Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 5 novembre 2020, 19-16.425, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 5 novembre 2020, 19-16.425, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 19-16.425
- ECLI:FR:CCASS:2020:C300791
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du jeudi 05 novembre 2020
Décision attaquée : Cour d'appel de Fort-de-France, du 12 février 2019- Président
- M. Chauvin (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 novembre 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 791 F-D
Pourvoi n° W 19-16.425
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 NOVEMBRE 2020
1°/ le syndicat des copropriétaires de la résidence Ramiers I,
2°/ le syndicat des copropriétaires de la résidence Ramiers II,
tout deux ayant leur siège [...] , et représentés par leur syndic la société Easy,
ont formé le pourvoi n° W 19-16.425 contre l'arrêt rendu le 12 février 2019 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège est [...] ,
2°/ à la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège est [...] ,
3°/ à la société Mutuelles du Mans IARD, dont le siège est [...] ,
4°/ à M. Y... V..., domicilié [...] ,
5°/ à la société Mutuelle des architectes français, dont le siège est [...] ,
6°/ à Mme C... P..., domiciliée [...] ,
7°/ à la société Cabinet d'études techniques et de mesures des Antilles, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , représentée par M. S... M..., en qualité de mandataire liquidateur de la société [...] , domicilié [...] ,
8°/ à M. S... M..., domicilié [...] , pris en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation de la société Cetem,
9°/ à la société Groupama Antilles-Guyane, dont le siège est [...] ,
10°/ à la société Guez Caraïbes, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
11°/ à la société Sitra, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bech, conseiller, les observations de la SCP Colin-Stoclet, avocat des syndicats des copropriétaires des résidences Ramiers I et II, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la SMABTP, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société Groupama Antilles-Guyane, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Bech, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte aux syndicats des copropriétaires des résidences Ramiers I et II du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme P..., M. V... et les sociétés Guez Caraïbes et Mutuelle des architectes français.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 12 février 2019), la société civile immobilière Les Ramiers (la SCI), assurée auprès de la SMABTP, a fait construire un groupe d'immeubles sur un terrain voisin de la propriété de Mme P.... La société Bureau d'études techniques Cetem Antilles (la société Cetem), assurée auprès de la société Mutuelles du Mans assurances (la société MMA), était chargée de la maîtrise d'oeuvre des VRD propres aux bâtiments et la société Sitra, assurée auprès de la société Groupama Antilles-Guyane (la société Groupama), des travaux compris dans le lot VRD et terrassement.
3. Les immeubles ont ensuite été divisés en lots et soumis au régime de la copropriété et ils sont administrés par les syndicats des copropriétaires des résidences Les Ramiers I et II.
4. Mme P... a assigné la SCI et les syndicats des copropriétaires aux fins d'obtenir la réalisation des travaux propres à faire cesser un empiétement sur sa propriété et un trouble anormal du voisinage lié à la fragilisation de son terrain après les opérations de terrassement sur le fonds voisin. Le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Ramiers I a demandé la condamnation de la SCI, des constructeurs et de leurs assureurs à l'indemniser des préjudices résultant de désordres atteignant les parties communes de sa copropriété.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le second moyen
Enoncé du moyen
6. Les syndicats des copropriétaires font grief à l'arrêt de rejeter la demande du syndicat des copropriétaires de la résidence Les Ramiers I tendant à ce que la SMABTP et les sociétés MMA et Groupama soient condamnées à indemniser son préjudice de jouissance, alors :
« 1°/ que le syndicat des copropriétaires de la résidence Ramiers I demandait la condamnation des Mutuelles du Mans, de Groupama et de la SMABTP, au titre du préjudice de jouissance qu'il avait subi, sur le fondement de l'article 1382 du code civil ; qu'en relevant, pour rejeter cette demande, que la responsabilité décennale des constructeurs ne pouvait pas être engagée, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, relatif à un fondement juridique distinct du fondement invoqué, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°/ que le fait, pour la victime, de tarder à accomplir des démarches pour faire cesser le dommage qu'elle subit ne peut avoir pour effet d'exonérer totalement l'auteur du dommage de sa responsabilité ; qu'en relevant, pour rejeter la demande indemnitaire du syndicat des copropriétaires, qu'il n'avait accompli aucune démarche pour faire cesser l'atteinte résultant de la présence d'éboulis sur les parties communes, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
7. La cour d'appel a relevé que le syndicat des copropriétaires formait une demande tendant à mettre en jeu la responsabilité décennale du promoteur et des constructeurs et retenu que, dès lors que les désordres litigieux étaient déjà connus dans toute leur ampleur lors de la réception et n'avaient pas évolué par la suite, aucune action du syndicat des copropriétaires fondée sur la responsabilité décennale ne pouvait prospérer, que ce soit contre la SCI, son assureur, les autres constructeurs et leurs assureurs.
