Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 2 décembre 2020, 19-21.292, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.

IK



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 2 décembre 2020




Cassation partielle


Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1133 F-D

Pourvoi n° M 19-21.292

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. H....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 20 juin 2019.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 DÉCEMBRE 2020

M. P... H..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° M 19-21.292 contre l'arrêt rendu le 13 juin 2018 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société XPO Last Mile France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , venant au droit de la société [...], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations de Me Le Prado, avocat de M. H..., de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société XPO Last Mile France, après débats en l'audience publique du 13 octobre 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 13 juin 2018), M. H..., engagé depuis le 12 avril 2007 en qualité de chauffeur-livreur par la société Super Group établissement Biscoval distribution, aux droits de laquelle est venue en dernier lieu la société XPO Last Mile France, a fait l'objet le 24 février 2014 d'une mise à pied disciplinaire de deux jours et le 16 juillet 2015 d'une mise à pied d'un jour transformée le 19 août 2015 en un avertissement. Il a été licencié le 8 septembre 2015.

2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir l'annulation des sanctions disciplinaires et le paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

3. Le salarié fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et l'a débouté de ses demandes afférentes à un licenciement abusif et pour préjudice moral, alors « que l'employeur qui, ayant connaissance de divers faits commis par le salarié considérés par lui comme fautifs, choisit de n'en sanctionner que certains, ne peut plus ultérieurement prononcer une nouvelle mesure disciplinaire pour sanctionner les autres faits antérieurs à la première sanction ; que la cour d'appel a relevé que l'employeur a eu connaissance le 22 mai 2015 des faits visés dans la lettre de licenciement du 8 septembre 2015 (accrochage avec le camion ''porteur 19 T'' conduit par le salarié) ; que la cour d'appel a également constaté que, le 16 juillet 2015, l'employeur a notifié au salarié une mise à pied finalement transformée en avertissement notifié le 19 août 2015 pour d'autres faits que ceux visés dans la lettre de licenciement ; que la cour d'appel aurait dû déduire de ses propres énonciations que l'employeur qui a eu connaissance des faits visés dans la lettre de licenciement le 22 mai 2015 et qui n'a pas choisi de les sanctionner par la mise à pied du 16 juillet 2015, a épuisé son pouvoir disciplinaire relativement à ces faits au jour de la convocation à l'entretien préalable au licenciement le 17 juillet 2015 qui s'est déroulé le 31 août 2015 ; qu'en jugeant le contraire aux motifs que l'employeur ne disposait pas de l'ensemble des éléments lui permettant de sanctionner le salarié avant le 1er septembre 2015, la cour d'appel a violé l'article L. 1331-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. La cour d'appel ayant relevé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que l'employeur n'avait eu la connaissance exacte des faits reprochés qu'à l'occasion d'un rapport établi le 1er septembre 2015, a exactement décidé que les poursuites engagées l'avaient été dans le délai de deux mois prévu par l'article L. 1332-4 du code du travail.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a dit justifiés la mise à pied de deux jours du 24 février 2014 et l'avertissement du 19 août 2015 et de le débouter de ses demandes afférentes à l'annulation de ces sanctions tirées d'un rappel de salaire et de dommages-intérêts, alors « qu'une sanction disciplinaire autre que le licenciement ne peut être prononcée contre un salarié par un employeur employant habituellement au moins vingt salariés que si elle est prévue par le règlement intérieur prescrit par l'article L. 1321-1 du code du travail ; que la cour d'appel, par motifs propres et adoptés des premiers juges, a considéré que la mise à pied de deux jours infligée au salarié le 24 février 2014 ainsi que l'avertissement du 19 août 2015 étaient justifiés, en sorte que le salarié devait être débouté de ses demandes de rappel de salaire et de dommages-intérêts formulées au titre des sanctions illicites prononcées ; qu'en statuant ainsi, bien qu'elle relevait que l'employeur n'avait pas établi de règlement intérieur alors qu'il était soumis à cette obligation, la cour d'appel a violé l'article L. 1321-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1311-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 et l'article L. 1321-1 du même code :

7. Une sanction disciplinaire autre que le licenciement ne peut être prononcée contre un salarié par un employeur employant habituellement au moins vingt salariés que si elle est prévue par le règlement intérieur prescrit par l'article L. 1311-2 du code du travail.

