Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 10 septembre 2020, 19-15.511, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 10 septembre 2020, 19-15.511, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 19-15.511
- ECLI:FR:CCASS:2020:C300485
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du jeudi 10 septembre 2020
Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, du 28 novembre 2018Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 10 septembre 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 485 F-D
Pourvoi n° C 19-15.511
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 SEPTEMBRE 2020
M. C... M..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° C 19-15.511 contre l'arrêt rendu le 28 novembre 2018 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant à H... Q..., veuve M..., ayant été domiciliée [...] , décédée, aux droits de laquelle vient M. T... M..., domicilié [...] , agissant en qualité d'héritier,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dagneaux, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. C... M..., de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. T... M..., après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dagneaux, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 28 novembre 2018), par acte du 19 avril 1999, F... et H... M... ont consenti à leur fils C... un bail à long terme sur différentes parcelles. Après le décès de F... M..., son épouse a opté pour l'usufruit de tous les biens dépendant de la succession, de sorte que la nue-propriété des biens est devenue indivise entre C... et T..., ses deux fils.
2. Par acte du 16 décembre 2015, H... M... a délivré un congé, à effet au 30 septembre 2017, à M. C... M... pour reprise au profit de son petit-fils Y..., fils de M. T... M....
3. Par déclaration du 13 avril 2016, M. C... M... a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en contestation du congé. M. T... M... a défendu à l'action en sa qualité d'héritier de H... M..., décédée le [...].
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. M. C... M... fait grief à l'arrêt de valider le congé délivré le 16 décembre 2015 par H... M..., d'ordonner son expulsion et de déclarer irrecevable le moyen tendant à la nullité du congé au motif de l'inexactitude de la mention, dans l'acte de congé, de la profession du repreneur, alors :
« 1°/ que le congé doit mentionner si le bien objet de la reprise est destiné à être exploité à titre individuel ou par mise à disposition d'une société ; que l'indication que le bénéficiaire de la reprise exploitera personnellement le bien repris, qui ne traduit que l'engagement du bénéficiaire de se conformer à l'obligation posée par l'article L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime, ne satisfait pas à cette prescription en ce qu'elle ne renseigne pas sur le mode d'exploitation futur du bien repris ; qu'en considérant que la mention, dans le congé délivré à M. C... M..., que le bénéficiaire du congé exploitera personnellement le bien repris, n'était pas de nature à induire le preneur en erreur sur la forme d'exploitation des terres, au motif inopérant qu'aucune mention du congé ni aucun élément du dossier ne permettait de croire que les terres seraient mises à disposition d'une personne morale, quand le congé ne mentionnait pas non plus si le bénéficiaire de la reprise exploiterait à titre individuel, ce qui laissait le preneur dans l'incertitude et lui causait grief, la cour d'appel a violé l'article L. 411-47 du code rural et de la pêche maritime ;
2°/ que, dans une procédure orale, c'est au jour de l'audience des plaidoiries qu'il convient d'apprécier l'ordre des moyens de défense et ainsi de vérifier que les exceptions de nullité ont été soulevées oralement à l'audience, avant toute défense au fond ; qu'en déclarant irrecevable l'exception de nullité pour vice de forme du congé, tirée de l'erreur affectant la mention de la profession du bénéficiaire de la reprise, au motif que la nullité pour vice de forme avait été soulevée lors de la dernière audience devant le tribunal paritaire après des défenses au fond dans l'acte de saisine, quand elle devait s'attacher à l'ordre de présentation des défenses présentées oralement devant elle, la cour d'appel a violé les articles 892 et 446-1 du code de procédure civile, et par fausse application, les articles 74 et 112 du même code. »
Réponse de la Cour
5. D'une part, la cour d'appel a retenu qu'il résultait de la combinaison des articles L. 411-47 et L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime que, lorsque le bien objet de la reprise est destiné à être exploité par mise à la disposition d'une société, le congé doit mentionner cette circonstance.
6. Elle a constaté que le congé délivré par H... M... indiquait qu'il était donné pour reprise au profit de son petit-fils agriculteur, lequel prenait l'engagement d'exploiter personnellement les biens repris, et relevé qu'aucun élément du dossier n'établissait que les terres seraient exploitées par une personne morale.
7. Elle en a souverainement déduit que le congé était suffisamment précis, concernant les conditions d'exploitation des biens repris, pour ne pas induire en erreur le preneur.
