Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 16 décembre 2020, 19-20.660, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 16 décembre 2020, 19-20.660, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 19-20.660
- ECLI:FR:CCASS:2020:C100802
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 16 décembre 2020
Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, du 04 juin 2019- Président
- Mme Batut (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 décembre 2020
Cassation partielle
Mme BATUT, président
Arrêt n° 802 F-D
Pourvoi n° Z 19-20.660
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 DÉCEMBRE 2020
Mme A... C..., épouse I..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° Z 19-20.660 contre l'arrêt rendu le 4 juin 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 2-2), dans le litige l'opposant à M. G... I..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme C..., après débats en l'audience publique du 3 novembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Hascher, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller faisant fonction de doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à Mme C... du désistement des deux premiers moyens.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 juin 2019), Mme C... et M. I... se sont mariés en 1989 sans contrat de mariage. M. I... a assigné son épouse en divorce en juin 2015 et demandé une prestation compensatoire.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
3. Mme C... fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. I... une prestation compensatoire de 20 000 euros en capital, alors « que lorsqu'il se prononce sur la fixation de la prestation compensatoire, le juge doit prendre en compte notamment le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ; que dans ce cadre, il ne saurait prendre en compte les biens recueillis à titre de succession par un époux en cours de régime communautaire, sauf à ce qu'il soit démontré que lesdits biens ont profité exclusivement à l'époux héritier ; qu'en prenant en compte, pour apprécier les situations patrimoniales respectives des époux, une succession recueillie par l'épouse il y a plus de vingt ans, en cours de régime communautaire, sans se prononcer sur le devenir des biens inclus dans cette succession, qui avaient pu profiter voire être absorbés par la communauté au jour où elle statuait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 270 et 271 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 270 et 271 du code civil :
4. Il résulte du premier de ces textes que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Selon le second, la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
5. Pour condamner Mme C... au versement d'une prestation compensatoire, l'arrêt retient qu'elle a recueilli de sa mère en héritage la somme de 461 182,09 euros.
6. En se déterminant ainsi, sans rechercher le devenir de ces sommes perçues plus de vingt ans avant le divorce, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Et sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
7. Mme C... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en divorce pour faute, alors « qu'il est interdit au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, était versée aux débats une déclaration de succession consécutive au décès de la grand-mère de l'épouse, survenu le 24 février 1996, de laquelle il résultait qu'elle avait recueilli, au titre de la succession, une part d'une valeur de 461 182,09 francs, si bien qu'en énonçant, pour déclarer que la prise en compte du patrimoine de l'épouse faisait apparaître une disparité avec son époux justifiant l'octroi d'une prestation compensatoire au profit du mari, qu'était versée une déclaration de succession concernant la mère de l'épouse, décédée le 29 février 2016, dont il résulte qu'elle a recueilli la somme de 461 182,09 euros en héritage, la cour d'appel a dénaturé ce document, en violation du principe susvisé. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
8. Pour condamner Mme C... au versement d'une prestation compensatoire, l'arrêt retient qu'il ressort de la déclaration de succession de sa mère, décédée le 29 février 2016, qu'elle a recueilli en héritage la somme de 461 182,09 euros.
9. En statuant ainsi, alors que cette déclaration mentionne que le décès de la mère de Mme C... est survenu le 24 février 1996 et que le montant de la succession recueilli était de 461 182,09 francs, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis et violé le principe susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du troisième moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne Mme C... à verser à M. I... une prestation compensatoire de 20 000 euros en capital, l'arrêt rendu le 4 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne M. I... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour Mme C...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de Mme C... tendant au prononcé du divorce pour faute de M. I... et d'avoir prononcé le divorce entre les époux C.../I... pour altération définitive du lien conjugal,
AUX MOTIFS PROPRES QUE
« Sur le prononcé du divorce
L'article 242 du Code civil dispose que le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune.
Aux termes de l'article 246 du même code, si une demande pour altération définitive du lien conjugal et une demande pour faute sont concurremment présentées, le juge examine en premier lieu la demande pour faute. S'il rejette celle-ci le juge statue alors sur la demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal.
Mme C... fait valoir, à l'appui de sa demande en divorce aux torts exclusifs du mari, que les époux s'étaient entendus sur une séparation à l'amiable et sur une résidence alternée pour l'enfant K..., mais que M. I... n'a pas respecté cet accord et a induit une situation d'aliénation parentale à son égard de la part de K.... Elle soutient en outre que M. I... l'a alors harcelée, notamment en piratant son compte Facebook, en l'insultant sur Internet, en agressant le personnel de l'établissement où elle travaillait. Elle ajoute que M. I... a vendu le véhicule pour lequel elle acquitte encore un crédit. P... C... conclut que ce comportement a généré chez elle une dépression, confirmée par les résultats de l'enquête sociale.
L'article 373-2-12 du code civil prohibe expressément l'utilisation de l'enquête sociale ordonnée dans le cadre du litige pour trancher du débat sur la cause du divorce. II ne sera donc pas fait référence à cette enquête sociale pour statuer sur ce chef de demande.
