Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 7 janvier 2021, 19-22.515, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 janvier 2021




Cassation
sans renvoi


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 22 F-D

Pourvoi n° R 19-22.515




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 JANVIER 2021

La caisse primaire d'assurance maladie de Corse-du-Sud, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° R 19-22.515 contre le jugement rendu le 10 juillet 2019 par le tribunal de grande instance d'Ajaccio (pôle social), dans le litige l'opposant à la société Budiccioni, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , et ayant un établissement à l'enseigne Ehpad L'Olivier Bleu, sis [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vigneras, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Corse du Sud, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Budiccioni, et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 novembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Vigneras, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance d'Ajaccio, 10 juillet 2019), rendu en dernier ressort, et les productions, la société Budiccioni exploite un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (l'EHPAD) qui bénéficie d'un forfait de soins couvert par un tarif journalier partiel versé par la caisse primaire d'assurance maladie de Corse-du-Sud (la caisse), en application d'une convention tripartite conclue avec la Collectivité territoriale de Corse et la caisse.

2. A la suite d'un contrôle portant sur l'année 2016, la caisse a notifié à l'EHPAD, le 20 septembre 2017, un indu correspondant à des actes d'infirmiers d'exercice libéral facturés directement à l'assurance maladie.

3. L'EHPAD a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La caisse fait grief au jugement d'infirmer la décision de la commission de recours amiable de la caisse et de limiter la condamnation de l'EHPAD, alors « que le tarif journalier des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes, qu'il soit global ou partiel, comprend les rémunérations versées aux infirmiers libéraux ; que par suite, aucun acte infirmier réalisé sur un résident de l'un de ces établissements ne peut être facturé à l'assurance maladie ; qu'en écartant l'indu correspondant aux actes infirmiers, au motif inopérant que ceux-ci n'étaient pas détachables des actes d'analyse, exclus du forfait servi à l'établissement et dont ils constituaient un préalable, les juges du fond ont violé l'article R. 314-167 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction antérieure au décret n°2016-1814 du 21 décembre 2016, ensemble l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 314-167 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction antérieure au décret n°2016-1814 du 21 décembre 2016, applicable au litige :

5. Il résulte de ce texte que le tarif journalier partiel en faveur duquel un établissement peut opter lors de la signature d'une convention tripartite comprend les rémunérations versées aux infirmiers d'exercice libéral.

6. Pour annuler l'indu litigieux, le jugement constate que la contestation de la société se limite à des actes réalisés par des infirmiers libéraux venus effectuer des prélèvements sanguins auprès de pensionnaires dans le cadre d'analyses biologiques confiées à un laboratoire en convention avec l'établissement et qui ont été à cet effet dépêché par ce dernier, sans intervention de l'EHPAD. Il énonce que si l'existence d'un forfait (global ou partiel, suivant les formules retenues) fait obstacle à la prise en charge distincte, par l'assurance maladie, de soins, actes et prestations qui sont compris, aux termes de la réglementation qui en détermine la substance, dans ce même forfait, notamment la rémunération des infirmiers libéraux, il convient de dire qu'alors qu'il n'est pas contesté que les actes d'analyse d'échantillons de sang effectués par les laboratoires d'analyse médicale sont exclus du forfait, qu'il n'est pas contestable que pour pouvoir être réalisés, ces actes nécessitent au préalable la réalisation de prélèvements sanguins par un professionnel compétent et à l'aide d'un matériel adapté, en vertu des dispositions de l'article L. 6211-13 du code de la santé publique, et qu'en l'espèce, ce sont les laboratoires requis qui ont directement sous-traité ces prélèvements. Il en déduit que les actes litigieux ne sont pas détachables des premiers et qu'à ce titre ils ne s'inscrivent pas dans le cadre de la prise en charge forfaitaire.

7. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'indu était constitué d'actes effectués par des infirmiers d'exercice libéral, de sorte qu'ils étaient inclus dans le tarif journalier partiel et ne pouvaient donner lieu à une prise en charge distincte par l'assurance maladie, le tribunal a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

10. Les actes infirmiers litigieux étant inclus dans le tarif journalier partiel servi à l'EHPAD, la caisse est fondée à solliciter de ce dernier le remboursement des soins indûment pris en charge par l'assurance maladie.

11. Il y a lieu, par conséquent, de débouter la société de son recours et de la condamner au paiement de la somme totale de 1 520,25 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 10 juillet 2019, entre les parties, par le tribunal de grande instance d'Ajaccio ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déboute la société Budiccioni de son recours ;

Condamne la société Budiccioni à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Corse-du-Sud la somme de 1 520,25 euros ;

Condamne la société Budiccioni aux dépens, exposés tant devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio que devant la Cour de cassation ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes, en ce compris celles formées devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept janvier deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de Corse-du-Sud

Le jugement attaqué encourt la censure ;

EN CE QU' il a infirmé la décision de la commission de recours amiable du 11 décembre 2017 et cantonné la condamnation en paiement prononcée à l'encontre de la société BUDICCIONI au profit de la Caisse à la somme de 361,37 euros ;