8. Pour débouter le salarié de sa demande d'annulation des sanctions disciplinaires, la cour d'appel a retenu que ce n'est que lorsque le règlement intérieur fixe la nature et l'échelle des sanctions que l'employeur est privé de la possibilité de prononcer une sanction disciplinaire qui n'est pas prévue par ce règlement.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement ayant débouté M. H... des demandes d'annulation des sanctions disciplinaires prononcées le 24 février 2014 et le 19 août 2015 et des demandes afférentes en paiement de rappel de salaire et de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 13 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet, sur ces points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Condamne la société XPO Last Mile France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société XPO Last Mile France et la condamne à payer à Me Le Prado la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. H...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR confirmé le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a dit justifié la mise à pied de deux jours du 24 février 2014 et l'avertissement du 19 août 2015 et débouté le salarié de ses demandes afférentes à l'annulation de ces sanctions tirées d'un rappel de salaire et de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « M. P... H... soutient, sans être contredit sur ce point, que l'employeur, au jour de la sanction litigieuse, était soumis à l'obligation d'établir un règlement intérieur prévue par l'article L.1311-2 du code du travail et qu'il n'existait cependant pas de règlement intérieur à cette date dans l'entreprise. Certes, ainsi qu'en dispose l'article L.1321-1 du même code, figure au rang des dispositions que peut contenir le règlement intérieur celles qui fixent les règles générales et permanentes relatives à la discipline et notamment la nature et l'échelle des sanctions que peut prendre l'employeur. Toutefois ce n'est que lorsque le règlement intérieur fixe la nature et l'échelle de ces sanctions que l'employeur est privé de la possibilité de prononcer une sanction disciplinaire qui n'est pas prévue à ce règlement quand bien même elle répond aux exigences posées par les articles L.1331-1 et L.1331-2 du code du travail, étant observé que la mise à pied disciplinaire remplit cette condition. Aussi, en l'absence de règlement intérieur, l'employeur pouvait prononcer une mise à pied disciplinaire de deux jours. S'agissant du contrôle juridictionnel en matière disciplinaire: L'article L. 1333-1 du code du travail énonce: "En cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste il profite au salarié". L'article L. 1333-2 du même code dispose: "Le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute". En l'espèce, la mise à pied du 24 février 2014 a été prononcée aux motifs énoncés que, le 20 décembre 2013, alors que sa mission était prévue sur deux jours, M. P... H... avait conduit durant 11 heures et 06 minutes entre deux repos journaliers et livré 18 clients, ce en méconnaissance de la réglementation sociale européenne qui ne permet pas de dépasser 10 h de conduite deux fois par semaine, et ce encore alors qu'il avait fait l'objet d'un rappel à l'ordre le 30 octobre 2012 pour des faits similaires. Or, outre que M. P... H... ne conteste pas la réalité des faits qui lui sont reprochés, il ne produit pas le moindre élément justifiant ou à tout le moins expliquant son manquement à la réglementation que lui oppose l'employeur en matière de limitation des temps de conduite. Aussi la cour, considérant que la mise à pied infligée à M. P... H... ne constitue ni une sanction irrégulière en la forme ni une sanction injustifiée ou disproportionnée à la faute commise, déboute ce dernier de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire correspondant à la période de cette mise à pied et de dommages et intérêts. Sur la demande de M. P... H... en annulation de son avertissement du 19 août 2015; Au soutien de sa demande, M. P... H... expose: que le délai de 5 jours francs devant séparer la date de la lettre de convocation à l'entretien préalable et la date de l'entretien lui-même n'a pas été respecté par la société XPO