Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 2 décembre 2020, 19-18.445, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.

IK



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 2 décembre 2020




Rejet


Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1125 F-D

Pourvoi n° S 19-18.445




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 DÉCEMBRE 2020

La société CK Print, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° S 19-18.445 contre l'arrêt rendu le 18 avril 2019 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre), dans le litige l'opposant à M. Q... H..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société CK Print, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. H..., après débats en l'audience publique du 13 octobre 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 avril 2019), M. H... a été engagé le 1er août 2007 par la société Consulting Impression presse, devenue CK Print, en qualité de responsable technique. Le 9 décembre 2014, l'employeur l'a informé de sa décision de supprimer la mise à disposition d'un véhicule à compter du 5 janvier 2015, précisant que la valeur de l'avantage en nature serait intégrée à la rémunération brute mensuelle. Le 21 décembre 2014, le salarié a exprimé son refus de restituer le véhicule, considérant qu'il s'agissait d'une modification de son contrat de travail et a réitéré ce refus les 5 et 6 janvier 2015. Le 26 janvier 2015, le salarié a été licencié pour faute grave en raison de la contestation du pouvoir de direction de l'employeur.

2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour contester le caractère réel et sérieux de son licenciement.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de décider que le licenciement du salarié était sans cause réelle et sérieuse, et de le condamner à lui payer diverses sommes au titre des indemnités liées à la rupture du contrat de travail et au titre d'un rappel de salaire et de congés payés pendant la mise à pied conservatoire, alors :

« 1°/ que constitue une faute grave le refus réitéré du salarié de restituer le véhicule de service qui lui avait été attribué par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le contrat de travail de M. H... ne stipulait pas la mise à disposition d'un véhicule de fonction, mais la réalisation de prestations ''à l'aide de véhicules fournis par la société'' ; que le 9 décembre 2014, l'employeur a informé le salarié de la suppression de la mise à disposition d'un véhicule à compter du 5 janvier 2015 compte tenu de ce que ce véhicule n'était pas utile à l'exercice de ses fonctions ; qu'en décidant que la Sarl CK Print ne pouvait lui imposer de restituer le véhicule et que le licenciement pour refus du salarié de se soumettre à la directive de l'employeur était sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-5, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 du code du travail ;

2°/ que les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige fixés par les conclusions des parties soutenues oralement à l'audience ; qu'en retenant notamment, pour évaluer les dommages-intérêts alloués au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'à la date du licenciement, le salarié ''bénéficiait d'une ancienneté de 14 ans et demi au sein de l'entreprise'', cependant qu'il est acquis aux débats et que les parties s'accordaient à dire que M. H... avait été embauché le 1er août 2007, licencié le 26 janvier 2015 et avait 7 ans d'ancienneté, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige dont elle était saisie, a violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. D'abord, la cour d'appel a constaté que le salarié avait refusé de restituer, non un véhicule de service, mais le véhicule de fonction dont il avait la disposition depuis plusieurs années et qui constituait un avantage en nature.

5. Ensuite, sous le couvert d'un grief de violation de la loi, le moyen critique une erreur matérielle pouvant être réparée selon la procédure prévue à l'article 462 du code de procédure civile et ne donnant pas ouverture à cassation.

6. Le moyen ne saurait dès lors être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société CK Print aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société CK Print et la condamne à payer à M. H... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société CK Print

