Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 21 octobre 2020, 19-16.206, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 octobre 2020




Cassation partielle


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 659 FS-P+B+R

Pourvoi n° G 19-16.206




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 OCTOBRE 2020

La société Gefco, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° G 19-16.206 contre l'arrêt rendu le 5 février 2019 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Chubb European Group SE, dont le siège est [...] , société européenne, anciennement dénommée Chubb European Group Limited, anciennement dénommée Ace European Group Limited,

2°/ à la société Transports Catroux, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

3°/ à la société Allianz Global Corporate & Specialty SE, dont le siège est [...] , société de droit étranger, venant aux droits de la société Allianz Global Corporate & Specialty France,

défenderesses à la cassation.

La société Chubb European Group SE a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Fontaine, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Gefco, de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de la société Transports Catroux et de la société Allianz Global Corporate & Specialty SE, venant aux droits de la société Allianz Global Corporate & Specialty France, de Me Le Prado, avocat de la société Chubb European Group SE, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 22 septembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Fontaine, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mmes Vallansan, Graff-Daudret, Vaissette, Bélaval, Fevre, M. Riffaud, conseillers, M. Guerlot, Mme Brahic-Lambrey, M. Blanc, Mmes Kass-Danno, Bessaud, M. Boutié, Mmes Tostain, Bellino, conseillers référendaires, Mme Guinamant, avocat général référendaire, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 février 2019), la société L'Oréal, assurée auprès de la société ACE European Group Limited, devenue la société Chubb European Group (la société Chubb), a conclu un contrat de commission de transport avec la société Gefco pour l'acheminement en France de ses marchandises.

2. Le 29 juin 2010, la société Gefco a sous-traité le transport de produits cosmétiques à la société Transports Catroux (le voiturier), qui, selon lettre de voiture du 30 juin 2010, a pris en charge les marchandises à Ingré (Loiret) afin de les acheminer à Villeneuve d'Ascq (Nord).

3. La remorque, laissée en stationnement sur un parking dans l'attente qu'un second chauffeur vienne la prendre en charge le lendemain, a disparu au cours de la nuit et été retrouvée vide le 2 juillet 2010.

4. La société Chubb ayant, sur le fondement d'une cession de droits consentie par la société L'Oréal, assigné en responsabilité les sociétés Transports Catroux et Gefco, celle-ci a appelé en garantie le voiturier et l'assureur de ce dernier, la société Allianz Global Corporate & Specialty (la société Allianz).

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, et le deuxième moyen du pourvoi principal, et sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident de la société Chubb, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

6. La société Gefco fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action exercée par la société Chubb, alors « qu'aux termes de l'article L. 121-12, alinéa 1er, du code des assurances, "l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur" ; que s'il est loisible aux parties au contrat d'assurance d'écarter la subrogation légale prévue par cette disposition en faveur d'une subrogation conventionnelle, l'assureur ne peut en revanche pas valablement agir contre le responsable du dommage en vertu d'une cession de droits qui lui aurait été consentie par son assuré ; qu'en effet, l'introduction du mécanisme de subrogation légale aujourd'hui prévu à l'article L. 121-12, alinéa 1er, du code des assurances a été motivée par la volonté du législateur de mettre un terme à la pratique antérieure des cessions de droits, jugée dangereuse pour les assurés ; que pour admettre en l'espèce la recevabilité du recours exercé par la société Chubb European Group, assureur de la société L'Oréal, à l'encontre de la société Gefco, la cour d'appel a considéré que, compte tenu du caractère supplétif de l'article L. 121-12 du code des assurances, rien n'empêchait l'assureur d'agir, outre sur le fondement d'une subrogation, sur le fondement d'une cession de droits ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 121-12 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

7. C'est à bon droit que, l'assurance litigieuse couvrant le risque d'avaries et pertes subies par des marchandises transportées, l'arrêt retient qu'il était loisible à la société L'Oréal de consentir à la société Chubb la cession de ses droits et actions nés des dommages qui ont donné lieu à l'application de la garantie de l'assureur puis à celui-ci d'agir en responsabilité contre le commissionnaire de transport et le transporteur sur le fondement de cette seule cession et non par voie de subrogation.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches, du pourvoi incident relevé par la société Chubb

Enoncé du moyen

9. La société Chubb fait grief à l'arrêt de mettre hors de cause les sociétés Transports Catroux et Allianz, alors :

« 1°/ que, aux termes de l'article L. 133-1, alinéa 1er du code de commerce, le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de la force majeure ; que, pour mettre hors de cause le voiturier, la cour d'appel a énoncé qu'il n'était pas démontré qu'elle ait commis une faute inexcusable, ni même une quelconque faute ; qu'en conditionnant la responsabilité du voiturier à la démonstration de sa faute, la cour d'appel a violé la disposition susvisée ;

2°/ que, aux termes de l'article L. 133-1, alinéa 1er du code de commerce, le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de la force majeure ; que, pour mettre hors de cause le voiturier, la cour d'appel a énoncé que la cause exclusive du dommage était, d'une part le manquement du commissionnaire à son obligation de transmettre les consignes de sécurité au voiturier, d'autre part la faute de la société L'Oréal qui aurait omis de remettre au conducteur les règles principales de sécurité des marchandises ; qu'en statuant ainsi, après avoir pourtant relevé que le voiturier avait "stationné le camion dans un lieu sans aucune surveillance, et qu'elle [avait] en outre désaccouplé le tracteur et la remorque durant une longue période entre 13h35 le 30 juin 2010 et 2 heures du matin le 1er juillet 2010, ces deux circonstances ayant grandement facilité le vol de la remorque de sorte qu'elles sont en lien de causalité certaine avec la perte des marchandises", ce dont il résultait qu'il avait nécessairement commis une faute, en relation causale avec le vol de la marchandise, faute d'avoir mis en oeuvre des précautions élémentaires de sécurité, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 133-1 du code de commerce et 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 133-1 du code de commerce :

