Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 juillet 2020, 19-15.676, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 juillet 2020, 19-15.676, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 19-15.676
- ECLI:FR:CCASS:2020:C200670
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du jeudi 16 juillet 2020
Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, du 26 février 2019- Président
- M. Pireyre (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 juillet 2020
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 670 F-D
Pourvoi n° H 19-15.676
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JUILLET 2020
M. P... E... , domicilié [...] , a formé le pourvoi n° H 19-15.676 contre l'arrêt rendu le 26 février 2019 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre C), dans le litige l'opposant à la société Avanssur, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de Me Occhipinti, avocat de M. E... , de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Avanssur, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 26 février 2019), M. E... , propriétaire d'un véhicule assuré auprès de la société Avanssur (l'assureur), a été victime le 14 septembre 2015 d'un accident de la circulation.
2. Les conditions générales du contrat d'assurance mentionnent sous la rubrique « Exclusions de la garantie personnelle du conducteur : nous ne garantissons pas le préjudice lorsqu'au moment de l'accident le conducteur assuré [... ] et/ou a fait l'usage de substances ou plantes classées comme stupéfiantes ».
3. M. E... a déclaré l'accident à la société Avanssur qui a refusé la mise en oeuvre de la garantie personnelle.
4.C'est dans ces conditions que M. E... a assigné l'assureur en exécution de sa garantie et en expertise.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
5. M. E... fait grief à l'arrêt de le débouter de l'intégralité de ses demandes alors qu'« une clause d'exclusion qui doit être interprétée n'est ni formelle, ni limitée ; que la cour d'appel a retenu que la stipulation litigieuse s'appliquait à une conduite concomitante avec une prise régulière quotidienne de produits stupéfiants ; que la notion de prise régulière quotidienne n'est pas visée par la clause, qui donc été interprétée par la cour d'appel ; qu'en l'appliquant néanmoins, elle a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 113-1 du code des assurances :
6. Il résulte de ce texte qu'une clause d'exclusion de garantie ne peut être formelle et limitée dès lors qu'elle doit être interprétée.
7. Pour rejeter les demandes formées par l'assuré, l'arrêt retient que malgré la rédaction succincte et générale de la clause d'exclusion de garantie, la condition précise, de ne pas avoir conduit en ayant fait usage de substances classées stupéfiants, est suffisamment démontrée par l'assureur par la déclaration de l'assuré d'une consommation quotidienne, et notamment la veille ou l'avant-veille, sauf à enlever toute signification au motif particulier de l'exclusion de garantie, de sorte que l'assuré ne peut pas prétendre qu'il n'était pas en mesure de connaître l'étendue de sa garantie, au regard de cette clause particulière d'exclusion dans la situation d'une conduite concomitante avec une prise régulière quotidienne de produits classés stupéfiants.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a procédé à l'interprétation d'une clause d'exclusion ambigüe, ce dont il résultait qu'elle n'était ni formelle ni limitée, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la société Avanssur aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Avanssur et la condamne à payer à M. E... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du seize juillet deux mille vingt, et signé par lui et Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Occhipinti, avocat aux Conseils, pour M. E...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR débuté M. E... de l'intégralité de ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE les conditions générales du contrat d'assurance du véhicule automobile conduit par P... E... le jour de l'accident mentionnent exactement sous la rubrique « exclusions de la garantie personnelle du conducteur » : nous ne garantissons pas le préjudice lorsqu'au moment de l'accident le conducteur assuré « et/ou a fait l'usage de substances ou plantes classées comme stupéfiantes ». P... E... a effectivement déclaré spontanément aux enquêteurs des services de gendarmerie le 16 novembre 2015 (un mois après l'accident) alors qu'il était en hospitalisation, après avoir indiqué qu'il se sentait parfaitement apte à répondre, à la question précise : aviez-vous consommé des stupéfiants avant de prendre le volant ou la semaine avant l'accident ? Avant de prendre le volant non, par contre durant la semaine oui. J'avais consommé du cannabis sous forme de résine la veille ou l'avant-veille. J'en consomme régulièrement un ou deux joints par soir. La cour constate que malgré la rédaction succincte et générale de la clause d'exclusion