Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 16 décembre 2020, 19-16.295, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 16 décembre 2020, 19-16.295, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 19-16.295
- ECLI:FR:CCASS:2020:C100815
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du mercredi 16 décembre 2020
Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, du 22 janvier 2019- Président
- Mme Batut
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 décembre 2020
Cassation
Mme BATUT, président
Arrêt n° 815 F-P
Pourvoi n° E 19-16.295
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 DÉCEMBRE 2020
Mme Y... F... , épouse A..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° E 19-16.295 contre l'arrêt rendu le 22 janvier 2019 par la cour d'appel de Grenoble (chambre des affaires familiales), dans le litige l'opposant à M. X... H..., domicilié [...] , pris tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritier d'N... H..., défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de Mme F... , de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. H..., pris tant en son nom personnel qu'ès qualités, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller faisant fonction de doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 22 janvier 2019), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 12 juillet 2017, pourvoi n° 16-22.255), N... H... est décédé le [...], laissant pour lui succéder ses parents, Mme F... et M. H..., ainsi que B..., I..., K..., V... et W... A... (les consorts A...), ses demi-frères et soeurs issus de l'union de Mme F... avec M. P... A....
2. Mme F... a assigné M. H... aux fins de voir fixer à une certaine somme le montant d'une créance contre la succession au titre de l'assistance qu'elle avait apportée à son fils avant son décès. Les consorts A... sont intervenus volontairement en cours d'instance.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Mme F... fait grief à l'arrêt de dire que sa demande est irrecevable en dehors des opérations de liquidation de la succession d'N... H..., alors « que la reconnaissance de l'existence d'une créance détenue par un héritier sur la succession n'est pas subordonnée à l'ouverture des opérations de liquidation-partage de cette succession ; qu'en déclarant irrecevable la demande de Mme F... en fixation d'une créance sur la succession de son fils pour l'aide et l'assistance dépassant l'obligation alimentaire d'une mère envers son fils, la cour d'appel a violé l'article 734 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 873 et 1220 du code civil, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
4. Selon ces textes, chaque héritier est personnellement tenu des dettes de la succession pour la part successorale dont il est saisi. Il en résulte qu'est recevable l'action engagée par un héritier à l'encontre d'un seul de ses cohéritiers aux fins de voir fixer sa créance à l'encontre de la succession, la décision rendue sur celle-ci étant inopposable aux autres indivisaires à défaut de mise en cause de ces derniers.
5. Pour déclarer irrecevable la demande formée par Mme F... à l'encontre de M. H..., l'arrêt retient que cette dernière fait valoir une créance sur la succession, alors qu'elle est elle-même héritière, pour en déduire que sa demande s'analyse en une contestation relative au règlement de la succession qui suppose, à défaut d'accord amiable entre les héritiers, qu'un partage judiciaire ait été ordonné à l'encontre de tous les cohéritiers, ce qui n'est pas encore le cas.
6. En statuant ainsi, alors que la demande d'un héritier tendant à voir fixer sa créance à l'égard de la succession, qui ne tend ni à la liquidation de l'indivision successorale ni à l'allotissement de cet héritier, ne constitue pas une opération de partage et n'est, dès lors, pas subordonnée à l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. H... tant en son nom personnel qu'ès qualités, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. H..., tant en son nom personnel qu'ès qualités, et le condamne à payer à Mme F... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour Mme F... .
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la demande de Mme A... était irrecevable en dehors du cadre des opérations de liquidation de la succession d'N... H... ;
Aux motifs que M. H... comme Mme A... étaient héritiers de leur fils N... à la suite du décès de ce dernier, comme tous les frères et soeurs du défunt ; que la demande de Mme A... en fixation d'une créance successorale au titre de l'assistance par tierce personne présentée devant le tribunal de grande instance tendait à la revendication d'une créance sur les sommes indemnisant l'entier préjudice d'N... H..., préjudice fixé par le jugement du 8 novembre 2012 après le décès ; que ces sommes faisaient donc toutes partie de l'actif successoral ; que Mme A... faisait donc état d'une créance sur la succession, bien qu'elle fût héritière ; que sa demande s'analysait donc en une contestation dans le cadre du règlement de la succession d'N... H... et supposait, à défaut d'accord amiable entre les héritiers, qu'un partage judiciaire ait été ordonné à l'encontre de tous, ce qui n'était pas encore le cas puisque la demande de partage restait pendante devant le tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu d'après les informations données à la cour par les parties ; que M. H..., qui pouvait faire valoir en appel l'absence de partage judiciaire qui répondait aux prétentions adverses, faisait donc valoir à juste titre que la demande de Mme A... n'était pas recevable à son encontre en dehors de l'ouverture des opérations de partage successoral, peu important le fait que les autres héritiers soient ensuite intervenus volontairement à la procédure ; que le jugement serait infirmé en totalité ; que la demande d'ouverture des opérations successorales n'étant présentée qu'à titre subsidiaire par M. H..., il n'y avait pas lieu de l'examiner puisqu'il était fait droit à sa demande principale ; que les autres héritiers n'en présentaient pas la demande devant la cour et qu'en tout état de cause, l'action à ce titre devait être poursuivie devant le tribunal de grande instance compétent, ce qui préservait le double degré de juridiction ;
Alors que la reconnaissance de l'existence d'une créance détenue par un héritier sur la succession n'est pas subordonnée à l'ouverture des opérations de liquidation-partage de cette succession ; qu'en déclarant irrecevable la demande de Mme A... en fixation d'une créance sur la succession de son fils pour l'aide et l'assistance dépassant l'obligation alimentaire d'une mère envers son fils, la cour d'appel a violé l'article 734 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2020:C100815
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 décembre 2020
Cassation
Mme BATUT, président
Arrêt n° 815 F-P
Pourvoi n° E 19-16.295
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 DÉCEMBRE 2020
Mme Y... F... , épouse A..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° E 19-16.295 contre l'arrêt rendu le 22 janvier 2019 par la cour d'appel de Grenoble (chambre des affaires familiales), dans le litige l'opposant à M. X... H..., domicilié [...] , pris tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritier d'N... H..., défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de Mme F... , de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. H..., pris tant en son nom personnel qu'ès qualités, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller faisant fonction de doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 22 janvier 2019), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 12 juillet 2017, pourvoi n° 16-22.255), N... H... est décédé le [...], laissant pour lui succéder ses parents, Mme F... et M. H..., ainsi que B..., I..., K..., V... et W... A... (les consorts A...), ses demi-frères et soeurs issus de l'union de Mme F... avec M. P... A....