Mme C... produit les attestations de deux amies, Mmes M... et H... qui confortent ses allégations relatives au piratage du compte Facebook de l'épouse par l'époux, qui s'est notamment fait passer pour sa femme, l'a insulté à plusieurs reprises, comme le fait qu'il a pu harceler ses connaissances et venir agresser verbalement le personnel de la clinique où elle travaillait. Elle présente encore de nombreux échanges par messages SMS entre l'époux et leur fille O..., au mois de septembre 2014, qui confirment ce piratage et l'intention de lui nuire qu'y exprime M. I....
Mme C... produit encore des copies de messages internet de M. I..., qui, sous le pseudonyme [...], passe des annonces sur un site de rencontres. Elle produit l'acte de vente d'un véhicule.
M. I... ne conteste pas expressément ces allégations.
Les pièces produites montrent que le couple a connu de nombreuses vicissitudes, entrecoupées de séparations et de réconciliations, notamment sur la période 2011-2014. Les allégations de violences ou de crises de colère de son époux, d'ailleurs peu précises, ne peuvent être prises en compte en raison de ces réconciliations.
Mme C... produit un certificat médical du 23 juin 2014 attestant qu'elle porte la trace d'un hématome occasionnant deux jours d'incapacité totale de travail. Elle expose dans une plainte du 4 septembre 2014 que ceci résulte d'une altercation lors de son passage au domicile conjugal.
Ceci étant, il résulte des déclarations de l'époux que l'épouse a définitivement quitté le domicile conjugal à l'été 2014, et que les relations ont progressivement été coupées. Si Mme C... justifie que des rencontres en point rencontre n'ont pu se dérouler du fait du refus de l'appelant, il n'en reste pas moins qu'elle ne témoigne pas d'un investissement particulier pour rétablir les relations avec K....
M. I... verse aux débats une main-courante du 13 septembre 2014 dans laquelle il signale l'abandon du domicile conjugal courant août 2014.
Surtout, il résulte de ses propres déclarations dans le cadre d'une plainte du 4 septembre 2014 et d'une main-courante du 7 septembre 2014 que l'épouse a quitté son mari dès le mois de janvier2014, lorsqu'elle a choisi d'occuper un emploi à Hyères à distance du domicile conjugal à La Couronne.
Elle n'y mentionne nullement un accord des époux pour la séparation.
M. I... produit de nombreuses copies d'échanges d'une prénommée ‘Fred" avec plusieurs hommes sur deux sites d'échanges (Meetic et Be2), étant précisé que le second prénom de l'épouse est Q..., qu'elle utilise d'ailleurs à l'occasion pour des achats. Figure notamment un échange le 30 juin 2014 depuis un compte à son nom avec un dénommé L... F.... Dans un autre message du 13 août 2014, Mme C... indique "j'ai enfin quitté mon mari".
M. I... soutient encore qu'elle entretient une relation adultère avec un M. S.... Est produite une attestation de ce dernier qui ne fait que préciser qu'il ne vit pas avec l'intimée.
Les éléments rappelés ci-dessus montrent que ce n'est qu'une fois que l'épouse a quitté le domicile conjugal, en violation de ses obligations matrimoniales, et alors qu'elle avait déjà des relations, au moins par correspondance, avec des tiers, que l'époux a pu commettre les faits de piratage et de harcèlement, sur la période qui a suivi de peu la séparation. Par ailleurs, l'existence d'une relation extra-conjugale avant le prononcé du divorce est également avérée.
Mme C... ne fait pas davantage la preuve d'une aliénation de l'enfant K... qui serait imputable à M. I..., compte tenu de la décision de l'épouse de quitter le domicile conjugal.
Mme C... n'apporte pas la démonstration qui lui incombe de faits rendant intolérable le maintien de la vie commune qui seraient exclusivement imputables à l'époux, au sens de l'article 242 précité. Sa demande de divorce aux torts exclusifs du mari sera donc écartée »;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE
« Selon les dispositions de l'article 242 du code civil, le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune.
Au soutien de sa demande en divorce, A... C... affirme que G... I... a induit un syndrome d'aliénation parentale sur K..., de sorte qu'il ne veut plus entretenir aucune relation avec sa mère, que G... I... a eu un comportement odieux, lui faisant subir un véritable harcèlement, qu'il a agressé le personnel de la clinique au sein de laquelle elle travaillait, la poussant à la démission, qu'il a vendu le véhicule pour lequel elle continue à régler un crédit, ainsi que le mobilier commun et s'est maintenu au domicile familial sans faire aucune démarche pour le vendre.
Les déclarations de mains courantes, procès-verbal de dépôt de plainte et certificats médicaux versés au dossier, qui relatent uniquement les déclarations de A... C... ne sauraient, en l'absence de suites judiciaires démontrées, suffire à caractériser un comportement fautif du mari.
De même, les copies de captures d'écrans produites par A... C... ne démontrent nullement que G... I... soit l'auteur du piratage du compte Facebook de l'épouse.
L'attestation de J... M... en date du 2 septembre 2011 n'a pas été établie dans les formes de l'article 202 du code de procédure civile.
J... M..., dans son attestation en date du 24 janvier 2015, ne relate pas de faits précis et datés, mais fait mention d'appréciations générales : "j'ai été témoin du harcèlement moral qu'il a fait subir à A.... Il l'a harcelée par téléphone et par internet ainsi que des menaces physiques et mentales".