8. D'autre part, il ne résulte ni des mentions de l'arrêt, ni des conclusions qu'il a oralement soutenues à l'audience des plaidoiries devant la cour d'appel, que M. C... M... ait, lors de celle-ci, présenté l'exception de nullité du congé pour plusieurs motifs de forme avant toute défense au fond.
9. Le moyen, pour partie irrecevable, n'est donc pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. C... M... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par
M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du dix septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour M. C... M...
- Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir validé le congé délivré le 16 décembre 2015 par Mme Q... veuve M..., ès qualité d'usufruitière, à M. C... M... sur les parcelles situées à [...], objet du bail rural du 19 avril 1999, d'avoir ordonné, à défaut de départ volontaire pour le 30 septembre 2017, l'expulsion de M. C... M... et de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et d'avoir déclaré irrecevable le moyen tendant à la nullité du congé au motif de l'inexactitude de la mention, dans l'acte de congé, de la profession du repreneur ;
AUX MOTIFS PROPRE QUE
« sur la validité du congé
M. C... M... prétend à la nullité du congé aux motifs :
- que l'usufruitière n'a pas qualité à délivrer seule le congé,
- que le congé ne donne pas d'information sur la forme de l'exploitation envisagée par le repreneur,
- qu'il n'est pas justifié qu'une autorisation d'exploiter n'est pas nécessaire au regard des revenus du repreneur,
- que le régime des nullités est celui du code rural et de la pêche maritime et non celui du code de procédure civile.
Mme Q... soutient pour sa part :
- Que l'article 595 du code civil ne régit pas le congé,
- Que le congé n'a pas à préciser que le repreneur n'envisage pas de mettre à disposition d'une personne morale les terres reprises,
- Que la demande d'autorisation faite par le repreneur a reçu pour réponse qu'une telle autorisation n'était pas nécessaire ; qu'au demeurant, il s'agit de terres familiales détenues par le bailleur depuis plus de neuf années,
- que la nullité des congés ruraux obéit aux règles de nullité du code de procédure civile et doit être soulevée avant toute défense au fond ce qui n'est pas le cas du moyen tenant à l'inexactitude de la profession du repreneur soulevée pour la première fois en appel.
C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a retenu que les dispositions de l'article 595 du code civil ne faisaient pas obstacle au droit de l'usufruitier de délivrer congé sans concours du ou des nu-propriétaires. Par ces mêmes motifs, il a pu juger que la forme d'exploitation par le repreneur était claire et excluait la possibilité pour le preneur fût induit en erreur. En effet, il résulte de la combinaison des articles L. 411-47 et L.411-59 du code rural et de la pêche maritime que, lorsque le bien objet de la reprise est destiné à être exploité par mise à disposition d'une société, le congé doit mentionner cette circonstance. Cependant, aucune mention du congé ni aucun élément du dossier ne permet de croire que les terres seront exploitées par mise à disposition à une personne morale. Aussi, la seule mention dans l'acte que le repreneur exploitera personnellement n'est pas de nature à induire en erreur sur la forme d'exploitation des terres.
De plus, la bailleresse justifie qu'aucune autorisation d'exploiter n'est nécessaire en produisant les courriers du 9 juin 2016 et 15 décembre 2015 des services préfectoraux compétents notifiant au repreneur que son projet de reprise n'était pas soumis à autorisation ni d'ailleurs à déclaration, en considération de plusieurs motifs dont le motif lié au niveau de revenu.
Sur le moyen tiré de l'inexactitude de la profession du repreneur, nouveau moyen en appel, la bailleresse soutient son irrecevabilité au motif que les moyens de défenses au fond ont déjà été présentées par l'appelant qui ne développe ce moyen qu'en cause d'appel.
Contrairement à ce que soutient le preneur, le congé est donné par acte d'huissier et se trouve donc soumis, par application aux dispositions de l'article 649 du code de procédure civile, aux règles qui gouvernent la nullité des actes de procédure. Or, en application de l'article 112 du code précité, la nullité des actes pour vice de forme est couverte si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité.
En l'espèce, c'est une nullité pour vice de forme qui est soulevée puisque le preneur soutient que la mention de la profession, exigée à l'article L.411-47 du code rural et de la pêche maritime à peine de nullité de l'acte, est erronée.