10. Aux termes de ce texte, le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de la force majeure.

11. Pour mettre hors de cause le voiturier, l'arrêt retient qu'il n'est pas démontré que celui-ci ait commis une faute inexcusable, ni même une quelconque faute, la cause exclusive du dommage étant, d'une part, le manquement du commissionnaire à son obligation de transmettre les consignes de sécurité, d'autre part, la faute de la société L'Oréal ayant omis de remettre au conducteur les règles principales de sécurité des marchandises.

12. En statuant ainsi, tout en relevant que la circonstance que le transporteur avait omis de garer le véhicule dans un lieu surveillé et de laisser le tracteur couplé à la remorque était en lien de causalité direct avec la perte des marchandises, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'action de la société Chubb European Group, l'arrêt rendu le 5 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne les sociétés Transports Catroux et Allianz Global Corporate & Specialty aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Gefco.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

LE MOYEN FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré recevable l'action exercée par la société Ace devenue Chubb European Group ;

AUX MOTIFS QU' « il résulte de l'article 31 du code de procédure civile que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. Il résulte de l'article L. 111-2 du code des assurances que ne peuvent être modifiées par convention les prescriptions des titres I, II, III et IV du présent livre, sauf celles qui donnent aux parties une simple faculté et qui sont contenues (
) dans les articles (
) L.121-12 (...). Il résulte en outre de l'article L. 121-12 du code des assurances que l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. En l'espèce, la société Chubb, assureur de la société L'Oréal, exerce son action non pas sur le fondement d'une subrogation légale ou conventionnelle à l'encontre des tiers auteurs du dommage, mais sur le fondement d'une cession, par la société L'Oréal, de ses droits à son profit. Les sociétés Gefco, Catroux et Allianz soutiennent que le recours de l'assureur à l'encontre du responsable du dommage est nécessairement de nature subrogatoire, impliquant un paiement effectif au profit de l'assuré, à l'exclusion du recours fondé sur une cession de droits, arguant notamment du fait que le mécanisme de la cession de droits est insuffisamment protecteur des droits des assurés en ce qu'il permet à l'assureur d'agir contre le responsable sans qu'il ait au préalable indemnisé son assuré. Elles soutiennent qu'en créant une subrogation légale spécifique au profit de l'assureur, le législateur a écarté la pratique ancienne des cessions de droits, ce qui a été confirmé par la jurisprudence ultérieure de la Cour de cassation. La société Chubb soutient au contraire qu'elle peut valablement agir en qualité de cessionnaire des droits de la société L'Oréal. Elle soutient que l'article L. 121-12 du code des assurances est supplétif et que les parties peuvent y déroger, notamment en ce que l'assureur peut agir sur le fondement d'une subrogation conventionnelle au lieu de la subrogation légale.

Il résulte des dispositions précitées, et notamment de la possibilité de modification par convention des dispositions de l'article L. 121-12 précité, que celles-ci ne sont pas d'ordre public, la jurisprudence la plus récente précisant en outre qu'elles ne sont pas impératives, de sorte que rien n'empêche l'assureur d'agir, outre sur le fondement d'une subrogation, sur le fondement d'une cession de droits. Force est ici de constater que, par un acte du 1er septembre 2010, la société L'Oréal a cédé l'intégralité de ses droits détenus au titre du vol survenu entre le 30 juin et le 1er juillet 2010. Cette cession de droits n'étant pas contestée par les parties, il convient de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit que la société Chubb était recevable à agir sur ce fondement »;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'à l'assignation du 30 juin 2011, est joint l'acte de cession des droits en date du 1er septembre 2010, signé par l'Oréal au profit d'ACE et se rapportant aux marchandises dérobées lors du sinistre survenu dans la nuit du 30 juin au 1er juillet 2010, que cet acte cède l'intégralité des droits détenus par son signataire, incluant le droit d'agir en justice ; que l'assignation et le dénonciation de l'acte précité est intervenue avant la date de prescription de l'action, que les conditions des articles 1689 et 1690 du code civil sont réunies ; que les dispositions de l'article L.121-12 du code des assurances dont se prévalent Catroux, Alliantz et Gefco pour soulever l'irrecevabilité de la requête d'ACE, assureur de l'Oréal, ne font pas obstacle à ce que l'assureur en sa qualité de tiers au contrat de transport, puisse agir en responsabilité contractuelle au titre des articles 1689 à 1701 du code civil ».