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir décidé que le licenciement de M. H... était sans cause réelle et sérieuse, et d'avoir en conséquence condamné la SARL CK Print à payer à M. H... les sommes de 7 289,46 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 5 467,09 euros à titre d'indemnité de licenciement, 2 430 euros au titre du salaire pendant la mise à pied conservatoire, les congés payés y afférents, 25 000 euros au titre du licenciement abusif, 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Aux motifs que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis ; que l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ; qu'il ressort de la lettre de licenciement du 26 janvier 2015 que M. H... a été licencié en raison de son refus de restituer le véhicule de fonction qui avait été mis à sa disposition, caractérisant ainsi une contestation du pouvoir de direction de l'employeur ; que si le contrat de travail de M. H... ne stipule pas la mise à disposition d'un véhicule de fonction, mais la réalisation des prestations « à l'aide de véhicules fournis par la société », les pièces de la procédure, et notamment les échanges de courriels entre les parties et du courrier que la Sarl CK Print a adressé à M. H... le 9 décembre 2014, démontrent que le salarié bénéficiait d'un véhicule de fonction au titre d'un engagement unilatéral de l'employeur depuis plusieurs années ; que cet avantage en nature était valorisé à la somme de 218,03 euros sur les bulletins de salaire ; que par courrier du 9 décembre 2014, l'employeur a informé le salarié de son souhait de supprimer la mise à disposition de ce véhicule à compter du 5 janvier 2015, précisant que la valeur de l'avantage en nature serait intégrée à la rémunération brute mensuelle ; que cependant, le salaire, en tant qu'élément substantiel du contrat de travail, ne peut être modifié sans l'accord du salarié, quand bien même la modification ne porte que sur la structure de la rémunération dont le montant demeure identique ; qu'en l'absence d'accord de M. H..., la SARL CK Print ne pouvait lui imposer la restitution du véhicule, de sorte que le licenciement, fondé sur le refus du salarié de se soumettre à la directive de l'employeur, est sans cause réelle et sérieuse ; que le jugement sera par conséquent infirmé ; que sur les conséquences financières, il ressort des pièces versées aux débats que le montant du salaire mensuel doit être fixé à la somme de 3 644,73 euros ; que le quantum des indemnités réclamées au titre du rappel de salaire consécutif à la mise à pied, du préavis et de l'indemnité de licenciement n'est pas contesté par l'employeur, ne serait-ce qu'à titre subsidiaire ; que les éléments de la procédure permettent d'allouer à M. H... les sommes suivantes : 7 289,46 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 728,95 euros au titre des congés payés y afférents, 5 467,09 euros au titre de l'indemnité de licenciement, 2 430 euros au titre du salaire pendant la mise à pied conservatoire du 6 au 26/01/2015, 243 euros au titre des congés payés y afférents ; que l'attestation Pôle emploi établit qu'à la date du licenciement, la Sarl CK Print employait moins de 11 salariés qu'aux termes de l'article L. 1235-5 du code du travial, les dispositions relatives à l'absence de cause réelle et sérieuse prévues à l'article L 1235-3 du même code selon lesquelles il est octroyé au salarié qui n'est pas réintégré une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté et au licenciement intervenant dans une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés ; qu'en cas de licenciement abusif, le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi qu'à la date du licenciement, M. H... avait 39 ans et bénéficiait d'une ancienneté de 14 ans et demi au sein de l'entreprise ; que s'il est établi qu'il a retrouvé un emploi dès avril 2015 auprès de la société [...], il a subi une baisse significative de sa rémunération s'élevant à la somme de 2 470 euros ; qu'il convient par conséquent d'évaluer à la somme de 25 000 euros le montant des dommages-intérêts alloués au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Alors 1°) que constitue une faute grave le refus réitéré du salarié de restituer le véhicule de service qui lui avait été attribué par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le contrat de travail de M. H... ne stipulait pas la mise à disposition d'un véhicule de fonction, mais la réalisation de prestations « à l'aide de véhicules fournis par la société » ; que le 9 décembre 2014, l'employeur a informé le salarié de la suppression de la mise à disposition d'un véhicule à compter du 5 janvier 2015 compte tenu de ce que ce véhicule n'était pas utile à l'exercice de ses fonctions ; qu'en décidant que la Sarl CK Print ne pouvait lui imposer de restituer le véhicule et que le licenciement pour refus du salarié de se soumettre à la directive de l'employeur était sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-5, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 du code du travail ;

Alors 2°) et en tout état de cause, que les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige fixés par les conclusions des parties soutenues oralement à l'audience ; qu'en retenant notamment, pour évaluer les dommages-intérêts alloués au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'à la date du licenciement, le salarié « bénéficiait d'une ancienneté de 14 ans et demi au sein de l'entreprise » (arrêt p. 7, 2ème §), cependant qu'il est acquis aux débats et que les parties s'accordaient à dire que M. H... avait été embauché le 1er août 2007, licencié le 26 janvier 2015 et avait 7 ans d'ancienneté (arrêt p. 2 ; conclusions du salarié p. 2, p. 5 antépénultième § et p. 9), la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige dont elle était saisie, a violé l'article 4 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2020:SO01125
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