Or, la nullité pour vice de forme a bien été soulevée devant le tribunal paritaire des baux ruraux comme le démontre la lecture de la note d'audience. La nullité de forme était certes fondée sur l'absence dans l'acte et en violation des dispositions de l'article L. 411-47 du code rural et de la pêche maritime, de précisions sur le cadre de l'exploitation. Cependant, cette nullité pour vice de forme a été soulevée lors de la dernière audience devant le tribunal après développement des défenses au fond dans l'acte de saisine.
Dès lors que la nullité de l'acte soulevée devant la cour l'a été après développements de défenses au fond, il faut la dire irrecevable. »
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE
« sur la régularité du congé délivré le 16 décembre 2015
Aux termes de l'article L411-47 du code rural et de la pêche maritime, le propriétaire qui entend s'opposer au renouvellement doit notifier congé au preneur, dix-huit mois au moins avant l'expiration du bail, par acte extrajudiciaire.
A peine de nullité, le congé doit :
- mentionner expressément les motifs allégués par le bailleur ;
- indiquer, en cas de congé pour reprise, les nom, prénom, âge, domicile et profession du bénéficiaire ou des bénéficiaires devant exploiter conjointement le bien loué et, éventuellement, pour le cas d'empêchement, d'un bénéficiaire subsidiaire, ainsi que l'habitation ou éventuellement les habitations que devront occuper après la reprise le ou les bénéficiaires du bien repris ;
- reproduire les termes de l'alinéa premier de l'article L. 411-54.
La nullité ne sera toutefois pas prononcée si l'omission ou l'inexactitude constatée ne sont pas de nature à induire le preneur en erreur.
En application de l'article 595 alinéa 4 du code civil, l'usufruitier ne peut, sans le concours du nu-propriétaire, donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal. A défaut d'accord du nu-propriétaire, l'usufruitier peut être autorisé par justice à passer seul cet acte ; qu'il est constant que si ces dispositions interdisent à l'usufruitier de donner à bail un fonds rural sans le concours du nu-propriétaire, ou, à défaut, sans y être autorisé par justice, elles ne font cependant pas obstacle à ce que cet usufruitier délivre seul congé aux fins de reprise même si celle-ci est exercée au profit d'un descendant (v. par ex Civ 3ème 5 février 1997).
En l'espèce, Madame H... Q... veuve M... a délivré congé à Monsieur C... M... par acte d'huissier en date du 16 décembre 2015.
Le demandeur soulève, en premier lieu, le défaut de qualité de Madame H... Q... veuve M..., en tant qu'usufruitière, pour délivrer seule le congé sur les parcelles occupées. Cependant, il ressort des éléments sus-mentionnés que la qualité de bailleur appartient au seul usufruitier lequel peut alors délivrer seul un congé sans le concours des nu-propriétaires.
Il en résulte que Madame H... Q... veuve M... avait bien qualité pour délivrer seule le congé litigieux.
Le demandeur soutient, en second lieu, que le congé délivré est nul en raison de l'existence d'un vice de forme, celui-ci étant imprécis, quant au projet du bénéficiaire de la reprise, notamment s'agissant de la forme sous laquelle il entend exploiter les parcelles. Toutefois, le congé délivré par Madame H... Q... veuve M... indique expressément que celui-ci est donné pour reprise au profit de son « petit-fils Y... M..., agriculteur, titulaire du baccalauréat agricole, agronomie, alimentation, environnement, territoires, né à VOUZIERS le 26 mai 1990, âgé de 25 ans, demeurant à [...] où il continuera de demeurer après la reprise et actuellement installé sur une exploitation de 59 ha. [
] Le bénéficiaire de la reprise prend l'engagement d'exploiter personnellement les biens repris ». Ce congé décrit donc précisément l'identité ainsi que la qualité du repreneur et ne fait référence à aucune société à laquelle il pourrait appartenir, mention qui aurait pu induire le demandeur en erreur et qui aurait pu être source d'incertitude quant à la forme de l'exploitation envisagée. Dès lors, il apparaît que les mentions de ce congé ne présentent aucunes ambiguïtés quant aux conditions d'exploitations envisagées par le bénéficiaire de la reprise lequel entend exploiter individuellement les parcelles reprises.
