Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 3 décembre 2020, 19-23.990, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 3 décembre 2020




Cassation


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 925 F-P+B+I

Pourvoi n° U 19-23.990




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 DÉCEMBRE 2020

Le groupement forestier de la Grande Lande, dont le siège est 19 cours de Verdun, 33000 Bordeaux, a formé le pourvoi n° U 19-23.990 contre l'arrêt rendu le 5 septembre 2019 (chambre sociale) par la cour d'appel de Pau, dans le litige l'opposant à M. E... F..., domicilié 41 avenue du général Leclerc, 33110 Le Bouscat, défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Barbieri, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat du groupement forestier de la Grande Lande, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. F..., après débats en l'audience publique du 20 octobre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Barbieri, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 5 septembre 2019), par acte du 26 décembre 2005, le groupement forestier de la Grande Lande a délivré à Mme F..., preneur à bail de terres dont il est propriétaire, un congé pour cause d'âge de la retraite à effet au 31 décembre 2007.

2. Mme F... et son fils E... ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en autorisation de cession du bail et indemnisation.

3. Un arrêt du 30 avril 2014, irrévocable de ce chef, a autorisé la cession du bail.

4. Par requête du 22 août 2017, le groupement forestier a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail cédé à M. F... et expulsion.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Le groupement forestier de la Grande Lande fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de résiliation du bail rural et d'expulsion des terres, alors « que, dès l'obtention de l'autorisation judiciaire de cession du bail par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution, le bénéficiaire de la cession doit se consacrer à l'exploitation du bien en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de résiliation du bail pour cession prohibée, que le groupement forestier de la Grande Lande ne peut reprocher à M. F... de ne pas avoir débuté l'exploitation des parcelles louées dès le 30 avril 2014, date de l'arrêt de la cour d'appel de Pau ayant autorisé la cession, dès lors que cet arrêt avait fait l'objet d'un pourvoi et que le projet que M. F... voulait mettre en oeuvre ne pouvait se fonder que sur une cession définitive qui n'est intervenue que le 8 octobre 2015 lorsque la Cour de cassation a validé la cession litigieuse, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a violé l'article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime ensemble l'article 500 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime et 500 du code de procédure civile :

6. Il résulte du premier de ces textes que le cessionnaire du bail doit, comme tout repreneur, se consacrer immédiatement à l'exploitation du bien et participer aux travaux sur les lieux de façon effective et permanente.

7. Selon le second, a force de chose jugée le jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution.

8. Pour rejeter la demande de résiliation formée par le groupement bailleur, l'arrêt retient que celui-ci ne peut pas utilement reprocher à M. F... de ne pas s'être personnellement consacré à l'exploitation des parcelles louées dès le 30 avril 2014, date de l'arrêt autorisant la cession du bail à son profit, dès lors qu'un pourvoi avait été formé à l'encontre de cette décision et que, même si celui-ci n'avait aucun effet suspensif, la cession définitive n'est intervenue que le 8 octobre 2015, lorsque la Cour de cassation a validé la cession.

9. En statuant ainsi, par des motifs impropres à justifier l'abstention d'exploiter du preneur postérieure au 30 avril 2014, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne M. F... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. F... et le condamne à payer au groupement forestier de la Grande Lande la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour le groupement forestier de la Grande Lande.

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté le Groupement Forestier de la Grande Lande de sa demande de résiliation du bail rural et d'expulsion des terres litigieuses,

AUX MOTIFS QUE

« En application des articles

* L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime pris dans sa rédaction applicable au litige :

"I – Sauf dispositions législatives particulières, nonobstant toute clause contraire et sous réserve des dispositions des articles L. 411-32 et L. 411-34, le bailleur ne peut demander la résiliation du bail que s'il justifie de l'un des motifs suivants :

2° Des agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, notamment le fait qu'il ne dispose pas de la main d'oeuvre nécessaire aux besoins de l'exploitation ;

II-Le bailleur peut également demander la résiliation du bail s'il justifie d'un des motifs suivants :

1° Toute contravention aux dispositions de l'article L. 411-35 ;

Dans les cas prévus aux 1° et 2° du présent II, le propriétaire a le droit de rentrer en jouissance et le preneur est condamné aux dommages-intérêts résultant de l'inexécution du bail"

* L. 411-35 dudit code pris dans leur rédaction applicable au litige :

"Sous réserve des dispositions particulières aux baux cessibles hors du cadre familial prévues au chapitre VIII du présent titre et nonobstant les dispositions de l'article 1717 du code civil, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipés. A défaut d'agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire..."

