celui-ci à l'occasion des discussions précédant la conclusion de la rupture conventionnelle pour que son consentement soit pleinement éclairé.
II. - SUR LES CONSÉQUENCES DE L'ANNULATION DE LA RUPTURE CONVENTIONNELLE :
L'annulation de la rupture conventionnelle n'ouvre pas droit à la réintégration du salarié, mais produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et justifie donc l'allocation des indemnités de rupture.
A. - Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement :
L'article 29 modifié de la convention collective des ingénieurs et cadre de la métallurgie dispose que le taux de l'indemnité de licenciement allouée au salarié licencié sans avoir commis de faute grave est égal à 1/5 de mois par année d'ancienneté pour la tranche de 1 à 7 ans d'ancienneté et à 3/5 de mois par année d'ancienneté pour la tranche au-delà de 7 ans, avec majoration de 20 % de l'indemnité pour les salariés âgés d'au moins 50 ans et de moins de 55 ans ayant 5 ans d'ancienneté.
Compte tenu de l'ancienneté de M. A... (15 ans et 11 mois), de son âge (50 ans et 1 mois) et de la moyenne mensuelle des salaires pour les 3 derniers mois (4 781,06 euros) l'indemnité conventionnelle de licenciement due à M. A... s'élève à 38 726,58 euros, somme que Solev sera condamnée à lui payer.
B. - Sur l'indemnité compensatrice de préavis :
Aux termes de la convention collective applicable, le délai de préavis est de 4 mois pour l'ingénieur ou cadre âgé de 50 à 55 ans.
En conséquence, Solev sera condamnée à payer à M. A... une indemnité compensatrice de préavis de 19 124, 24 euros, et une indemnité compensatrice de congés payés afférents de 1 912,42 euros.
C. - Sur les dommages et intérêts :
La rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse a causé à M. A... un préjudice direct et certain qui, compte tenu de son âge, de son ancienneté et du fait qu'il a mis près d'un an pour réaliser son projet de reprise d'entreprise artisanale sera justement indemnisé par l'allocation d'une indemnité de 71 715 euros, dont il y a lieu de déduire le montant de 40 000 euros, correspondant à la somme déjà perçue en exécution de la rupture conventionnelle, qu'il est tenu de restituer du fait de l'annulation de celle-ci.
III. - SUR LA RUPTURE DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ :
M. A... soutient qu'il a été victime d'une inégalité de traitement l'autorisant à réclamer une indemnité de 40 000 euros dès lors qu'il n'a pas bénéficié des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi.
Pour confirmer les dispositions du jugement entrepris rejetant cette prétention, il suffira de relever :
- que la rupture d'égalité ne peut être invoquée que dans l'hypothèse où des personnes placées dans une situation identique ne bénéficient pas du même traitement ;
- que la décision de la Cour de cassation produite par l'appelant concerne une hypothèse tout à fait différente : une inégalité de traitement résultant du fait que les salariés d'une entreprise placés dans une situation identique n'avaient pas tous vocation à bénéficier des mêmes avantages ;
- que du fait de la signature le 18 décembre 2015 d'une rupture conventionnelle, il se trouvait dans une situation différente de celle des salariés en fonction dans l'entreprise à la date de l'entrée en vigueur du plan de sauvegarde de l'emploi validé par l'autorité administrative ;
- que par suite le fait qu'il n'ait pas bénéficié des dispositions du plan de sauvegarde validé par la DIRECCTE le 13 mai 2016 ne constitue pas une inégalité de traitement » ;
1°) ALORS QUE la nullité d'une convention pour dol ne peut être encourue que lorsqu'au moment de sa conclusion, des informations de nature à influer sur le consentement du contractant lui ont été volontairement dissimulées par son cocontractant ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir et offrait de prouver qu'à la date de la conclusion de la rupture conventionnelle, aucune décision relative à l'engagement d'une procédure de licenciement collectif pour motif économique, ni à l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi n'avait été prise, qu'il avait seulement été opté, le 28 janvier 2016, pour une fermeture de l'usine du 28 mars au 3 avril et du 2 au 8 mai 2016 ainsi que pour le lancement d'une procédure de chômage partiel et que les négociations relatives à l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi n'avaient été engagées avec les représentants du personnel que courant février 2016 (conclusions d'appel p.7 et 8 ; production n°13) ; qu'en se bornant à relever qu'un plan d'action avait été annoncé le 10 décembre 2015 pour redresser la société et qu'un plan de sauvegarde prévoyant des licenciements collectifs avait été présenté en février 2016 au comité d'entreprise, sans mieux caractériser que l'employeur savait, avant la signature de la rupture conventionnelle le 18 décembre 2015, que le poste du salarié serait supprimé dans le cadre de ce plan de sauvegarde et que la salarié bénéficierait de mesures plus favorables que celles qui lui étaient offertes dans le cadre de la rupture conventionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 devenu 1130 et 1116 devenu 1137 du code civil ;
2°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE la nullité d'une convention pour dol ne peut être encourue que lorsqu'au moment de sa conclusion, des informations de nature à influer sur le consentement du contractant lui ont été volontairement dissimulées par son cocontractant ; qu'en se bornant à relever que l'employeur savait, avant la signature de la rupture conventionnelle, qu'un plan de sauvegarde était en préparation, prévoyant de multiples licenciements et des mesures d'accompagnement et qu'il ne pouvait soutenir ignorer que le poste du salarié, avec qui il était en discussion, serait supprimé dans le cadre de ce plan, sans à aucun moment caractériser que l'employeur aurait agi intentionnellement afin de tromper le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 devenu 1130 et 1116 devenu 1137 du code civil ;
3°) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; qu'en l'espèce, il resulte des constatations de l'arrêt que le salarié, alors qu'il avait été informé de la dégradation de la situation économique de l'entreprise courant 2015 et que des mesures de restructuration devraient être mises en oeuvres, il avait confirmé à son employeur le 24 novembre 2015 qu'il souhaitait quitter son poste dans le cadre d'une rupture conventionnelle (arrêt p. 2 § 3, 4 et 5) ; qu'en prononçant la nullité de la rupture conventionnelle, sans à aucun moment expliquer en quoi le fait qu'informé de la situation économique de l'entreprise et de la nécessité de mettre en oeuvre des mesures de réorganisation, le salarié ait préféré conclure une rupture conventionnelle, n'était pas de nature à écarter le caractère déterminant des informations détenues par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 devenu 1130 et 1116 devenu 1137 du code civil, ensemble l'article 954 du code de procédure civile.