En conséquence, il convient de valider le congé pour reprise délivré par Madame H... Q... veuve M... et d'inviter Monsieur C... M... à libérer les parcelles litigieuses au plus tard au 30 septembre 2017, terme du congé. A défaut de libération des parcelles à cette date, il pourra être procédé à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, ainsi qu'il sera dit au dispositif. ».
1) ALORS QUE le congé doit mentionner si le bien objet de la reprise est destiné à être exploité à titre individuel ou par mise à disposition d'une société ; que l'indication que le bénéficiaire de la reprise exploitera personnellement le bien repris, qui ne traduit que l'engagement du bénéficiaire de se conformer à l'obligation posée par l'article L 411-59 du code rural et de la pêche maritime, ne satisfait pas à cette prescription en ce qu'elle ne renseigne pas sur le mode d'exploitation futur du bien repris ; qu'en considérant que la mention, dans le congé délivré à M. C... M..., que le bénéficiaire du congé exploitera personnellement le bien repris, n'était pas de nature à induire le preneur en erreur sur la forme d'exploitation des terres, au motif inopérant qu'aucune mention du congé ni aucun élément du dossier ne permettait de croire que les terres seraient mises à disposition d'une personne morale, quand le congé ne mentionnait pas non plus si le bénéficiaire de la reprise exploiterait à titre individuel, ce qui laissait le preneur dans l'incertitude et lui causait grief, la cour d'appel a violé l'article L 411-47 du code rural et de la pêche maritime ;
2) ALORS QUE, dans une procédure orale, c'est au jour de l'audience des plaidoiries qu'il convient d'apprécier l'ordre des moyens de défense et ainsi de vérifier que les exceptions de nullité ont été soulevées oralement à l'audience, avant toute défense au fond ; qu'en déclarant irrecevable l'exception de nullité pour vice de forme du congé, tirée de l'erreur affectant la mention de la profession du bénéficiaire de la reprise, au motif que la nullité pour vice de forme avait été soulevée lors de la dernière audience devant le tribunal paritaire après des défenses au fond dans l'acte de saisine, quand elle devait s'attacher à l'ordre de présentation des défenses présentées oralement devant elle, la cour d'appel a violé les articles 892 et 446-1 du code de procédure civile, et par fausse application, les articles 74 et 112 du même code.ECLI:FR:CCASS:2020:C300485
CIV. 3
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 10 septembre 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 485 F-D
Pourvoi n° C 19-15.511
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 SEPTEMBRE 2020
M. C... M..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° C 19-15.511 contre l'arrêt rendu le 28 novembre 2018 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant à H... Q..., veuve M..., ayant été domiciliée [...] , décédée, aux droits de laquelle vient M. T... M..., domicilié [...] , agissant en qualité d'héritier,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dagneaux, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. C... M..., de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. T... M..., après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dagneaux, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 28 novembre 2018), par acte du 19 avril 1999, F... et H... M... ont consenti à leur fils C... un bail à long terme sur différentes parcelles. Après le décès de F... M..., son épouse a opté pour l'usufruit de tous les biens dépendant de la succession, de sorte que la nue-propriété des biens est devenue indivise entre C... et T..., ses deux fils.
2. Par acte du 16 décembre 2015, H... M... a délivré un congé, à effet au 30 septembre 2017, à M. C... M... pour reprise au profit de son petit-fils Y..., fils de M. T... M....
3. Par déclaration du 13 avril 2016, M. C... M... a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en contestation du congé. M. T... M... a défendu à l'action en sa qualité d'héritier de H... M..., décédée le [...].