8. La cour d'appel, qui n'était pas tenue de statuer sur une disposition qui ne pouvait pas s'appliquer, en a déduit à bon droit que la demande du syndicat des copropriétaires relativement au préjudice de jouissance devait être rejetée.
9. Elle a ainsi légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les syndicats des copropriétaires des résidences Les Ramiers I et II aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Colin-Stoclet, avocat aux Conseils, pour les syndicats des copropriétaires des résidences Ramiers I et II.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes des syndicats des copropriétaires des résidences Ramiers I et Ramiers II tendant à ce que la société Mutuelles du Mans soit condamnée au paiement du montant des travaux de reprises des talus des bâtiments A, B et C, évalués à 180 000 euros, et au paiement des travaux de remise en état de la résidence, évalués à 80 000 euros ;
AUX MOTIFS QUE, sur les demandes des syndicats des copropriétaires, il n'est plus, dans ce cadre, fait référence aux dommages et prétentions de Mme P..., mais aux désordres subis par les deux syndicats eux-mêmes du fait de la réalisation des travaux de la SCI Les Ramiers, les fondements juridiques étant par ailleurs différents ; qu'il reste que les faits originaires sont strictement identiques dans les deux cas et provoquent une situation commune, le défaut de stabilité des talus laissés sans protection, qui occasionne un danger simultané pour le fonds en amont de Mme P... et pour les fonds avals des syndicats ; que les syndicats des copropriétaires sollicitent la garantie de la SMABTP, pris comme assureur de la SCI Les Ramiers, à un double titre ; (
) qu'ensuite, les syndicats des copropriétaires affirment que la SCI Les Ramiers avait souscrit auprès de la SMABTP une police d'assurance en garantie décennale (conclusions, p. 3) et recherchent expressément la garantie de celle-ci, prise comme assureur en responsabilité décennale du promoteur (conclusions, p. 21) ; qu'il y ajoutent une demande en responsabilité, sur ce même fondement, à l'encontre des autres constructeurs ; que, quoique la police ne soit pas versée aux débats, la SMABTP ne dément pas son existence et se défend sur le caractère apparent des désordres ainsi que sur la prescription de l'action engagée sur le fondement de l'article 1792 du code civil et sur la responsabilité des constructeurs ; qu'en premier lieu, en vertu de l'article 1792-6 du code civil, les désordres faisant l'objet de réserves lors de la réception ne relèvent pas de la garantie décennale ; qu'en l'espèce, la SCI Les Ramiers a signé, le 7 janvier 2002, un procès-verbal de réception avec la société Cetem Antilles et la société Sitra listant 22 réserves précises et une réserve générale « suite à la procédure en cours devant le tribunal de grande instance de Fort-de-France » ; que la portée de cette réception n'est pas mise en cause ; qu'il ressort en particulier du rapport du 13 septembre 2001 de M. W... F..., commis par la SMABTP, que, en dépit de ses non-conformités, défauts d'achèvement et désordres, le programme avait déjà été commercialisé et les appartements, en état d'être habités, étaient en cours d'occupation ; que l'unique procédure en cours à cette date était l'expertise ouverte par l'ordonnance de référé du 13 juillet 2001 ; que l'expert G... avait alors tenu deux réunions, les 7 septembre et 12 novembre 2001, et avait dans son dernier compte rendu constaté le problème de stabilité superficielle des talus en amont des bâtiments A, B, C, le caractère dangereux de la situation pour les habitants des bâtiments, la nécessité de mettre en oeuvre rapidement les travaux de protection indispensables ; que les désordres en cause étaient donc déjà connus dans toute leur ampleur lors de la réception et n'ont pas évolué par la suite, ni en amélioration ni en aggravation ; qu'il ne peut donc y avoir, à ce titre, aucune action en responsabilité décennale fondée sur les dispositions de l'article 1792 du code civil de la part des syndicats des copropriétaires, que ce soit contre la SCI Les Ramiers, qu'ils recherchent en sa qualité de vendeur en l'état futur d'achèvement, de son assureur, ou des autres constructeurs et de leurs assureurs ; que les demandes des syndicats doivent donc être rejetées sur les trois chefs qu'ils formulent, sans qu'il y ait lieu d'examiner le moyen tiré de la prescription de cette action soulevée, en second lieu, par la SMABTP au visa de l'article 1792-4-1 du code civil, pas plus que sur les demandes récursoires des autres parties qui deviennent consécutivement sans objet ;
