Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 6 janvier 2021, 18-24.954, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 janvier 2021




Cassation partielle


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 66 FS-P

Pourvoi n° W 18-24.954




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 JANVIER 2021

M. J... L..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° W 18-24.954 contre l'arrêt rendu le 26 septembre 2018 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile, section 2), dans le litige l'opposant à la société Crédit logement, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. L..., de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Crédit logement, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 24 novembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mmes Vallansan, Graff-Daudret, Vaissette, Bélaval, Fontaine, Fèvre, M. Riffaud, conseillers, M. Guerlot, Mmes Barbot, Kass-Danno, M. Boutié, conseillers référendaires, Mme Guinamant, avocat général référendaire, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 26 septembre 2018) et les productions, le 13 mars 2009, la société BNP Paribas (la banque) a consenti à M. L... un prêt immobilier garanti par le cautionnement de la société Crédit logement (la caution). M. L... a adhéré au contrat d'assurance de groupe souscrit par la banque. Ayant été placé en arrêt maladie en 2012, M. L... a demandé la prise en charge, par l'assurance, du remboursement des mensualités du prêt, laquelle lui a été refusée au motif qu'il avait atteint l'âge au-delà duquel le risque de maladie n'était plus garanti.

2. Des échéances étant demeurées impayées, la banque a prononcé la déchéance du terme du prêt et la caution lui a payé les sommes restant dues. La caution a ensuite assigné en paiement M. L..., qui, reconventionnellement, lui a opposé un manquement de la banque à son devoir de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. L... fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite son action en responsabilité, alors « que l'assuré prend connaissance du dommage né d'un manquement à un devoir de conseil sur l'adéquation de la garantie souscrite à ses besoins au moment du refus de garantie, qui constitue donc le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité contre le débiteur de l'obligation de conseil ; qu'en retenant au contraire que le délai de prescription de l'action en responsabilité contre la banque souscripteur de l'assurance groupe pour manquement à son obligation de conseil sur l'adéquation des risques couverts à la situation personnelle de M. L... aurait commencé à courir à compter de la délivrance de la notice d'information, la cour d'appel a violé l'article L. 110-4 du code de commerce et l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce :

4. Il résulte de ces textes que les actions personnelles ou mobilières entre commerçants et non commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

5. Lorsqu'un emprunteur, ayant adhéré au contrat d'assurance de groupe souscrit par la banque prêteuse à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, reproche à cette banque d'avoir manqué à son obligation de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur et d'être responsable de l'absence de prise en charge, par l'assureur, du remboursement du prêt au motif que le risque invoqué n'était pas couvert, le dommage qu'il invoque consiste en la perte de la chance de bénéficier d'une telle prise en charge.

6. Ce dommage se réalisant au moment du refus de garantie opposé par l'assureur, cette date constitue le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité exercée par l'emprunteur.

7. Pour déclarer prescrite l'action en responsabilité de M. L..., l'arrêt retient que le dommage résultant du manquement de la banque à son obligation de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle, consistant en une perte de chance de ne pas contracter, s'est manifesté dès l'obtention du crédit par l'emprunteur, qui avait été informé des conditions générales de l'assurance par la remise de la notice d'information, et non à l'occasion du refus de prise en charge des mensualités du prêt par l'assureur.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, réformant le jugement, il déclare prescrite l'action en responsabilité engagée par M. L... et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 26 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne la société Crédit logement aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Crédit logement et la condamne à payer à M. L... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour M. L....

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit prescrite l'action en responsabilité engagée par M. L... ;

AUX MOTIFS QU'en appel, la SA Crédit Logement, caution, devenue subrogée dans les droits et actions de la banque BNP Paribas oppose à M. L..., la prescription de son action, en considérant que le délai a commencé à courir à compter de l'octroi du crédit, date à laquelle il a disposé de toutes les informations nécessaires sur le contrat de prêt ainsi que les conditions de mise en oeuvre du contrat d'assurance ; que la cour relève que M. L... qui ne conteste pas le montant de la somme réclamée par la SA Crédit Logement, fonde son action en responsabilité sur un manquement de la banse à son devoir d'information et à son obligation particulière de conseil en omettant de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle, générant, à le supposer avéré, une perte de chance de ne pas contacter un crédit dans les conditions qu'il a obtenus ; que, dès lors, si la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance, en revanche, comme en l'espèce, le dommage résultant du manquement à l'obligation de mise en garde consistant en une perte de chance de ne pas contracter, s'est manifesté dès l'obtention du crédit par M. L... le 25 mars 2009 qui avait été informé des conditions générales des clauses d'assurances par la remise de la notice d'information le 14 mars 2009, et non pas, comme il le soutient à l'occasion du refus de prise en charge des mensualités par l'assureur ; qu'il s'ensuit que la prescription était acquise le 25 mars 2014, c'est-à-dire antérieurement à la date de délivrance de l'assignation du 14 août 2014 ; qu'il convient donc de réformer le jugement ayant retenu un préjudice subi par M. L... en raison du manquement de la banque à son obligation de conseil et en conséquence de la prescription de l'action en responsabilité de M. L..., l'examen de la demande portant sur l'application et les effets de la subrogation devient sans objet ;

ALORS QUE l'assuré prend connaissance du dommage né d'un manquement à un devoir de conseil sur l'adéquation de la garantie souscrite à ses besoins au moment du refus de garantie, qui constitue donc le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité contre le débiteur de l'obligation de conseil ; qu'en retenant au contraire que le délai de prescription de l'action en responsabilité contre la banque souscripteur de l'assurance groupe pour manquement à son obligation de conseil sur l'adéquation des risques couverts à la situation personnelle de M. L... aurait commencé à courir à compter de la délivrance de la notice d'information, la cour d'appel a violé l'article L. 110-4 du code de commerce et l'article 2224 du code civil. ECLI:FR:CCASS:2021:CO00066
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