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. M. C... M... fait grief à l'arrêt de valider le congé délivré le 16 décembre 2015 par H... M..., d'ordonner son expulsion et de déclarer irrecevable le moyen tendant à la nullité du congé au motif de l'inexactitude de la mention, dans l'acte de congé, de la profession du repreneur, alors :
« 1°/ que le congé doit mentionner si le bien objet de la reprise est destiné à être exploité à titre individuel ou par mise à disposition d'une société ; que l'indication que le bénéficiaire de la reprise exploitera personnellement le bien repris, qui ne traduit que l'engagement du bénéficiaire de se conformer à l'obligation posée par l'article L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime, ne satisfait pas à cette prescription en ce qu'elle ne renseigne pas sur le mode d'exploitation futur du bien repris ; qu'en considérant que la mention, dans le congé délivré à M. C... M..., que le bénéficiaire du congé exploitera personnellement le bien repris, n'était pas de nature à induire le preneur en erreur sur la forme d'exploitation des terres, au motif inopérant qu'aucune mention du congé ni aucun élément du dossier ne permettait de croire que les terres seraient mises à disposition d'une personne morale, quand le congé ne mentionnait pas non plus si le bénéficiaire de la reprise exploiterait à titre individuel, ce qui laissait le preneur dans l'incertitude et lui causait grief, la cour d'appel a violé l'article L. 411-47 du code rural et de la pêche maritime ;
2°/ que, dans une procédure orale, c'est au jour de l'audience des plaidoiries qu'il convient d'apprécier l'ordre des moyens de défense et ainsi de vérifier que les exceptions de nullité ont été soulevées oralement à l'audience, avant toute défense au fond ; qu'en déclarant irrecevable l'exception de nullité pour vice de forme du congé, tirée de l'erreur affectant la mention de la profession du bénéficiaire de la reprise, au motif que la nullité pour vice de forme avait été soulevée lors de la dernière audience devant le tribunal paritaire après des défenses au fond dans l'acte de saisine, quand elle devait s'attacher à l'ordre de présentation des défenses présentées oralement devant elle, la cour d'appel a violé les articles 892 et 446-1 du code de procédure civile, et par fausse application, les articles 74 et 112 du même code. »
Réponse de la Cour
5. D'une part, la cour d'appel a retenu qu'il résultait de la combinaison des articles L. 411-47 et L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime que, lorsque le bien objet de la reprise est destiné à être exploité par mise à la disposition d'une société, le congé doit mentionner cette circonstance.
6. Elle a constaté que le congé délivré par H... M... indiquait qu'il était donné pour reprise au profit de son petit-fils agriculteur, lequel prenait l'engagement d'exploiter personnellement les biens repris, et relevé qu'aucun élément du dossier n'établissait que les terres seraient exploitées par une personne morale.
7. Elle en a souverainement déduit que le congé était suffisamment précis, concernant les conditions d'exploitation des biens repris, pour ne pas induire en erreur le preneur.
8. D'autre part, il ne résulte ni des mentions de l'arrêt, ni des conclusions qu'il a oralement soutenues à l'audience des plaidoiries devant la cour d'appel, que M. C... M... ait, lors de celle-ci, présenté l'exception de nullité du congé pour plusieurs motifs de forme avant toute défense au fond.
9. Le moyen, pour partie irrecevable, n'est donc pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. C... M... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par
M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du dix septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour M. C... M...
- Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir validé le congé délivré le 16 décembre 2015 par Mme Q... veuve M..., ès qualité d'usufruitière, à M. C... M... sur les parcelles situées à [...], objet du bail rural du 19 avril 1999, d'avoir ordonné, à défaut de départ volontaire pour le 30 septembre 2017, l'expulsion de M. C... M... et de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et d'avoir déclaré irrecevable le moyen tendant à la nullité du congé au motif de l'inexactitude de la mention, dans l'acte de congé, de la profession du repreneur ;
AUX MOTIFS PROPRE QUE
« sur la validité du congé
M. C... M... prétend à la nullité du congé aux motifs :
- que l'usufruitière n'a pas qualité à délivrer seule le congé,
- que le congé ne donne pas d'information sur la forme de l'exploitation envisagée par le repreneur,
- qu'il n'est pas justifié qu'une autorisation d'exploiter n'est pas nécessaire au regard des revenus du repreneur,
- que le régime des nullités est celui du code rural et de la pêche maritime et non celui du code de procédure civile.
Mme Q... soutient pour sa part :
- Que l'article 595 du code civil ne régit pas le congé,
- Que le congé n'a pas à préciser que le repreneur n'envisage pas de mettre à disposition d'une personne morale les terres reprises,
- Que la demande d'autorisation faite par le repreneur a reçu pour réponse qu'une telle autorisation n'était pas nécessaire ; qu'au demeurant, il s'agit de terres familiales détenues par le bailleur depuis plus de neuf années,
- que la nullité des congés ruraux obéit aux règles de nullité du code de procédure civile et doit être soulevée avant toute défense au fond ce qui n'est pas le cas du moyen tenant à l'inexactitude de la profession du repreneur soulevée pour la première fois en appel.
