Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 22 octobre 2020, 19-21.932, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 22 octobre 2020




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 1041 F-D

Pourvoi n° H 19-21.932




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020

La société Celaur, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° H 19-21.932 contre l'arrêt n° RG : 16/05392 rendu le 28 juin 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige l'opposant :

1°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont le siège est [...] ,

2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [...] ,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Celaur, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Provence-Alpes-Côte d'Azur, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 juin 2019), la société Celaur (la société) a fait l'objet de la part de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF) d'un contrôle portant sur les années 2010 à 2012, à la suite duquel l'URSSAF lui a notifié une lettre d'observations en date du 24 septembre 2013 portant différents chefs de redressement, puis une mise en demeure, le 19 décembre 2013.

2. La société a saisi la commission de recours amiable de l'URSSAF pour contester deux des chefs de redressement notifiés, puis saisi une juridiction de sécurité sociale, le 14 février 2014, d'une opposition à la contrainte émise à son encontre par l'URSSAF, le 3 février 2014, signifiée le 6 février 2014.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de déclarer fondé le redressement afférent à la réintégration dans l'assiette des cotisations du montant de l'indemnité transactionnelle de Mme X... pour la somme de 3 206 euros, alors
« qu'en l'état d'une contestation du consentement à la rupture conventionnelle, une transaction pouvait être convenue, dont le caractère était indemnitaire ; qu'en approuvant l'assujettissement aux motifs inopérants qu'une rupture conventionnelle est exclusive de tout litige, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale et l'article 80 duodecies du code général des impôts. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale que les sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail autres que les indemnités mentionnées au dixième alinéa, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, sont comprises dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, à moins que l'employeur ne rapporte la preuve qu'elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l'indemnisation d'un préjudice.

6. L'arrêt constate que par un courrier remis en main propre à son employeur, Mme X... a demandé une rupture conventionnelle de son contrat, qu'une convention a été établie entre les parties prévoyant le versement d'une indemnité de rupture conventionnelle de 1 000 euros, somme supérieure à l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement à laquelle elle aurait pu prétendre dans le cadre d'un licenciement classique, que cette rupture conventionnelle a été homologuée par la DIRRECTE le 16 mai 2012 et qu'un accord transactionnel est intervenu sept jours plus tard, comprenant le versement d'une indemnité transactionnelle de 4 700 euros net, au motif que la salariée contestait les conditions de son contrat de travail et la validité de sa rupture conventionnelle.

7. Il relève qu'il existe une contradiction pour la salariée à contester aux termes de la transaction du 23 mai 2012, les conditions d'exécution de son contrat de travail qui a été conventionnellement rompu selon convention du 10 avril 2012, ainsi que la validité de sa rupture conventionnelle, signée deux semaines plus tôt, en se voyant accorder une indemnité transactionnelle destinée à « compenser le préjudice moral et professionnel qu'elle subit du fait de la rupture de son contrat de travail », alors même que les éléments constitutifs de ces divers chefs de préjudices ne sont pas déterminés.

8. De ces constatations et énonciations relevant de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, faisant ressortir que la société ne rapportait pas la preuve qui lui incombait que la somme litigieuse compensait un préjudice, la cour d'appel, abstraction faite du motif erroné, mais surabondant visé par le moyen, a exactement déduit qu'elle devait entrer dans l'assiette des cotisations sociales.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

10. La société fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande d'annulation de la contrainte, alors « que la contrainte ne peut concerner que des sommes dues ; qu'en déboutant la société Celaur de sa demande d'annulation d'une contrainte portant sur une somme versée aux motifs inopérants que tel n'était pas le cas au jour de son émission, la cour d'appel a violé l'article L 244-9 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

11. L'arrêt ne s'est pas borné à dire que la contrainte émise par l'URSSAF était valable, faute de paiement au jour de son émission, il a également confirmé le jugement en ce qu'il a constaté que la société avait réglé l'intégralité du montant de la contrainte, postérieurement à sa signification, faisant ainsi ressortir que la contestation de celle-ci était devenue sans objet.

12. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Celaur aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Celaur et la condamne à payer à l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Celaur

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'Urssaf Provence-Alpes-Côte d'Azur recevable et fondée en son appel principal ; d'avoir rejeté une exception d'irrecevabilité de l'appel et une exception de nullité de la contrainte n° 41990984 décernée le 17 février 2014 pour la somme de 8 655 € ; d'avoir déclaré fondé le redressement afférent à la réintégration dans l'assiette des cotisations du montant de l'indemnité transactionnelle de Mme X... pour la somme de 3 206 €, et déclare fondé le redressement afférent à la transaction conclue entre la société Celaur et Mme S... pour la somme de 2 960 € ;

aux motifs que lors de l'audience du 14 mai 2019, le représentant de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et l'allocations familiales PACA a développé oralement le contenu de ses conclusions écrites pour solliciter l'infirmation du jugement en ce qu'il a annulé le chef de redressement afférent à la réintégration dans l'assiette des cotisations du montant de l'indemnité transactionnelle de Mme X..., voir confirmer le jugement pour le surplus et en conséquence de voir déclarer recevable l'appel par elle relevé, voir confirmer le bien-fondé de la contrainte signifiée le 3 février 2014 pour la somme de 8 655 €, ainsi que le bien-fondé du redressement afférent à la réintégration dans l'assiette des cotisations du montant de l'indemnité transactionnelle de Mme X... pour la somme de 3 206 €, du bien-fondé du redressement afférent à la transaction pour faute grave conclue entre la société et Mme S... pour la somme de 2 960 €, voir constater que la SELARL Celaur a réglé les sommes litigieuses au titre de la contrainte litigieuse signifiée le 6 février 2014 ; que, sur la recevabilité de l'appel, curieusement, ce moyen de nullité n'est pas développé dans le dispositif des écritures de la SARL Celaur qui lie seul la cour, mais seulement dans les motifs, la cour observant toutefois que le conseil de la SARL Celaur l'a développé oralement ; que la SARL Celaur dénie au directeur de l'URSSAF PACA le pouvoir de relever appel du jugement ; qu'en application de l'article 21 de l'arrêté du 18 juin 2013 fixant les modèles de statuts des URSSAF dont la circonscription territoriale est régionale, le directeur de cet organisme le représente en justice et dans tous les actes de la vie civile ; qu'il s'établit que la déclaration d'appel a été signée par M. A..., directeur régional adjoint de l'URSSAF PACA, qui avait toute compétence pour ester en justice au nom de l'organisme dont il assure la direction régionale adjointe ; que le document d'appel adressé à la cour est établi avec un en-tête au nom de l'URSSAF PACA et porte le timbre de cet organisme ; que le moyen d'irrecevabilité sera écarté ;

1) alors d'une part que le directeur général de l'Urssaf ou le directeur représente l'organisme en justice et dans tous les actes de la vie civile, mais peut donner mandat à cet effet à certains agents de son organisme ou à un agent d'un autre organisme de sécurité sociale ; qu'en rejetant l'exception de nullité de la déclaration d'appel du directeur régional adjoint qui ne disposait pas de mandat, la cour d'appel a violé l'article L 122-1, alinéa 4, du code de la sécurité sociale ;

2) alors d'autre part que toute partie à une procédure sans représentation obligatoire doit justifier d'un pouvoir spécial ; qu'en statuant sur les moyens d'appel de l'Urssaf, « représentée par Mme J... L... (Autre) en vertu d'un pouvoir général », la cour d'appel a violé les articles 931 du code de procédure civile et L 142-9, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale.

DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré fondé le redressement afférent à la réintégration dans l'assiette des cotisations du montant de l'indemnité transactionnelle de Mme X... pour la somme de 3 206 € ;

