Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 6 janvier 2021, 19-11.262, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 janvier 2021




Rejet


Mme BATUT, président



Arrêt n° 15 F-P

Pourvoi n° J 19-11.262




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 JANVIER 2021

Mme N... J..., veuve I..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° J 19-11.262 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2018 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Banque CIC Nord Ouest, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme J..., de Me Le Prado, avocat de la société Banque CIC Nord Ouest, après débats en l'audience publique du 10 novembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 27 septembre 2018), suivant offres acceptées le 29 janvier 2008, la société [...] devenue la société CIC Nord Ouest (la banque) a consenti à Mme J... (l'emprunteur) deux prêts de 21 000 euros et 14 000 euros garantis par une assurance souscrite auprès de la société ACM (l'assureur).

2. Mme J... a fait l'objet d'une procédure de traitement de sa situation de surendettement. Par décision du 28 février 2013, la commission de surendettement a imposé des mesures de redressement à compter du 31 mars 2013. L'emprunteur n'a alors effectué aucun remboursement et l'assureur a, au titre de la garantie invalidité, réglé à la banque la somme totale de 2 529,75 euros.

3. Par acte du 3 août 2015, la banque a assigné l'emprunteur en remboursement du solde des prêts. Ce dernier a opposé la forclusion de l'action.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande en paiement de la banque et de le condamner au paiement d'une certaine somme, alors :

« 1°/ que la régularisation d'un incident de paiement ne peut résulter du paiement fait par l'assureur-emprunteur ; qu'en retenant, pour juger que la banque n'était pas forclose, que les sommes versées par l'assureur emprunteur de Mme J... avait permis « le paiement intégral des échéances des mois d'avril, mai, juin et juillet 2013 et le paiement partiel de l'échéance du mois d'août 2013 », quand de tels paiement, réalisés par un tiers, ne régularisaient pas les incidents de paiement et n'avaient donc pas pour effet de retarder le point de départ du délai de forclusion, la cour d'appel a violé l'article L. 311-37, devenu l'article L. 311-52 puis R. 312-35 du code de la consommation ;

2°/ qu'en toute hypothèse, les paiements partiels d'une dette unique s'imputent d'abord sur les intérêts ; qu'en retenant, pour juger que la banque n'était pas forclose, que la somme des paiements réalisés par l'assureur-emprunteur de Mme J... devait s'imputer sans distinction sur les premières échéances impayées après mise en oeuvre du plan de surendettement, tout en constatant que des échéances plus récentes demeuraient impayées, de sorte que les paiements partiels devaient être imputés en priorité sur l'intégralité des intérêts impayés avant de pouvoir être imputés sur le capital, la cour d'appel a violé l'article 1254 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;

3°/ qu'en toute hypothèse, lorsque l'assurance-emprunteur ne couvre qu'une fraction des échéances du prêt, les paiements successifs réalisés par l'assureur doivent s'imputer sur chacune des échéances dont il s'agit de garantir le paiement ; qu'en retenant, pour juger que la banque n'était pas forclose, que la somme des paiements réalisés par l'assureur-emprunteur de Mme J... devait s'imputer sur les premières échéances impayées après mise en oeuvre du plan de surendettement, quand ces paiements devaient s'imputer sur chacune des échéances dont le paiement était partiellement garanti, de sorte qu'aucune des échéances dues à partir d'avril 2013 ne pouvait être considérée comme régularisée, la cour d'appel a violé l'article 1254 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce, et l'article L. 311-37, devenu l'article L. 311-52 puis R. 312-35 du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

6. En premier lieu, un paiement effectué par l'assureur, substitué à l'assuré, valant paiement de la dette de ce dernier, permet d'écarter l'existence d'un incident de paiement non régularisé, de sorte qu'après avoir relevé, par motifs adoptés, que la somme de 2 529,75 euros avait permis le paiement intégral des échéances des mois d'avril, mai, juin et juillet 2013 et le paiement partiel de l'échéance du mois d'août et que l'échéance du 30 août 2013 constituait le premier incident de paiement non régularisé, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que l'action de la banque était recevable.