ALORS QUE les syndicats des copropriétaires demandaient la condamnation des Mutuelles du Mans, assureur de la société CETEM, non seulement à raison de la responsabilité décennale de cette société, mais également au titre d'un manquement de celle-ci à son obligation de conseil (conclusions, p. 23-24) ; qu'en se bornant, pour rejeter la demande des syndicats, à relever que la responsabilité décennale des constructeurs ne pouvait être engagée, sans rechercher si la société CETEM n'avait pas commis un manquement à son obligation de conseil engageant sa responsabilité contractuelle à l'égard des syndicats, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande du syndicat des copropriétaires de la résidence Ramiers I tendant à ce que les sociétés Mutuelles du Mans, Groupama et SMABTP soient condamnées au paiement de la somme de 80 000 euros au titre de son préjudice de jouissance ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur les demandes des syndicats des copropriétaires, il n'est plus, dans ce cadre, fait référence aux dommages et prétentions de Mme P..., mais aux désordres subis par les deux syndicats eux-mêmes du fait de la réalisation des travaux de la SCI Les Ramiers, les fondements juridiques étant par ailleurs différents ; qu'il reste que les faits originaires sont strictement identiques dans les deux cas et provoquent une situation commune, le défaut de stabilité des talus laissés sans protection, qui occasionne un danger simultané pour le fonds en amont de Mme P... et pour les fonds avals des syndicats ; que les syndicats des copropriétaires sollicitent la garantie de la SMABTP, pris comme assureur de la SCI Les Ramiers, à un double titre ; (
) qu'ensuite, les syndicats des copropriétaires affirment que la SCI Les Ramiers avait souscrit auprès de la SMABTP une police d'assurance en garantie décennale (conclusions, p. 3) et recherchent expressément la garantie de celle-ci, prise comme assureur en responsabilité décennale du promoteur (conclusions, p. 21) ; qu'il y ajoutent une demande en responsabilité, sur ce même fondement, à l'encontre des autres constructeurs ; que, quoique la police ne soit pas versée aux débats, la SMABTP ne dément pas son existence et se défend sur le caractère apparent des désordres ainsi que sur la prescription de l'action engagée sur le fondement de l'article 1792 du code civil et sur la responsabilité des constructeurs ; qu'en premier lieu, en vertu de l'article 1792-6 du code civil, les désordres faisant l'objet de réserves lors de la réception ne relèvent pas de la garantie décennale ; qu'en l'espèce, la SCI Les Ramiers a signé, le 7 janvier 2002, un procès-verbal de réception avec la société Cetem Antilles et la société Sitra listant 22 réserves précises et une réserve générale « suite à la procédure en cours devant le tribunal de grande instance de Fort-de-France » ; que la portée de cette réception n'est pas mise en cause ; qu'il ressort en particulier du rapport du 13 septembre 2001 de M. W... F..., commis par la SMABTP, que, en dépit de ses non-conformités, défauts d'achèvement et désordres, le programme avait déjà été commercialisé et les appartements, en état d'être habités, étaient en cours d'occupation ; que l'unique procédure en cours à cette date était l'expertise ouverte par l'ordonnance de référé du 13 juillet 2001 ; que l'expert G... avait alors tenu deux réunions, les 7 septembre et 12 novembre 2001, et avait dans son dernier compte rendu constaté le problème de stabilité superficielle des talus en amont des bâtiments A, B, C, le caractère dangereux de la situation pour les habitants des bâtiments, la nécessité de mettre en oeuvre rapidement les travaux de protection indispensables ; que les désordres en cause étaient donc déjà connus dans toute leur ampleur lors de la réception et n'ont pas évolué par la suite, ni en amélioration ni en aggravation ; qu'il ne peut donc y avoir, à ce titre, aucune action en responsabilité décennale fondée sur les dispositions de l'article 1792 du code civil de la part des syndicats des copropriétaires, que ce soit contre la SCI Les Ramiers, qu'ils recherchent en sa qualité de vendeur en l'état futur d'achèvement, de son assureur, ou des autres constructeurs et de leurs assureurs ; que les demandes des syndicats doivent donc être rejetées sur les trois chefs qu'ils formulent, sans qu'il y ait lieu d'examiner le moyen tiré de la prescription de cette action soulevée, en second lieu, par la SMABTP au visa de l'article 1792-4-1 du code civil, pas plus que sur les demandes récursoires des autres parties qui deviennent