Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 18 novembre 2020, 19-81.790, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° V 19-81.790 F-D

N° 2185


CK
18 NOVEMBRE 2020


REJET


M. SOULARD président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 18 NOVEMBRE 2020



M. Y... T... a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, en date du 24 janvier 2019, qui, pour harcèlement sexuel, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de Mme Barbé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. Y... T..., les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de Mme I... A..., et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 septembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Barbé, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre, et M. Bétron, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Mme I... A... a été embauchée par la ville de Mâcon en tant qu'adjointe au gestionnaire de la cuisine centrale, M. Y... T..., le 1er septembre 2012. Le 26 mars 2015, le médecin de prévention a déclaré Mme A... inapte au travail pour une durée d'un mois en raison d'une situation de harcèlement professionnel nécessitant un éloignement du milieu professionnel, le médecin précisant que la reprise ne pouvait être effective qu'à la condition d'une mobilité d'un des deux agents.

3. Le 29 avril 2015, Mme A... a déposé plainte à l'encontre de M. T... pour harcèlement sexuel. A l'issue de l'enquête, le procureur de la République a classé cette plainte sans suite. Mme A... a contesté ce classement et après un complément d'enquête, le procureur général a infirmé la décision de classement sans suite.

4. M. T... a été poursuivi devant le tribunal correctionnel pour harcèlement sexuel.

5. Par jugement du 13 juin 2018, le tribunal correctionnel a renvoyé le prévenu des fins de la poursuite et a débouté Mme A..., constituée partie civile, de ses demandes.

6. Mme A... a relevé appel principal sur les dispositions civiles de cette décision et le procureur de la République a relevé appel principal du jugement de relaxe.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et quatrième branches, et sur le second moyen

7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

8. Le moyen est pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-4, 121-3, 222-33 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, insuffisance de motifs, violation de la loi.

9. Le moyen critique l'arrêt infirmatif attaqué en ce qu'il a déclaré M. T... coupable de harcèlement sexuel alors :

« 2°/ que le harcèlement sexuel est le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ; que la création d'une situation offensante suppose que les propos tenus aient été blessants, injurieux ou insultants ; que la loi pénale est d'interprétation stricte ; qu'en retenant que les propos tenus par M. T... dans les mails et les messages écrits reproduits dans ses motifs avaient créé une situation offensante pour Mme A... lorsque tous les propos tenus par le prévenu reproduits dans l'arrêt, qui louait sa beauté et ses compétences, étaient intellectuellement et physiquement valorisants pour Mme A... et étaient dépourvus de tout caractère blessant, insultant ou injurieux, outre qu'ils ne présentaient aucun caractère avilissant ou hostile, la cour d'appel a violé les textes susvisés,

3°/ que le harcèlement sexuel est le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ; que la condition tenant à l'effet des propos se distingue des autres conditions prévues par la loi liées à la répétition et à l'imposition des propos à la victime et s'apprécie de façon objective, au regard des propos concernés et du contexte dans lequel ils s'inscrivent, sans pouvoir être déduite du seul constat médical d'une incapacité temporaire de travail de la plaignante ; qu'en relevant, pour retenir la création par les propos reprochés au prévenu d'une situation offensante à l'encontre de Mme A..., d'une part, que celle-ci avait exprimé à M. T... à plusieurs reprises qu'elle n'entendait nullement répondre à ses avances et l'avait invité à cesser de lui écrire et que malgré cela, le prévenu avait continué de lui adresser des messages et d'autre part, que le 26 mars 2015, le médecin de prévention avait déclaré Mme A... inapte temporaire en raison du harcèlement au travail, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé en quoi les propos reprochés au prévenu avaient créé une situation offensante par Mme A..., n'a pas justifié légalement sa décision. »

Réponse de la Cour

10. Pour déclarer le prévenu coupable de harcèlement sexuel, l'arrêt retient que l'existence de propos écrits revêtant une telle connotation est établie par les courriels et les billets, dont la teneur a été rappelée par l'arrêt, et par lesquels M. Y... T... exprime de façon répétée son désir explicite d'avoir une relation d'ordre sexuel avec sa collègue, en dépit de ses refus réitérés.

11. Les juges relèvent que l'envoi de ces courriels et le dépôt des messages se sont produits de 2012 à 2015, et qu'à plusieurs reprises au cours de cette période, la victime a exprimé de façon ferme et explicite à leur auteur qu'elle n'entendait nullement répondre favorablement à ses avances et qu'elle l'a invité à cesser de lui écrire.

12. Ils retiennent que le 26 mars 2015, le médecin de prévention a déclaré Mme A... inapte temporaire en raison d'un harcèlement au travail.

13. Les juges en concluent que M. T... a imposé à Mme A..., d'une façon réitérée, des propos à connotation sexuelle, en dehors de tout contexte de plaisanterie ou de familiarité, créant à son encontre une situation offensante, génératrice d'une incapacité de travail.

14. En se déterminant ainsi, par une appréciation souveraine, la cour d'appel a justifié sa décision.

15. Dès lors, le moyen doit être écarté.

16. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme que M. Y... T... devra payer à Mme A... en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-huit novembre deux mille vingt.ECLI:FR:CCASS:2020:CR02185
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