De même, l'attestation de W... H..., qui indique que G... I... a été violent verbalement, qu'il s'est vanté de vouloir passer à l'acte dans un état de fureur indescriptible n'est pas suffisamment précise pour caractériser une faute de l'époux.
Aucune des pièces versées au dossier ne démontre que G... I... a induit un syndrome d'aliénation parentale sur K....
Enfin, le maintien de G... I... au domicile familial dont la jouissance provisoire lui a été attribuée par l'ordonnance de non-conciliation ne saurait constituer une faute du mari.
Dans ces conditions, force est de constater que A... C... ne rapporte pas la preuve de faits imputables à G... I... constituant une violation des devoirs et obligations du mariage au sens de l'article 242 du code civil, rendant intolérable le maintien de la vie commune.
Il convient donc de la débouter de sa demande en divorce »,
1) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office le moyen pris de réconciliations entre les époux intervenues suite aux mains courantes déposées par l'épouse sur la période 2011-2014, ayant pour effet d'empêcher celle-ci d'invoquer les faits de violence dénoncés contre son époux, quand aucun des époux n'invoquait l'existence de réconciliations, la cour d'appel, qui n'a pas sollicité les observations des parties sur le moyen qu'elle a relevé d'office, a méconnu le principe de la contradiction et ainsi violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE la réconciliation consiste dans la poursuite ou la reprise de la vie commune, accompagnée d'une volonté chez l'époux offensé de pardonner les griefs qu'il peut avoir contre son conjoint et dans l'acceptation par ce dernier du pardon ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt qu'au soutien de sa demande de divorce pour faute de l'époux, l'épouse se plaignait d'actes de violence attestés par des mains courantes déposées entre 2011 et 2014 et des certificats médicaux ; qu'en se bornant à affirmer, pour refuser de tenir compte de ces éléments tendant à attribuer les torts du divorce à l'époux, que des réconciliations seraient intervenues entre les époux, sans caractériser les éléments matériel et intentionnel de telles réconciliations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 242 et 244 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de Mme C... en paiement de dommages et intérêts dirigée contre M. I...,
AUX MOTIFS PROPRES QUE
« Mme C... sollicite une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil, aujourd'hui l'article 1240 du même code. Il lui incombe de faire la preuve d'un préjudice indépendant de celui de la rupture du lien matrimonial, imputable à son époux.
L'exposé des faits ci-dessus rappelés conduit à rejeter ce chef de demande, faute de preuve de l'existence d'un tel préjudice »;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE
« il n'est pas établi que G... I... a eu un comportement fautif envers son épouse.
Elle sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts » ;
ALORS QUE la cassation d'un chef de dispositif s'étend à l'ensemble des dispositions ayant avec lui un lien de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir sur le chef de l'arrêt ayant débouté l'épouse de sa demande tendant au prononcé du divorce pour faute de son époux emportera par voie de conséquence la cassation du chef de dispositif l'ayant déboutée de sa demande de condamnation au paiement de dommages et intérêts à son encontre, par application de l'article 624 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné Mme C... au paiement d'une prestation compensatoire au profit de M. I... de 20.000 euros en capital,
AUX MOTIFS QUE
« Sur la demande de prestation compensatoire:
En vertu des dispositions de l'article 270 du code civil, le divorce met fin au devoir de secours entre époux. L'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respective. Cette prestation un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge.
En application de ce texte, c'est donc au moment de la dissolution du mariage que doivent être appréciées les conditions d'attribution éventuelle d'une prestation compensatoire. Compte tenu de la contestation par l'épouse de la cause du divorce, c'est au jour du présent arrêt qu'il convient d'examiner la situation respective des parties.
L'article 271 du code civil précise que la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. A cet effet, le juge prend en considération notamment :
- la durée du mariage;
- l'âge et l'état de santé des époux;
- leur qualification et leur situation professionnelle;
- les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne;
- le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial;
- leurs droits existants et prévisibles;
- leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu'il est possible, la diminution des droits retraites qui aura pu être causées, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire, par les choix professionnels de l'époux débiteur.
M. I... forme une demande de prestation compensatoire à hauteur de 90.000 €, contestée par l'épouse.
Le mariage a duré 29 ans. L'épouse est âgée de 53 ans, et l'époux de 50 ans. Aucun problème de santé particulier n'est allégué de part et d'autre.
Le domicile conjugal est un bien commun, et les droits des parties sont équivalents à ce titre.
L'épouse a régulièrement travaillé en qualité d'infirmière dans le secteur public, et a pu prendre sa retraite après 15 ans de service. Elle a ensuite travaillé en tant que salariée dans le secteur public. Elle précise que sa retraite est de 450 € par mois. Elle établit qu'après une période d'arrêt de travail pour accident de travail du 28 novembre 2016 au mois de juin 2018, elle a été licenciée pour inaptitude et se trouve actuelle sans emploi, en percevant des indemnités de chômage de 1.983 € au mois d'octobre 2018.