2. Mme F... a assigné M. H... aux fins de voir fixer à une certaine somme le montant d'une créance contre la succession au titre de l'assistance qu'elle avait apportée à son fils avant son décès. Les consorts A... sont intervenus volontairement en cours d'instance.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Mme F... fait grief à l'arrêt de dire que sa demande est irrecevable en dehors des opérations de liquidation de la succession d'N... H..., alors « que la reconnaissance de l'existence d'une créance détenue par un héritier sur la succession n'est pas subordonnée à l'ouverture des opérations de liquidation-partage de cette succession ; qu'en déclarant irrecevable la demande de Mme F... en fixation d'une créance sur la succession de son fils pour l'aide et l'assistance dépassant l'obligation alimentaire d'une mère envers son fils, la cour d'appel a violé l'article 734 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 873 et 1220 du code civil, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
4. Selon ces textes, chaque héritier est personnellement tenu des dettes de la succession pour la part successorale dont il est saisi. Il en résulte qu'est recevable l'action engagée par un héritier à l'encontre d'un seul de ses cohéritiers aux fins de voir fixer sa créance à l'encontre de la succession, la décision rendue sur celle-ci étant inopposable aux autres indivisaires à défaut de mise en cause de ces derniers.
5. Pour déclarer irrecevable la demande formée par Mme F... à l'encontre de M. H..., l'arrêt retient que cette dernière fait valoir une créance sur la succession, alors qu'elle est elle-même héritière, pour en déduire que sa demande s'analyse en une contestation relative au règlement de la succession qui suppose, à défaut d'accord amiable entre les héritiers, qu'un partage judiciaire ait été ordonné à l'encontre de tous les cohéritiers, ce qui n'est pas encore le cas.
6. En statuant ainsi, alors que la demande d'un héritier tendant à voir fixer sa créance à l'égard de la succession, qui ne tend ni à la liquidation de l'indivision successorale ni à l'allotissement de cet héritier, ne constitue pas une opération de partage et n'est, dès lors, pas subordonnée à l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. H... tant en son nom personnel qu'ès qualités, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. H..., tant en son nom personnel qu'ès qualités, et le condamne à payer à Mme F... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour Mme F... .
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la demande de Mme A... était irrecevable en dehors du cadre des opérations de liquidation de la succession d'N... H... ;
Aux motifs que M. H... comme Mme A... étaient héritiers de leur fils N... à la suite du décès de ce dernier, comme tous les frères et soeurs du défunt ; que la demande de Mme A... en fixation d'une créance successorale au titre de l'assistance par tierce personne présentée devant le tribunal de grande instance tendait à la revendication d'une créance sur les sommes indemnisant l'entier préjudice d'N... H..., préjudice fixé par le jugement du 8 novembre 2012 après le décès ; que ces sommes faisaient donc toutes partie de l'actif successoral ; que Mme A... faisait donc état d'une créance sur la succession, bien qu'elle fût héritière ; que sa demande s'analysait donc en une contestation dans le cadre du règlement de la succession d'N... H... et supposait, à défaut d'accord amiable entre les héritiers, qu'un partage judiciaire ait été ordonné à l'encontre de tous, ce qui n'était pas encore le cas puisque la demande de partage restait pendante devant le tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu d'après les informations données à la cour par les parties ; que M. H..., qui pouvait faire valoir en appel l'absence de partage judiciaire qui répondait aux prétentions adverses, faisait donc valoir à juste titre que la demande de Mme A... n'était pas recevable à son encontre en dehors de l'ouverture des opérations de partage successoral, peu important le fait que les autres héritiers soient ensuite intervenus volontairement à la procédure ; que le jugement serait infirmé en totalité ; que la demande d'ouverture des opérations successorales n'étant présentée qu'à titre subsidiaire par M. H..., il n'y avait pas lieu de l'examiner puisqu'il était fait droit à sa demande principale ; que les autres héritiers n'en présentaient pas la demande devant la cour et qu'en tout état de cause, l'action à ce titre devait être poursuivie devant le tribunal de grande instance compétent, ce qui préservait le double degré de juridiction ;
Alors que la reconnaissance de l'existence d'une créance détenue par un héritier sur la succession n'est pas subordonnée à l'ouverture des opérations de liquidation-partage de cette succession ; qu'en déclarant irrecevable la demande de Mme A... en fixation d'une créance sur la succession de son fils pour l'aide et l'assistance dépassant l'obligation alimentaire d'une mère envers son fils, la cour d'appel a violé l'article 734 du code civil.