Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 8 octobre 2020, 19-16.097, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 octobre 2020




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 924 F-D

Pourvoi n° Q 19-16.097





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 OCTOBRE 2020

La société Howmet, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-16.097 contre l'arrêt rendu le 5 mars 2019 par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (CNITAAT) (section tarification), dans le litige l'opposant à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Coutou, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Howmet, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er juillet 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Coutou, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, 5 mars 2019), la société Howmet (la société), a contesté l'inscription au compte employeur de son établissement de Dives-sur-Mer, au titre de l'année 2015, des dépenses afférentes à la prise en charge à compter du 26 février 2015 au titre de la législation professionnelle des maladies déclarées le 20 mars 2015 par Mme K..., employée en qualité d'opératrice de cires sur le site de Dives-sur-Mer (la victime)

2. La caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie (la CARSAT) ayant rejeté sa demande, la société a saisi d'un recours la juridiction tarifaire.

Examen du moyen

Enoncé du moyen :

3. La société fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande d'inscription au compte spécial des frais relatifs aux maladies professionnelles de la victime, alors « que selon l'article 2,4° de l'arrêté de l'arrêté du 16 octobre 1995 sont inscrites au compte spécial les dépenses afférentes à des maladies professionnelles lorsque la victime a été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie ; que le salarié intérimaire a pour seul employeur de l'entreprise utilisatrice et est, s'agissant de la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles affecté à un établissement de cette entreprise dont l'activité génère un risque spécifique et est soumise à une tarification qui lui est propre ; qu'il en résulte que, lorsqu'un assuré a été exposé au même risque successivement en qualité d'intérimaire, salarié d'une entreprise de travail temporaire, puis de salarié de l'entreprise utilisatrice, il a bien été exposé au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes, de sorte que l'article 2,4° de l'arrêté du 16 octobre 1995 est susceptible de s'appliquer à une telle situation ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la victime des maladies professionnelles déclarées en 2015 avait, avant son embauche par l'exposante en 2011, notamment travaillé pour les sociétés Manpower puis Adia, en qualité d'intérimaire opératrice de cires, de 2007 à 2010 ; qu'en jugeant néanmoins « qu'il ne peut être considéré que les conditions posées par l'article 2, 4e alinéa, de l'arrêté du 16 octobre 1995, sont réunies dès lors que la victime a été exposée au même risque depuis huit ans dans la même entreprise, qu'elle soit entreprise utilisatrice ou employeur », la cour d'appel a violé les articles L. 1251-16 du code du travail, D. 242-6-1 et D. 242-6-5 du code de la sécurité sociale et l'article 2,4° de l'arrêté du 16 octobre 1995. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article 2, 4°, de l'arrêté interministériel du 16 octobre 1995, pris pour l'application de l'article D. 242-6-5 du code de la sécurité sociale, sont inscrites au compte spécial, conformément aux dispositions de l'article D. 242-6-5, les dépenses afférentes à des maladies professionnelles constatées ou contractées, notamment, par une victime qui a été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie.

5. Pour rejeter le recours de la société, l'arrêt retient qu'il n'est pas établi qu'avant 2007 les conditions de travail auxquelles elle était soumise exposaient la victime aux risques des maladies en cause . Il ajoute que celle-ci a été successivement mise à disposition de la société depuis 2007 par deux entreprises de travail temporaire, puis embauchée par cette même société depuis le 31 janvier 2011, et relève qu'elle a toujours été employée en qualité d'opératrice de cires, et qu'elle a été exposée au même risque depuis huit ans au sein de la même entreprise, qu'elle soit entreprise utilisatrice, ou employeur.

6. Ayant constaté que, peu important qu'elle ait été, dans un premier temps, mise à disposition de la société par des entreprises de travail intérimaire, la victime n'avait été exposée au risque prévu par le tableau n° 57 des maladies professionnelles qu' au sein de l'établissement de Dives-sur-Mer, la Cour nationale en a exactement déduit qu' il ne pouvait être considéré que les conditions posées par l'article 2, 4e alinéa de l'arrêté du 16 octobre 1995 étaient réunies, de sorte que les dépenses afférentes à la maladie ne pouvaient être inscrites au compte spécial.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Hownet aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Howmet et la condamne à payer à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Howmet