ALORS, d'une part, QU' aux termes de l'article L.121-12, alinéa 1er, du code des assurances, « l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur » ; que s'il est loisible aux parties au contrat d'assurance d'écarter la subrogation légale prévue par cette disposition en faveur d'une subrogation conventionnelle, l'assureur ne peut en revanche pas valablement agir contre le responsable du dommage en vertu d'une cession de droits qui lui aurait été consentie par son assuré ; qu'en effet, l'introduction du mécanisme de subrogation légale aujourd'hui prévu à l'article L.121-12, alinéa 1er, du code des assurances a été motivée par la volonté du législateur de mettre un terme à la pratique antérieure des cessions de droits, jugée dangereuse pour les assurés ; que pour admettre en l'espèce la recevabilité du recours exercé par la société Chubb European Group, assureur de la société L'Oréal, à l'encontre de la société Gefco, la cour d'appel a considéré que, compte tenu du caractère supplétif de l'article L.121-12 du code des assurances, rien n'empêchait l'assureur d'agir, outre sur le fondement d'une subrogation, sur le fondement d'une cession de droits ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile, ensemble l'article L.121-12 du code des assurances.

ALORS, d'autre part, et subsidiairement, QU' à supposer même que les parties au contrat d'assurance soient en droit d'écarter la subrogation légale instituée par l'article L.121-12, alinéa 1er, du code des assurances, au profit d'une cession de droits consentie par l'assuré à son assureur, l'efficacité d'un tel procédé demeurerait en toute hypothèse subordonnée à la vérification que la cession offre à l'assuré les mêmes garanties qu'une subrogation légale ou conventionnelle ; que pour faire produire effet en l'espèce à la cession de droits consentie par la société L'Oréal à son assureur, la cour d'appel s'est bornée à constater que cette cession n'était pas contestée par les parties ; qu'en statuant ainsi, sans vérifier que cette cession de droits n'était pas moins favorable à l'assuré qu'une subrogation légale ou conventionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.121-12 du code des assurances.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

LE MOYEN FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société Gefco à payer à la société Chubb European Group la somme de 1.315.212,80 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2011 et capitalisation des intérêts ;

AUX MOTIFS QU' « il résulte de l'article L. 132-5 du code de commerce que le commissionnaire de transport est garant des avaries ou pertes de marchandises et effets, s'il n'y a stipulation contraire dans la lettre de voiture ou force majeure. La société Chubb recherche la responsabilité personnelle de la société Gefco pour manquement à ses obligations de commissionnaire de transport en ce qu'elle a omis de répercuter au voiturier les consignes de sécurité énoncées au cahier des charges. La société Gefco admet ne pas avoir fait signer le cahier des charges à la société Catroux et ne pas l'avoir fait agréer par la société L'Oréal, mais soutient que ces circonstances n'ont aucun lien de causalité avec la perte des marchandises. Elle indique en outre que la société Catroux était informée de la nature des marchandises et qu'il lui appartenait de prendre spontanément les mesures nécessaires. Elle soutient à titre subsidiaire que la société L'Oréal a elle-même commis une faute qui l'exonère au moins partiellement de sa responsabilité. La société Transports Catroux estime que les fautes commises, tant par la société Gefco que par la société L'Oréal sont la cause exclusive du dommage, l'exonérant de toute responsabilité. Elle sollicite dès lors la confirmation du jugement en ce qu'il l'a mise hors de cause.
Le cahier des charges signé entre la société L'Oréal et la société Gefco prévoit au chapitre « conditions générales de sécurité », paragraphe « sous-traitance » que la sous-traitance ne peut se réaliser qu'avec des transporteurs ayant signé le chapitre Sécurité du cahier des charges et que les transporteurs affrétés doivent en outre avoir été agréés par les responsables du groupe L'Oréal. Il est enfin précisé que : « l'affréteur doit s'assurer que pour toute opération de transport pour le compte du groupe L'Oréal, le transporteur sélectionné est bien signataire des accords ci-inclus ». Le cahier des charges précise en outre au paragraphe « sécurité des marchandises » que le « véhicule ne doit pas stationner dans un lieu sans aucune surveillance » durant les coupures journalières et qu'il est « interdit de désaccoupler le tracteur et la remorque ...sauf en cas de fonctionnement par relais. Dans ce cas, la remorque ne doit rester désaccouplée que le temps du changement de tracteur ». Le fait que la société Gefco ait omis, d'une part de faire agréer la société Catroux par la société L'Oréal, d'autre part de lui faire signer le chapitre sécurité du cahier des charges caractérise bien un manquement de la société Gefco à ses obligations. Il résulte en outre du rapport d'expertise qu'en contradiction avec les consignes de sécurité dont elle n'avait pas connaissance, la société Catroux a stationné le camion dans un lieu sans aucune surveillance, et qu'elle a en outre désaccouplé le tracteur et la remorque durant une longue période entre 13 h 35 le 30 juin 2010 et 2 heures du matin le 1er juillet 2010, ces deux circonstances ayant grandement facilité le vol de la remorque de sorte qu'elles sont en lien de causalité certaine avec la perte des marchandises. Le fait que la confirmation d'affrètement adressée par la société Gefco à la société Catroux mentionne au titre des instructions particulières « fret et véhicule à sécuriser impérativement » et que la lettre de voiture mentionne comme nature de marchandises « cosmétiques », s'il permet de démontrer que la société Catroux avait connaissance de la nature des marchandises et qu'elle devait prendre des mesures de sécurité, est insuffisant à démontrer que la société Gefco a rempli son obligation, dès lors que l'information qu'elle devait donner à son sous-traitant était beaucoup plus précise (stationnement dans un lieu surveillé, interdiction de désaccouplement). Le manquement de la société Gefco à son obligation de faire signer les consignes de sécurité à la société Catroux est en lien de causalité avec le fait que celle-ci, non informée de ces consignes ainsi qu'il résulte notamment du rapport d'expertise, a elle-même omis de stationner le véhicule dans un lieu surveillé et de laisser le tracteur couplé à la remorque, circonstances en lien de causalité directe avec la perte des marchandises. C'est ainsi à bon droit que le premier juge a retenu une faute personnelle de la société Gefco » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTAES QUE « le cahier des charges « transport de lots» passé entre Gefco et L'Oréal, daté du 15 juin 2010, stipule notamment en son chapitre E que la sous-traitance ne peut se réaliser qu'avec des transporteurs ayant signé ce chapitre, que lors du chargement, le conducteur doit émarger un document reprenant les règles principales, que le véhicule ne doit pas stationner sans surveillance, et en caractères particulièrement apparents, s'agissant des coupures journalières, qu' « il est interdit de désaccoupler le tracteur et la remorque, et qu' « aucune dérogation à cette règle n'est permise » ;

