Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 26 novembre 2020, 19-20.124, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 26 novembre 2020, 19-20.124, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 19-20.124
- ECLI:FR:CCASS:2020:C201363
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation sans renvoi
Audience publique du jeudi 26 novembre 2020
Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, du 23 mai 2019Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 novembre 2020
Cassation sans renvoi
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1363 F-D
Pourvoi n° S 19-20.124
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. et Mme Q... C....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 12 novembre 2019.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 NOVEMBRE 2020
La caisse d'allocations familiales (CAF) de Maine-et-Loire, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° S 19-20.124 contre l'arrêt rendu le 23 mai 2019 par la cour d'appel d'Angers (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. W... Q... C...,
2°/ à Mme T... Q... C...,
domiciliés tous deux [...],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'allocations familiales de Maine-et-Loire, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. et Mme Q... C..., et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 octobre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 23 mai 2019), M. et Mme Q... C... (les allocataires), ressortissants égyptiens munis d'une autorisation provisoire, sont entrés régulièrement en France en juillet 2010 avec leur fille, N..., née en Égypte, afin qu'elle subisse une opération chirurgicale. Après plusieurs renouvellements de leur autorisation provisoire, ils ont obtenu une carte de séjour temporaire.
2. Dès le mois de novembre 2010, la caisse d'allocations familiales du Maine-et-Loire (la caisse) leur a versé des prestations familiales, dont l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé. A la suite d'un contrôle des titres de séjour auprès de la préfecture, la caisse a supprimé le versement des prestations familiales du chef de leur fille N..., et a notifié un indu.
3. Les allocataires ont saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La caisse fait grief à l'arrêt d'ordonner le paiement des prestations familiales relatives à l'enfant N... Q... C... à compter du 1er mars 2015, alors :
« 1°/ que selon l'article L. 512-2 alinéa 3 du code de la sécurité sociale, les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération Suisse, titulaires d'un titre exigé d'eux en vertu soit des dispositions législatives ou réglementaires, soit de traités ou accords internationaux pour résider régulièrement en France bénéficient des prestations familiales sous réserve qu'il soit justifié pour leurs enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations familiales sont demandées, de l'une des situations qu'il énumère limitativement, au nombre desquelles ne figure pas la qualité d'enfant d'étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, c'est-à-dire admis au séjour pour des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels ; Que selon l'article D. 512-2 du même code, la régularité de l'entrée et du séjour des enfants étrangers que le bénéficiaire a à charge et au titre desquels il demande des prestations familiales doit être justifiée par la production de documents limitativement énumérés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, par motifs propres et adoptés, que de 2010 à 2014, M. et Mme Q... C... étaient entrés et avaient été admis à séjourner en France en qualité de parent accompagnant de leur fille N... et qu'à compter du 5 novembre 2014, ils avaient bénéficié d'une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ; que la cour d'appel a admis qu'aucune de ces situations n'était prévue par l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale de sorte que la situation d'N... ne permettait pas l'ouverture de droits aux prestations familiales à ses parents sur le fondement des textes nationaux ; qu'en jugeant néanmoins que l'enfant N... avait droit aux prestations familiales au prétexte inopérant que ces titres de séjour avaient été accordés aux parents pour des raisons humanitaires, en raison la situation particulière de leur fille gravement handicapée, la cour d'appel a violé les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale ;
2°/ que les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, qui imposent de justifier pour chaque enfant d'étranger de son entrée régulière dans les conditions qu'ils édictent, revêtent un caractère objectif justifié par la nécessité dans un état démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants, ne portent pas une atteinte disproportionnée au principe de non-discrimination en raison de l'origine nationale et au droit de la protection de la vie familiale garantie par les articles 8 et 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne méconnaissent pas l'article 3.1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; qu'en jugeant qu'il convenait d'écarter l'application de ces textes du code de la sécurité sociale qui aboutirait à une situation contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant N..., handicapée, et qui conduirait à lui refuser les prestations familiales dont bénéficiaient pourtant ses frères bien portants nés en France, la cour d'appel a violé les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles 8 et 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3.1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :
5. Selon le premier de ces textes, qui revêt un caractère objectif justifié par la nécessité dans un Etat démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants, et ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale garanti par les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni ne méconnait les dispositions de la Convention internationale des droits de l'enfant, le bénéfice des prestations familiales, pour les enfants étrangers nés hors du territoire national, est soumis à la production de l'un des documents énumérés par le second, attestant de leur entrée et séjour réguliers en France.