consécutivement sans objet ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le syndicat des copropriétaires de la résidence réclame au visa de l'article 1382 contre l'assureur de la société civile immobilière le paiement d'une somme de 80 000 euros au titre de l'indemnisation des dommages liés à la présence d'éboulements, de rocs, de pierre et plus généralement d'éboulis sur les parties communes ; que ce désordre a effectivement été constaté par l'expert qui a pris des clichés annexes à son rapport qui démontrent l'existence de ces éboulis ; que, cependant, le syndicat n'a fait aucune démarche pour faire cesser de sa propre initiative ce phénomène et a attendu que la voisine engage la mesure d'instruction et l'assigne pour venir réclamer des sommes à l'assureur de la société civile immobilière ; qu'il ne sera rien alloué de ce chef ;
1°) ALORS QUE le syndicat des copropriétaires de la résidence Ramiers I demandait la condamnation des Mutuelles du Mans, de Groupama et de la SMABTP, au titre du préjudice de jouissance qu'il avait subi, sur le fondement de l'article 1382 du code civil (conclusions, p. 27-28 et 30) ; qu'en relevant, pour rejeter cette demande, que la responsabilité décennale des constructeurs ne pouvait pas être engagée, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, relatif à un fondement juridique distinct du fondement invoqué, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°) ALORS QUE le fait, pour la victime, de tarder à accomplir des démarches pour faire cesser le dommage qu'elle subit ne peut avoir pour effet d'exonérer totalement l'auteur du dommage de sa responsabilité ; qu'en relevant, pour rejeter la demande indemnitaire du syndicat des copropriétaires, qu'il n'avait accompli aucune démarche pour faire cesser l'atteinte résultant de la présence d'éboulis sur les parties communes, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.ECLI:FR:CCASS:2020:C300791
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 novembre 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 791 F-D
Pourvoi n° W 19-16.425
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 NOVEMBRE 2020
1°/ le syndicat des copropriétaires de la résidence Ramiers I,
2°/ le syndicat des copropriétaires de la résidence Ramiers II,
tout deux ayant leur siège [...] , et représentés par leur syndic la société Easy,
ont formé le pourvoi n° W 19-16.425 contre l'arrêt rendu le 12 février 2019 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège est [...] ,
2°/ à la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège est [...] ,
3°/ à la société Mutuelles du Mans IARD, dont le siège est [...] ,
4°/ à M. Y... V..., domicilié [...] ,
5°/ à la société Mutuelle des architectes français, dont le siège est [...] ,
6°/ à Mme C... P..., domiciliée [...] ,
7°/ à la société Cabinet d'études techniques et de mesures des Antilles, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , représentée par M. S... M..., en qualité de mandataire liquidateur de la société [...] , domicilié [...] ,
8°/ à M. S... M..., domicilié [...] , pris en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation de la société Cetem,
9°/ à la société Groupama Antilles-Guyane, dont le siège est [...] ,
10°/ à la société Guez Caraïbes, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
11°/ à la société Sitra, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bech, conseiller, les observations de la SCP Colin-Stoclet, avocat des syndicats des copropriétaires des résidences Ramiers I et II, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la SMABTP, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société Groupama Antilles-Guyane, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Bech, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte aux syndicats des copropriétaires des résidences Ramiers I et II du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme P..., M. V... et les sociétés Guez Caraïbes et Mutuelle des architectes français.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 12 février 2019), la société civile immobilière Les Ramiers (la SCI), assurée auprès de la SMABTP, a fait construire un groupe d'immeubles sur un terrain voisin de la propriété de Mme P.... La société Bureau d'études techniques Cetem Antilles (la société Cetem), assurée auprès de la société Mutuelles du Mans assurances (la société MMA), était chargée de la maîtrise d'oeuvre des VRD propres aux bâtiments et la société Sitra, assurée auprès de la société Groupama Antilles-Guyane (la société Groupama), des travaux compris dans le lot VRD et terrassement.