Constituent des agissements de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, le fait pour le preneur notamment :

- d'avoir cessé de travailler personnellement sur les lieux loués pour exercer une autre activité,

- d'être éloigné des biens en fermage de telle sorte qu'il n'est pas en mesure d'apporter à la culture les soins appropriés et la surveillance utile.

Il appartient au bailleur de démontrer les manquements du preneur.

En l'espèce, le GROUPEMENT FORESTIER DE LA GRANDE LANDE soutient :

- que Monsieur E... F... n'a pas exploité les terres louées dès que la cession a été autorisée, soit le 30 avril 2014, date de l'arrêt prononcé par la cour d'appel de Pau, confirmant le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux qui avait autorisé la cession du bail litigieuse,

- qu'il n'a débuté ladite exploitation qu'à compter du 1er janvier 2016,

- qu'en tout état de cause, même à partir de cette date, le preneur n'a pas exploité et n'exploite toujours pas effectivement et personnellement les terres objet du bail rural dans la mesure où il exerce une profession qui l'emploie à plein temps et qui l'amène soit à être dans les avions, soit à travailler à Madrid, en tout cas à une distance telle du siège de l'exploitation qu'il ne peut cultiver effectivement et personnellement les parcelles,

- que l'absence de salariés dans l'entreprise ne fait que le confirmer.

A l'appui de ses allégations, le bailleur verse aux débats le profil Linkedin du preneur qui selon lui démontre que l'exploitation est assurée par un tiers et que Monsieur F... a cédé le bail en contravention de l'article L. 411-35 dans la mesure où :

- de juin 2008 à janvier 2012, il a été directeur de la société Grand Marnier pour l'Amérique latine, ce qui au demeurant a été confirmé par l'intéressé lui-même dans ses conclusions du 8 novembre 2012 - pièce 25, page 3 du dossier du bailleur - alors qu'il l'avait constamment nié jusque-là,
- de février 2012 à mars 2016, il a été International Director du groupe Osborne, exerçant ses fonctions depuis Madrid,

- de mars 2016 à août 2017, il a exercé toujours depuis Madrid des fonctions de Managing Director du groupe alimentaire Citrus,

- depuis août 2017, il exerce des fonctions de directeur export pour la société Advini, entre Madrid et Bordeaux.

Cependant, ces pièces et explications associées aux éléments que le preneur verse lui-même sont totalement insuffisants pour démontrer de façon pertinente que le preneur n'exploite pas personnellement et effectivement les parcelles affermées.

En effet, comme l'a relevé de façon très juste le premier juge :

- le profil Linkedin du preneur démontre seulement qu'il exerce une activité de directeur export au sein d'une société dénommée ADVINI, situé tantôt à Madrid tantôt à Bordeaux sans qu'aucun élément ne permette de déterminer s'il s'agit d'une activité à temps plein ou à temps partiel ;

- la fiche de l'entreprise litigieuse établit quant à elle qu'il exerce également une activité agricole, sans prouver pour autant qu'il n'exploiterait pas effectivement et personnellement les biens objet du bail.

D'autre part, les procès-verbaux de constat dressés par Maître W..., huissier de justice à Morcenx les 03 novembre 2017 - pièce n°20 du dossier du preneur - 14 novembre 2017 - pièce n°21 du dossier du preneur et 26 février 2019 - pièce n°22 du dossier du preneur établissent que le preneur est sur l'exploitation au moment de la récolte du maïs, du "déchaumage" sur la culture du maïs, - c'est-à-dire l'enfouissement des chaumes et restes de paille afin de favoriser leur décomposition - et de l'entretien des installations.

L'existence de cette présence régulière est confortée par les attestations de :

- Monsieur TILHET-PRAT, conseiller agricole de la coopérative agricole EURALIS - pièce n° 23 du dossier du preneur ;

- Monsieur J... U... , entrepreneur de travaux agricoles, intervenant sur les parcelles voisines - pièce n° 24 du dossier du preneur ;

- Monsieur D... S..., agriculteur en retraite, toujours en relation avec Monsieur F... - pièce n° 25 du dossier du preneur ;

qui toutes témoignent dans des termes différents et très circonstanciés de la participation toujours très active du preneur sur les lieux loués, aux travaux durant les moments clés de l'année culturale : préparation des parcelles en vue des semailles, semailles et moissons.

De même, les déclarations préalables à l'embauche effectuées auprès de la Mutualité Sociale Agricole, notamment de :

- Monsieur T..., le 30 octobre 2017, pour les travaux de récolte – pièce n° 26 du dossier du preneur ;

- Monsieur I..., le 30 octobre 2017 pour les travaux de récolte – pièce n° 27 du même dossier ;

- Monsieur B..., le 27 juin 2018 pour la mise en route de l'irrigation - pièce n° 28 du même dossier ;

- Monsieur K..., le 16 octobre 2018 pour les travaux de récoltes de maïs 2018 - pièce n°29 du dossier du preneur ;

- Monsieur V..., le 12 novembre 2018 pour les travaux de déchaumage - pièce n° 30 du dossier du preneur ;

établissent contrairement à ce que soutient le GFL que Monsieur F... emploie de la main-d'oeuvre pour l'aider dans les travaux culturaux quand ceci est nécessaire.

