Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 24 septembre 2020, 19-21.303, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 24 septembre 2020




Cassation


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 669 F-D

Pourvoi n° Y 19-21.303




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 SEPTEMBRE 2020

La société Relais d'Or Miko Maine Armor, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Y 19-21.303 contre l'arrêt rendu le 29 mai 2019 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), dans le litige l'opposant à la société Sofitol, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Corbel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Relais d'Or Miko Maine Armor, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Sofitol, après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Corbel, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 29 mai 2019), par convention du 7 janvier 2008, la société [...] , aux droits de laquelle vient la société Sofitol, a mis à disposition de la société [...] dont, le 31 août 2011, la société Relais d'Or Miko Maine Armor a acheté les parts, des locaux à usage d'entrepôt.

2. Le 14 octobre 2015, la société Relais d'or Miko Maine Armor a assigné la société [...] en remboursement des taxes foncières des années 2011, 2012 et 2013, qu'elle considérait avoir indûment payées.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société Relais d'Or Miko Maine Armor fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors « que la novation, qui est un nouveau contrat ayant pour objet de substituer à une obligation, qu'elle éteint, une obligation nouvelle, qu'elle crée, suppose un nouvel accord des parties et ne se présume pas ; qu'en l'espèce, pour conclure à une volonté de nover opérant transfert de la charge des taxes foncières, la cour d'appel s'est bornée à relever que ces taxes avaient été payées par la société [...] durant le temps de son occupation, puis par la société Relais d'Or Miko Maine Armor venue aux droits de la société [...] pour les années 2011, 2012 et 2013, volontairement et en toute connaissance de cause ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à caractériser une volonté de nover, c'est-à-dire un nouvel accord des parties visant à anéantir les anciennes stipulations contractuelles relatives à la charge des taxes foncières pour y substituer de nouvelles obligations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1271 et 1273 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1271, 1° et 1273 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

4. Aux termes du premier de ces textes, la novation s'opère lorsque le débiteur contracte envers son créancier une nouvelle dette qui est substituée à l'ancienne, laquelle est éteinte. Selon le second, la novation ne se présume pas et la volonté de l'opérer doit résulter clairement de l'acte.

5. Pour rejeter la demande de la société Relais d'Or Miko Maine Armor, l'arrêt retient que, si la convention ne met pas expressément à sa charge la taxe foncière qui est légalement payable par le propriétaire, cette société avait, comme son cédant avant elle, volontairement, toujours réglé cette taxe, sur présentation de factures qui n'avait que ce seul objet, auxquelles étaient annexés les avis d'imposition en cause et qui étaient contrôlées par la comptable de la société et signées par paraphe par le président après avoir apposé lui-même la mention bon à payer, de sorte que ces paiements n'ont pas été faits par erreur et que, par ces actes positifs, non équivoques, sont intervenus un transfert de la charge de la taxe foncière et donc la volonté de nover.

6. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la volonté non équivoque de la société Relais d'Or Miko Maine Armor de nover la convention initiale en y ajoutant une obligation qu'elle ne mettait pas à sa charge, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Condamne la société Sofitol aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Sofitol et la condamne à payer à la société Relais d'Or Miko Maine Armor la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Relais d'Or Miko Maine Armor.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté la demande de la société Relais d'Or Miko Maine Armor en paiement de l'indu au titre des remboursements de taxes foncières des années 2011, 2012 et 2013 et d'AVOIR condamné la société Relais d'Or Miko Maine Armor à payer à la société Sofitol la somme de 3 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

