Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 septembre 2020, 19-12.036, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 septembre 2020




Cassation


M. CATHALA, président



Arrêt n° 818 FS-P+B

Pourvoi n° A 19-12.036




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

M. O... A..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° A 19-12.036 contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2018 par la cour d'appel de Chambéry (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Somfy activités, société anonyme, dont le siège est [...] , anciennement dénommée société Somfy, défenderesse à la cassation.

La société Somfy activités a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Capitaine, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. A..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Somfy activités, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Capitaine, conseiller rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, MM. Pion, Ricour, Mmes Van Ruymbeke, Gilibert, conseillers, MM. Silhol, Duval, Mmes Valéry, Pecqueur, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué, (Chambéry, 29 novembre 2018), M. A..., engagé en qualité de conseiller technique client à compter du 22 mai 2012 par la société Somfy (la société), a pris trois jours de congés du 23 au 25 novembre 2015 à la suite de la naissance de son enfant le 20 novembre 2015 et a bénéficié de la période de protection de quatre semaines prévue à l'article L. 1225-4-1 du code du travail, jusqu'au 18 décembre 2015.

2. Le salarié a été convoqué le 26 novembre 2015 à un entretien préalable qui s'est tenu le 10 décembre 2015 et a été licencié le 23 décembre 2015 pour insuffisance professionnelle.

3. Contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen du pourvoi incident de l'employeur, pris en sa seconde branche, qui est préalable

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire nul le licenciement du salarié, d'ordonner sa réintégration et de le condamner à payer au salarié diverses sommes, alors « que la prohibition des "mesures préparatoires au licenciement" s'inscrit exclusivement dans le cadre de l'application de l'article L. 1225-4 du code du travail, protégeant la maternité, tel qu'interprété à la lumière de la directive 92/85 du 19 octobre 1992 "concernant la mise en oeuvre des mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail", dont l'objet, en imposant une interdiction de licenciement durant le congé maternité, est d'éviter "des effets dommageables sur la situation physique et psychique des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes", considérées comme un groupe à risque particulièrement sensible devant être protégé contre les dangers les affectant spécifiquement, avant et après l'accouchement, et en particulier celui d'une interruption volontaire de grossesse ; que c'est pour donner plein effet à ces dispositions et parer à ce risque que la Cour de justice a considéré que la prohibition instituée par la directive devait s'étendre aux actes préparatoires au licenciement des travailleuses ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que l'article 10 de la directive 92/85 du 19 octobre 1992 imposerait aux Etats membres de garantir les travailleurs contre les licenciements pouvant intervenir pendant la période de protection et qu'interprétant cette directive, la Cour de justice avait considéré qu'elle interdisait également de prendre des mesures préparatoires au licenciement ; qu'en statuant ainsi, quand la directive 92/85 a exclusivement pour objet de "promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail", que son article 10 n'institue une période de protection que pour lesdites travailleuses, et que l'interdiction des mesures préparatoires au licenciement s'inscrit uniquement dans la perspective d'une protection des travailleurs féminins avant et après l'accouchement, la cour d'appel a violé la directive 92/85 du 19 octobre 1992, en particulier son article 10, ensemble l'article L. 1225-4-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. Le salarié conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que le moyen est nouveau.

6. Le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est de pur droit.

7. Le moyen est donc recevable.

Bien fondé du moyen

Vu l'article L. 1225-4-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 :

8. Selon ce texte, aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'un salarié pendant les quatre semaines suivant la naissance de son enfant. Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressé ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'arrivée de l'enfant.

9. Pour déclarer nul le licenciement prononcé le 23 décembre 2015, l'arrêt retient que la protection de la maternité et/ou lors de la naissance d'un enfant au titre du droit interne est conforme au droit communautaire et notamment à l'article 10 de la directive 92/85 du 19 octobre 1992 qui impose aux Etats membres de garantir les travailleurs contre les licenciements pouvant intervenir pendant la période de protection de la maternité ou lors de la naissance d'un enfant et que sont sanctionnés les actes préparatoires à un licenciement pendant la période de protection du salarié, quels que soient les motifs du licenciement.