II n'est pas établi qu'elle partage ses charges avec un compagnon. Outre les dépenses de la vie courante, elle justifie acquitter mensuellement les charges suivantes:
- loyer: 785 €,
- taxe foncière: 30 €,
- taxe d'habitation: 69 €,
- assurance habitation: 17 €,
- électricité: 45 €,
- eau: 14 €,
- impôt sur le revenu: 212 €.
Elle règle à M. I... une contribution mensuelle de 200 € pour l'entretien et l'éducation de l'enfant K....
Mme C... ne le mentionne pas explicitement, mais elle produit une déclaration de succession concernant sa mère, décédée le 29 février 2016, dont il résulte qu'elle a recueilli la somme de 461.182,09 € en héritage.
M. I... indique, dans sa déclaration de revenus, percevoir une somme mensuelle de 1.000 €, et justifie qu'il est actuellement sans emploi avec la perception d'indemnités mensuelles à hauteur de 1.032,60 €.
Ceci étant, carrossier de profession, il semble avoir alterné les périodes d'emploi et de chômage au cours des récentes années. Ainsi, il a perçu un revenu imposable cumulé de 11.462,23 € au mois de septembre 2016 (bulletin de paie du mois de septembre 2016), 14.504,40 € au mois d'octobre 2017 (bulletin de paie du mois d'octobre 2017) et 10.758 € au mois de septembre 2018 (bulletin du mois de septembre 2018). L'absence de chronologie détaillée de ses périodes d'emploi salarié et de chômage ne permet pas d'apprécier exactement ses revenus déclarés, sauf pour l'année 2017 où son avis d'imposition mentionne la somme de 17.407 € de revenu imposable, soit nettement plus de 1.000 € par mois.
Les pièces produites aux débats démontrent cependant que M. I... a une activité professionnelle occulte. Il déclarait déjà à l'enquêteur social en 2015 avoir "quelques gâches en carrosserie pour joindre les deux bouts". Or, la lecture des relevés de son compte bancaire produits par l'épouse démontre qu'entre les mois d'octobre 2017 et janvier 2018, il acquitte à plusieurs reprises – dont trois fois en octobre 2017 notamment – des frais de carte grise, tandis que transitent fréquemment sur son compte des sommes de plusieurs milliers d'euros. Cette activité n'est pas compatible avec les revenus officiellement déclarés et conforte donc l'affirmation de Mme C... selon laquelle M. I... travaille sans être déclaré à l'achat et à la revente de véhicules qu'il répare lui-même. Le niveau de ses dépenses courantes apparaît également hors de proportion avec un revenu déclaré de 1.000 euros par mois.
M. I... acquitte les dépenses de la vie courante et supporte l'entretien au quotidien de l'enfant commun K.... Il justifie acquitter mensuellement les charges suivantes :
- électricité : 61 €,
- assurances : 194,91 €,
- taxe d'habitation : 20 €,
- mutuelle : 65 €,
- taxe foncière : 30 €,
- internet/téléphonie : 80 €,
- eau : 31 €.
Les charges des parties sont donc équivalentes. Les ressources occultes de M. I... ne lui permettent pas de démontrer une disparité des revenus à son détriment.
En définitive, la disparité n'existe au détriment de M. I... qu'en ce qui concerne la situation patrimoniale.
Pour autant, il doit être néanmoins rappelé que le mécanisme de la prestation compensatoire n'a pas pour objet d'égaliser les situations de fortune.
Au bénéfice de ces observations, le montant de la prestation compensatoire allouée à M. I... sera donc fixé à la somme de 20.000 euros en capital » ;
1) ALORS QUE la cassation d'un chef de dispositif s'étend à l'ensemble des dispositions ayant avec lui un lien de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir sur le chef de l'arrêt ayant débouté l'épouse de sa demande tendant au prononcé du divorce aux torts exclusifs de son époux emportera, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif l'ayant condamnée au paiement d'une prestation compensatoire au profit de l'époux, par application de l'article 624 du code de procédure civile ;
2) ALORS QU'il est interdit au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, était versée aux débats une déclaration de succession consécutive au décès de la grand-mère de l'épouse, survenu le 24 février 1996, de laquelle il résultait qu'elle avait recueilli, au titre de la succession, une part d'une valeur de 461.182,09 Francs, si bien qu'en énonçant, pour déclarer que la prise en compte du patrimoine de l'épouse faisait apparaître une disparité avec son époux justifiant l'octroi d'une prestation compensatoire au profit du mari, qu'était versée une déclaration de succession concernant la mère de l'épouse, décédée le 29 février 2016, dont il résulte qu'elle a recueilli la somme de 461.182,09 Euros en héritage, la cour d'appel a dénaturé ce document, en violation du principe susvisé ;
3) ALORS QUE lorsqu'il se prononce sur la fixation de la prestation compensatoire, le juge doit prendre en compte notamment le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ; que dans ce cadre, il ne saurait prendre en compte les biens recueillis à titre de succession par un époux en cours de régime communautaire, sauf à ce qu'il soit démontré que lesdits biens ont profité exclusivement à l'époux héritier ; qu'en prenant en compte, pour apprécier les situations patrimoniales respectives des époux, une succession recueillie par l'épouse il y a plus de vingt ans, en cours de régime communautaire, sans se prononcer sur le devenir des biens inclus dans cette succession, qui avaient pu profiter voire être absorbés par la communauté au jour où elle statuait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 270 et 271 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2020:C100802
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 décembre 2020
Cassation partielle
Mme BATUT, président
Arrêt n° 802 F-D
Pourvoi n° Z 19-20.660
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 DÉCEMBRE 2020