6. Pour accueillir le recours des allocataires, ayant constaté d'une part que la situation d'N... n'entrait dans aucune des dispositions prévues à l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale, de sorte qu'elle ne pouvait permettre l'ouverture de droits aux prestations familiales à ses parents sur le fondement des textes nationaux, et d'autre part que l'accord euro-méditerranéen entre la Communauté européenne et l'Égypte est purement programmatique et ne fixe aucune clause d'égalité de traitement, l'arrêt précise que les dispositions des articles L. 512-2 et D. 512-1 du code de la sécurité sociale, qui limitent le bénéfice des prestations familiales du fait d'enfants nés en France en raison de la nature du titre de séjour de leurs parents mais aussi des justificatifs produits pour les enfants, revêtent un caractère objectif justifié par la nécessité, dans un Etat démocratique, d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants de sorte qu'ils ne méconnaissent pas l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant d'une manière générale. Il indique que dans ce cas précis le titre de séjour des parents a été accordé sur le fondement de l'article L. 313- 14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de la situation particulière de l'enfant N... et que depuis leur entrée en France, c'est en leur qualité d'accompagnants de cet enfant que des titres de séjours leur ont été attribués, la caisse ne contestant pas que le grave handicap de N..., constitue le motif humanitaire ayant fondé l'octroi du titre de séjour. L'arrêt en déduit que dans une telle hypothèse où l'intérêt supérieur de l'enfant a justifié le maintien en France de ses parents, celui-ci doit également être pris en compte pour que les allocations familiales soient attribuées à ses parents du fait de l'enfant handicapé.
7. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'il ressortait de ses constatations que les allocataires avait obtenu un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de sorte qu'ils ne justifiaient pas être dans l'une des situations ouvrant droit au bénéfice des prestations familiales, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette les demandes de M. et Mme Q... C... ;
Condamne M. et Mme Q... C... aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel d'Angers ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes présentées tant devant la Cour de cassation que devant la cour d'appel d'Angers ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse d'allocations familiales de Maine-et-Loire.
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR infirmé la décision de la commission de recours amiable du 6 juillet 2015, d'AVOIR ordonné le paiement des prestations familiales relatives à l'enfant N... Q... C... à compter du 1er mars 2015 et d'AVOIR condamné la CAF de Maine et Loire aux entiers dépens de l'instance d'appel.
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige prévoyait que « bénéficient de plein droit des prestations familiales dans les conditions fixées par le présent livre les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne, des autres Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen et de la Confédération suisse qui remplissent les conditions exigées pour résider régulièrement en France, la résidence étant appréciée dans les conditions fixées pour l'application de l'article L. 512-1 ; que bénéficient également de plein droit des prestations familiales dans les conditions fixées par le présent livre les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de la Communauté Européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique Européen ou de la Confédération suisse, titulaires d'un titre exigé d'eux en vertu soit de dispositions législatives ou réglementaires, soit de traités ou accords internationaux pour résider régulièrement en France. Ces étrangers bénéficient des prestations familiales sous réserve qu'il soit justifié, pour les enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations familiales sont demandées, de l'une des situations suivantes : - leur naissance en France ; - leur entrée régulière dans le cadre de la procédure de regroupement familial visée au livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile-leur qualité de membre de famille de réfugié ; -leur qualité d'enfant d'étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée au 10° de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; -leur qualité d'enfant d'étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée à l'article L. 313-13 du même code ; -leur qualité d'enfant d'étranger titulaire de l'une des cartes de séjour mentionnées à l'article L. 313-8 du même code ; -leur qualité d'enfant d'étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée au 7° de l'article L. 313-11 du même code à la condition que le ou les enfants en cause soient entrés en France au plus tard en même temps que l'un de leurs parents titulaires de la carte susmentionnée. Un décret fixe la liste des titres et justifications attestant de la régularité de l'entrée et du séjour des bénéficiaires étrangers. Il détermine également la nature des documents exigés pour justifier que les enfants que ces étrangers ont à charge et au titre desquels des prestations familiales sont demandées remplissent les conditions prévues aux alinéas précédents." ; que l'article D. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers prévoit que "La régularité de l'entrée et du séjour des enfants étrangers que le bénéficiaire a à charge et au titre desquels il demande des prestations familiales est justifiée par la production de l'un des documents suivants : 10 Extrait d'acte de naissance en France ; 2° Certificat de contrôle médical de l'enfant, délivré par l'Office français de l'immigration et de l'intégration à l'issue de la procédure d'introduction ou d'admission au séjour au titre du regroupement familial ; 3° Livret de famille délivré par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, à défaut, un acte de naissance établi, le cas échéant, par cet office, lorsque l'enfant est membre de famille d'un réfugié, d'un apatride ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire. Lorsque l'enfant n'est pas l'enfant du réfugié, de l'apatride ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire, cet acte de naissance est accompagné d'un jugement confiant la tutelle de cet enfant à l'étranger qui demande à bénéficier des prestations familiales ; 4° Visa délivré par l'autorité consulaire et comportant le nom de l'enfant d'un étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée à l'article L. 313-8 ou au 5° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; 5° Attestation délivrée par l'autorité préfectorale, précisant que l'enfant est entré en France au plus tard en même temps que l'un de ses parents admis au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; 6° Titre de séjour délivré à l'étranger âgé de seize à dix-huit ans dans les conditions fixées par l'article L. 311-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle est également justifiée, pour les enfants majeurs ouvrant droit aux prestations familiales, par l'un des titres mentionnés à l'article D. 512-1." Qu'en vertu de ces textes, les prestations familiales sont ouvertes sous réserve de la régularité du séjour en France des parents, condition qui n'est pas contestée en l'espèce, et de ce que les enfants se trouvent dans l'une des situations évoquées par l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale et soient porteurs des justificatifs prévus par l'article D. 512-2 de ce même code ; que c'est à juste titre que la caisse d'allocations familiales de Maine-et-Loire relève qu'aucune disposition particulière n'est édictée s'agissant de l'ouverture de droits pour un enfant handicapé ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces produites que M. W... Q... C... et Mme T... Q... C... sont entrés en France en qualité d'accompagnant de leur fille (autorisation initiale du 3 mai 2010) et que leur titre de séjour a été renouvelé sur ce fondement jusqu'au 9 août 2014 ; qu'à compter d'août 2014, le titre de séjour a été renouvelé sans que ne figure la mention parent accompagnant et sans que les intimés ne justifient à quel titre cette autorisation a été délivrée ; que cette ouverture de droit au séjour en qualité de parent accompagnant n'étant pas prévue par l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale, elle ne permet pas l'ouverture de droits pour l'enfant né à l'étranger ; qu'à compter du 5 novembre 2014, ils ont tous les deux bénéficié d'une carte de séjour temporaire faisant apparaître le motif "vie privée et familiale" ; que si l'intitulé de la carte pouvait faire penser qu'elle avait été délivrée sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers, le service de l'immigration interrogé sur ce point a répondu que le titre de séjour avait été accordé sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers (pièce 46), lequel permet l'attribution d'une carte de séjour en raison de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels ; que M. W... Q... C... et Mme T... Q... C... ne contestent pas ce fondement de l'obtention du titre de séjour dans leurs conclusions ; qu'or, l'admission au séjour sur ce fondement n'est pas prévue par l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale sus-visé ; qu'en conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la situation d'N... n'entrait dans aucune des dispositions prévues à cet article ; qu'en conséquence, la situation d'N... ne pouvait permettre l'ouverture de droits aux prestations familiales à ses parents sur le fondement des textes nationaux : que s'agissant de l'accord euro-méditerranéen entre les communautés européennes et l'Égypte, lequel a été ratifié par la France, il ne prévoit qu'un dialogue régulier sur les questions sociales aux fins de réaliser des progrès en matière de libre circulation et d'égalité de traitement ; que cette disposition purement programmatique ne fixe aucune clause d'égalité de traitement de sorte que les intimés ne sauraient bénéficier du droit aux prestations du fait de la situation de leur fille sur le fondement de cet accord ; que s'agissant de la conformité de la réglementation française à la convention européenne des droits de l'enfant, les dispositions des articles L. 512-2 et D. 512-1 du code de la sécurité sociale qui limitent le bénéfice des prestations familiales du fait d'enfants nés en France en raison de la nature du titre de séjour de leurs parents mais aussi des justificatifs produits pour les enfants revêtent un caractère objectif justifié par la nécessité, dans un Etat démocratique, d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants de sorte qu'ils ne méconnaissent pas l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant d'une manière générale ; que cependant, dans le cas précis, il apparaît que le titre de séjour des parents a été accordé en raison de la situation particulière de l'enfant N... ; qu'en effet, l'article L. 313- 14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, sur le fondement duquel le titre de séjour des parents a été attribué, prévoit que "la carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 10 de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7," ; qu'or, depuis leur entrée en France, c'est bien en leur qualité d'accompagnant de cet enfant que des titres de séjours leur ont été attribués et la CAF ne conteste pas que le grave handicap de N..., tel que justifié par les pièces produites, constitue le motif humanitaire ayant fondé l'octroi du titre de séjour ; que dans une telle hypothèse où l'intérêt supérieur de l'enfant a justifié le maintien en France de ses parents, celui-ci doit également être pris en compte pour que les allocations familiales soient attribuées à ses parents du fait de l'enfant handicapé ; qu'en conséquence, le jugement entrepris sera intégralement confirmé