10. En statuant ainsi, alors que l'article L. 1225-4-1 du code du travail, qui ne met pas en œuvre l'article 10 de la directive 92/85 du 19 octobre 1992 concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail, interdit à l'employeur de rompre le contrat de travail d'un salarié pendant les quatre semaines suivant la naissance de l'enfant, sauf s'il justifie d'une faute grave ou de son impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l'arrivée de l'enfant, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi principal du salarié, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne M. A... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit, au pourvoi principal, par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. A...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Somfy à payer à M. O... A... une indemnité limitée correspondant aux salaires qu'il aurait dû percevoir après déduction des revenus de remplacement perçus pendant la période entre son éviction (29 février 2016) et sa réintégration (25 janvier 2018) sur la base d'une rémunération brute de base de 2.015,67 euros en mars 2016, de 2.040,67 euros en avril 2016, de 2.054,67 euros en mars 2017 outre la prime d'ancienneté, l'indemnité compensatrice CET et le solde du treizième mois 2016 et le treizième mois 2017 après déduction de la somme de 24.893,08 euros revenus de remplacement perçus par M. O... A... ;

AUX MOTIFS QUE le 4 septembre 2015, M. O... A... annonçait à son employeur que sa femme était enceinte et que le terme était prévu pour fin novembre ; que par courriel du 12 novembre 2015, M. O... A... annonçait à son employeur l'accouchement de sa femme pour le 20 novembre 2015 (vendredi), et qu'il serait absent du 23 au 25 novembre 2015 (lundi à mercredi correspondant aux trois jours de congés pour naissance d'un enfant) conformément à l'article L. 3142-4 3° du code du travail ; que la période de protection de M. O... A... expirait donc le 18 décembre 2015 ; que si la notification du licenciement du 23 décembre 2015 est intervenue postérieurement à cette période, la convocation à l'entretien préalable en date du 26 novembre 2015 et l'entretien préalable se sont tenus pendant la période de protection ; que la protection de la maternité et/ou lors de la naissance d'un enfant au titre du droit interne est conforme au droit communautaire et notamment à l'article 10 de la directive 92/85 du 19 octobre 1992 qui impose aux Etats membres de garantir les travailleurs contre les licenciements pouvant intervenir pendant la période de protection de la maternité ou lors de la naissance d'un enfant ; qu'interprétant cette directive, la Cour de justice des communautés européennes a déclaré qu'« il (était) interdit non seulement de notifier une décision de licenciement en raison de la grossesse et/ou de la naissance d'un enfant pendant la période de protection visée au paragraphe 1 de cet article, mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision, telles que la recherche et la prévision d'un remplacement définitif de l'employée concernée, avant l'échéance de cette période » (CJCE, 11 octobre 2007, aff. 460/06, Paquay) ; que ce qui est sanctionné, ce sont les actes préparatoires à un licenciement pendant la période de protection du salarié, quels que soient les motifs de ce licenciement, qui même s'il repose sur une insuffisance professionnelle peut avoir, en fait, un motif autre ; qu'en l'espèce la convocation à un entretien préalable et l'entretien préalable au licenciement sont des actes préparatoires à un licenciement ;

qu'ils constituent un préalable obligé à la notification éventuelle du licenciement ; que M. O... A... fait également valoir à juste titre que constitue un acte préparatoire à son licenciement, la notification le 27 novembre 2015 de son entretien annuel d'appréciation (EAA) qui s'est déroulé le 11 décembre 2014, soit onze mois plus tôt et alors que M. O... A... avait déjà reçu sa convocation à un entretien préalable, et ce afin de légitimer son licenciement pour insuffisance professionnelle et au mépris des principes et points de repère rappelés dans l'entretien annuel d'appréciation et notamment le point suivant : « A l'issue de l'entretien, le manager enregistrera le compte rendu sur support EAA prévu à cet effet. Le collaborateur peut ajouter les commentaires qui lui semblent utiles. Collaborateur et manager y apposeront leur signature pour accord » ; que l'entretien annuel d'appréciation du 11 décembre 2014 communiqué aux débats n'est ni daté, ni signé par l'employeur et M. O... A... ; que le jugement qui a dit le licenciement de M. O... A... nul sera confirmé. M. O... A... sollicite sa réintégration ; que le jugement qui a ordonné cette réintégration sera confirmé, celle-ci étant effective depuis le 25 janvier 2018, M. O... A... a droit à une indemnité correspondant aux salaires qu'il aurait dû percevoir après déduction des revenus de remplacement reçus pendant la période entre son éviction (29 février 2016) et sa réintégration (25 janvier 2018) ; que le licenciement de M. O... A... n'a pas été prononcé en violation d'une liberté fondamentale ou d'une disposition d'ordre public mais pendant une période de protection dont il bénéficiait en raison de la naissance de son enfant ; que les indemnités chômage doivent bien être déduites ; que le jugement du conseil de prud'hommes avait ordonné la reconstitution du salaire de M. O... A... sur la base d'une rémunération de 2.280,81 euros ; que M. O... A... justifie de l'évolution salariale en 2016, 2017, telle que résultant des négociations annuelles obligatoires sur les salaires pour les Etam ; qu'en mars 2016 sa rémunération mensuelle de base était de 2.015,67 euros outre une prime d'ancienneté de 40,70 euros et une indemnité compensatrice CET (compte épargne-temps) de 94,91 euros ; qu'en avril 2016, sa rémunération de base était de 2.040,67 euros, en mars 2017 de 2.054,67 euros. Pour 2018, M. O... A... a été réintégré le 25 janvier 2018 et l'augmentation salariale intervenue en mars 2018 n'est pas incluse dans l'indemnité revenant à M. O... A... au titre de la nullité de son licenciement ; que c'est sur la base des salaires mensuels ci-dessus que sera calculée l'indemnité revenant à M. O... A.... S'y ajouteront la prime d'ancienneté, l'indemnité compensatrice CET, le solde du treizième mois de l'année 2016 (M. O... A... ayant perçu 335,94 euros lors de son départ), et de l'année 2017 ; que seront déduits de cette indemnité les revenus de remplacement perçus par M. O... A... de Pôle emploi de mai 2016 à décembre 2017 soit 24.893,08 euros ;