AUX MOTIFS QUE sur la demande de remboursement des taxes foncières réglées par la société Relais d'Or Miko Maine-Armor, la société Relais d'Or Miko Maine-Armor conclut à la condamnation de la société Sofitol au remboursement des taxes foncières réglées pour l'occupation des locaux litigieux en faisant valoir qu'aucune clause de la convention du 7 janvier 2008 ne mettait à la charge de l'occupant cette taxe ; que la société Sofitol venant aux droits de la société [...] considère que la convention laisse à la charge de l'occupant toutes les charges et aux termes de son article 6 les taxes et contributions à la charge du propriétaire ; qu'elle rappelle que la commune intention des parties au moment de la conclusion de la convention a été de laisser à l'occupant l'intégralité des frais d'entretien du bâtiment, des espaces verts, des installations frigorifiques y compris les grosses réparations de l'article 606 du code civil ; qu'elle souligne que lors de l'exécution de la convention, l'occupant a toujours réglé le montant de la taxe foncière en le remboursant au propriétaire et que l'intimée l'a aussi poursuivi en toute connaissance de cause ; que la société le Relais d'Or Miko Maine-Armor rétorque que les stipulations de la convention sur la répartition des frais et charges sont claires et n'impose aucune interprétation, la taxe foncière n'y étant pas visée ; qu'à titre subsidiaire, elle considère qu'il n'y pas eu de novation en l'absence de toute volonté exprimée de manière non équivoque et clairement ; qu'il doit être constaté à sa lecture que la convention en cause ne stipule nullement que la taxe foncière sera supportée par l'occupant ; qu'effectivement, dans l'article 4 h, il est énoncé que la société [...] paiera les contributions personnelles, mobilières, taxe professionnelle ou équivalent, taxes locatives et autres de toute nature, la concernant personnellement ou relatives à son activité, auxquelles elle est ou pourra être assujettie, qu'elle devra satisfaire à toutes les charges de ville et règlements sanitaires, de voirie, de salubrité ou de police ainsi qu'à celles qui pourraient être imposées par tous plans d'urbanisme ou d'aménagement la concernant personnellement, en relation avec son activité, de manière que la société [...] ne puisse être ni inquiétée, ni recherchée à ce sujet ; que l'article 6 intitulé charges, taxe et prestations diverses prévoit qu'il est convenu entre que la société [...] supportera la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, la taxe de balayage, toute nouvelle contribution, taxe municipale ou autres, sous quelque dénomination que ce soit et pouvant être mises à sa charge, seront aussi à sa charge toutes les prestations et fournitures que la société [...] est légalement en droit de récupérer sur la société [...] ; qu'à raison, le tribunal a constaté que la convention ne mettait pas expressément à la charge de l'occupant la taxe foncière, qui est légalement payable par le propriétaire ; qu'en revanche, il doit être constaté que la société [...] a volontairement et toujours réglé cette taxe durant le temps de son occupation ; qu'après la cession des droits sociaux intervenue le 31 août 2011, la société Relais d'Or Miko Bretagne a poursuivi le règlement du remboursement de la taxe foncière puisque des paiements sont intervenus le 14 novembre 2011, le 22 octobre 2012, et le 10 octobre 2013 ; que ces remboursements ont été opérés volontairement et en toute connaissance de cause ; qu'il convient en effet d'observer que lors de la cession, les comptes de la société [...] ont été audités par la société Relais d'Or Miko Bretagne et qu'ils mentionnaient clairement le remboursement de la taxe foncière Pordic et étaient par ailleurs annexés à l'acte de cession paraphé et signé par le président de la société Relais d'Or Miko Bretagne, M. P... F... ; que l'intimée est donc mal fondée à soutenir que le remboursement de la taxe foncière au moment de la cession était ignoré et alors que la société Relais d'Or Miko Bretagne a opéré régulièrement par la suite son règlement intégral ; qu'elle conclut cependant que ces paiements ont été réalisés par erreur en exposant avoir conservé dans ses effectifs l'ancienne comptable de la famille Y..., Mme M... V..., qui aurait reproduit les erreurs passées ; que pourtant, il doit être observé que les factures de taxes foncières éditées par la société [...] avaient pour seul objet leur remboursement et aucune autre prestation, qu'elles étaient clairement libellées pour mentionner les taxes foncières de la [...] , étaient annexées des avis d'imposition en cause, étaient contrôlées par Mme V..., comptable et signées par paraphe par M. F... après avoir apposé lui-même la mention bon à payer, le contrôle virements teletransmis concernant chaque règlement étant au surplus signé par ce dernier ; qu'en conséquence, la société Relais d'Or Miko Maine-Armor ne peut sérieusement soutenir que ces sommes ont été payées par erreur et alors qu'au surplus, le président de Relais d'Or Miko Bretagne se montrait particulièrement rigoureux dans le suivi des factures comme en témoigne son courrier électronique communiqué à la procédure et aux termes duquel il indique avoir demandé à Mme V... de surseoir à statuer au règlement de loyers dans la perspective d'une compensation ; que si l'article 1273 du code civil énonce que la novation ne se présume point, qu'il faut que la volonté de l'opérer résulte clairement de l'acte, il doit être constaté que par ces actes positifs non équivoques est bien intervenu un transfert de la charge de la taxe foncière et donc la volonté de nover ; que dès lors, la société Relais d'Or Miko Maine-Armor sera déboutée de sa demande en répétition d'un indu alors qu'elle a en toute connaissance de cause procéder au règlement de la taxe foncière et que le jugement déféré sera donc infirmé ; sur la charge des dépens et des frais non répétibles, que conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la société Relais d'Or Miko Maine-Armor succombant à la procédure en assumera les entiers dépens et qu'une somme de 3 500 € sera allouée à la société Sofitol pour les frais exposés en première instance et en appel,