AUX MOTIFS QUE « L'article 133-4 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, dispose : "En cas d'inobservation des règles de tarification ou de facturation I° Des actes, prestations et produits figurant sur les listes mentionnées ale articles L, 162-1-7, L, 162-17, L, 165-1, L 162-22-7, L. 162-22-7-3 et L 162-23-6 ou relevant des dispositions des articles L. 162-22- I., L. 162-22-6 et L. 162-234 ; 2° Des frais de transports mentionnés à l'article L. 160-8, l'organisme de prise en charge recouvre l'indu correspondant auprès du professionnel ou de l'établissement à l'origine du non-respect de ces règles et ce, que le paiement ait été effectué à l'assuré, à un autre professionnel de santé ou à un établissement. Il en est de même en cas de facturation en vue du remboursement, par les organismes d'assurance maladie, d'un acte non effectué ou de prestations et produits non délivrés. Lorsque le professionnel ou l'établissement faisant l'objet de la notification d'indu est également débiteur à l'égard de l'assuré ou de son organisme complémentaire, l'organisme de prise en charge peut récupérer la totalité de l'indu. Il restitue à l'assuré et, le cas échéant, à son organisme complémentaire les montants qu'ils ont versés à tort. Lorsque l'action en recouvrement porte sur une activité d'hospitalisation à domicile facturée par un établissement de santé mentionné à l'article L 6125-2 du code de la santé publique, l'indu notifié par l'organisme de prise en charge est minoré d'une somme égale à un pourcentage des prestations facturées par l'établissement. Ce pourcentage est fixé par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. L'action en recouvrement, qui se prescrit par trois ans, sauf en cas de fraude, à compter de la date de paiement de la somme indue, s'ouvre par l'envoi au professionnel ou à l'établissement d'une notification de payer le montant réclamé ou de produire, le cas échéant, leurs observations. Si le professionnel ou l'établissement n'a ni payé le montant réclamé, ni produit d'observations et sous réserve qu'il n'en conteste pas le caractère indu, l'organisme de prise en charge peut récupérer ce montant par retenue sur les versements de toute nature à venir. En cas de rejet total ou partiel des observations de l'intéressé, le directeur de l'organisme d'assurance maladie adresse, par lettre recommandée, une mise en demeure à l'intéressé de payer dans le délai d'un mois. La mise en demeure ne peut concerner que des sommes portées sur la notification". En l'espèce, la contestation de la société Budiccioni se limite à des actes réalisés par des infirmiers libéraux venus effectuer des prélèvements sanguins auprès de pensionnaires dans le cadre d'analyses biologiques confiées à un laboratoire en convention avec l'établissement et qui ont été à cet effet dépêché par ce dernier, sans intervention de l'EHPAD, et pour un montant de 1.158,88 € sur la somme totale de 1 520,25 € dont lui est demandé remboursement. La société Budiccioni considère que ces actes ne sont pas détachables de l'acte d'analyse biologique et aurait dû à ce titre être remboursés par la caisse sans être imputés sur le forfait prévu par la convention signée. Elle ajoute qu'au demeurant, le matériel nécessaire à la réalisation des prélèvements (tubes de prélèvements, corps de pompe, aiguilles, écouvillons, kits de prélèvements) n'est pas dans la liste du matériel référencé dans l'arrêté du 30 mai 2018 dont la consommation devrait être imputée sur la dotation partielle. La caisse se prévaut des dispositions-des articles R. 314-167 du code de l'action sociale et des familles et L. 6111-1 du code de la sécurité sociale, et fait valoir que les actes infirmiers sont inclus dans la dotation globale d'équipement, en application de la convention tripartite signée entre les parties et la collectivité territoriale de Corse pour la période 2016-2020. Si l'existence d'un forfait (global ou partiel, suivant les formules retenues) fait obstacle à la prise en charge distincte, par l'assurance maladie, de soins, actes et prestations qui sont compris, aux termes de la réglementation qui en détermine la substance, dans ce même forfait, notamment la rémunération des infirmiers libéraux, il convient de dire qu'alors qu'il n'est pas contesté que les actes d'analyse d'échantillons de sang effectués par les laboratoires d'analyse médicale sont exclus du forfait, qu'il n'est pas contestable que pour pouvoir être réalisés, ces actes nécessitent au préalable la réalisation de prélèvements sanguins par un professionnel compétent et à l'aide d'un matériel adapté, en vertu des dispositions de l'article 6211-13 du code de la santé publique, et qu'en l'espèce, ce sont les laboratoires requis qui ont directement sous-traité ces prélèvements, il convient de dire que les actes litigieux ne sont pas détachables des premiers et qu'a ce titre ils ne s'inscrivent pas dans le cadre de la prise en charge forfaitaire. En conséquence, il convient d'infirmer la décision de la CRA et de condamner la société Budiccioni à payer à la CPAM la part non contestée de l'indu, soit la somme de 361,37 € » ;

ALORS QUE, le tarif journalier des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes, qu'il soit global ou partiel, comprend les rémunérations versées aux infirmiers libéraux ; que par suite, aucun acte infirmier réalisé sur un résident de l'un de ces établissements ne peut être facturé à l'assurance maladie ; qu'en écartant l'indu correspondant aux actes infirmiers, au motif inopérant que ceux-ci n'étaient pas détachables des actes d'analyse, exclus du forfait servi à l'établissement et dont ils constituaient un préalable, les juges du fond ont violé l'article R. 314-167 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction antérieure au décret n°2016-1814 du 21 décembre 2016, ensemble l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale.ECLI:FR:CCASS:2021:C200022
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