C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a retenu que les dispositions de l'article 595 du code civil ne faisaient pas obstacle au droit de l'usufruitier de délivrer congé sans concours du ou des nu-propriétaires. Par ces mêmes motifs, il a pu juger que la forme d'exploitation par le repreneur était claire et excluait la possibilité pour le preneur fût induit en erreur. En effet, il résulte de la combinaison des articles L. 411-47 et L.411-59 du code rural et de la pêche maritime que, lorsque le bien objet de la reprise est destiné à être exploité par mise à disposition d'une société, le congé doit mentionner cette circonstance. Cependant, aucune mention du congé ni aucun élément du dossier ne permet de croire que les terres seront exploitées par mise à disposition à une personne morale. Aussi, la seule mention dans l'acte que le repreneur exploitera personnellement n'est pas de nature à induire en erreur sur la forme d'exploitation des terres.
De plus, la bailleresse justifie qu'aucune autorisation d'exploiter n'est nécessaire en produisant les courriers du 9 juin 2016 et 15 décembre 2015 des services préfectoraux compétents notifiant au repreneur que son projet de reprise n'était pas soumis à autorisation ni d'ailleurs à déclaration, en considération de plusieurs motifs dont le motif lié au niveau de revenu.
Sur le moyen tiré de l'inexactitude de la profession du repreneur, nouveau moyen en appel, la bailleresse soutient son irrecevabilité au motif que les moyens de défenses au fond ont déjà été présentées par l'appelant qui ne développe ce moyen qu'en cause d'appel.
Contrairement à ce que soutient le preneur, le congé est donné par acte d'huissier et se trouve donc soumis, par application aux dispositions de l'article 649 du code de procédure civile, aux règles qui gouvernent la nullité des actes de procédure. Or, en application de l'article 112 du code précité, la nullité des actes pour vice de forme est couverte si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité.
En l'espèce, c'est une nullité pour vice de forme qui est soulevée puisque le preneur soutient que la mention de la profession, exigée à l'article L.411-47 du code rural et de la pêche maritime à peine de nullité de l'acte, est erronée.
Or, la nullité pour vice de forme a bien été soulevée devant le tribunal paritaire des baux ruraux comme le démontre la lecture de la note d'audience. La nullité de forme était certes fondée sur l'absence dans l'acte et en violation des dispositions de l'article L. 411-47 du code rural et de la pêche maritime, de précisions sur le cadre de l'exploitation. Cependant, cette nullité pour vice de forme a été soulevée lors de la dernière audience devant le tribunal après développement des défenses au fond dans l'acte de saisine.
Dès lors que la nullité de l'acte soulevée devant la cour l'a été après développements de défenses au fond, il faut la dire irrecevable. »
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE
« sur la régularité du congé délivré le 16 décembre 2015
Aux termes de l'article L411-47 du code rural et de la pêche maritime, le propriétaire qui entend s'opposer au renouvellement doit notifier congé au preneur, dix-huit mois au moins avant l'expiration du bail, par acte extrajudiciaire.
A peine de nullité, le congé doit :
- mentionner expressément les motifs allégués par le bailleur ;
- indiquer, en cas de congé pour reprise, les nom, prénom, âge, domicile et profession du bénéficiaire ou des bénéficiaires devant exploiter conjointement le bien loué et, éventuellement, pour le cas d'empêchement, d'un bénéficiaire subsidiaire, ainsi que l'habitation ou éventuellement les habitations que devront occuper après la reprise le ou les bénéficiaires du bien repris ;
- reproduire les termes de l'alinéa premier de l'article L. 411-54.
La nullité ne sera toutefois pas prononcée si l'omission ou l'inexactitude constatée ne sont pas de nature à induire le preneur en erreur.
En application de l'article 595 alinéa 4 du code civil, l'usufruitier ne peut, sans le concours du nu-propriétaire, donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal. A défaut d'accord du nu-propriétaire, l'usufruitier peut être autorisé par justice à passer seul cet acte ; qu'il est constant que si ces dispositions interdisent à l'usufruitier de donner à bail un fonds rural sans le concours du nu-propriétaire, ou, à défaut, sans y être autorisé par justice, elles ne font cependant pas obstacle à ce que cet usufruitier délivre seul congé aux fins de reprise même si celle-ci est exercée au profit d'un descendant (v. par ex Civ 3ème 5 février 1997).