3. Les immeubles ont ensuite été divisés en lots et soumis au régime de la copropriété et ils sont administrés par les syndicats des copropriétaires des résidences Les Ramiers I et II.
4. Mme P... a assigné la SCI et les syndicats des copropriétaires aux fins d'obtenir la réalisation des travaux propres à faire cesser un empiétement sur sa propriété et un trouble anormal du voisinage lié à la fragilisation de son terrain après les opérations de terrassement sur le fonds voisin. Le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Ramiers I a demandé la condamnation de la SCI, des constructeurs et de leurs assureurs à l'indemniser des préjudices résultant de désordres atteignant les parties communes de sa copropriété.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le second moyen
Enoncé du moyen
6. Les syndicats des copropriétaires font grief à l'arrêt de rejeter la demande du syndicat des copropriétaires de la résidence Les Ramiers I tendant à ce que la SMABTP et les sociétés MMA et Groupama soient condamnées à indemniser son préjudice de jouissance, alors :
« 1°/ que le syndicat des copropriétaires de la résidence Ramiers I demandait la condamnation des Mutuelles du Mans, de Groupama et de la SMABTP, au titre du préjudice de jouissance qu'il avait subi, sur le fondement de l'article 1382 du code civil ; qu'en relevant, pour rejeter cette demande, que la responsabilité décennale des constructeurs ne pouvait pas être engagée, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, relatif à un fondement juridique distinct du fondement invoqué, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°/ que le fait, pour la victime, de tarder à accomplir des démarches pour faire cesser le dommage qu'elle subit ne peut avoir pour effet d'exonérer totalement l'auteur du dommage de sa responsabilité ; qu'en relevant, pour rejeter la demande indemnitaire du syndicat des copropriétaires, qu'il n'avait accompli aucune démarche pour faire cesser l'atteinte résultant de la présence d'éboulis sur les parties communes, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
7. La cour d'appel a relevé que le syndicat des copropriétaires formait une demande tendant à mettre en jeu la responsabilité décennale du promoteur et des constructeurs et retenu que, dès lors que les désordres litigieux étaient déjà connus dans toute leur ampleur lors de la réception et n'avaient pas évolué par la suite, aucune action du syndicat des copropriétaires fondée sur la responsabilité décennale ne pouvait prospérer, que ce soit contre la SCI, son assureur, les autres constructeurs et leurs assureurs.
8. La cour d'appel, qui n'était pas tenue de statuer sur une disposition qui ne pouvait pas s'appliquer, en a déduit à bon droit que la demande du syndicat des copropriétaires relativement au préjudice de jouissance devait être rejetée.
9. Elle a ainsi légalement justifié sa décision. PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les syndicats des copropriétaires des résidences Les Ramiers I et II aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Colin-Stoclet, avocat aux Conseils, pour les syndicats des copropriétaires des résidences Ramiers I et II.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes des syndicats des copropriétaires des résidences Ramiers I et Ramiers II tendant à ce que la société Mutuelles du Mans soit condamnée au paiement du montant des travaux de reprises des talus des bâtiments A, B et C, évalués à 180 000 euros, et au paiement des travaux de remise en état de la résidence, évalués à 80 000 euros ;
AUX MOTIFS QUE, sur les demandes des syndicats des copropriétaires, il n'est plus, dans ce cadre, fait référence aux dommages et prétentions de Mme P..., mais aux désordres subis par les deux syndicats eux-mêmes du fait de la réalisation des travaux de la SCI Les Ramiers, les fondements juridiques étant par ailleurs différents ; qu'il reste que les faits originaires sont strictement identiques dans les deux cas et provoquent une situation commune, le défaut de stabilité des talus laissés sans protection, qui occasionne un danger simultané pour le fonds en amont de Mme P... et pour les fonds avals des syndicats ; que les syndicats des copropriétaires sollicitent la garantie de la SMABTP, pris comme assureur de la SCI Les Ramiers, à un double titre ; (