de garantie, la condition précise, de ne pas avoir conduit en ayant fait usage de substances classées stupéfiants, est suffisamment démontrée par l'assureur par la déclaration de l'assuré d'une consommation quotidienne, et notamment la veille ou l'avant-veille, sauf à enlever toute signification au motif particulier de l'exclusion de garantie, de sorte que l'assuré ne peut pas prétendre qu'il n'était pas en mesure de connaître l'étendue de sa garantie, au regard de cette clause particulière d'exclusion dans la situation d'une conduite concomitante avec une prise régulière quotidienne de produits classés stupéfiants. P... E... ne démontre pas une incapacité de répondre librement aux questions des enquêteurs du seul fait d'une hospitalisation, au regard de la lecture de l'ensemble du procès-verbal d'audition, et de la question première des enquêteurs à laquelle il répondait qu'il se sentait parfaitement apte à poursuivre l'audition. L'attestation médicale d'une fragilité psychologique et d'un traitement médicamenteux n'est pas suffisante pour remettre en cause la validité de ses déclarations. Il ne prétend pas non plus fournir des éléments de preuve d'une éventuelle fausseté de ses déclarations spontanées sur sa consommation quotidienne de produits classés stupéfiants. P... E... n'est pas fondé à opposer une exigence de précision sur un taux d'imprégnation de produits stupéfiants, sur laquelle il produit des jurisprudences strictement limitées à des qualifications d'infractions pénales. La jurisprudence produite indiquant que l'assureur n'établissait pas de façon certaine que l'état d'alcoolémie était à l'origine directe et exclusive de l'accident est fondée sur une disposition contractuelle particulière distincte de l'espèce, dans laquelle il était mentionné spécialement que l'exclusion n'était pas applicable s'il était établi que le sinistre était sans relation avec l'infraction. La cour confirme en conséquence le jugement déféré ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Les parties s'opposent sur la question de savoir si la garantie "personnelle conducteur étendue " souscrite par M. E... est mobilisable suite à l'accident qu'il a subi le 14 septembre 2015, au regard de la clause d'exclusion de garantie invoquée par la compagnie d'assurance. Il n'est pas contesté en effet que cette garantie, aux termes de l'article 6 des conditions générales qui en détermine l'étendue, est exclue lorsqu'au moment de l'accident le conducteur assuré est en état d'ivresse manifeste, ou sous l'empire d'un état alcoolique caractérisé et/ou a fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants selon le Code de la santé publique français M. E... considère d'une part que sa consommation de stupéfiants remontait à la semaine précédente, d'autre part que sa déclaration au sujet de cette consommation ne saurait avoir la valeur d'un aveu, en raison de son état lorsqu'il a été interrogé, tandis que seule l'analyse sanguine est de nature à rapporter valablement la preuve d'une consommation de stupéfiants. Son affirmation selon laquelle l'interprétation stricte de la clause d'exclusion de garantie imposerait de ne tenir compte de la présence de stupéfiants que si elle est établie au moment de l'accident ne peut cependant être retenue : il est seulement indiqué que la garantie est exclue "lorsqu'au moment de l'accident le conducteur assuré "a fait usage" de substances. Il n'est donc nullement exigé que la consommation soit contemporaine de l'accident. Par ailleurs, les décisions relatives à la nécessité d'établir cette consommation au moyen d'analyses biologiques sont exclusivement rendues par des juridictions pénales, devant lesquelles la preuve d'un tel fait, dès lors qu'il caractérise une infraction pénale, doit être rapportée selon certaines modalités, pour que l'infraction puisse être tenue pour établie. Or, il est constant, ainsi que le rappelle l'assureur, que les règles de preuve du droit civil ne sont pas celles du droit pénal : il n'est pas question ici de sanctionner M. E... pénalement pour avoir eu un accident en ayant consommé du cannabis, mais de vérifier si cette consommation est ou non établie, pour en tirer toutes conséquences quant à son droit à indemnisation. M. E... a fait part de cette consommation, certes sur interrogation des policiers, mais alors qu'il n'était pas placé en garde à vue, pour la raison simple que rien ne justifiait qu'il le soit, aucune infraction susceptible d'entraîner sa condamnation pour un délit ne lui étant reprochée, et ne pouvant l'être, en l'état d'une impossibilité matérielle de pratiquer une analyse sanguine : la seule infraction retenue à son encontre était un franchissement de la ligne continue. Sur l'interrogation de l'agent de police judiciaire, M. E... avait, avant tout questionnement relatif aux faits eux-mêmes, précisé : 'je me sens parfaitement apte à répondre à vos questions sur ces faits". Si cette question lui a été posée, c'est bien parce que, si tel n'avait pas été le cas, son audition