aux motifs infirmatifs que lors de sa vérification, l'inspecteur en charge du contrôle a relevé que par courrier remis en main propre à l'employeur, Mme X... avait présenté une demande de rupture de son contrat dans le cadre du dispositif de rupture conventionnelle ; qu'une convention a été établie entre les parties prévoyant le versement d'une indemnité de rupture conventionnelle à 1 000 € net supérieure à l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement à laquelle elle aurait pu prétendre dans le cadre d'une procédure de licenciement classique ; que cette rupture conventionnelle a été homologuée par la DIRECCTE le 16 mai 2012 ; qu'un accord transactionnel est intervenu 7 jours plus tard, comprenant le versement d'une indemnité transactionnelle de 4 700 € net, au motif que la salariée contestait les conditions de son contrat de travail et la validité de sa rupture conventionnelle ; que cette indemnité transactionnelle n'a pas été soumise à cotisations, conduisant l'inspecteur en charge du contrôle à devoir la réintégrer dans l'assiette des cotisations ; que pour faire droit sur ce point à la demande d'annulation de ce redressement de la SARL Celaur, le tribunal a considéré que cette indemnité transactionnelle consécutive au licenciement entrait dans la « constitution » de l'indemnité de licenciement et donc dans le champ des limites des exonérations fiscales et sociales applicables à cette indemnité ; que l'URSSAF observe que cette somme versée à titre d'indemnité transactionnelle n'est justifiée par aucun litige susceptible d'entraîner pour chacune des parties de renoncer à ses droits ; que la SARL Celaur s'oppose à ces prétentions en considérant que les sommes accordées à Mme X... au titre de la transaction ont un caractère totalement indemnitaire ; qu'il est constant toutefois que la rupture conventionnelle du contrat de travail est par essence conclue en l'absence de tout litige ; que cette rupture conventionnelle a en outre été homologuée par la DIRECCTE ; que la transaction qui l'a suivie se heurte nécessairement à l'existence de cette rupture conventionnelle homologuée et au principe selon lequel la transaction ne peut intervenir du chef de droits auxquels il a été expressément renoncé au titre de la rupture conventionnelle ; qu'il existe dès lors une contradiction pour la salariée à contester désormais aux termes de la transaction du 23 mai 2012, les conditions d'exécution de son contrat de travail qui a été conventionnellement rompu selon convention du 10 avril 2012 ainsi que la validité de sa rupture conventionnelle, qu'elle a signée deux semaines plus tôt, en se voyant accorder une indemnité transactionnelle destinée à « compenser le préjudice moral et professionnel qu'elle subit du fait de la rupture de son contrat de travail » alors même que les éléments constitutifs de ces divers chefs de préjudices ne sont pas déterminés ; que cette transaction qui a pour objet de remettre en cause l'économie générale de la rupture conventionnelle est démunie de cause et a à bon droit été considérée par l'URSSAF comme étant un complément de rémunération soumis à charges ; que le redressement sera validé pour la somme de 3 206 € retenue par l'URSSAF et le jugement sera réformé de ce chef ;

alors qu'en l'état d'une contestation du consentement à la rupture conventionnelle, une transaction pouvait être convenue, dont le caractère était indemnitaire ; qu'en approuvant l'assujettissement aux motifs inopérants qu'une rupture conventionnelle est exclusive de tout litige, la cour d'appel a violé l'article L 242-1, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale et l'article 80 duodecies du code général des impôts.

TROISIÈME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Celaur de sa demande d'annulation de la contrainte n° 41990984 décernée le 17 février 2014 pour la somme de 8 655 € ; aux motifs qu'il s'établit que la SARL Celaur a formé opposition à cette contrainte du 3 février 2014, en suite de sa signification le 6 février 2014, tout en ayant assuré son paiement par un chèque en date du 2 février 2014 qui a été encaissé par l'URSSAF le 7 février et qu'elle a formé opposition devant le tribunal des affaires de sécurité sociale selon requête du 17 février 2014 ; que le paiement des causes de la contrainte démontre que la SARL Celaur n'entendait pas la contester, tout en étant soucieuse de ne pas la payer deux fois, ce qui a motivé son opposition ; qu'il n'en reste pas moins vrai qu'à la date de l'émission et de la signification de la contrainte le paiement de la somme de 8 655 € n'avait pas été réalisé par la SARL Celaur ; que l'URSSAF PACA était fondée à émettre une contrainte et la faire signifier ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

alors que la contrainte ne peut concerner que des sommes dues ; qu'en déboutant la société Celaur de sa demande d'annulation d'une contrainte portant sur une somme versée aux motifs inopérants que tel n'était pas le cas au jour de son émission, la cour d'appel a violé l'article L 244-9 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige.ECLI:FR:CCASS:2020:C201041
Retourner en haut de la page