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE selon l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale, bénéficient de plein droit des prestations familiales les étrangers, non ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, titulaire d'un titre pour résider régulièrement en France sous réserve que soit remplie pour les enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations familiales sont demandées, une des conditions mentionnées, à savoir être nés en France, être enfants de réfugiés, être enfants de personnes titulaires de titres de séjour spécifiques listés par l'article L. 512-2, avoir une rentrée régulière dans le cadre de la procédure de regroupement familial ; que ce texte prévoit en outre qu'un décret détermine la nature des documents exigés pour justifier que les enfants que les étrangers ont à charge, et au titre desquels, des prestations familiales sont demandées remplissent les conditions prévues pour bénéficier des prestations ; que c'est l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale qui fixe la liste exhaustive de ces documents pour les enfants mineurs ; qu'or, l'enfant N... ne relève d'aucun des cas prévus à cet article ; que par ailleurs, l'accord euro-méditerranéen d'association entre les communautés européennes et l'Egypte signé le 25 juin 2001 et ratifié par la France le 12 mars 2013 ne comporte en la matière aucun effet contraignant ; que cependant si la Cour de cassation a eu l'occasion de rappeler que les articles précités du Code de la Sécurité sociale revêtent un caractère objectif justifié par la nécessité d'un Etat démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants, et ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale garanti par les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni ne méconnaissent l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant, encore convient-il d'appliquer pour la mise en oeuvre de ces textes ce dernier article ; que l'article 3.1 de la Convention internationale des droits de l'enfant dispose en effet que « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ; que si ce dernier texte ne saurait entraîner d'une manière générale l'exclusion de l'application de la réglementation française, l'appréciation concrète de la situation de l'enfant N... Q... C..., née le [...] , souffrant d'une maladie de longue durée, à laquelle la Commission des droits et de l'autonomie a reconnu un taux d'incapacité égale à 80%, conduit à écarter l'application des textes précités du code de la sécurité sociale ; qu'il appartient en effet au tribunal de prendre en considération de manière primordiale l'intérêt supérieur de l'enfant ; qu'or, la maladie dont est atteinte cette enfant justifie d'ordonner que Monsieur et Madame Q... C... bénéficient des prestations familiales pour leur fille N... ; qu'une solution contraire aboutirait à refuser le bénéfice des prestations familiales pour N..., handicapée, alors que ses frères, bien portants, ouvriraient droit aux prestations comme étant nés en France ; qu'une telle situation serait totalement contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant ; que le tribunal infirmera donc la décision de la Commission de Recours Amiable et ordonnera le paiement des prestations familiales à compter du mois de mars 2015, la période antérieure ayant été déjà payée.
1° - ALORS QUE selon l'article L. 512-2 alinéa 3 du code de la sécurité sociale, les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération Suisse, titulaires d'un titre exigé d'eux en vertu soit des dispositions législatives ou réglementaires, soit de traités ou accords internationaux pour résider régulièrement en France bénéficient des prestations familiales sous réserve qu'il soit justifié pour leurs enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations familiales sont demandées, de l'une des situations qu'il énumère limitativement, au nombre desquelles ne figure pas la qualité d'enfant d'étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, c'est-à-dire admis au séjour pour des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels ; que selon l'article D. 512-2 du même code, la régularité de l'entrée et du séjour des enfants étrangers que le bénéficiaire a à charge et au titre desquels il demande des prestations familiales doit être justifiée par la production de documents limitativement énumérés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, par motifs propres et adoptés, que de 2010 à 2014, M. et Mme Q... C... étaient entrés et avaient été admis à séjourner en France en qualité de parent accompagnant de leur fille N... et qu'à compter du 5 novembre 2014, ils avaient bénéficié d'une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ; que la cour d'appel a admis qu'aucune de ces situations n'était prévue par l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale de sorte que la situation d'N... ne permettait pas l'ouverture de droits aux prestations familiales à ses parents sur le fondement des textes nationaux ; qu'en jugeant néanmoins que l'enfant N... avait droit aux prestations familiales au prétexte inopérant que ces titres de séjour avaient été accordés aux parents pour des raisons humanitaires, en raison la situation particulière de leur fille gravement handicapée, la cour d'appel a violé les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale.