que le rapport de l'expert X... conclut en sa partie « Analyse», que les instructions du cahier des charges précité concernant en particulier le décrochage de la semi-remorque, le lieu de stationnement non sécurisé et la répercussion par Catroux à Gefco des consignes sécuritaires, n'avaient pas été respectées. Qu'est également relevé par ce même expert que Gefco aurait dû pour ce type de transport de produits de luxe, mettre en place un référencement par transporteur, plutôt qu'un recours à une bourse de fret.

que le rapport d'expertise du commissariat d'avaries de Paris référencé 2010-00-5472 du 8 octobre 2010, ne contredit pas les affirmations qui précèdent, en mentionnant « L'événement a eu lieu alors que la remorque des transports Catroux chargée des produits L'Oréal était stationnée sur le site entièrement clos, fermé et cadenassé des transports Roussel à 45 Rebrechien, conformément aux consignes stipulées dans la confirmation d'affrètement Gefco du 29 juin 2010: fret et véhicule à sécuriser impérativement ».

qu'en application des dispositions des articles L1432-2 à L1432-12 du code des transports, le commissionnaire de transport est responsable de son fait personnel et du fait de ses substitués, qu'au titre des articles L.132.4 et L.132.5 du code de commerce, il est garant de l'arrivée des marchandises dans le délai déterminé par la lettre de voiture , hors les cas de force majeure légalement déterminés, et garant des avaries et pertes de marchandises , s'il n'y a stipulation contraire dans la lettre de voiture, ou force majeure,

que la lettre de voiture produite aux débats, ne contient aucune mention, ni dans la partie « instructions aux conducteurs », ni dans la partie « observations particulières ou réserves »,

qu'il est établi et non sérieusement contesté que Gefco, régulièrement prévenu du fait du cahier des charges applicable, n'a pris aucune disposition pour informer son transporteur sous-traitant du caractère sensible et nécessitant une sécurisation du transport, n'a assuré aucun suivi dudit transport, a en outre mis en oeuvre un recrutement de transporteur par la voie d'une bourse de transport ayant conduit à faire appel à un transporteur inhabituel et non informé de la spécificité des marchandises ; »

ALORS QUE seule est réparable, en cas d'incertitude affectant le lien causal entre la faute et le dommage subi, la perte de chance d'éviter la survenance dudit dommage ; qu'au cas d'espèce, la cour d'appel a relevé que le manquement de la société Gefco à son obligation de faire signer le chapitre sécurité du cahier des charges au transporteur entretenait un lien de causalité avec le fait que celui-ci, non informé de ces consignes, avait omis de stationner le véhicule dans un lieu sûr et de laisser le tracteur couplé à la remorque ; que la cour d'appel a par ailleurs relevé que ces circonstances avaient « grandement facilité le vol de la remorque » (arrêt attaqué p.8) ; qu'il résulte des constatations même de la cour d'appel que le dommage final, résultant du vol des marchandises, aurait pu se produire quand bien même la société Gefco n'aurait commis aucun manquement à ses obligations, un tel manquement ayant tout au plus « facilité » un tel vol ; qu'en condamnant, nonobstant l'incertitude affectant le lien causal entre la faute et le dommage, la société Gefco à réparer le dommage et non la perte de chance de l'éviter, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L.132-5 du code de commerce, ensemble l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

LE MOYEN FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR mis hors de cause les sociétés Transports Catroux et Allianz ;