Last Mile France; que lorsqu'il a débuté sa mission, le 11 mai 2015, la jauge de gasoil de son camion indiquait qu'il y avait du carburant au-dessus du quart; qu'il ne disposait pas de carte de carburant Total mais seulement une carte AS24 alors que la première station accessible avec cette carte était située à 80 kilomètres lorsque le voyant sur le tableau de bord signalant l'arrêt du véhicule s'est allumé; qu'il n'a commis aucune négligence. En réponse, la société XPO Last Mile France objecte: que le délai de 5 jours francs évoqué par M. P... H... ne vaut qu'en cas de licenciement; qu'il s'est écoulé 7 jours ouvrés entre la convocation à l'entretien préalable et cet entretien; que la distance à parcourir pour réaliser la mission confiée à M. P... H... était de 144 kilomètres et que le contenu du réservoir à hauteur du quart suffisait largement à réaliser celle-ci; que le camion conduit par M. P... H... le jour des faits était équipé d'une jauge qui lui permettait de mettre en évidence qu'il roulait sur la réserve et alors de prendre ses dispositions pour éviter la panne; - que M. P... H... a fait preuve de dilettantisme. Vu les articles L.1333-1 et L.1333-2 du code du travail précités. Il est acquis que, sauf si la procédure engagée est susceptible de déboucher sur un licenciement, la loi n'impose pas de délai entre la convocation et le jour fixé pour l'entretien mais qu'il importe en revanche qu'un délai suffisant ait été laissé au salarié pour se préparer à cet entretien. Sur ce dernier point, il est constant que M. P... H... a été convoqué le 26 juin 2015 pour un entretien fixé au 6 juillet suivant, ce dont il se déduit que ce dernier a bénéficié d'un délai suffisant pour se préparer à cet entretien. Sur le fond, il est établi que le jour des faits M. P... H... n'a pu mener à bien sa mission car il est tombé en panne d'essence. Cette situation caractérise bien de la part d'un chauffeur professionnel une négligence qui justifiait une sanction disciplinaire qui, prononcée in fine sous la forme d'un avertissement, apparaît proportionnée à la faute commise, étant observé que les arguments exposés par le salarié pour tenter de justifier la situation ne sont corroborés par aucun élément objectif. Aussi M. P... H... sera débouté de sa demande de ce chef et de sa demande consécutive en paiement de dommages et intérêts ; la cour ne peut que relever d'une part que la mise à pied du 24 février 2014 et l'avertissement du 19 août 2015 sont tous justifiés et que les envois des différents courriers en lien avec ces mesures dont fait état ce dernier ne sauraient constituer un comportement fautif imputable à l'employeur et de nature à fonder une demande en paiement de dommages et intérêts, étant surabondamment observé que le salarié ne produit pas la moindre pièce susceptible de justifier du préjudice qu'il allègue et dont il chiffre la réparation à 5 000 euros » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Monsieur H... a été embauché par la SOCIETE SUPER-GROUP ETABLISSEMENT BISCOVAL DISTRIBUTION par contrat de travail à durée déterminée le 12 avril 2007 en qualité de chauffeur livreur, coefficient 165 jusqu'au 11 mai 2007 : qu'un avenant de prolongation a été établi avec le terme fixé au 21 juin 2007. Monsieur H... a signé le 22 juin 2007 un contrat de travail à durée indéterminée avec la même société, SAS SUPER GROUP ETABLISSEMENT BISCOVAL DISTRIBUTION ; que Monsieur H... demande au Conseil d'annuler la mise à pied du 17 février 2014 dont il a fait l'objet ; que le Conseil, au vu des conclusions, constate que la sanction est fondée, que Monsieur H... ne l'a pas contesté ; que le conseil rejette donc cette demande ainsi que celle concernant l'attribution de dommages et intérêts pour l'annulation; que Monsieur H... sollicite également l'annulation de la mise à pied du 16 juillet 2015 transformée en avertissement le 17 août 2015 ; que le conseil, après vérification des pièces, constate qu'aucune retenue sur salaire n'a été effectuée et que Monsieur H... ne formule aucune demande précise à ce titre; que le conseil, après en avoir délibéré, ne fait pas droit à cette demande pas plus qu'à celle de dommages et intérêts pour annulation de l'avertissement »;