En l'espèce, Madame H... Q... veuve M... a délivré congé à Monsieur C... M... par acte d'huissier en date du 16 décembre 2015.
Le demandeur soulève, en premier lieu, le défaut de qualité de Madame H... Q... veuve M..., en tant qu'usufruitière, pour délivrer seule le congé sur les parcelles occupées. Cependant, il ressort des éléments sus-mentionnés que la qualité de bailleur appartient au seul usufruitier lequel peut alors délivrer seul un congé sans le concours des nu-propriétaires.
Il en résulte que Madame H... Q... veuve M... avait bien qualité pour délivrer seule le congé litigieux.
Le demandeur soutient, en second lieu, que le congé délivré est nul en raison de l'existence d'un vice de forme, celui-ci étant imprécis, quant au projet du bénéficiaire de la reprise, notamment s'agissant de la forme sous laquelle il entend exploiter les parcelles. Toutefois, le congé délivré par Madame H... Q... veuve M... indique expressément que celui-ci est donné pour reprise au profit de son « petit-fils Y... M..., agriculteur, titulaire du baccalauréat agricole, agronomie, alimentation, environnement, territoires, né à VOUZIERS le 26 mai 1990, âgé de 25 ans, demeurant à [...] où il continuera de demeurer après la reprise et actuellement installé sur une exploitation de 59 ha. [
] Le bénéficiaire de la reprise prend l'engagement d'exploiter personnellement les biens repris ». Ce congé décrit donc précisément l'identité ainsi que la qualité du repreneur et ne fait référence à aucune société à laquelle il pourrait appartenir, mention qui aurait pu induire le demandeur en erreur et qui aurait pu être source d'incertitude quant à la forme de l'exploitation envisagée. Dès lors, il apparaît que les mentions de ce congé ne présentent aucunes ambiguïtés quant aux conditions d'exploitations envisagées par le bénéficiaire de la reprise lequel entend exploiter individuellement les parcelles reprises.
En conséquence, il convient de valider le congé pour reprise délivré par Madame H... Q... veuve M... et d'inviter Monsieur C... M... à libérer les parcelles litigieuses au plus tard au 30 septembre 2017, terme du congé. A défaut de libération des parcelles à cette date, il pourra être procédé à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, ainsi qu'il sera dit au dispositif. ».
1) ALORS QUE le congé doit mentionner si le bien objet de la reprise est destiné à être exploité à titre individuel ou par mise à disposition d'une société ; que l'indication que le bénéficiaire de la reprise exploitera personnellement le bien repris, qui ne traduit que l'engagement du bénéficiaire de se conformer à l'obligation posée par l'article L 411-59 du code rural et de la pêche maritime, ne satisfait pas à cette prescription en ce qu'elle ne renseigne pas sur le mode d'exploitation futur du bien repris ; qu'en considérant que la mention, dans le congé délivré à M. C... M..., que le bénéficiaire du congé exploitera personnellement le bien repris, n'était pas de nature à induire le preneur en erreur sur la forme d'exploitation des terres, au motif inopérant qu'aucune mention du congé ni aucun élément du dossier ne permettait de croire que les terres seraient mises à disposition d'une personne morale, quand le congé ne mentionnait pas non plus si le bénéficiaire de la reprise exploiterait à titre individuel, ce qui laissait le preneur dans l'incertitude et lui causait grief, la cour d'appel a violé l'article L 411-47 du code rural et de la pêche maritime ;
2) ALORS QUE, dans une procédure orale, c'est au jour de l'audience des plaidoiries qu'il convient d'apprécier l'ordre des moyens de défense et ainsi de vérifier que les exceptions de nullité ont été soulevées oralement à l'audience, avant toute défense au fond ; qu'en déclarant irrecevable l'exception de nullité pour vice de forme du congé, tirée de l'erreur affectant la mention de la profession du bénéficiaire de la reprise, au motif que la nullité pour vice de forme avait été soulevée lors de la dernière audience devant le tribunal paritaire après des défenses au fond dans l'acte de saisine, quand elle devait s'attacher à l'ordre de présentation des défenses présentées oralement devant elle, la cour d'appel a violé les articles 892 et 446-1 du code de procédure civile, et par fausse application, les articles 74 et 112 du même code.