Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 14 octobre 2020, 20-83.273, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° C 20-83.273 F-D

N° 2378


EB2
14 OCTOBRE 2020


REJET


M. SOULARD président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 OCTOBRE 2020



Mme L... F..., partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 3e section, en date du 19 mars 2020, qui, dans l'information suivie contre M. T... G..., des chefs de viol et agressions sexuelles aggravés, a confirmé l'ordonnance de non-lieu partielle rendue par le juge d'instruction et renvoyé le prévenu devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'agressions sexuelles aggravées.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Slove, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme L... F..., et les conclusions de Mme Caby, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 octobre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Slove, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 2 mai 2017, Mme F..., âgée de dix-neuf ans, a dénoncé des faits d'agressions sexuelles, commis par M. G..., l'ex compagnon de sa mère, depuis ses treize ans, ce dernier ayant pris l'habitude de lui imposer de se déshabiller, lui caressant le vagin et les fesses, se frottant contre elle et lui léchant le sexe, sous prétexte de prétendues punitions destinées à la corriger.

3. Une information a été ouverte et M. G... a été mis en examen des chefs susvisés.

4. A l'issue de l'information, le juge d'instruction a notamment requalifié les faits de viol commis par une personne ayant autorité sur la victime du 1er janvier 2017 au 24 avril 2017, en faits d'agression sexuelle incestueuse par personne ayant autorité sur la victime et renvoyé le mis en examen devant le tribunal correctionnel.

5. Mme F... a interjeté appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance entreprise en ce qu'elle avait jugé que les faits qualifiés de viol commis par une personne ayant autorité sur la victime, infraction commise du 1er janvier 2017 au 24 avril 2017 à Paris, constituaient en réalité l'infraction d'agression sexuelle incestueuse par personne ayant autorité sur la victime, infraction commise du 1er janvier 2017 au 24 avril 2017 à Paris et requalifié les faits en ce sens et a en conséquence ordonné le renvoi de M. G... devant le tribunal correctionnel de Paris pour avoir, à Meaux et à Paris, entre le 15 août 2016 et le 24 avril 2017, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, par violence, contrainte, menace ou surprise atteint sexuellement Mme F..., en l'espèce et notamment en lui touchant les fesses et le sexe, en lui léchant le sexe et en frottant son sexe contre elle, faits qualifiés d'incestueux comme ayant été commis par le concubin de sa mère ayant une autorité de fait sur la victime alors :

« 1°/ que la profondeur d'une pénétration sexuelle ne constitue pas une condition de qualification du viol ; qu'en retenant, pour qualifier d'agression sexuelle la pénétration vaginale subie par l'exposante, que, pour être qualifiée de viol, la pénétration doit avoir été « d'une profondeur significative » et qu'en l'espèce, la déclaration de l'exposante, qui avait indiqué que M. G... l'avait « pénétrée avec sa langue à force d'insister », n'était « assortie d'aucune précision en termes d'intensité, de profondeur, de durée ou encore de mouvement », de sorte qu'elle « ne caractéris[ait] pas suffisamment une introduction volontaire au-delà de l'orée du vagin, suffisamment profonde pour caractériser un acte délibéré », la chambre de l'instruction, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé l'article 222-23 du code pénal, ensemble l'article 381 du code de procédure pénale ;

2°/ qu'en retenant que l'intention de M. G... d'imposer à l'exposante une pénétration vaginale avec sa langue n'était pas suffisamment caractérisée, au motif impropre qu'au cours des multiples atteintes sexuelles qu'il lui avait infligées par le passé, il avait pris « soin » de ne jamais la pénétrer, sans rechercher, comme elle était tenue de le faire, quelle avait été l'intention de M. G... lors de l'acte de pénétration sexuelle qu'il lui avait fait subir, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des articles 121-3 et 222-23 du code pénal et 381 du code de procédure pénale ;

3°/ qu'en toute hypothèse, le caractère volontaire de l'agression sexuelle qui dégénère en pénétration sexuelle infligée à la victime suffit à caractériser l'élément moral du viol ; qu'en se fondant, pour juger que le caractère intentionnel de la pénétration vaginale infligée à l'exposante par M. G... avec sa langue n'était pas établi, sur sa prétendue intention de se limiter à une agression sexuelle, quand le caractère intentionnel de l'acte de pénétration commis résultait précisément de sa volonté d'imposer à Mme F... un acte sexuel non consenti, la chambre de l'instruction a violé les articles 121-3 et 222-23 du code pénal, ensemble l'article 381 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

7. Pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction et requalifier les faits de viol aggravé en agression sexuelle aggravée, l'arrêt relève que Mme F... qui n'a fait l'objet d'aucun examen gynécologique et a affirmé au cours de l'enquête qu'elle était vierge, a déclaré aux enquêteurs au sujet de l'unique pénétration dénoncée, que son agresseur « avait peur d'aller trop loin avec ses doigts mais [qu']il ne m'a pas pénétrée. »

8. Les juges retiennent qu'au cours de la même déposition, elle a expliqué « j'ai senti qu'il m'a pénétrée avec sa langue à force d'insister » mais que cette déclaration qui n'a été assortie d'aucune précision en termes d'intensité, de profondeur, de durée ou encore de mouvement, ne caractérise pas suffisamment une introduction volontaire au delà de l'orée du vagin, suffisamment profonde pour caractériser un acte de pénétration.

9. Ils en déduisent que l'élément matériel et l'élément intentionnel du viol sont insuffisamment caractérisés de sorte que la décision de requalification en agression sexuelle, motivée de manière inappropriée par l'opportunité, sera confirmée par substitution de motif tiré de l'absence de ces éléments, en fait et en droit.

10. En se déterminant ainsi par une appréciation souveraine des faits dénoncés, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze octobre deux mille vingt.ECLI:FR:CCASS:2020:CR02378
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