) qu'ensuite, les syndicats des copropriétaires affirment que la SCI Les Ramiers avait souscrit auprès de la SMABTP une police d'assurance en garantie décennale (conclusions, p. 3) et recherchent expressément la garantie de celle-ci, prise comme assureur en responsabilité décennale du promoteur (conclusions, p. 21) ; qu'il y ajoutent une demande en responsabilité, sur ce même fondement, à l'encontre des autres constructeurs ; que, quoique la police ne soit pas versée aux débats, la SMABTP ne dément pas son existence et se défend sur le caractère apparent des désordres ainsi que sur la prescription de l'action engagée sur le fondement de l'article 1792 du code civil et sur la responsabilité des constructeurs ; qu'en premier lieu, en vertu de l'article 1792-6 du code civil, les désordres faisant l'objet de réserves lors de la réception ne relèvent pas de la garantie décennale ; qu'en l'espèce, la SCI Les Ramiers a signé, le 7 janvier 2002, un procès-verbal de réception avec la société Cetem Antilles et la société Sitra listant 22 réserves précises et une réserve générale « suite à la procédure en cours devant le tribunal de grande instance de Fort-de-France » ; que la portée de cette réception n'est pas mise en cause ; qu'il ressort en particulier du rapport du 13 septembre 2001 de M. W... F..., commis par la SMABTP, que, en dépit de ses non-conformités, défauts d'achèvement et désordres, le programme avait déjà été commercialisé et les appartements, en état d'être habités, étaient en cours d'occupation ; que l'unique procédure en cours à cette date était l'expertise ouverte par l'ordonnance de référé du 13 juillet 2001 ; que l'expert G... avait alors tenu deux réunions, les 7 septembre et 12 novembre 2001, et avait dans son dernier compte rendu constaté le problème de stabilité superficielle des talus en amont des bâtiments A, B, C, le caractère dangereux de la situation pour les habitants des bâtiments, la nécessité de mettre en oeuvre rapidement les travaux de protection indispensables ; que les désordres en cause étaient donc déjà connus dans toute leur ampleur lors de la réception et n'ont pas évolué par la suite, ni en amélioration ni en aggravation ; qu'il ne peut donc y avoir, à ce titre, aucune action en responsabilité décennale fondée sur les dispositions de l'article 1792 du code civil de la part des syndicats des copropriétaires, que ce soit contre la SCI Les Ramiers, qu'ils recherchent en sa qualité de vendeur en l'état futur d'achèvement, de son assureur, ou des autres constructeurs et de leurs assureurs ; que les demandes des syndicats doivent donc être rejetées sur les trois chefs qu'ils formulent, sans qu'il y ait lieu d'examiner le moyen tiré de la prescription de cette action soulevée, en second lieu, par la SMABTP au visa de l'article 1792-4-1 du code civil, pas plus que sur les demandes récursoires des autres parties qui deviennent consécutivement sans objet ;
ALORS QUE les syndicats des copropriétaires demandaient la condamnation des Mutuelles du Mans, assureur de la société CETEM, non seulement à raison de la responsabilité décennale de cette société, mais également au titre d'un manquement de celle-ci à son obligation de conseil (conclusions, p. 23-24) ; qu'en se bornant, pour rejeter la demande des syndicats, à relever que la responsabilité décennale des constructeurs ne pouvait être engagée, sans rechercher si la société CETEM n'avait pas commis un manquement à son obligation de conseil engageant sa responsabilité contractuelle à l'égard des syndicats, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande du syndicat des copropriétaires de la résidence Ramiers I tendant à ce que les sociétés Mutuelles du Mans, Groupama et SMABTP soient condamnées au paiement de la somme de 80 000 euros au titre de son préjudice de jouissance ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur les demandes des syndicats des copropriétaires, il n'est plus, dans ce cadre, fait référence aux dommages et prétentions de Mme P..., mais aux désordres subis par les deux syndicats eux-mêmes du fait de la réalisation des travaux de la SCI Les Ramiers, les fondements juridiques étant par ailleurs différents ; qu'il reste que les faits originaires sont strictement identiques dans les deux cas et provoquent une situation commune, le défaut de stabilité des talus laissés sans protection, qui occasionne un danger simultané pour le fonds en amont de Mme P... et pour les fonds avals des syndicats ; que les syndicats des copropriétaires sollicitent la garantie de la SMABTP, pris comme assureur de la SCI Les Ramiers, à un double titre ; (