2° - ALORS QUE les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, qui imposent de justifier pour chaque enfant d'étranger de son entrée régulière dans les conditions qu'ils édictent, revêtent un caractère objectif justifié par la nécessité dans un état démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants, ne portent pas une atteinte disproportionnée au principe de non-discrimination en raison de l'origine nationale et au droit de la protection de la vie familiale garantie par les articles 8 et 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne méconnaissent pas l'article 3.1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; qu'en jugeant qu'il convenait d'écarter l'application de ces textes du code de la sécurité sociale qui aboutirait à une situation contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant N..., handicapée, et qui conduirait à lui refuser les prestations familiales dont bénéficiaient pourtant ses frères bien portants nés en France, la cour d'appel a violé les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles 8 et 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3.1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990.ECLI:FR:CCASS:2020:C201363
CIV. 2
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 novembre 2020
Cassation sans renvoi
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1363 F-D
Pourvoi n° S 19-20.124
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. et Mme Q... C....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 12 novembre 2019.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 NOVEMBRE 2020
La caisse d'allocations familiales (CAF) de Maine-et-Loire, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° S 19-20.124 contre l'arrêt rendu le 23 mai 2019 par la cour d'appel d'Angers (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. W... Q... C...,
2°/ à Mme T... Q... C...,
domiciliés tous deux [...],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'allocations familiales de Maine-et-Loire, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. et Mme Q... C..., et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 octobre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 23 mai 2019), M. et Mme Q... C... (les allocataires), ressortissants égyptiens munis d'une autorisation provisoire, sont entrés régulièrement en France en juillet 2010 avec leur fille, N..., née en Égypte, afin qu'elle subisse une opération chirurgicale. Après plusieurs renouvellements de leur autorisation provisoire, ils ont obtenu une carte de séjour temporaire.
2. Dès le mois de novembre 2010, la caisse d'allocations familiales du Maine-et-Loire (la caisse) leur a versé des prestations familiales, dont l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé. A la suite d'un contrôle des titres de séjour auprès de la préfecture, la caisse a supprimé le versement des prestations familiales du chef de leur fille N..., et a notifié un indu.
3. Les allocataires ont saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La caisse fait grief à l'arrêt d'ordonner le paiement des prestations familiales relatives à l'enfant N... Q... C... à compter du 1er mars 2015, alors :
« 1°/ que selon l'article L. 512-2 alinéa 3 du code de la sécurité sociale, les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération Suisse, titulaires d'un titre exigé d'eux en vertu soit des dispositions législatives ou réglementaires, soit de traités ou accords internationaux pour résider régulièrement en France bénéficient des prestations familiales sous réserve qu'il soit justifié pour leurs enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations familiales sont demandées, de l'une des situations qu'il énumère limitativement, au nombre desquelles ne figure pas la qualité d'enfant d'étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, c'est-à-dire admis au séjour pour des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels ; Que selon l'article D. 512-2 du même code, la régularité de l'entrée et du séjour des enfants étrangers que le bénéficiaire a à charge et au titre desquels il demande des prestations familiales doit être justifiée par la production de documents limitativement énumérés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, par motifs propres et adoptés, que de 2010 à 2014, M. et Mme Q... C... étaient entrés et avaient été admis à séjourner en France en qualité de parent accompagnant de leur fille N... et qu'à compter du 5 novembre 2014, ils avaient bénéficié d'une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ; que la cour d'appel a admis qu'aucune de ces situations n'était prévue par l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale de sorte que la situation d'N... ne permettait pas l'ouverture de droits aux prestations familiales à ses parents sur le fondement des textes nationaux ; qu'en jugeant néanmoins que l'enfant N... avait droit aux prestations familiales au prétexte inopérant que ces titres de séjour avaient été accordés aux parents pour des raisons humanitaires, en raison la situation particulière de leur fille gravement handicapée, la cour d'appel a violé les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale ;
2°/ que les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, qui imposent de justifier pour chaque enfant d'étranger de son entrée régulière dans les conditions qu'ils édictent, revêtent un caractère objectif justifié par la nécessité dans un état démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants, ne portent pas une atteinte disproportionnée au principe de non-discrimination en raison de l'origine nationale et au droit de la protection de la vie familiale garantie par les articles 8 et 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne méconnaissent pas l'article 3.1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; qu'en jugeant qu'il convenait d'écarter l'application de ces textes du code de la sécurité sociale qui aboutirait à une situation contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant N..., handicapée, et qui conduirait à lui refuser les prestations familiales dont bénéficiaient pourtant ses frères bien portants nés en France, la cour d'appel a violé les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles 8 et 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3.1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :
5. Selon le premier de ces textes, qui revêt un caractère objectif justifié par la nécessité dans un Etat démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants, et ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale garanti par les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni ne méconnait les dispositions de la Convention internationale des droits de l'enfant, le bénéfice des prestations familiales, pour les enfants étrangers nés hors du territoire national, est soumis à la production de l'un des documents énumérés par le second, attestant de leur entrée et séjour réguliers en France.