Enfin, le GFL ne peut pas utilement reprocher à Monsieur F... de ne pas avoir débuté l'exploitation des parcelles louées dès le 30 avril 2014 dans la mesure où d'une part, il était nécessaire que la précédente locataire achève son année culturale, que d'autre part, l'arrêt du 30 avril 2014 ayant validé la cession du bail à son profit a été immédiatement frappé d'un pourvoi formé par le GFL et que de ce fait l'autorisation de cession ne présentait aucun caractère définitif.

En effet, même si le pourvoi n'avait aucun effet suspensif, le projet que Monsieur F... voulait mettre en oeuvre qui était de grande envergure et nécessitait la mobilisation de fonds importants, ne pouvait se fonder que sur une cession définitive qui n'est intervenue que le 8 octobre 2015 lorsque la Cour de cassation a validé la cession litigieuse.

En conséquence, il résulte de l'ensemble de ces éléments que :

- le bailleur ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'une cession irrégulière du bail,

- Monsieur E... F... participe effectivement aux travaux d'exploitation et dispose de la main-d'oeuvre utile pour l'aider à exploiter les parcelles litigieuses.

Il convient donc de confirmer le jugement attaqué en ce qui ce qu'il a débouté le GROUPEMENT, bailleur, de l'intégralité de ses demandes. » (arrêt, p. 5, in fine, à p. 8, al. 6) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE :

« Attendu qu'en application du paragraphe I-2° de l'article L.411-31 du Code rural et de la pêche maritime, le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie des agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, notamment le fait qu'il ne dispose pas de la main-d'oeuvre nécessaire aux besoins de l'exploitation et, en application du paragraphe II-1° du même article, s'il justifie que le preneur contrevient aux dispositions du premier alinéa de l'article L.411-35 du même code interdisant toute cession de bail sauf si elle est consentie, avec son agrément, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipés ;

Attendu que le GROUPEMENT FORESTIER DE LA GRANDE LANDE sollicite la résiliation du bail en certifiant que Monsieur E... F... n'exploite pas effectivement et personnellement les terres objet du bail rural qui lui a été cédé par sa mère ; qu'il lui appartient dès lors de prouver, en vertu des dispositions de l'article 9 du Code de procédure civile, les faits nécessaires au succès de sa prétention ;

Attendu qu'il produit plusieurs pièces, en l'occurrence le courrier rédigé le 28 janvier 2008 par Madame Q... F... dans le cadre de la demande d'autorisation d'exploiter, la fiche dans laquelle la même refuse de céder à Monsieur R..., le courrier adressé par Monsieur E... F... à la CDEA le 10 mars 2008, ses conclusions des 8 novembre 2012, 14 mars 2013 et 27 mai 2016, son profil LINKEDIN et la fiche de son entreprise, qui démontreraient non seulement que Monsieur E... F... a menti en affirmant qu'il exploitait personnellement et effectivement, ce qui lui a permis d'obtenir l'autorisation administrative d'exploiter dont il avait besoin, mais encore qu'il exerce toujours des fonctions de directeur export à temps plein qui y sont dirimantes ;

Attendu que la plupart des pièces précitées, désormais anciennes, ont conduit les juges intervenant dans le précédent litige à les considérer insuffisantes pour démontrer que Monsieur E... F... n'exploiterait pas les terres objet de la cession de bail rural dans les conditions légales; qu'aujourd'hui, elles n'ont pas davantage de force probante ; que son profil Linkedin démontre seulement que Monsieur E... F... exerce une activité de directeur export au sein d'une société dénommée AD'VINI, qu'il situe tantôt à Madrid tantôt à Bordeaux, sans qu'aucun élément permette de déterminer s'il s'agit d'une activité à temps plein ou à temps partiel ; que la fiche de son entreprise établit quant à elle qu'il exerce également une activité agricole, sans prouver pour autant qu'il n'exploiterait pas effectivement et personnellement les biens objet du bail ;

Attendu, en revanche, que le dossier établit la compétence de Monsieur E... F... dans le domaine agricole puisqu'il démontre qu'il est titulaire depuis le 4 juillet 2007 du brevet professionnel, option responsable d'exploitation agricole, et que le directeur de la MSA Sud Aquitaine atteste, dans un écrit du 24 mars 2016, son affiliation en cette qualité de chef d'exploitation depuis le 1er janvier 2016 mais également qu'il exerce cette activité à titre principal sur une superficie de 120,9858 hectares ;