) qu'ensuite, les syndicats des copropriétaires affirment que la SCI Les Ramiers avait souscrit auprès de la SMABTP une police d'assurance en garantie décennale (conclusions, p. 3) et recherchent expressément la garantie de celle-ci, prise comme assureur en responsabilité décennale du promoteur (conclusions, p. 21) ; qu'il y ajoutent une demande en responsabilité, sur ce même fondement, à l'encontre des autres constructeurs ; que, quoique la police ne soit pas versée aux débats, la SMABTP ne dément pas son existence et se défend sur le caractère apparent des désordres ainsi que sur la prescription de l'action engagée sur le fondement de l'article 1792 du code civil et sur la responsabilité des constructeurs ; qu'en premier lieu, en vertu de l'article 1792-6 du code civil, les désordres faisant l'objet de réserves lors de la réception ne relèvent pas de la garantie décennale ; qu'en l'espèce, la SCI Les Ramiers a signé, le 7 janvier 2002, un procès-verbal de réception avec la société Cetem Antilles et la société Sitra listant 22 réserves précises et une réserve générale « suite à la procédure en cours devant le tribunal de grande instance de Fort-de-France » ; que la portée de cette réception n'est pas mise en cause ; qu'il ressort en particulier du rapport du 13 septembre 2001 de M. W... F..., commis par la SMABTP, que, en dépit de ses non-conformités, défauts d'achèvement et désordres, le programme avait déjà été commercialisé et les appartements, en état d'être habités, étaient en cours d'occupation ; que l'unique procédure en cours à cette date était l'expertise ouverte par l'ordonnance de référé du 13 juillet 2001 ; que l'expert G... avait alors tenu deux réunions, les 7 septembre et 12 novembre 2001, et avait dans son dernier compte rendu constaté le problème de stabilité superficielle des talus en amont des bâtiments A, B, C, le caractère dangereux de la situation pour les habitants des bâtiments, la nécessité de mettre en oeuvre rapidement les travaux de protection indispensables ; que les désordres en cause étaient donc déjà connus dans toute leur ampleur lors de la réception et n'ont pas évolué par la suite, ni en amélioration ni en aggravation ; qu'il ne peut donc y avoir, à ce titre, aucune action en responsabilité décennale fondée sur les dispositions de l'article 1792 du code civil de la part des syndicats des copropriétaires, que ce soit contre la SCI Les Ramiers, qu'ils recherchent en sa qualité de vendeur en l'état futur d'achèvement, de son assureur, ou des autres constructeurs et de leurs assureurs ; que les demandes des syndicats doivent donc être rejetées sur les trois chefs qu'ils formulent, sans qu'il y ait lieu d'examiner le moyen tiré de la prescription de cette action soulevée, en second lieu, par la SMABTP au visa de l'article 1792-4-1 du code civil, pas plus que sur les demandes récursoires des autres parties qui deviennent consécutivement sans objet ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le syndicat des copropriétaires de la résidence réclame au visa de l'article 1382 contre l'assureur de la société civile immobilière le paiement d'une somme de 80 000 euros au titre de l'indemnisation des dommages liés à la présence d'éboulements, de rocs, de pierre et plus généralement d'éboulis sur les parties communes ; que ce désordre a effectivement été constaté par l'expert qui a pris des clichés annexes à son rapport qui démontrent l'existence de ces éboulis ; que, cependant, le syndicat n'a fait aucune démarche pour faire cesser de sa propre initiative ce phénomène et a attendu que la voisine engage la mesure d'instruction et l'assigne pour venir réclamer des sommes à l'assureur de la société civile immobilière ; qu'il ne sera rien alloué de ce chef ;
1°) ALORS QUE le syndicat des copropriétaires de la résidence Ramiers I demandait la condamnation des Mutuelles du Mans, de Groupama et de la SMABTP, au titre du préjudice de jouissance qu'il avait subi, sur le fondement de l'article 1382 du code civil (conclusions, p. 27-28 et 30) ; qu'en relevant, pour rejeter cette demande, que la responsabilité décennale des constructeurs ne pouvait pas être engagée, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, relatif à un fondement juridique distinct du fondement invoqué, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°) ALORS QUE le fait, pour la victime, de tarder à accomplir des démarches pour faire cesser le dommage qu'elle subit ne peut avoir pour effet d'exonérer totalement l'auteur du dommage de sa responsabilité ; qu'en relevant, pour rejeter la demande indemnitaire du syndicat des copropriétaires, qu'il n'avait accompli aucune démarche pour faire cesser l'atteinte résultant de la présence d'éboulis sur les parties communes, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.