Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 10 septembre 2020, 19-16.184, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 10 septembre 2020




Cassation


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 477 F-D

Pourvoi n° J 19-16.184







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 SEPTEMBRE 2020

La société Lauflyann, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° J 19-16.184 contre l'arrêt rendu le 29 janvier 2019 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), dans le litige l'opposant à la société Eurofins Biolab, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dagneaux, conseiller, les observations de Me Occhipinti, avocat de la société Lauflyann, de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Eurofins Biolab, après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dagneaux, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 29 janvier 2019), la société Lauflyann, alors titulaire d'un contrat de crédit-bail portant sur des locaux qu'elle avait mis à disposition de la société Biolab par convention de sous-location, s'est engagée à lui consentir, à l'échéance fixée au 31 mai 2014, un bail commercial.

2. La société Biolab ayant quitté les lieux le 21 mai 2015, sans qu'un bail écrit ait été régularisé entre les parties et sans qu'elle ait délivré congé, la société Lauflyann l'a assignée en paiement des loyers échus entre le 1er juin 2014 et le 31 mai 2017.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société Lauflyann fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de paiement des loyers, alors « que la durée du contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans ; que toutefois, à défaut de convention contraire, le preneur aura la faculté de donner congé à l'expiration d'une période triennale ; que le congé donné avant l'expiration de la période triennale ne dispense pas le locataire de payer le loyer pour toute cette période, peu important l'éventuelle relocation des lieux ; que la cour d'appel a constaté qu'un bail commercial avait été conclu entre les parties à compter du 1er juin 2014 et que la société Biolab était tenue de payer les loyers jusqu'au 31 mai 2017 ; qu'en rejetant la demande de paiement en raison de la relocation des lieux, la cour d'appel a violé l'article L. 145-4 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 145-4 du code de commerce :

4. Il résulte de ce texte que la durée du contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans, mais que le preneur a la faculté de donner congé à l'expiration d'une période triennale, dans les formes et délai de l'article L. 145-9 du même code.


5. Pour rejeter la demande en paiement des loyers sur la période du 1er juin 2014 au 31 mai 2017, l'arrêt retient que la société Lauflyann a reloué les lieux à un autre laboratoire d'analyses médicales, que, la conclusion de ce nouveau bail impliquant l'encaissement des loyers correspondants, elle n'est pas fondée à solliciter paiement des loyers à l'encontre de son ancien locataire, étant observé qu'elle ne justifie d'aucune période d'inoccupation des lieux entre le départ de la société Biolab et l'arrivée du nouveau locataire.

6. En statuant ainsi, alors qu'en l'absence de délivrance d'un congé régulier donné par la locataire, six mois à l'avance, la conclusion du nouveau bail, conclu entre les parties le 23 juillet 2014 avec effet au 1er juin 2014 et portant sur les locaux délaissés, était sans effet sur le droit du bailleur à obtenir paiement des loyers dus au titre du premier bail, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Eurofins Biolab aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Eurofins Biolab et la condamne à payer à la société Lauflyann la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du dix septembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Occhipinti, avocat aux Conseils, pour la société Lauflyann.

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société Lauflyann de sa demande de paiement des loyers ;

AUX MOTIFS QUE Le courrier adressé par la société Biolab à la société Lauflyann le 23 juillet 2014 est ainsi rédigé « je réitère par la présente ma demande d'établissement d'un bail commercial conforme à la promesse sous seing privé que vous m'aviez adressé, aux conditions suivantes : durée : 9 années entières et consécutives à compter du 31 mai 2014, - montant du loyer : réactualisé par référence à l'indice du coût de la construction du 2 0 trimestre 1998 (1058) comparé à l'indice en vigueur à la date de signature du bail (dernier indice publié du 1 0 trimestre 2014 : 1648) dépôt de garantie d'un mois, charges et conditions identiques à celles de notre précédent contrat de sous-location ». Ainsi que le fait elle-même observer la société Biolab, ce courrier est une demande d'exécution de l'engagement unilatéral pris par la société Lauflyann. Il s'agit donc bien d'une levée pure et simple de l'option initialement consentie à la société Biolab, dans des conditions strictement identiques à celles prévues à la promesse, notamment quant à l'identification de la chose louée, la date de début de bail, la durée du bail, et enfin le montant du loyer. Cette levée d'option étant formalisée sans autres conditions que celles initialement définies dans la promesse de bail vaut conclusion du contrat de bail à la date de levée d'option, peu important les désaccords ultérieurs entre les parties quant à la signature d'un contrat de bail. II convient donc de dire qu'un bail commercial a bien été conclu le 23 juillet 2014, avec effet rétroactif au 1 0 juin 2014. Le jugement dont appel sera donc infirmé de ce chef.
- Sur la résiliation anticipée du bail commercial et ses conséquences Il résulte de l'article L. 145-4 du code de commerce que la durée du contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans. Toutefois, le preneur a la faculté de donner congé à l'expiration d'une période triennale, au moins six mois à l'avance, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte extrajudiciaire. Compte tenu de la conclusion du bail commercial, la société Biolab était tenue au paiement des loyers jusqu'à l'expiration de la première période triennale, fixée au 31 mai 2017. La société Biolab soutient toutefois que la société Lauflyann a reloué les lieux à un autre laboratoire d'analyses médicales, de sorte que celle-ci ne peut solliciter paiement d'un double loyer, sauf à démontrer sa mauvaise foi. La société Lauflyann répond en ces termes : « en ce qui concerne les accusations de mauvaise foi proférées à l'encontre de la SCI Lauflyann, en raison de la conclusion d'un nouveau bail commercial avec un autre laboratoire d'analyses médicales, elles sont hors de propos et infondées eu égard au principe de la liberté contractuelle, bien connu des conseils de la société Biolab Ce faisant, la société Lauflyann admet, en vertu du « principe de la liberté contractuelle », avoir conclu un nouveau bail commercial avec un autre laboratoire d'analyses médicales. Compte tenu de la conclusion de ce nouveau bail impliquant l'encaissement des loyers correspondants, elle n'est pas fondée à solliciter paiement des loyers à l'encontre de son ancien locataire, étant observé qu'elle ne justifie d'aucune période d'inoccupation des lieux entre le départ de la société Biolab et l'arrivée du nouveau locataire ;

1°) - ALORS QUE la durée du contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans ; que toutefois, à défaut de convention contraire, le preneur aura la faculté de donner congé à l'expiration d'une période triennale ; que le congé donné avant l'expiration de la période triennale ne dispense pas le locataire de payer le loyer pour toute cette période, peu important l'éventuelle relocation des lieux ; que la cour d'appel a constaté qu'un bail commercial avait été conclu entre les parties à compter du 1er juin 2014 et que la société Biolab était tenue de payer les loyers jusqu'au 31 mai 2017 ; qu'en rejetant la demande de paiement en raison de la relocation des lieux, elle a violé l'article L 145-4 du code de commerce ;

2°) - ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE celui qui se prétend libéré doit justifier du fait qui produit l'extinction de son obligation ; qu'il appartenait donc à la société Biolab, tenue de régler les loyers jusqu'au 31 mai 2017, de prouver les faits la dispensant de tout paiement, à supposer qu'une relocation constitue un tel fait ; qu'en reprochant à la société Lauflyann de ne pas prouver l'étendue d'une période d'inoccupation des lieux, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles 1353 et 1315 du code civil, ce dernier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.ECLI:FR:CCASS:2020:C300477
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