Mme A... C..., épouse I..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° Z 19-20.660 contre l'arrêt rendu le 4 juin 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 2-2), dans le litige l'opposant à M. G... I..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme C..., après débats en l'audience publique du 3 novembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Hascher, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller faisant fonction de doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à Mme C... du désistement des deux premiers moyens.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 juin 2019), Mme C... et M. I... se sont mariés en 1989 sans contrat de mariage. M. I... a assigné son épouse en divorce en juin 2015 et demandé une prestation compensatoire.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
3. Mme C... fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. I... une prestation compensatoire de 20 000 euros en capital, alors « que lorsqu'il se prononce sur la fixation de la prestation compensatoire, le juge doit prendre en compte notamment le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ; que dans ce cadre, il ne saurait prendre en compte les biens recueillis à titre de succession par un époux en cours de régime communautaire, sauf à ce qu'il soit démontré que lesdits biens ont profité exclusivement à l'époux héritier ; qu'en prenant en compte, pour apprécier les situations patrimoniales respectives des époux, une succession recueillie par l'épouse il y a plus de vingt ans, en cours de régime communautaire, sans se prononcer sur le devenir des biens inclus dans cette succession, qui avaient pu profiter voire être absorbés par la communauté au jour où elle statuait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 270 et 271 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 270 et 271 du code civil :
4. Il résulte du premier de ces textes que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Selon le second, la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
5. Pour condamner Mme C... au versement d'une prestation compensatoire, l'arrêt retient qu'elle a recueilli de sa mère en héritage la somme de 461 182,09 euros.
6. En se déterminant ainsi, sans rechercher le devenir de ces sommes perçues plus de vingt ans avant le divorce, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Et sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
7. Mme C... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en divorce pour faute, alors « qu'il est interdit au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, était versée aux débats une déclaration de succession consécutive au décès de la grand-mère de l'épouse, survenu le 24 février 1996, de laquelle il résultait qu'elle avait recueilli, au titre de la succession, une part d'une valeur de 461 182,09 francs, si bien qu'en énonçant, pour déclarer que la prise en compte du patrimoine de l'épouse faisait apparaître une disparité avec son époux justifiant l'octroi d'une prestation compensatoire au profit du mari, qu'était versée une déclaration de succession concernant la mère de l'épouse, décédée le 29 février 2016, dont il résulte qu'elle a recueilli la somme de 461 182,09 euros en héritage, la cour d'appel a dénaturé ce document, en violation du principe susvisé. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
8. Pour condamner Mme C... au versement d'une prestation compensatoire, l'arrêt retient qu'il ressort de la déclaration de succession de sa mère, décédée le 29 février 2016, qu'elle a recueilli en héritage la somme de 461 182,09 euros.
9. En statuant ainsi, alors que cette déclaration mentionne que le décès de la mère de Mme C... est survenu le 24 février 1996 et que le montant de la succession recueilli était de 461 182,09 francs, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis et violé le principe susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du troisième moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne Mme C... à verser à M. I... une prestation compensatoire de 20 000 euros en capital, l'arrêt rendu le 4 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne M. I... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour Mme C...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de Mme C... tendant au prononcé du divorce pour faute de M. I... et d'avoir prononcé le divorce entre les époux C.../I... pour altération définitive du lien conjugal,
AUX MOTIFS PROPRES QUE
« Sur le prononcé du divorce
L'article 242 du Code civil dispose que le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune.
Aux termes de l'article 246 du même code, si une demande pour altération définitive du lien conjugal et une demande pour faute sont concurremment présentées, le juge examine en premier lieu la demande pour faute. S'il rejette celle-ci le juge statue alors sur la demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal.
Mme C... fait valoir, à l'appui de sa demande en divorce aux torts exclusifs du mari, que les époux s'étaient entendus sur une séparation à l'amiable et sur une résidence alternée pour l'enfant K..., mais que M. I... n'a pas respecté cet accord et a induit une situation d'aliénation parentale à son égard de la part de K.... Elle soutient en outre que M. I... l'a alors harcelée, notamment en piratant son compte Facebook, en l'insultant sur Internet, en agressant le personnel de l'établissement où elle travaillait. Elle ajoute que M. I... a vendu le véhicule pour lequel elle acquitte encore un crédit. P... C... conclut que ce comportement a généré chez elle une dépression, confirmée par les résultats de l'enquête sociale.
L'article 373-2-12 du code civil prohibe expressément l'utilisation de l'enquête sociale ordonnée dans le cadre du litige pour trancher du débat sur la cause du divorce. II ne sera donc pas fait référence à cette enquête sociale pour statuer sur ce chef de demande.