ALORS QU'une sanction disciplinaire autre que le licenciement ne peut être prononcée contre un salarié par un employeur employant habituellement au moins vingt salariés que si elle est prévue par le règlement intérieur prescrit par l'article L. 1321-1 du code du travail ; que la cour d'appel, par motifs propres et adoptés des premiers juges, a considéré que la mise à pied de deux jours infligée au salarié le 24 février 2014 ainsi que l'avertissement du 19 août 2015 étaient justifiés, en sorte que le salarié devait être débouté de ses demandes de rappel de salaire et de dommages et intérêts formulées au titre des sanctions illicites prononcées ; qu'en statuant ainsi, bien qu'elle relevait que l'employeur n'avait pas établi de règlement intérieur alors qu'il était soumis à cette obligation, la cour d'appel a violé l'article L.1321-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

D'AVOIR confirmé le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et débouté le salarié de ses demandes afférentes à un licenciement abusif et pour préjudice moral ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'« au soutien de son appel, M. P... H... expose pour l'essentiel: que son licenciement a été prononcé aux motifs suivants : accidents, conduite insécuritaire, préjudice financier pour l'entreprise"; qu'il ne nie pas avoir eu un accrochage avec son véhicule le 22 mai 2015 ; que pourtant, le 30 juin 2015, la société XPO Last Mile France l'a informé que sa prime qualité pour le mois de juin ne lui serait attribuée que partiellement et qu'il s'agissait là d'une sanction, étant précisé que les mêmes faits ne peuvent être sanctionnés deux fois ; que surtout, la société XPO Last Mile France l'a convoqué le 26 juin 2015 pour un entretien prévu le 6 juillet suivant en vue d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement; que la société XPO Last Mile France lui a infligé une mise à pied disciplinaire le 16 juillet 2015, laquelle a été transformée en avertissement; qu'à la date de cet entretien préalable l'employeur était déjà informé de l'accrochage du 22 mai 2015 ; qu'en prononçant cette sanction le 16 juillet 2015, la société XPO Last Mile France avait épuisé son pouvoir disciplinaire et ne pouvait donc le licencier ; qu'à ce jour il est toujours sans emploi. En réponse, la société XPO Last Mile France objecte en substance: qu'avant les faits ayant abouti au licenciement de M. P... H..., ce dernier avait été l'auteur de 5 accrochages et accidents responsables en 3 années;
que ce nombre d'accidents est tout à fait exceptionnel ; que son pouvoir disciplinaire ne pouvait avoir été épuisé qu'à partir du moment où elle avait eu une connaissance parfaite de la nature et des circonstances des faits ; que cette connaissance n'a été acquise que le 1er septembre 2015 à la suite du rapport d'analyse dressé par le moniteur des agences Ouest, M. T...; que cette analyse a mis en évidence la violation par M. P... H... de son obligation de sécurité et sa conduite dans des conditions hasardeuses ; que M. P... H... qui réclame une indemnité représentant 16 mois de salaire ne justifie pas de son préjudice; que la prime qualité dont M. P... H... fait état était octroyée en fonction de la qualité du travail fourni et que la réduction du montant de cette prime ne constituait pas une sanction disciplinaire. Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles, et si un doute subsiste il profite au salarié.Ainsi, l'administration de la preuve, en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables. En l'espèce, en premier lieu, la cour relève que la prime qualité à laquelle M. P... H... se réfère est stipulée à l'article 14 de l'accord d'entreprise signé le 20 mars 2015 entre la direction de l'entreprise et les organisations syndicales CGT et CFDT, lequel article fait clairement apparaître que le versement de cette prime est conditionné à plusieurs critères, ce dont il se déduit que son versement n'est pas automatique, étant observé que M. P... H... ne démontre ni même ne soutient qu'il aurait rempli toutes les conditions pour bénéficier de sa prime qualité de juin 2015. Dès lors M. P... H... ne peut prétendre que le versement partiel de ladite prime s'analyse en une sanction disciplinaire qui aurait eu pour effet de vider le pouvoir disciplinaire de l'employeur. Ensuite, M. P... H... ne nie pas la réalité des faits qui lui ont été reprochés, à savoir un accrochage le 22 mai 2015 alors qu'il procédait à une livraison chez un client à Toscane sur Apre, ni qu'il se soit rendu responsable de 5 autres accrochages en trois années d'activité dont le dernier survenu le 16 octobre 2014. Encore, s'agissant des causes de l'accrochage du 22 mai 2015, alors que M. P... H... ne justifie d'aucune manière de circonstances de nature à pouvoir atténuer ou exclure sa responsabilité dans la survenance de l'accident, la société XPO Last Mile France produit (sa pièce n° 25) un compte-rendu d'analyse réalisée par M. T..., moniteur des agences Ouest de la société dont les conclusions (page 5) sont les suivantes: "Excès de confiance. Le conducteur connaît très bien les lieux. Le soleil surprend le conducteur par un éclat. Le conducteur continue la manoeuvre malgré le manque de visibilité et la vitesse Oui l'accident était évitable". Ces conclusions rendent compte précisément de ce que l'accrochage dont s'agit a trouvé son origine dans le comportement inadapté et l'imprudence du salarié. Enfin, s'agissant du moyen du salarié tenant à un épuisement du pouvoir disciplinaire de l'employeur en raison du prononcé d'une précédente sanction disciplinaire, le 16 juillet 2015 mais postérieurement aux faits fautifs litigieux, il ressort du compte-rendu d'analyse de l'accrochage du 22 mai 2015 que son auteur, M. T..., l'a rédigé le 1er septembre 2015 et que par voie de conséquence, le 16 juillet 2015, l'employeur ne disposait pas de l'ensemble des éléments d'information lui permettant de sanctionner le salarié. Dans ces conditions, au vu des éléments fournis par les parties, il apparaît que le licenciement de M. P... H... reposait bien sur une cause réelle et sérieuse. Par voie de conséquence, M. P... H... sera débouté de sa demande en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. M. P... H... expose qu'il a été destinatiaire de différents courriers de l'employeur durant les mois qui ont précédé son licenciement que ce soit pour des convocations à des entretiens préalables, des mises à pied, voire un licenciement; que la cour ne peut que relever d'une part que le licenciement de M. P... H... prononcé le 8 septembre 2015 est justifié et que les envois des différents courriers en lien avec ces mesures dont fait état ce dernier ne sauraient constituer un comportement fautif imputable à l'employeur et de nature à fonder une demande en paiement de dommages et intérêts, étant surabondamment observé que le salarié ne produit pas la moindre pièce susceptible de justifier du préjudice qu'il allègue et dont il chiffre la réparation à 5 000 euros » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Monsieur H... demande au conseil de faire droit à sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse; que le conseil, après contrôle de l'ensemble des pièces produites aux débats, constate que Monsieur H... conduisait dans des conditions hasardeuses et souvent trop rapides, ce qui lui a valu un grand nombre de sinistres responsables ce qui a rendu son inévitable licenciement ; qu'il y a donc lieu de rejeter cette demande » ;