ALORS QUE tout licenciement prononcé en méconnaissance du statut protecteur accordé en raison de la naissance d'un enfant est nul et caractérise une atteinte au droit à la protection de la santé garanti par l'article 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958, de sorte que le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et sa réintégration, peu important qu'il ait ou non reçu des revenus de remplacement pendant cette période ; qu'en condamnant l'employeur à verser à M. A..., dont le licenciement avait été annulé du fait d'une atteinte au statut protecteur dont il bénéficiait en raison de la naissance de son enfant, une indemnité correspondant à la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et sa réintégration sous déduction des revenus de remplacement perçus entre mai 2016 et décembre 2017, soit 24.893,08 euros, la cour d'appel a violé l'article L. 1225-4-1 du code du travail dans sa rédaction alors applicable et le droit à la protection de la santé garanti par l'article 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958. Moyen produit, au pourvoi incident, par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Somfy activités

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif de ces chefs, d'AVOIR dit nul le licenciement de Monsieur A..., ordonné sa réintégration au sein de la société SOMFY, et condamné cette dernière à payer à Monsieur A... la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que, infirmant le jugement de ces chefs, d'AVOIR condamné la société SOMFY à payer à Monsieur A... une indemnité correspondant aux salaires qu'il aurait dû percevoir après déduction des revenus de remplacement perçus pendant la période entre son éviction (29 février 2016)
et sa réintégration (25 janvier 2018) sur la base d'une rémunération brute de base de 2.015,67 € en mars 2016, 2.040,67 € en avril 2016, 2.054,67 € en mars 2017 outre la prime d'ancienneté, l'indemnité compensatrice CET, le solde du treizième mois 2016 et le treizième mois 2017, après déduction de la somme de 24. 893,08 € de revenus de remplacement perçus par Monsieur A..., d'AVOIR condamné la société SOMFY à régler à Monsieur A... les sommes dues au titre de la participation et de l'intéressement 2017, et de l'AVOIR condamnée à lui verser la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QU' « aux termes de l'article L. 1225-4-1 du code du travail, en sa rédaction applicable à la cause, aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'un salarié pendant les quatre semaines suivant la naissance de son enfant. Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressé ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'arrivée de l'enfant. Le 4 septembre 2015, M. O... A... annonçait à son employeur que sa femme était enceinte et que le terme était prévu pour fin novembre. Par courriel du 12 novembre 2015, M. O... A... annonçait à son employeur l'accouchement de sa femme pour le 20 novembre 2015 (vendredi), et qu'il serait absent du 23 au 25 novembre 2015 (lundi à mercredi correspondant aux trois jours de congés pour naissance d'un enfant) conformément à l'article L. 3142-4 3° du code du travail. La période de protection de M. O... A... expirait donc le 18 décembre 2015. Si la notification du licenciement du 23 décembre 2015 est intervenue postérieurement à cette période, la convocation à l'entretien préalable en date du 26 novembre 2015 et l'entretien préalable se sont tenus pendant la période de protection. La protection de la maternité et/ou lors de la naissance d'un enfant au titre du droit interne est conforme au droit communautaire et notamment à l'article 10 de la directive 92/85 du 19 octobre 1992 qui impose aux Etats membres de garantir les travailleurs contre les licenciements pouvant intervenir pendant la période de protection de la maternité ou lors de la naissance d'un enfant. Interprétant cette directive, la Cour de justice des communautés européennes a déclaré qu'« il (était) interdit non seulement de notifier une décision de licenciement en raison de la grossesse et/ou de la naissance d'un enfant pendant la période de protection visée au paragraphe 1 de cet article, mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision, telles que la recherche et la prévision d'un remplacement définitif de l'employée concernée, avant l'échéance de cette période » (CJCE, 11 octobre 2007, aff. 460/06, Paquay). Il ne peut être sérieusement soutenu, comme le fait la société Somfy que cette interprétation ne peut être retenue car elle ne sanctionnerait que la décision de licencier en raison de la naissance de l'enfant, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, les actes préparatoires au licenciement de M. O... A... étant sans lien avec la naissance de son enfant mais avec son insuffisance professionnelle. Ce