AUX MOTIFS QU' « il résulte de l'article L. 133-1 du code de commerce que le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de la force majeure. Il résulte de l'article L. 133-8 du même code qu'est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage, et son acceptation téméraire sans raison valable. La société Chubb recherche également la responsabilité de la société Catroux en sa qualité de voiturier sur le fondement de la lettre de voiture. Elle soutient que la société Catroux a commis une faute inexcusable l'empêchant de se prévaloir des limitations de responsabilité. Elle fait ainsi valoir que la société Catroux connaissait la nature et la valeur du chargement, rappelant qu'elle n'a pris aucune mesure pour le sécuriser, lui faisant ainsi courir un risque de façon téméraire et sans raison valable dès lors qu'elle avait la possibilité de stationner la remorque sur deux autres sites surveillés. La société Gefco soutient également que la société Catroux a commis une faute inexcusable. La société Transports Catroux affirme avoir agi avec diligence et prudence en mettant en oeuvre les précautions d'usage, de sorte qu'elle n'a commis aucune faute de quelque nature que ce soit, ajoutant qu'en tout état de cause les fautes commises, tant par la société Gefco que par la société L'Oréal constituent des causes exonératoires de sa propre responsabilité. A titre subsidiaire, elle soutient qu'aucune faute inexcusable ne peut lui être imputée de sorte qu'elle est bien fondée à se prévaloir des limitations de responsabilité. Elle fait valoir qu'elle ignorait la valeur du chargement et n'avait reçu aucune instruction, de sorte qu'elle ne pouvait avoir conscience du risque encouru par le fait le laisser la remorque dételée sur une aire de stationnement non surveillée.
Les seuls éléments portés à la connaissance de la société Catroux, quant à la nature de la marchandise et aux règles de sécurité à adopter, sont d'une part le fait qu'il s'agissait de produits manufacturés, et plus précisément de cosmétiques, d'autre part le fait que le « fret et le véhicule sont à sécuriser impérativement ». Si la société Catroux avait ainsi connaissance du fait qu'elle transportait des cosmétiques, aucun élément ne lui permettait de connaître la valeur particulièrement élevée du chargement (plus d'un million et demi d'euros), d'autant que le prix du transport était un prix standard (420 euros pour un transport de 350 kilomètres) ainsi qu'elle le fait observer. Si la société Gefco avait, à l'occasion de plusieurs transports antérieurs (mai 2010), donné à la société Catroux des indications précises quant aux mesures de sécurité à adopter -telles que « véhicule à sécuriser SVP pour tous arrêts sur parking sécurisé » (cf : annexes du rapport CESAM) -force est de constater que tel n'était pas le cas pour le transport du 30 juin 2010, la mention « véhicule et fret à sécuriser impérativement » ne portant pas de consigne particulière notamment quant à l'utilisation d'un parking sécurisé. Du fait de l'absence d'information précise quant à la valeur des marchandises, et de consignes de sécurité moins contraignantes que lors de transports antérieurs, la société Catroux n'avait pas de raison particulière de craindre la survenance d'un vol et ne pouvait donc avoir conscience de la probabilité d'un dommage. Le fait d'avoir stationné le véhicule sur un terrain privé fermé par une grille et un cadenas, même non surveillé, pouvait dès lors se concevoir comme une mesure de sécurité suffisante au regard des consignes qu'elle avait reçues. Il n'est donc pas démontré que la société Catroux ait commis une faute inexcusable, ni même une quelconque faute, la cause exclusive du dommage étant, d'une part le manquement du commissionnaire à son obligation de transmettre les consignes de sécurité au voiturier, d'autre part la faute de la société L'Oréal qui a omis de remettre au conducteur les règles principales de sécurité des marchandises. Le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu'il a mis hors de cause la société Catroux et son assureur » ;

ET AUX MOFITS ADOPTES QUE « c'est à juste titre que Catroux fait valoir que le transporteur a été contacté par la bourse de fret Téléroute, pour un transport ne mentionnant dans la confirmation d'affrètement que «produits manufacturés » sans autre précision quant à sa valeur, pour un transport rémunéré par un montant ne pouvant donner à penser qu'il présentait un risque particulier, et sans instruction particulière concernant la nature des marchandises ainsi que le confirme le courrier de Gefco du 6 juillet 2010 qui précise sans le démontrer que les éléments de sécurisation de ce fret ont été données téléphoniquement.

Qu'ainsi, Catroux n'a pas commis de faute en entreposant dans un site fermé du transporteur Roussel, dont il n'est pas établi qu'il présentait un risque particulier, et alors même que les constatations expertales donnent à penser que ce transport avait fait l'objet d'un repérage dès la sortie du site de L'Oréal.

Qu'ainsi, la faute inexcusable de Catroux n'est pas démontrée, et pas davantage une faute de nature à faire supporter au transporteur une part de responsabilité dans le présent sinistre.

Le tribunal décidera que Catroux sera mis hors de cause, ensemble son assureur Alliantz. »

ALORS, d'une part, QUE la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; que pour mettre hors de cause la société Catroux, à laquelle avait été confiée la mission d'acheminer les marchandises par la société Gefco, ainsi que son assureur, la cour d'appel a considéré que la cause exclusive du dommage résidait d'une part dans le manquement du commissionnaire à son obligation de transmettre les consignes de sécurité au voiturier, d'autre part dans la faute de la société L'Oréal, qui n'avait pas remis au conducteur les règles principales de sécurité des marchandises ; qu'en statuant ainsi, après avoir pourtant relevé que la société Catroux avait « stationné le camion dans un lieu sans aucune surveillance, et qu'elle [avait] en outre désaccouplé le tracteur et la remorque durant une longue période entre 13 h 35 le 30 juin 2010 et 2 heures du matin le 1er juillet 2010, ces deux circonstances ayant grandement facilité le vol de la remorque de sorte qu'elles sont en lien de causalité certaine avec la perte des marchandises », la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, d'autre part, QUE constitue une faute le fait pour un transporteur, informé du fait qu'il devait impérativement sécuriser le fret et le véhicule, de stationner son camion dans un lieu sans aucune surveillance et de désaccoupler le tracteur et la remorque durant une longue période ; que pour mettre hors de cause la société Catroux, la cour d'appel a considéré que cette dernière, qui « n'avait pas de raison particulière de craindre la survenance d'un vol et ne pouvait avoir conscience de la probabilité d'un dommage », n'avait pas commis de faute inexcusable, « ni même une quelconque faute » (arrêt attaqué p.11) ; qu'en statuant ainsi, après avoir néanmoins relevé que la société Catroux, dûment informée du fait que « le fret et le véhicule sont à sécuriser impérativement » (arrêt attaqué p. 10), avait néanmoins « stationné le camion dans un lieu sans aucune surveillance, et qu'elle [avait] en outre désaccouplé le tracteur et la remorque durant une longue période entre 13 h 35 le 30 juin 2010 et 2 heures du matin le 1er juillet 2010, ces deux circonstances ayant grandement facilité le vol de la remorque » (arrêt attaqué pp.7-8), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L.133-1 du code de commerce, ensemble l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. Moyens produits au pourvoi incident par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Chubb European Group SE.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué,