Mme C... produit les attestations de deux amies, Mmes M... et H... qui confortent ses allégations relatives au piratage du compte Facebook de l'épouse par l'époux, qui s'est notamment fait passer pour sa femme, l'a insulté à plusieurs reprises, comme le fait qu'il a pu harceler ses connaissances et venir agresser verbalement le personnel de la clinique où elle travaillait. Elle présente encore de nombreux échanges par messages SMS entre l'époux et leur fille O..., au mois de septembre 2014, qui confirment ce piratage et l'intention de lui nuire qu'y exprime M. I....
Mme C... produit encore des copies de messages internet de M. I..., qui, sous le pseudonyme [...], passe des annonces sur un site de rencontres. Elle produit l'acte de vente d'un véhicule.
M. I... ne conteste pas expressément ces allégations.
Les pièces produites montrent que le couple a connu de nombreuses vicissitudes, entrecoupées de séparations et de réconciliations, notamment sur la période 2011-2014. Les allégations de violences ou de crises de colère de son époux, d'ailleurs peu précises, ne peuvent être prises en compte en raison de ces réconciliations.
Mme C... produit un certificat médical du 23 juin 2014 attestant qu'elle porte la trace d'un hématome occasionnant deux jours d'incapacité totale de travail. Elle expose dans une plainte du 4 septembre 2014 que ceci résulte d'une altercation lors de son passage au domicile conjugal.
Ceci étant, il résulte des déclarations de l'époux que l'épouse a définitivement quitté le domicile conjugal à l'été 2014, et que les relations ont progressivement été coupées. Si Mme C... justifie que des rencontres en point rencontre n'ont pu se dérouler du fait du refus de l'appelant, il n'en reste pas moins qu'elle ne témoigne pas d'un investissement particulier pour rétablir les relations avec K....
M. I... verse aux débats une main-courante du 13 septembre 2014 dans laquelle il signale l'abandon du domicile conjugal courant août 2014.
Surtout, il résulte de ses propres déclarations dans le cadre d'une plainte du 4 septembre 2014 et d'une main-courante du 7 septembre 2014 que l'épouse a quitté son mari dès le mois de janvier2014, lorsqu'elle a choisi d'occuper un emploi à Hyères à distance du domicile conjugal à La Couronne.
Elle n'y mentionne nullement un accord des époux pour la séparation.
M. I... produit de nombreuses copies d'échanges d'une prénommée ‘Fred" avec plusieurs hommes sur deux sites d'échanges (Meetic et Be2), étant précisé que le second prénom de l'épouse est Q..., qu'elle utilise d'ailleurs à l'occasion pour des achats. Figure notamment un échange le 30 juin 2014 depuis un compte à son nom avec un dénommé L... F.... Dans un autre message du 13 août 2014, Mme C... indique "j'ai enfin quitté mon mari".
M. I... soutient encore qu'elle entretient une relation adultère avec un M. S.... Est produite une attestation de ce dernier qui ne fait que préciser qu'il ne vit pas avec l'intimée.
Les éléments rappelés ci-dessus montrent que ce n'est qu'une fois que l'épouse a quitté le domicile conjugal, en violation de ses obligations matrimoniales, et alors qu'elle avait déjà des relations, au moins par correspondance, avec des tiers, que l'époux a pu commettre les faits de piratage et de harcèlement, sur la période qui a suivi de peu la séparation. Par ailleurs, l'existence d'une relation extra-conjugale avant le prononcé du divorce est également avérée.
Mme C... ne fait pas davantage la preuve d'une aliénation de l'enfant K... qui serait imputable à M. I..., compte tenu de la décision de l'épouse de quitter le domicile conjugal.
Mme C... n'apporte pas la démonstration qui lui incombe de faits rendant intolérable le maintien de la vie commune qui seraient exclusivement imputables à l'époux, au sens de l'article 242 précité. Sa demande de divorce aux torts exclusifs du mari sera donc écartée »;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE
« Selon les dispositions de l'article 242 du code civil, le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune.
Au soutien de sa demande en divorce, A... C... affirme que G... I... a induit un syndrome d'aliénation parentale sur K..., de sorte qu'il ne veut plus entretenir aucune relation avec sa mère, que G... I... a eu un comportement odieux, lui faisant subir un véritable harcèlement, qu'il a agressé le personnel de la clinique au sein de laquelle elle travaillait, la poussant à la démission, qu'il a vendu le véhicule pour lequel elle continue à régler un crédit, ainsi que le mobilier commun et s'est maintenu au domicile familial sans faire aucune démarche pour le vendre.
Les déclarations de mains courantes, procès-verbal de dépôt de plainte et certificats médicaux versés au dossier, qui relatent uniquement les déclarations de A... C... ne sauraient, en l'absence de suites judiciaires démontrées, suffire à caractériser un comportement fautif du mari.
De même, les copies de captures d'écrans produites par A... C... ne démontrent nullement que G... I... soit l'auteur du piratage du compte Facebook de l'épouse.
L'attestation de J... M... en date du 2 septembre 2011 n'a pas été établie dans les formes de l'article 202 du code de procédure civile.
J... M..., dans son attestation en date du 24 janvier 2015, ne relate pas de faits précis et datés, mais fait mention d'appréciations générales : "j'ai été témoin du harcèlement moral qu'il a fait subir à A.... Il l'a harcelée par téléphone et par internet ainsi que des menaces physiques et mentales".