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré mal fondé le recours de la société Howmet contre la décision de la CARSAT de Normandie d'imputer sur son compte employeur 2015 les frais relatifs aux maladies professionnelles de Mme K... au titre de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles, pour son établissement de Dives-sur-Mer, d'avoir dit qu'il y a lieu de maintenir au compte employeur 2015 de la société Howmet les dépenses afférentes aux maladies professionnelles de Mme K... et d'avoir débouté la société Howmet de sa demande ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le fond L'article D.242-6-7 du code de la sécurité sociale dispose que les maladies professionnelles constatées ou contractées dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget ne sont pas imputées au compte de l'employeur mais inscrites à un compte spécial. Au regard des dispositions de l'article 2 de l'arrêté du 16 octobre 1995, dans son 4ème alinéa, sont inscrites au compte spécial les dépenses afférentes à des maladies professionnelles constatées ou contractées dans les conditions suivantes :"4° La victime de la maladie professionnelle a été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie". Dès lors que l'employeur n'a pas contesté la prise en charge de la maladie au titre des accidents du travail/maladies professionnelles devant les juridictions du contentieux général, le salarié est considéré avoir été exposé au risque de la maladie professionnelle au sein de l'entreprise et la maladie est considérée avoir été contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque avant sa constatation médicale, sauf à cet employeur à rapporter la preuve contraire. Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu faire prévaloir l'existence d'un doute sur l'entreprise au sein de laquelle le salarié a été exposé au risque de la maladie dans le cas où celui-ci a été exposé successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes, notion entendue comme le lieu de l'exposition au risque au sens de la Tarification. Il s'ensuit que ces dispositions ne font pas référence à la notion juridique d'employeur. Ainsi, il importe peu que le salarié ait été sous la subordination de plusieurs employeurs différents d'une part en qualité d'intérimaire et d'autre part en qualité d'embauché dès lors qu'il a été exposé au risque au sein d'un seul et même établissement d'entreprise. Il ressort des déclarations des parties et des pièces versées au dossier :- que Mme D... K... a déclaré le 20 mars 2015 deux maladies professionnelles inscrites au tableau n°57 des maladies professionnelles, qui a ont constatées les 24 février 2015 et 8 novembre 2014 pour la première fois,- que depuis 2007, elle était employée par deux sociétés de travail temporaire et mise à disposition de la société Howmet, société requérante, où elle a travaillé en qualité d'opératrice de cires,- qu'elle travaille depuis le 31 janvier 2011, en qualité d'opératrice de cires et sous contrat à durée indéterminée, pour le compte de la société requérante.- qu'elle n'a jamais déclaré avant son embauche par la société Howmet deux maladies professionnelles du tableau n°57 des maladies professionnelles. Si les dispositions de l'article R. 242-6-1 du code de la sécurité sociale permettent une répartition du coût de la maladie professionnelle entre la société utilisatrice et la société de travail temporaire à hauteur respectivement de deux tiers et d'un tiers, il n'en demeure pas moins qu'au sens de la tarification, l'entreprise de travail utilisatrice expose le salarié mis à sa disposition par la société de travail temporaire aux mêmes risques que s'il était employé par la société utilisatrice elle-même. Aussi, quand bien même Mme K... était employée par deux sociétés de travail temporaire depuis 2007, celle-ci était mise à disposition de la société Howmet, et donc exposée aux mêmes risques que ceux auxquels elle a été exposée avant de déclarer ses maladies, ce que ne conteste pas la société. Par conséquent, il ne peut être considéré que les conditions posées par l'article 2, 4ème alinéa, de l'arrêté du 16 octobre 1995, sont réunies dès lors que la salariée a été exposée au même risque depuis 8 ans au sein de la même entreprise, qu'elle soit entreprise utilisatrice ou employeur. Par ailleurs, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé par la maison départementale des personnes handicapées du Calvados du 23 mai 2011 au 22 mai 2016 ne permet pas de justifier l'existence des maladies professionnelles à la date de cette décision ; l'intégralité du handicap étant pris en compte pour l'obtention du statut. Aussi, le moyen allégué à ce titre sera rejeté. De surcroît, il n'est pas davantage établi par la production d'une pièce quelconque qu'antérieurement à 2007, les conditions de travail auxquelles était soumise Mme K... l'exposaient réellement aux risques des maladies en cause. Par ailleurs, le moyen tiré de l'âge de la victime au moment de son embauche est inopérant. En conséquence, les travaux effectués par Mme D... K... au sein de la société Howmet seront considérés comme étant seuls à l'origine des maladies professionnelles et les dépenses en résultant devront être maintenues au compte de la société » ;

ALORS QUE selon l'article 2,4° de l'arrêté de l'arrêté du 16 octobre 1995 sont inscrites au compte spécial les dépenses afférentes à des maladies professionnelles lorsque la victime a été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie ; que le salarié intérimaire a pour seul employeur de l'entreprise utilisatrice et est, s'agissant de la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles affecté à un établissement de cette entreprise dont l'activité génère un risque spécifique et est soumise à une tarification qui lui est propre ; qu'il en résulte que, lorsqu'un assuré a été exposé au même risque successivement en qualité d'intérimaire, salarié d'une entreprise de travail temporaire, puis de salarié de l'entreprise utilisatrice, il a bien été exposé au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes, de sorte que l'article 2,4° de l'arrêté du 16 octobre 1995 est susceptible de s'appliquer à une telle situation ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la victime des maladies professionnelles déclarées en 2015 avait, avant son embauche par l'exposante en 2011, notamment travaillé pour les sociétés Manpower puis Adia, en qualité d'intérimaire opératrice de cires, de 2007 à 2010 ; qu'en jugeant néanmoins « qu'il ne peut être considéré que les conditions posées par l'article 2, 4ème alinéa, de l'arrêté du 16 octobre 1995, sont réunies dès lors que la victime a été exposée au même risque depuis 8 ans dans la même entreprise, qu'elle soit entreprise utilisatrice ou employeur », la cour d'appel a violé les articles L. 1251-16 du code du travail, D. 242-6-1 et D. 242-6-5 du code de la sécurité sociale et l'article 2,4° de l'arrêté du 16 octobre 1995.ECLI:FR:CCASS:2020:C200924
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