1- ALORS QUE la novation, qui est un nouveau contrat ayant pour objet de substituer à une obligation, qu'elle éteint, une obligation nouvelle, qu'elle crée, suppose un nouvel accord des parties et ne se présume pas ; qu'en l'espèce, pour conclure à une volonté de nover opérant transfert de la charge des taxes foncières, la cour d'appel s'est bornée à relever que ces taxes avaient été payées par la société [...] durant le temps de son occupation, puis par la société Relais d'Or Miko Maine Armor venue aux droits de la société [...] pour les années 2011, 2012 et 2013, volontairement et en toute connaissance de cause ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à caractériser une volonté de nover, c'est-à-dire un nouvel accord des parties visant à anéantir les anciennes stipulations contractuelles relatives à la charge des taxes foncières pour y substituer de nouvelles obligations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1271 et 1273 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

2- ET ALORS QUE ce qui a été payé indûment est sujet à répétition, sans qu'aucune autre preuve soit nécessaire ; qu'en se fondant sur l'existence de paiements intervenus volontairement et en toute connaissance de cause par la société Relais d'Or Miko Maine Armor, c'est-à-dire sur l'absence d'erreur commise par cette société, pour rejeter son action en répétition d'un indu objectif, la cour d'appel a violé les articles 1235 et 1376 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

3- ALORS, à tout le moins, QUE pour conclure à l'existence de paiements intervenus volontairement et en toute connaissance de cause, la cour a relevé, d'une part, que la société Relais d'Or Miko Maine Armor n'ignorait pas les remboursements effectués jusqu'à la cession par la société [...], qui étaient mentionnés par les comptes audités lors de cette cession, d'autre part, que les remboursements à compter de 2011 avaient été effectués par la société Relais d'Or Miko Maine Armor en paiement de factures clairement libellées et validées par le dirigeant de la société, lequel se montrait particulièrement rigoureux dans le suivi des factures ; qu'en statuant par ces seuls motifs, sans rechercher si, comme cela était soutenu, ce n'était pas seulement en 2014, à l'occasion d'une analyse juridique de la convention du 7 janvier 2008, que la société Relais d'Or Miko Maine Armor s'était aperçue que la société [...] n'avait pas contractuellement droit au remboursement des taxes foncières, et donc par des motifs insuffisants à exclure toute erreur sur le droit commise par la société Relais d'Or Miko Maine Armor lorsqu'elle avait procédé aux paiements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1235 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.ECLI:FR:CCASS:2020:C300669
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