De même, l'attestation de W... H..., qui indique que G... I... a été violent verbalement, qu'il s'est vanté de vouloir passer à l'acte dans un état de fureur indescriptible n'est pas suffisamment précise pour caractériser une faute de l'époux.
Aucune des pièces versées au dossier ne démontre que G... I... a induit un syndrome d'aliénation parentale sur K....
Enfin, le maintien de G... I... au domicile familial dont la jouissance provisoire lui a été attribuée par l'ordonnance de non-conciliation ne saurait constituer une faute du mari.
Dans ces conditions, force est de constater que A... C... ne rapporte pas la preuve de faits imputables à G... I... constituant une violation des devoirs et obligations du mariage au sens de l'article 242 du code civil, rendant intolérable le maintien de la vie commune.
Il convient donc de la débouter de sa demande en divorce »,
1) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office le moyen pris de réconciliations entre les époux intervenues suite aux mains courantes déposées par l'épouse sur la période 2011-2014, ayant pour effet d'empêcher celle-ci d'invoquer les faits de violence dénoncés contre son époux, quand aucun des époux n'invoquait l'existence de réconciliations, la cour d'appel, qui n'a pas sollicité les observations des parties sur le moyen qu'elle a relevé d'office, a méconnu le principe de la contradiction et ainsi violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE la réconciliation consiste dans la poursuite ou la reprise de la vie commune, accompagnée d'une volonté chez l'époux offensé de pardonner les griefs qu'il peut avoir contre son conjoint et dans l'acceptation par ce dernier du pardon ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt qu'au soutien de sa demande de divorce pour faute de l'époux, l'épouse se plaignait d'actes de violence attestés par des mains courantes déposées entre 2011 et 2014 et des certificats médicaux ; qu'en se bornant à affirmer, pour refuser de tenir compte de ces éléments tendant à attribuer les torts du divorce à l'époux, que des réconciliations seraient intervenues entre les époux, sans caractériser les éléments matériel et intentionnel de telles réconciliations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 242 et 244 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de Mme C... en paiement de dommages et intérêts dirigée contre M. I...,
AUX MOTIFS PROPRES QUE
« Mme C... sollicite une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil, aujourd'hui l'article 1240 du même code. Il lui incombe de faire la preuve d'un préjudice indépendant de celui de la rupture du lien matrimonial, imputable à son époux.
L'exposé des faits ci-dessus rappelés conduit à rejeter ce chef de demande, faute de preuve de l'existence d'un tel préjudice »;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE
« il n'est pas établi que G... I... a eu un comportement fautif envers son épouse.
Elle sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts » ;
ALORS QUE la cassation d'un chef de dispositif s'étend à l'ensemble des dispositions ayant avec lui un lien de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir sur le chef de l'arrêt ayant débouté l'épouse de sa demande tendant au prononcé du divorce pour faute de son époux emportera par voie de conséquence la cassation du chef de dispositif l'ayant déboutée de sa demande de condamnation au paiement de dommages et intérêts à son encontre, par application de l'article 624 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné Mme C... au paiement d'une prestation compensatoire au profit de M. I... de 20.000 euros en capital,
AUX MOTIFS QUE
« Sur la demande de prestation compensatoire:
En vertu des dispositions de l'article 270 du code civil, le divorce met fin au devoir de secours entre époux. L'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respective. Cette prestation un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge.
En application de ce texte, c'est donc au moment de la dissolution du mariage que doivent être appréciées les conditions d'attribution éventuelle d'une prestation compensatoire. Compte tenu de la contestation par l'épouse de la cause du divorce, c'est au jour du présent arrêt qu'il convient d'examiner la situation respective des parties.
L'article 271 du code civil précise que la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. A cet effet, le juge prend en considération notamment :
- la durée du mariage;
- l'âge et l'état de santé des époux;
- leur qualification et leur situation professionnelle;
- les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne;
- le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial;
- leurs droits existants et prévisibles;
- leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu'il est possible, la diminution des droits retraites qui aura pu être causées, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire, par les choix professionnels de l'époux débiteur.
M. I... forme une demande de prestation compensatoire à hauteur de 90.000 €, contestée par l'épouse.
Le mariage a duré 29 ans. L'épouse est âgée de 53 ans, et l'époux de 50 ans. Aucun problème de santé particulier n'est allégué de part et d'autre.
Le domicile conjugal est un bien commun, et les droits des parties sont équivalents à ce titre.
L'épouse a régulièrement travaillé en qualité d'infirmière dans le secteur public, et a pu prendre sa retraite après 15 ans de service. Elle a ensuite travaillé en tant que salariée dans le secteur public. Elle précise que sa retraite est de 450 € par mois. Elle établit qu'après une période d'arrêt de travail pour accident de travail du 28 novembre 2016 au mois de juin 2018, elle a été licenciée pour inaptitude et se trouve actuelle sans emploi, en percevant des indemnités de chômage de 1.983 € au mois d'octobre 2018.
II n'est pas établi qu'elle partage ses charges avec un compagnon. Outre les dépenses de la vie courante, elle justifie acquitter mensuellement les charges suivantes:
- loyer: 785 €,
- taxe foncière: 30 €,
- taxe d'habitation: 69 €,
- assurance habitation: 17 €,
- électricité: 45 €,
- eau: 14 €,
- impôt sur le revenu: 212 €.