7. En second lieu, l'emprunteur n'a pas soutenu, en cause d'appel, que les paiements partiels devaient être imputés en priorité sur l'intégralité des intérêts impayés avant de pouvoir être imputés sur le capital ni que, lorsque l'assurance emprunteur ne couvre qu'une fraction des échéances du prêt, les paiements successifs réalisés par l'assureur doivent s'imputer sur chacune des échéances dont le paiement était partiellement garanti.

8. Dès lors, le moyen, irrecevable en ses deuxième et troisième branches, nouvelles et mélangées de fait, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme J... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme J...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait déclaré recevable la demande en paiement de la Banque CIC Nord Ouest, condamné N... J... au paiement de la somme totale de 19 053,12 € assortie des intérêts au taux légal à compter de la présente décision et rejeté la demande de délais de paiement formulée par Mme J... ;

AUX MOTIFS QUE les parties ne font que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance ; que le jugement déféré repose sur des motifs exacts et pertinents que la cour adopte ; qu'en l'absence de moyens nouveaux et de nouvelles preuves, le jugement sera confirmé ;

1° ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; qu'en se bornant, pour confirmer le jugement, à adopter ses motifs (arrêt, p. 3, antépén. al.), sans examiner les nouveaux éléments produits devant elle par Mme J..., ni répondre aux conclusions qui en faisaient état, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2° ALORS QUE le bordereau de communication des pièces produites par Mme J... en première instance ne mentionne que l'état des créances en date du 26 août 2014, tandis que le bordereau des pièces produites en appel par Mme J... fait apparaître 19 pièces supplémentaires ; qu'en affirmant qu'elle statuait « en l'absence de moyens nouveaux et de nouvelles preuves » (arrêt, p. 3, antépén. al.), la cour d'appel a violé le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait déclaré recevable la demande en paiement de la Banque CIC NORD OUEST et condamné Mme N... J... au paiement de la somme totale de 19 053,12 € assortie des intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE les parties ne font que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance ; que le jugement déféré repose sur des motifs exacts et pertinents que la cour adopte ; qu'en l'absence de moyens nouveaux et de nouvelles preuves, le jugement sera confirmé ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la recevabilité, selon l'article L311-37 ancien du Code de la consommation, applicable au cas de l'espèce, les contrats ayant été conclus en 2008 et l'article L. 311- 52 invoqué par N... J... étant issu de la loi du 1er juillet 2010, précise que les actions en paiement engagées devant le tribunal d'instance à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion ; que lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l'objet d'un réaménagement ou d'un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l'article L 331-6 ou après décision du juge de l'exécution sur les mesures mentionnées à l'article L 331-7 ; qu'il appartient à la partie qui invoque la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action du prêteur, d'en justifier ; que selon N... J..., la Commission de surendettement des particuliers de l'Aisne a imposé, par décision du 28 février 2013, des mesures prévues à l'article L 331-7 du Code de la consommation, que depuis cette date seule la somme de 134,92€ a été remboursée au titre du premier prêt et seule celle de 202,38€ a été remboursée au titre du second prêt ; qu'elle considère que le premier incident de paiement de chaque prêt doit être fixé au mois de mars 2013 et que l'assignation devant le tribunal d'instance lui ayant été signifiée le 3 août 2015, l'action est atteinte par la forclusion ; qu'il résulte des éléments transmis, que par jugement du 14 janvier 2011, le juge de l'exécution en matière de surendettement a infirmé une décision préalable de la Commission du 30 décembre 2009, et a admis la Banque CIC NORD OUEST à la procédure de traitement des situations de surendettement ; que selon jugement du 15 décembre 2011, les créances de la Banque CIC NORD OUEST, à prendre en compte dans le plan de surendettement de N... J..., ont été fixées ; que les mesures imposées par la Commission ont été validées le 28 février 2013, que cette autorité avait indiqué dans ses motivations que N... J... devait s'acquitter de la somme mensuelle de 322,84 € au titre du premier prêt et de celle de 215,75 € au titre du second, pendant respectivement 39 et 36 mois, qu'en effet priorité devait être, selon elle, donnée au paiement de ces deux prêts, afin de maintenir leur prise en charge par l'assurance à hauteur de 67,46€ pour l'un et à hauteur de 101,19 € pour l'autre ; que le plan est entré en application le 31 mars 2013 ; que par courrier du 26 avril 2013, la Banque CIC NORD OUEST a adressé à N... J... les nouveaux tableaux d'amortissement, issus de la mise en oeuvre du plan ; que les premières échéances ont été fixées au 30 avril 2013 ; qu'au titre de sa garantie, la compagnie d'assurance de N... J..., la société ACM, s'est substituée à elle, et a assuré le règlement de la somme totale de 2579,75 € ; que N... J... a néanmoins tenté d'obtenir l'annulation des paiements intervenus ; que par jugement du 8 octobre 2013, le juge chargé du surendettement n'a pas accueilli cette demande ; que par ailleurs, dans un jugement du 20 février 2015, le juge chargé du surendettement a relevé que : " la débitrice a déclaré avoir délibérément refusé de se soumettre aux mesures imposées par la commission de surendettement des particuliers de l'Aisne validées le 28 février 2013 estimant qu'elle comportait de nombreuses erreurs..." ; que de l'ensemble de ces éléments et du calcul le plus élémentaire, il résulte que la somme, versée ci-dessus par la société ACM divisée par le total des deux échéances de prêt a permis le paiement de 4.78 échéances, c'est à dire le paiement intégral des échéances des mois d'avril, mai, juin et juillet 2013 et le paiement partiel de l'échéance dû mois d'août 2013 ; que seule l'échéance du 30 août 2013 peut être considérée comme le premier incident de paiement non régularisé ; qu'en délivrant l'exploit introductif d'instance à N... J... le 3 août 2015, la Banque CIC NORD OUEST a initié son action dans le délai de deux ans prescrit par l'article L 311-37 ancien du Code de la consommation ; que son action est par conséquent recevable ;