6. Pour accueillir le recours des allocataires, ayant constaté d'une part que la situation d'N... n'entrait dans aucune des dispositions prévues à l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale, de sorte qu'elle ne pouvait permettre l'ouverture de droits aux prestations familiales à ses parents sur le fondement des textes nationaux, et d'autre part que l'accord euro-méditerranéen entre la Communauté européenne et l'Égypte est purement programmatique et ne fixe aucune clause d'égalité de traitement, l'arrêt précise que les dispositions des articles L. 512-2 et D. 512-1 du code de la sécurité sociale, qui limitent le bénéfice des prestations familiales du fait d'enfants nés en France en raison de la nature du titre de séjour de leurs parents mais aussi des justificatifs produits pour les enfants, revêtent un caractère objectif justifié par la nécessité, dans un Etat démocratique, d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants de sorte qu'ils ne méconnaissent pas l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant d'une manière générale. Il indique que dans ce cas précis le titre de séjour des parents a été accordé sur le fondement de l'article L. 313- 14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de la situation particulière de l'enfant N... et que depuis leur entrée en France, c'est en leur qualité d'accompagnants de cet enfant que des titres de séjours leur ont été attribués, la caisse ne contestant pas que le grave handicap de N..., constitue le motif humanitaire ayant fondé l'octroi du titre de séjour. L'arrêt en déduit que dans une telle hypothèse où l'intérêt supérieur de l'enfant a justifié le maintien en France de ses parents, celui-ci doit également être pris en compte pour que les allocations familiales soient attribuées à ses parents du fait de l'enfant handicapé.
7. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'il ressortait de ses constatations que les allocataires avait obtenu un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de sorte qu'ils ne justifiaient pas être dans l'une des situations ouvrant droit au bénéfice des prestations familiales, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette les demandes de M. et Mme Q... C... ;
Condamne M. et Mme Q... C... aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel d'Angers ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes présentées tant devant la Cour de cassation que devant la cour d'appel d'Angers ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse d'allocations familiales de Maine-et-Loire.
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR infirmé la décision de la commission de recours amiable du 6 juillet 2015, d'AVOIR ordonné le paiement des prestations familiales relatives à l'enfant N... Q... C... à compter du 1er mars 2015 et d'AVOIR condamné la CAF de Maine et Loire aux entiers dépens de l'instance d'appel.
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige prévoyait que « bénéficient de plein droit des prestations familiales dans les conditions fixées par le présent livre les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne, des autres Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen et de la Confédération suisse qui remplissent les conditions exigées pour résider régulièrement en France, la résidence étant appréciée dans les conditions fixées pour l'application de l'article L. 512-1 ; que bénéficient également de plein droit des prestations familiales dans les conditions fixées par le présent livre les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de la Communauté Européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique Européen ou de la Confédération suisse, titulaires d'un titre exigé d'eux en vertu soit de dispositions législatives ou réglementaires, soit de traités ou accords internationaux pour résider régulièrement en France. Ces étrangers bénéficient des prestations familiales sous réserve qu'il soit justifié, pour les enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations familiales sont demandées, de l'une des situations suivantes : - leur naissance en France ; - leur entrée régulière dans le cadre de la procédure de regroupement familial visée au livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile-leur qualité de membre de famille de réfugié ; -leur qualité d'enfant d'étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée au 10° de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; -leur qualité d'enfant d'étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée à l'article L. 313-13 du même code ; -leur qualité d'enfant d'étranger titulaire de l'une des cartes de séjour mentionnées à l'article L. 313-8 du même code ; -leur qualité d'enfant d'étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée au 7° de l'article L. 313-11 du même code à la condition que le ou les enfants en cause soient entrés en France au plus tard en même temps que l'un de leurs parents titulaires de la carte susmentionnée. Un décret fixe la liste des titres et justifications attestant de la régularité de l'entrée et du séjour des bénéficiaires étrangers. Il détermine également la nature des documents exigés pour justifier que les enfants que ces étrangers ont à charge et au titre desquels des prestations familiales sont demandées remplissent les conditions prévues aux alinéas précédents." ; que l'article D. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers prévoit que "La régularité de l'entrée et du séjour des enfants étrangers que le bénéficiaire a à charge et au titre desquels il demande des prestations familiales est justifiée par la production de l'un des documents suivants : 10 Extrait d'acte de naissance en France ; 2° Certificat de contrôle médical de l'enfant, délivré par l'Office français de l'immigration et de l'intégration à l'issue de la procédure d'introduction ou d'admission au séjour au titre du regroupement familial ; 3° Livret de famille délivré par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, à défaut, un acte de naissance établi, le cas échéant, par cet office, lorsque l'enfant est membre de famille d'un réfugié, d'un apatride ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire. Lorsque l'enfant n'est pas l'enfant du réfugié, de l'apatride ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire, cet acte de naissance est accompagné d'un jugement confiant la tutelle de cet enfant à l'étranger qui demande à bénéficier des prestations familiales ; 4° Visa délivré par l'autorité consulaire et comportant le nom de l'enfant d'un étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée à l'article L. 313-8 ou au 5° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; 5° Attestation délivrée par l'autorité préfectorale, précisant que l'enfant est entré en France au plus tard en même temps que l'un de ses parents admis au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; 6° Titre de séjour délivré à l'étranger âgé de seize à dix-huit ans dans les conditions fixées par l'article L. 311-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle est également justifiée, pour les enfants majeurs ouvrant droit aux prestations familiales, par l'un des titres mentionnés à l'article D. 512-1." Qu'en vertu de ces textes, les prestations familiales sont ouvertes sous réserve de la régularité du séjour en France des parents, condition qui n'est pas contestée en l'espèce, et de ce que les enfants se trouvent dans l'une des situations évoquées par l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale et soient porteurs des justificatifs prévus par l'article D. 512-2 de ce même code ; que c'est à juste titre que la caisse d'allocations familiales de Maine-et-Loire relève qu'aucune disposition particulière n'est édictée s'agissant de l'ouverture de droits pour un enfant handicapé ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces produites que M. W... Q... C... et Mme T... Q... C... sont entrés en France en qualité d'accompagnant de leur fille (autorisation initiale du 3 mai 2010) et que leur titre de séjour a été renouvelé sur ce fondement jusqu'au 9 août 2014 ; qu'à compter d'août 2014, le titre de séjour a été renouvelé sans que ne figure la mention parent accompagnant et sans que les intimés ne justifient à quel titre cette autorisation a été délivrée ; que cette ouverture de droit au séjour en qualité de parent accompagnant n'étant pas prévue par l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale, elle ne permet pas l'ouverture de droits pour l'enfant né à l'étranger ; qu'à compter du 5 novembre 2014, ils ont tous les deux bénéficié d'une carte de séjour temporaire faisant apparaître le motif "vie privée et familiale" ; que si l'intitulé de la carte pouvait faire penser qu'elle avait été délivrée sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers, le service de l'immigration interrogé sur ce point a répondu que le titre de séjour avait été accordé sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers (pièce 46), lequel permet l'attribution d'une carte de séjour en raison de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels ; que M. W... Q... C... et Mme T... Q... C... ne contestent pas ce fondement de l'obtention du titre de séjour dans leurs conclusions ; qu'or, l'admission au séjour sur ce fondement n'est pas prévue par l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale sus-visé ; qu'en conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la situation d'N... n'entrait dans aucune des dispositions prévues à cet article ; qu'en conséquence, la situation d'N... ne pouvait permettre l'ouverture de droits aux prestations familiales à ses parents sur le fondement des textes nationaux : que s'agissant de l'accord euro-méditerranéen entre les communautés européennes et l'Égypte, lequel a été ratifié par la France, il ne prévoit qu'un dialogue régulier sur les questions sociales aux fins de réaliser des progrès en matière de libre circulation et d'égalité de traitement ; que cette disposition purement programmatique ne fixe aucune clause d'égalité de traitement de sorte que les intimés ne sauraient bénéficier du droit aux prestations du fait de la situation de leur fille sur le fondement de cet accord ; que s'agissant de la conformité de la réglementation française à la convention européenne des droits de l'enfant, les dispositions des articles L. 512-2 et D. 512-1 du code de la sécurité sociale qui limitent le bénéfice des prestations familiales du fait d'enfants nés en France en raison de la nature du titre de séjour de leurs parents mais aussi des justificatifs produits pour les enfants revêtent un caractère objectif justifié par la nécessité, dans un Etat démocratique, d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants de sorte qu'ils ne méconnaissent pas l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant d'une manière générale ; que cependant, dans le cas précis, il apparaît que le titre de séjour des parents a été accordé en raison de la situation particulière de l'enfant N... ; qu'en effet, l'article L. 313- 14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, sur le fondement duquel le titre de séjour des parents a été attribué, prévoit que "la carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 10 de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7," ; qu'or, depuis leur entrée en France, c'est bien en leur qualité d'accompagnant de cet enfant que des titres de séjours leur ont été attribués et la CAF ne conteste pas que le grave handicap de N..., tel que justifié par les pièces produites, constitue le motif humanitaire ayant fondé l'octroi du titre de séjour ; que dans une telle hypothèse où l'intérêt supérieur de l'enfant a justifié le maintien en France de ses parents, celui-ci doit également être pris en compte pour que les allocations familiales soient attribuées à ses parents du fait de l'enfant handicapé ; qu'en conséquence, le jugement entrepris sera intégralement confirmé