Elle règle à M. I... une contribution mensuelle de 200 € pour l'entretien et l'éducation de l'enfant K....
Mme C... ne le mentionne pas explicitement, mais elle produit une déclaration de succession concernant sa mère, décédée le 29 février 2016, dont il résulte qu'elle a recueilli la somme de 461.182,09 € en héritage.
M. I... indique, dans sa déclaration de revenus, percevoir une somme mensuelle de 1.000 €, et justifie qu'il est actuellement sans emploi avec la perception d'indemnités mensuelles à hauteur de 1.032,60 €.
Ceci étant, carrossier de profession, il semble avoir alterné les périodes d'emploi et de chômage au cours des récentes années. Ainsi, il a perçu un revenu imposable cumulé de 11.462,23 € au mois de septembre 2016 (bulletin de paie du mois de septembre 2016), 14.504,40 € au mois d'octobre 2017 (bulletin de paie du mois d'octobre 2017) et 10.758 € au mois de septembre 2018 (bulletin du mois de septembre 2018). L'absence de chronologie détaillée de ses périodes d'emploi salarié et de chômage ne permet pas d'apprécier exactement ses revenus déclarés, sauf pour l'année 2017 où son avis d'imposition mentionne la somme de 17.407 € de revenu imposable, soit nettement plus de 1.000 € par mois.
Les pièces produites aux débats démontrent cependant que M. I... a une activité professionnelle occulte. Il déclarait déjà à l'enquêteur social en 2015 avoir "quelques gâches en carrosserie pour joindre les deux bouts". Or, la lecture des relevés de son compte bancaire produits par l'épouse démontre qu'entre les mois d'octobre 2017 et janvier 2018, il acquitte à plusieurs reprises – dont trois fois en octobre 2017 notamment – des frais de carte grise, tandis que transitent fréquemment sur son compte des sommes de plusieurs milliers d'euros. Cette activité n'est pas compatible avec les revenus officiellement déclarés et conforte donc l'affirmation de Mme C... selon laquelle M. I... travaille sans être déclaré à l'achat et à la revente de véhicules qu'il répare lui-même. Le niveau de ses dépenses courantes apparaît également hors de proportion avec un revenu déclaré de 1.000 euros par mois.
M. I... acquitte les dépenses de la vie courante et supporte l'entretien au quotidien de l'enfant commun K.... Il justifie acquitter mensuellement les charges suivantes :
- électricité : 61 €,
- assurances : 194,91 €,
- taxe d'habitation : 20 €,
- mutuelle : 65 €,
- taxe foncière : 30 €,
- internet/téléphonie : 80 €,
- eau : 31 €.
Les charges des parties sont donc équivalentes. Les ressources occultes de M. I... ne lui permettent pas de démontrer une disparité des revenus à son détriment.
En définitive, la disparité n'existe au détriment de M. I... qu'en ce qui concerne la situation patrimoniale.
Pour autant, il doit être néanmoins rappelé que le mécanisme de la prestation compensatoire n'a pas pour objet d'égaliser les situations de fortune.
Au bénéfice de ces observations, le montant de la prestation compensatoire allouée à M. I... sera donc fixé à la somme de 20.000 euros en capital » ;
1) ALORS QUE la cassation d'un chef de dispositif s'étend à l'ensemble des dispositions ayant avec lui un lien de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir sur le chef de l'arrêt ayant débouté l'épouse de sa demande tendant au prononcé du divorce aux torts exclusifs de son époux emportera, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif l'ayant condamnée au paiement d'une prestation compensatoire au profit de l'époux, par application de l'article 624 du code de procédure civile ;
2) ALORS QU'il est interdit au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, était versée aux débats une déclaration de succession consécutive au décès de la grand-mère de l'épouse, survenu le 24 février 1996, de laquelle il résultait qu'elle avait recueilli, au titre de la succession, une part d'une valeur de 461.182,09 Francs, si bien qu'en énonçant, pour déclarer que la prise en compte du patrimoine de l'épouse faisait apparaître une disparité avec son époux justifiant l'octroi d'une prestation compensatoire au profit du mari, qu'était versée une déclaration de succession concernant la mère de l'épouse, décédée le 29 février 2016, dont il résulte qu'elle a recueilli la somme de 461.182,09 Euros en héritage, la cour d'appel a dénaturé ce document, en violation du principe susvisé ;
3) ALORS QUE lorsqu'il se prononce sur la fixation de la prestation compensatoire, le juge doit prendre en compte notamment le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ; que dans ce cadre, il ne saurait prendre en compte les biens recueillis à titre de succession par un époux en cours de régime communautaire, sauf à ce qu'il soit démontré que lesdits biens ont profité exclusivement à l'époux héritier ; qu'en prenant en compte, pour apprécier les situations patrimoniales respectives des époux, une succession recueillie par l'épouse il y a plus de vingt ans, en cours de régime communautaire, sans se prononcer sur le devenir des biens inclus dans cette succession, qui avaient pu profiter voire être absorbés par la communauté au jour où elle statuait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 270 et 271 du code civil.