Que le GROUPEMENT FORESTIER DE LA GRANDE LANDE sera donc débouté de sa demande de résiliation du bail rural et de toutes ses autres demandes. » (jugement, p. 4, Sur la demande de résiliation du bail, à p. 6, al. 3) ;

1°) ALORS QUE dès l'obtention de l'autorisation judiciaire de cession du bail par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution, le bénéficiaire de la cession doit se consacrer à l'exploitation du bien en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de résiliation du bail pour cession prohibée, que le groupement forestier de la Grande Lande ne peut reprocher à M. F... de ne pas avoir débuté l'exploitation des parcelles louées dès le 30 avril 2014, date de l'arrêt de la cour d'appel de Pau ayant autorisé la cession, dès lors que cet arrêt avait fait l'objet d'un pourvoi et que le projet que M. F... voulait mettre en oeuvre ne pouvait se fonder que sur une cession définitive qui n'est intervenue que le 8 octobre 2015 lorsque la Cour de cassation a validé la cession litigieuse, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a violé l'article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime ensemble l'article 500 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE toute décision doit être motivée à peine de nullité et que les juges ne peuvent statuer par voie de simples affirmations ; qu'en se bornant à affirmer, pour considérer qu'il ne pouvait être reproché un défaut d'exploitation à M. F... avant le 8 octobre 2015, que le projet qu'il voulait mettre en oeuvre était de grande envergure et nécessitait la mobilisation de fonds importants de sorte qu'il ne pouvait se fonder que sur une cession définitive, sans préciser sur quelle pièce elle se fondait pour procéder à de telles affirmations, quand M. F... ne produisait lui-même aucune pièce sur la nature de son projet et se bornait à affirmer qu'il souhaitait mettre en oeuvre « un projet entrepreneurial », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les pièces claires et précises régulièrement produites aux débats ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que le profil Linkedin du preneur démontre seulement qu'il exerce une activité de directeur export au sein d'une société dénommée ADVINI, tantôt à Madrid tantôt à Bordeaux, quand il ressortait de ce profil que de février 2012 à août 2017, M. F... habitait et travaillait à Madrid en tant que Directeur International du groupe Osborne puis Managing Director du groupe alimentaire Citrus et qu'il n'avait travaillé pour la société ADVINI qu'à compter du mois d'août 2017, la cour d'appel a dénaturé le profil Linkedin de M. F... et violé le principe de l'obligation pour les juges de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

4°) ALORS QUE les manquements du preneur doivent être appréciés au jour de la demande en résiliation, peu important que le preneur ait remédié à ces manquements après l'introduction de l'instance ; qu'en se fondant, pour retenir que M. F... exploitait personnellement et effectivement les terres, sur des procès-verbaux de constat des 3 novembre 2017, 14 novembre 2017 et 26 février 2019, établissant à ces dates sa présence sur les terres, sur des déclarations préalables à l'embauche effectuées auprès de la Mutualité Sociale Agricole datées des 30 octobre 2017, 27 juin 2018, 16 octobre 2018 et 12 novembre 2018, établissant l'emploi de main d'oeuvre pour l'aider dans les travaux culturaux, tout en relevant que la demande de résiliation des baux litigieux pour cession prohibée datait du 23 août 2017 (arrêt attaqué, p. 4, alinéa 9), la cour d'appel a violé l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime ;

5°) ALORS QUE le bénéficiaire de la cession doit exploiter personnellement et effectivement les biens dès l'autorisation judiciaire de cession obtenue ; qu'en retenant que la présence régulière de M. F... sur l'exploitation était confortée par les attestations de MM. G..., J... U... et D... S... sans préciser à quelle date ou à partir de quelle date celle-ci aurait été constatée, ni préciser si ces témoins auraient attesté de la participation du cessionnaire à l'exploitation des terres dès le 30 avril 2014, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 411-31 et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime ;

6°) ALORS QUE la seule immatriculation aux organismes de mutualité sociale agricole ne peut suffire à établir une participation directe et effective à l'exploitation ; qu'en se fondant, pour estimer que M. F... exploitait personnellement et effectivement les terres litigieuses, sur un écrit du 24 mars 2016 du directeur de la MSA Sud Aquitaine attestant de l'affiliation de ce dernier en qualité de chef d'exploitation depuis le 1er janvier 2016 mais également de ce qu'il exerce cette activité à titre principal sur une superficie de 120,9858 hectares, la cour d'appel a violé les articles L. 411-31 et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime. ECLI:FR:CCASS:2020:C300925
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