D'AVOIR condamné la société Gefco à payer à la société Chubb European Group la seule somme de 1 315 212,80 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2011 et capitalisation des intérêts,

AUX MOTIFS QUE « sur la faute imputée à la société L'Oréal, les sociétés Gefco et Catroux soutiennent que la société L'Oréal a elle-même commis une faute les exonérant partiellement de leur responsabilité, dans une proportion que la société Gefco évalue à 50%, au motif, d'une part que le défaut d'agrément du sous-traitant peut entraîner une responsabilité conjointe du transporteur et de la société L'Oréal, d'autre part que la société L'Oréal a elle-même omis de faire signer au chauffeur le document reprenant les règles de sécurité, et enfin pour n'avoir pas exigé un transport direct sans coupure ; que la société Chubb conteste tout manquement de son assurée à ses obligations ; que la société Gefco ayant accepté les conditions du transport, et notamment la contrainte d'une coupure nocturne, ne peut aujourd'hui rechercher la responsabilité de la société L'Oréal sur ce point ; que le cahier des charges prévoit : « en cas de nécessité absolue, un transporteur non agréé peut être utilisé sous la responsabilité conjointe du directeur de l'agence transport et du responsable de l'établissement L'Oréal concerné » ; que force est ici de constater que la société Gefco n'établit pas l'existence d'une nécessité absolue de recourir à un transporteur non agréé, de sorte qu'il n'y a pas lieu à partage de responsabilité à ce titre ; que le cahier des charges prévoit en outre au paragraphe « sous-traitance » que « lors du chargement, le conducteur doit émarger un document reprenant les règles principales » ; que la société Gefco soutient que ces règles principales sont celles relatives à la sécurité des marchandises (point E2 du cahier des charges), tandis que la société Chubb soutient qu'il s'agit simplement des règles de sécurité des personnels (règles de sécurité des opérations de chargement et déchargement) ; qu'en l'absence de production du document que le conducteur doit émarger, la cour n'est pas en mesure de s'assurer si les règles principales sont celles relatives à la sécurité des marchandises ou des personnels ; que l'absence de production de ce document est imputable à la société Chubb qui ne met pas la cour en mesure d'effectuer les vérifications nécessaires, de sorte qu'elle doit en supporter les conséquences, la cour considérant ainsi que les règles principales portent sur la sécurité des marchandises ; qu'en tout état de cause, force est de constater que la société Chubb, et surtout son assurée, ne justifient pas avoir remis au conducteur les règles principales et de les lui avoir fait émarger ; que si la société L'Oréal avait respecté le cahier des charges et remis au conducteur les règles principales de sécurité des marchandises, l'attention de ce dernier aurait été attirée sur les risques encourus au cours du transport, augmentant ainsi les chances d'éviter le sinistre, de sorte que ce non-respect du cahier des charges est en lien de causalité avec le dommage subi ; que la cour retiendra dès lors que la société L'Oréal a elle-même commis un manquement à ses obligations en lien de causalité avec le dommage subi, estimant toutefois que sa responsabilité ne peut être évaluée à plus de 15% du dommage, l'essentiel de la responsabilité pesant sur la société Gefco, en sa qualité de professionnel de l'organisation du transport ; que le jugement sera donc réformé sur ce point » ;

1°/ ALORS QUE le commissionnaire de transport qui sait que les marchandises qui lui sont confiées comportent un risque particulier de vol a l'obligation d'en informer le voiturier de telle sorte que puissent être prises les mesures nécessaires à leur sécurité ; que, pour imputer à la société L'Oréal une part de responsabilité de 15%, la cour d'appel a relevé que le cahier des charges lui imposait de faire émarger par le conducteur un document reprenant les « règles principales », puis énoncé que, en l'absence de production dudit document par la société Chubb, elle ne pouvait vérifier si ces règles portaient sur la sécurité des marchandises, la société Chubb devant en supporter les conséquences, et que, faute de justification de son émargement, il en résultait que si la société L'Oréal avait respecté le cahier des charges et remis au conducteur les règles principales de sécurité des marchandises, l'attention de ce dernier aurait été attirée sur les risques encourus au cours du transport, augmentant ainsi les chances d'éviter le sinistre ; qu'en statuant ainsi, après avoir pourtant constaté que « le manquement de la société Gefco à son obligation de faire signer les consignes de sécurité à la société Catroux est en lien de causalité avec le fait que celle-ci, non informée de ces consignes ainsi qu'il résulte notamment du rapport d'expertise, a elle-même omis de stationner le véhicule dans un lieu surveillé et de laisser le tracteur couplé à la remorque, circonstances en lien de causalité directe avec la perte des marchandises », et que la société Gefco avait accepté les conditions du transport, et notamment la contrainte d'une coupure nocturne, ce dont il résultait qu'à supposer que la société L'Oréal ait pu commettre une faute, celle du commissionnaire de transport, étant prépondérante, l'avait nécessairement absorbée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 132-5 du code de commerce et 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ ALORS, en toute hypothèse, QUE la charge de la preuve de la faute de l'expéditeur ayant contribué à la réalisation du sinistre pèse sur le commissionnaire de transport ; que, pour imputer à la société L'Oréal une part de responsabilité de 15%, la cour d'appel a relevé que le cahier des charges lui imposait de faire émarger par le conducteur un document reprenant les « règles principales », puis énoncé que, en l'absence de production dudit document par la société Chubb, elle ne pouvait vérifier si ces règles portaient sur la sécurité des marchandises, la société Chubb devant en supporter les conséquences, et que, faute de justification de son émargement, il en résultait que si la société L'Oréal avait respecté le cahier des charges et remis au conducteur les règles principales de sécurité des marchandises, l'attention de ce dernier aurait été attirée sur les risques encourus au cours du transport, augmentant ainsi les chances d'éviter le sinistre ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil ;