qui est sanctionné, ce sont les actes préparatoires à un licenciement pendant la période de protection du salarié, quel[s] que soi[ent] les motifs de ce licenciement, qui même s'il repose sur une insuffisance professionnelle peut avoir, en fait, un motif autre. Or en l'espèce la convocation à un entretien préalable et l'entretien préalable au licenciement sont des actes préparatoires à un licenciement. Ils constituent un préalable obligé à la notification éventuelle du licenciement. M. O... A... fait également valoir à juste titre que constitue un acte préparatoire à son licenciement, la notification le 27 novembre 2015 de son entretien annuel d'appréciation (EAA) qui s'est déroulé le 11 décembre 2014, soit onze mois plus tôt et alors que M. O... A... avait déjà reçu sa convocation à un entretien préalable, et ce afin de légitimer son licenciement pour insuffisance professionnelle et au mépris des principes et points de repère rappelés dans l'entretien annuel d'appréciation et notamment le point suivant : "A l'issue de l'entretien, le manager enregistrera le compte rendu sur support EAA prévu à cet effet. Le collaborateur peut ajouter les commentaires qui lui semblent utiles. Collaborateur et manager y apposeront leur signature pour accord". L'entretien annuel d'appréciation du 11 décembre 2014 communiqué aux débats n'est ni daté, ni signé par l'employeur et M. O... A.... Le jugement qui a dit le licenciement de M. O... A... nul sera confirmé (
) ; Sur les conséquences du licenciement nul : M. O... A... sollicite sa réintégration. Le jugement qui a ordonné cette réintégration sera confirmé, celle-ci étant effective depuis le 25 janvier 2018. M. O... A... a droit à une indemnité correspondant aux salaires qu'il aurait dû percevoir après déduction des revenus de remplacement reçus pendant la période entre son éviction (29 février 2016) et sa réintégration (25 janvier 2018). (
) Le jugement du conseil de prud'hommes avait ordonné la reconstitution du salaire de M. O... A... sur la base d'une rémunération de 2.280,81 euros. M. O... A... justifie de l'évolution salariale en 2016, 2017, telle que résultant des négociations annuelles obligatoires sur les salaires pour les Etam. En mars 2016 sa rémunération mensuelle de base était de 2.015,67 euros outre une prime d'ancienneté de 40,70 euros et une indemnité compensatrice CET (compte épargne-temps) de 94,91 euros. En avril 2016, sa rémunération de base était de 2.040,67 euros, en mars 2017 de 2.054,67 euros. Pour 2018, M. O... A... a été réintégré le 25 janvier 2018 et l'augmentation salariale intervenue en mars 2018 n'est pas incluse dans l'indemnité revenant à M. O... A... au titre de la nullité de son licenciement. C'est sur la base des salaires mensuels ci-dessus que sera calculée l'indemnité revenant à M. O... A.... S'y ajouteront la prime d'ancienneté, l'indemnité compensatrice CET, le solde du treizième mois de l'année 2016 (M. O... A... ayant perçu 335,94 euros lors de son départ), et de l'année 2017. Seront déduits de cette indemnité les revenus de remplacement perçus par M. O... A... de Pôle emploi de mai 2016 à décembre 2017 soit 24.893,08 euros. La société Somfy sera également condamnée à régler à M. O... A... les sommes dues au titre de la participation et de l'intéressement pour l'année 2017(
) ; Succombant la société Somfy sera condamnée aux dépens et au paiement d'une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés en appel, la somme allouée en première instance étant confirmé » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « sur la nullité du licenciement : Aux termes de l'article L1225-4-1 du Code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'un salarié pendant les quatre semaines suivant la naissance de son enfant. Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressé ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'arrivée de l'enfant. En l'espèce, Monsieur A... a eu un enfant le 20 novembre 2015 et a été licencié pour insuffisance professionnelle le 23 décembre 2015, quelques jours après l'achèvement de la période de protection de quatre semaines instituée à l'article L1225-4-1 du Code du travail. Cependant, il a été convoqué le 26 novembre 2015 à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'à son licenciement et l'entretien a eu lieu le 10 décembre 2015 durant cette période de protection. Or, la convocation à un entretien préalable au licenciement et l'entretien préalable au licenciement constituent, par nature, des actes préparatoires au licenciement, dès lors qu'en leur absence, le licenciement ne peut être prononcé. Il convient en conséquence de prononcer la nullité de la procédure de licenciement initiée par la société SOMFY à l'égard de Monsieur A... et d'ordonner la réintégration de l'intéressé au sein de l'entreprise » ;