1° ALORS QUE la régularisation d'un incident de paiement ne peut résulter du paiement fait par l'assureur-emprunteur ; qu'en retenant, pour juger que la banque CIC n'était pas forclose, que les sommes versées par l'assureur emprunteur de Mme J... avait permis « le paiement intégral des échéances des mois d'avril, mai, juin et juillet 2013 et le paiement partiel de l'échéance du mois d'août 2013 » (jugement p. 3, al. 9), quand de tels paiement, réalisés par un tiers, ne régularisaient pas les incidents de paiement et n'avaient donc pas pour effet de retarder le point de départ du délai de forclusion, la cour d'appel a violé l'article L. 311-37, devenu l'article L. 311-52 puis R. 312-35 du code de la consommation ;

2° ALORS QU'en toute hypothèse, les paiements partiels d'une dette unique s'imputent d'abord sur les intérêts ; qu'en retenant, pour juger que la banque n'était pas forclose, que la somme des paiements réalisés par l'assureur-emprunteur de Mme J... devait s'imputer sans distinction sur les premières échéances impayées après mise en oeuvre du plan de surendettement, tout en constatant que des échéances plus récentes demeuraient impayées (jugement, p. 3, al. 5 et 9), de sorte que les paiements partiels devaient être imputés en priorité sur l'intégralité des intérêts impayés avant de pouvoir être imputés sur le capital, la cour d'appel a violé l'article 1254 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;

3° ALORS QU'en toute hypothèse, lorsque l'assurance-emprunteur ne couvre qu'une fraction des échéances du prêt, les paiements successifs réalisés par l'assureur doivent s'imputer sur chacune des échéances dont il s'agit de garantir le paiement ; qu'en retenant, pour juger que la banque n'était pas forclose, que la somme des paiements réalisés par l'assureur-emprunteur de Mme J... devait s'imputer sur les premières échéances impayées après mise en oeuvre du plan de surendettement (jugement, p. 3, al. 5 et 9), quand ces paiements devaient s'imputer sur chacune des échéances dont le paiement était partiellement garanti, de sorte qu'aucune des échéances dues à partir d'avril 2013 ne pouvait être considérée comme régularisée, la cour d'appel a violé l'article 1254 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce, et l'article L. 311-37, devenu l'article L. 311-52 puis R. 312-35 du code de la consommation. ECLI:FR:CCASS:2021:C100015
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