3°/ ALORS, en toute hypothèse, QUE, pour imputer à la société L'Oréal une part de responsabilité de 15%, la cour d'appel a relevé que le cahier des charges lui imposait de faire émarger par le conducteur un document reprenant les « règles principales », puis énoncé que, en l'absence de production dudit document par la société Chubb, elle ne pouvait vérifier si ces règles portaient sur la sécurité des marchandises, la société Chubb devant en supporter les conséquences, et que, faute de justification de son émargement, il en résultait que si la société L'Oréal avait respecté le cahier des charges et remis au conducteur les règles principales de sécurité des marchandises, l'attention de ce dernier aurait été attirée sur les risques encourus au cours du transport, augmentant ainsi les chances d'éviter le sinistre ; qu'en statuant ainsi, par des motifs hypothétiques, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué,

D'AVOIR mis hors de cause les sociétés Transports Catroux et Allianz,

AUX MOTIFS PROPRES QU' « il résulte de l'article L. 133-1 du code de commerce que le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de la force majeure ; qu'il résulte de l'article L. 133-8 du même code qu'est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage, et son acceptation téméraire sans raison valable ; que la société Chubb recherche également la responsabilité de la société Catroux en sa qualité de voiturier sur le fondement de la lettre de voiture ; qu'elle soutient que la société Catroux a commis une faute inexcusable l'empêchant de se prévaloir des limitations de responsabilité ; qu'elle fait ainsi valoir que la société Catroux connaissait la nature et la valeur du chargement, rappelant qu'elle n'a pris aucune mesure pour le sécuriser, lui faisant ainsi courir un risque de façon téméraire et sans raison valable dès lors qu'elle avait la possibilité de stationner la remorque sur deux autres sites surveillés ; que la société Gefco soutient également que la société Catroux a commis une faute inexcusable ; que la société Transports Catroux affirme avoir agi avec diligence et prudence en mettant en oeuvre les précautions d'usage, de sorte qu'elle n'a commis aucune faute de quelque nature que ce soit, ajoutant qu'en tout état de cause les fautes commises, tant par la société Gefco que par la société L'Oréal constituent des causes exonératoires de sa propre responsabilité ; qu'à titre subsidiaire, elle soutient qu'aucune faute inexcusable ne peut lui être imputée de sorte qu'elle est bien fondée à se prévaloir des limitations de responsabilité ; qu'elle fait valoir qu'elle ignorait la valeur du chargement et n'avait reçu aucune instruction, de sorte qu'elle ne pouvait avoir conscience du risque encouru par le fait le laisser la remorque dételée sur une aire de stationnement non surveillée ; que les seuls éléments portés à la connaissance de la société Catroux, quant à la nature de la marchandise et aux règles de sécurité à adopter, sont d'une part le fait qu'il s'agissait de produits manufacturés, et plus précisément de cosmétiques, d'autre part le fait que le « fret et le véhicule sont à sécuriser impérativement » ; que si la société Catroux avait ainsi connaissance du fait qu'elle transportait des cosmétiques, aucun élément ne lui permettait de connaître la valeur particulièrement élevée du chargement (plus d'un million et demi d'euros), d'autant que le prix du transport était un prix standard (420 euros pour un transport de 350 kilomètres) ainsi qu'elle le fait observer ; que si la société Gefco avait, à l'occasion de plusieurs transports antérieurs (mai 2010), donné à la société Catroux des indications précises quant aux mesures de sécurité à adopter - telles que « véhicule à sécuriser SVP pour tous arrêts sur parking sécurisé » (cf : annexes du rapport CESAM) - force est de constater que tel n'était pas le cas pour le transport du 30 juin 2010, la mention « véhicule et fret à sécuriser impérativement » ne portant pas de consigne particulière notamment quant à l'utilisation d'un parking sécurisé ; que du fait de l'absence d'information précise quant à la valeur des marchandises, et de consignes de sécurité moins contraignantes que lors de transports antérieurs, la société Catroux n'avait pas de raison particulière de craindre la survenance d'un vol et ne pouvait donc avoir conscience de la probabilité d'un dommage ; que le fait d'avoir stationné le véhicule sur un terrain privé fermé par une grille et un cadenas, même non surveillé, pouvait dès lors se concevoir comme une mesure de sécurité suffisante au regard des consignes qu'elle avait reçues ; qu'il n'est donc pas démontré que la société Catroux ait commis une faute inexcusable, ni même une quelconque faute, la cause exclusive du dommage étant, d'une part le manquement du commissionnaire à son obligation de transmettre les consignes de sécurité au voiturier, d'autre part la faute de la société L'Oréal qui a omis de remettre au conducteur les règles principales de sécurité des marchandises ; que le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu'il a mis hors de cause la société Catroux et son assureur » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « c'est à juste titre que Catroux fait valoir que le transporteur a été contacté par la bourse de fret Téléroute, pour un transport ne mentionnant dans la confirmation d'affrètement que « produits manufacturés » sans autre précision quant à sa valeur, pour un transport rémunéré par un montant ne pouvant donner à penser qu'il présentait un risque particulier, et sans instruction particulière concernant la nature des marchandises ainsi que le confirme le courrier de Gefco du 6 juillet 2010 qui précise sans le démontrer que les éléments de sécurisation de ce fret ont été données téléphoniquement ; qu'ainsi, Catroux n'a pas commis de faute en entreposant dans un site fermé du transporteur Roussel, dont il n'est pas établi qu'il présentait un risque particulier, et alors même que les constatations expertales donnent à penser que ce transport avait fait l'objet d'un repérage dès la sortie du site de L'Oréal ; qu'ainsi, la faute inexcusable de Catroux n'est pas démontrée, et pas davantage une faute de nature à faire supporter au transporteur une part de responsabilité dans le présent sinistre ; que le tribunal décidera que Catroux sera mis hors de cause, ensemble son assureur Allianz » ;