1. ALORS QUE l'article L. 1225-4-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, dispose qu'« aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail pendant les 4 semaines suivant la naissance de son enfant ; toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressé ou de l'impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'arrivée de l'enfant » ; qu'ainsi, ces dispositions n'ont nulle vocation à interdire le licenciement pendant la période de protection qu'elles instituent, mais uniquement à en circonscrire les possibilités, de la même manière que les salariées en état de grossesse médicalement constatée bénéficient d'une protection dite « relative » à compter de leur déclaration de grossesse en application de l'article L. 1225-4 du code du travail ; que la protection dite « absolue », telle que prévue par le second alinéa de l'article L. 1225-4 et prohibant le licenciement pour quelque motif que ce soit, ne concerne que les salariées, durant les périodes de suspension de leur contrat visées au premier alinéa de l'article L. 1225-4 ; qu'enfin, c'est uniquement durant ces périodes de protection absolue, qui ne concernent que les salariées, que l'employeur ne peut prendre des mesures dites « préparatoires » au licenciement ; qu'en l'espèce, pour dire nul le licenciement de A..., ordonner sa réintégration, et condamner l'employeur au paiement de diverses sommes, la cour d'appel a considéré que si son licenciement était intervenu après la période de protection visée à l'article L. 1225-4-1, l'employeur, en le convoquant à un entretien préalable à un éventuel licenciement durant cette période, avait pris un acte préparatoire au licenciement, en sorte que quels que soient les motifs de rupture, ce dernier devait être déclaré nul ; qu'en statuant ainsi, quand non seulement l'article L. 1225-4-1 du code du travail n'interdit pas le licenciement, mais qu'en outre la protection qu'il institue est limitée, dans sa rédaction applicable, à la période de quatre semaines suivant la naissance de l'enfant, la cour d'appel a violé l'article L. 1225-4-1 du code du travail dans sa rédaction alors applicable ;

2. ET ALORS, en outre, QUE la prohibition des « mesures préparatoires au licenciement » s'inscrit exclusivement dans le cadre de l'application de l'article L. 1224-5 du code du travail, protégeant la maternité, tel qu'interprété à la lumière de la directive 92/85 du 19 octobre 1992 « concernant la mise en oeuvre des mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail », dont l'objet, en imposant une interdiction de licenciement durant le congé maternité, est d'éviter « des effets dommageables sur la situation physique et psychique des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes », considérées comme un groupe à risque particulièrement sensible devant être protégé contre les dangers les affectant spécifiquement, avant et après l'accouchement, et en particulier celui d'une interruption volontaire de grossesse ; que c'est pour donner plein effet à ces dispositions et parer à ce risque que la Cour de justice a considéré que la prohibition instituée par la directive devait s'étendre aux actes préparatoires au licenciement des travailleuses ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que l'article 10 de la directive 92/85 du 19 octobre 1992 imposerait aux Etats membres de garantir les travailleurs contre les licenciements pouvant intervenir pendant la période de protection et qu'interprétant cette directive, la Cour de justice avait considéré qu'elle interdisait également de prendre des mesures préparatoires au licenciement ; qu'en statuant ainsi, quand la directive 92/85 a exclusivement pour objet de « promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail », que son article 10 n'institue une période de protection que pour lesdites travailleuses, et que l'interdiction des mesures préparatoires au licenciement s'inscrit uniquement dans la perspective d'une protection des travailleurs féminins avant et après l'accouchement, la cour d'appel a violé la directive 92/85 du 19 octobre 1992, en particulier son article 10, ensemble l'article L. 1225-4-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable. ECLI:FR:CCASS:2020:SO00818
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