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE selon l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale, bénéficient de plein droit des prestations familiales les étrangers, non ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, titulaire d'un titre pour résider régulièrement en France sous réserve que soit remplie pour les enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations familiales sont demandées, une des conditions mentionnées, à savoir être nés en France, être enfants de réfugiés, être enfants de personnes titulaires de titres de séjour spécifiques listés par l'article L. 512-2, avoir une rentrée régulière dans le cadre de la procédure de regroupement familial ; que ce texte prévoit en outre qu'un décret détermine la nature des documents exigés pour justifier que les enfants que les étrangers ont à charge, et au titre desquels, des prestations familiales sont demandées remplissent les conditions prévues pour bénéficier des prestations ; que c'est l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale qui fixe la liste exhaustive de ces documents pour les enfants mineurs ; qu'or, l'enfant N... ne relève d'aucun des cas prévus à cet article ; que par ailleurs, l'accord euro-méditerranéen d'association entre les communautés européennes et l'Egypte signé le 25 juin 2001 et ratifié par la France le 12 mars 2013 ne comporte en la matière aucun effet contraignant ; que cependant si la Cour de cassation a eu l'occasion de rappeler que les articles précités du Code de la Sécurité sociale revêtent un caractère objectif justifié par la nécessité d'un Etat démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants, et ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale garanti par les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni ne méconnaissent l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant, encore convient-il d'appliquer pour la mise en oeuvre de ces textes ce dernier article ; que l'article 3.1 de la Convention internationale des droits de l'enfant dispose en effet que « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ; que si ce dernier texte ne saurait entraîner d'une manière générale l'exclusion de l'application de la réglementation française, l'appréciation concrète de la situation de l'enfant N... Q... C..., née le [...] , souffrant d'une maladie de longue durée, à laquelle la Commission des droits et de l'autonomie a reconnu un taux d'incapacité égale à 80%, conduit à écarter l'application des textes précités du code de la sécurité sociale ; qu'il appartient en effet au tribunal de prendre en considération de manière primordiale l'intérêt supérieur de l'enfant ; qu'or, la maladie dont est atteinte cette enfant justifie d'ordonner que Monsieur et Madame Q... C... bénéficient des prestations familiales pour leur fille N... ; qu'une solution contraire aboutirait à refuser le bénéfice des prestations familiales pour N..., handicapée, alors que ses frères, bien portants, ouvriraient droit aux prestations comme étant nés en France ; qu'une telle situation serait totalement contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant ; que le tribunal infirmera donc la décision de la Commission de Recours Amiable et ordonnera le paiement des prestations familiales à compter du mois de mars 2015, la période antérieure ayant été déjà payée.
1° - ALORS QUE selon l'article L. 512-2 alinéa 3 du code de la sécurité sociale, les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération Suisse, titulaires d'un titre exigé d'eux en vertu soit des dispositions législatives ou réglementaires, soit de traités ou accords internationaux pour résider régulièrement en France bénéficient des prestations familiales sous réserve qu'il soit justifié pour leurs enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations familiales sont demandées, de l'une des situations qu'il énumère limitativement, au nombre desquelles ne figure pas la qualité d'enfant d'étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, c'est-à-dire admis au séjour pour des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels ; que selon l'article D. 512-2 du même code, la régularité de l'entrée et du séjour des enfants étrangers que le bénéficiaire a à charge et au titre desquels il demande des prestations familiales doit être justifiée par la production de documents limitativement énumérés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, par motifs propres et adoptés, que de 2010 à 2014, M. et Mme Q... C... étaient entrés et avaient été admis à séjourner en France en qualité de parent accompagnant de leur fille N... et qu'à compter du 5 novembre 2014, ils avaient bénéficié d'une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ; que la cour d'appel a admis qu'aucune de ces situations n'était prévue par l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale de sorte que la situation d'N... ne permettait pas l'ouverture de droits aux prestations familiales à ses parents sur le fondement des textes nationaux ; qu'en jugeant néanmoins que l'enfant N... avait droit aux prestations familiales au prétexte inopérant que ces titres de séjour avaient été accordés aux parents pour des raisons humanitaires, en raison la situation particulière de leur fille gravement handicapée, la cour d'appel a violé les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale.
2° - ALORS QUE les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, qui imposent de justifier pour chaque enfant d'étranger de son entrée régulière dans les conditions qu'ils édictent, revêtent un caractère objectif justifié par la nécessité dans un état démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants, ne portent pas une atteinte disproportionnée au principe de non-discrimination en raison de l'origine nationale et au droit de la protection de la vie familiale garantie par les articles 8 et 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne méconnaissent pas l'article 3.1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; qu'en jugeant qu'il convenait d'écarter l'application de ces textes du code de la sécurité sociale qui aboutirait à une situation contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant N..., handicapée, et qui conduirait à lui refuser les prestations familiales dont bénéficiaient pourtant ses frères bien portants nés en France, la cour d'appel a violé les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles 8 et 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3.1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990.