1°/ ALORS QUE, aux termes de l'article L. 133-1, alinéa 1er du code de commerce, le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de la force majeure ; que, pour mettre hors de cause la société Transports Catroux, voiturier, la cour d'appel a énoncé qu'il n'était pas démontré qu'elle ait commis une faute inexcusable, ni même une quelconque faute ; qu'en conditionnant la responsabilité du voiturier à la démonstration de sa faute, la cour d'appel a violé la disposition susvisée ;

2°/ ALORS QUE, aux termes de l'article L. 133-1, alinéa 1er du code de commerce, le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de la force majeure ; que, pour mettre hors de cause la société Transports Catroux, voiturier, la cour d'appel a énoncé que la cause exclusive du dommage était, d'une part le manquement du commissionnaire à son obligation de transmettre les consignes de sécurité au voiturier, d'autre part la faute de la société L'Oréal qui aurait omis de remettre au conducteur les règles principales de sécurité des marchandises ; qu'en statuant ainsi, après avoir pourtant relevé que le voiturier avait «stationné le camion dans un lieu sans aucune surveillance, et qu'elle [avait] en outre désaccouplé le tracteur et la remorque durant une longue période entre 13 h 35 le 30 juin 2010 et 2 heures du matin le 1er juillet 2010, ces deux circonstances ayant grandement facilité le vol de la remorque de sorte qu'elles sont en lien de causalité certaine avec la perte des marchandises», ce dont il résultait qu'il avait nécessairement commis une faute, en relation causale avec le vol de la marchandise, faute d'avoir mis en oeuvre des précautions élémentaires de sécurité, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 133-1 du code de commerce et 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°/ ALORS, en toute hypothèse, QUE la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; que pour mettre hors de cause la société Transports Catroux, voiturier substitué par la société Gefco, commissionnaire, la cour d'appel a énoncé qu'il n'était pas démontré qu'elle ait commis une faute inexcusable, ni même une quelconque faute, la cause exclusive du dommage étant, d'une part le manquement du commissionnaire à son obligation de transmettre les consignes de sécurité au voiturier, d'autre part la faute de la société L'Oréal qui a omis de remettre au conducteur les règles principales de sécurité des marchandises ; qu'en statuant ainsi, après avoir pourtant relevé que le voiturier avait « stationné le camion dans un lieu sans aucune surveillance, et qu'elle [avait] en outre désaccouplé le tracteur et la remorque durant une longue période entre 13 h 35 le 30 juin 2010 et 2 heures du matin le 1er juillet 2010, ces deux circonstances ayant grandement facilité le vol de la remorque de sorte qu'elles sont en lien de causalité certaine avec la perte des marchandises », ce dont il résultait qu'il avait nécessairement commis une faute, la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile

4°/ ALORS, en toute hypothèse, QUE constitue une faute le fait pour un transporteur, informé du fait qu'il devait impérativement sécuriser le fret et le véhicule, de stationner son camion dans un lieu sans aucune surveillance et de désaccoupler le tracteur et la remorque durant une longue période ; que pour mettre hors de cause la société Transports Catroux, voiturier, la cour d'appel a énoncé que cette dernière, qui « n'avait pas de raison particulière de craindre la survenance d'un vol et ne pouvait avoir conscience de la probabilité d'un dommage », n'avait pas commis de faute inexcusable, « ni même une quelconque faute » ; qu'en statuant ainsi, après avoir pourtant relevé que la société Transports Catroux, informée que « le fret et le véhicule sont à sécuriser impérativement», avait, en dépit de cette instruction, « stationné le camion dans un lieu sans aucune surveillance, et qu'elle [avait] en outre désaccouplé le tracteur et la remorque durant une longue période entre 13 h 35 le 30 juin 2010 et 2 heures du matin le 1er juillet 2010, ces deux circonstances ayant grandement facilité le vol de la remorque», la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L.133-1 du code de commerce et 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. ECLI:FR:CCASS:2020:CO00659
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