ALORS QUE l'employeur qui, ayant connaissance de divers faits commis par le salarié considérés par lui comme fautifs, choisit de n'en sanctionner que certains, ne peut plus ultérieurement prononcer une nouvelle mesure disciplinaire pour sanctionner les autres faits antérieurs à la première sanction ; que la cour d'appel a relevé que l'employeur a eu connaissance le 22 mai 2015 des faits visés dans la lettre de licenciement du 8 septembre 2015 (accrochage avec le camion « porteur 19 T » conduit par le salarié) ; que la cour d'appel a également constaté que, le 16 juillet 2015, l'employeur a notifié au salarié une mise à pied finalement transformée en avertissement notifié le 19 août 2015 pour d'autres faits que ceux visés dans la lettre de licenciement ; que la cour d'appel aurait dû déduire de ses propres énonciations que l'employeur qui a eu connaissance des faits visés dans la lettre de licenciement le 22 mai 2015 et qui n'a pas choisi de les sanctionner par la mise à pied du 16 juillet 2015, a épuisé son pouvoir disciplinaire relativement à ces faits au jour de la convocation à l'entretien préalable au licenciement le 17 juillet 2015 qui s'est déroulé le 31 août 2015; qu'en jugeant le contraire aux motifs que l'employeur ne disposait pas de l'ensemble des éléments lui permettant de sanctionner le salarié avant le 1er septembre 2015, la cour d'appel a violé l'article L. 1331-1 du code du travail.ECLI:FR:CCASS:2020:SO01133
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