aurait été reportée. Son récit est ensuite parfaitement clair, et conforme aux pièces du dossier : après avoir indiqué qu'il était connu des services de police ou de gendarmerie "pour trafic de stupéfiants dans les années 2002", il répond à la question "aviez-vous consommé des stupéfiants avant de prendre le volant ou la semaine avant l'accident Q" (Sachant que l'accident a eu lieu un lundi matin) : "avant de prendre le volant non, par contre durant la semaine oui. J'avais consommé du cannabis sous forme de résine la veille ou l'avant-veille. J'en consomme régulièrement un ou deux joints par soir parce que j'ai des problèmes pour m'endormir le soif'. C'est donc de façon libre et lucide que ces déclarations ont été faites, avec des précisions desquelles il se déduit que la consommation est quotidienne et régulière, l'intéressé lui-même l'admettant "la veille ou l'avant-veille". M. E... a signé cette déclaration, qui lui est dès lors parfaitement opposable. En effet, s'il est exact que la preuve de l'exclusion de garantie incombe à l'assureur, il ne peut être exigé de celui-ci, personne morale de droit privé qui ne dispose pas des moyens d'investigation qui sont ceux du procureur de la République, autorité poursuivante dans une instance pénale, qu'il rapporte cette preuve autrement que selon les règles du droit civili pour déterminer si une garantie contractuelle est ou non applicable, c'est à dire si les conditions de son application, telles que définies au contrat, sont ou non réunies. La consommation de stupéfiants étant un fait, sa preuve peut parfaitement résulter des déclarations de l'intéressé lui-même, y compris celles recueillies dans le cadre d'une enquête de police. En l'espèce) les circonstances dans lesquelles cet aveu a été fait et les précisions qu'il contient permettent de lui accorder totalement confiance. Le certificat médical qui constitue la pièce n° 15 du demandeur ne permet pas de le remettre en cause, le fait que des doses "importantes d'antalgiques de classe 3" aient dû être administrées à M. E... lors de sa prise en charge par la clinique Fontfroide le 13 octobre 2015" (l'amputation de la jambe droite a été réalisée le 1er octobre) ne suffisant pas à établir, contre les déclarations de l'intéressé lui-même, que son discernement était altéré par ces médicaments un mois plus tard. Dans ces conditions, le tribunal dira que la garantie personnelle du conducteur est exclue, par application de l'article 6.4 des conditions générales du contrat d'assurance, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'ordonner d'expertise en vue d'une indemnisation au titre de cette garantie ;
1°) - ALORS QUE la clause d'exclusion appliquée (conditions générales, article 6.4) stipule que la garantie n'est pas acquise « lorsqu'au moment de l'accident le conducteur assuré est en état d'ivresse manifeste, ou sous l'empire d'un état alcoolique caractérisé (
), et/ou a fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiantes selon le code de la santé publique français » ; qu'il en résulte que l'usage de stupéfiants doit être concomitant à l'accident ; qu'en retenant que cette condition n'était pas nécessaire, la cour d'appel a dénaturé le contrat d'assurance, en méconnaissance du principe interdisant au juge de dénaturer les pièces qui lui sont soumises ;
2°) - ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE les clauses d'exclusion de garantie doivent être formelles et limitées ; que si la clause précitée ne doit pas être comprise comme visant la prise de stupéfiants de façon concomitante à l'accident, elle vise l'usage de ceux-ci dans un temps indéterminé, ce qui ne permet pas à l'assuré de connaître de façon précise les conditions de la garantie ; que la clause n'est donc dans un tel cas ni formelle ni limitée et que la cour d'appel, en estimant le contraire, a violé l'article L 113-1 du code des assurances ;
3°) - ALORS SUBSIDIAIREMENT QU'une clause d'exclusion qui doit être interprétée n'est ni formelle, ni limitée ; que la cour d'appel a retenu que la stipulation litigieuse s'appliquait à une conduite concomitante avec une prise régulière quotidienne de produits stupéfiants ; que la notion de prise régulière quotidienne n'est pas visée par la clause, qui donc été interprétée par la cour d'appel ; qu'en l'appliquant néanmoins, elle a violé l'article L 113-1 du code des assurances ;
4°) - ALORS QU'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si l'accident n'était pas étranger à la prise supposée de stupéfiants, de sorte que la clause d'exclusion ne pouvait pas être mise en oeuvre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 113-1 du code des assurances ;
5°) - ALORS QUE la consommation de stupéfiants ne peut être établie que par des examens cliniques et non par de simples déclarations subjectives ; qu'en se fondant sur les seules déclarations de M. E... pour en déduire qu'il avait consommé des produits stupéfiants et que la clause d'exclusion devait être appliquée, la cour d'appel a violé l'article L 113-1 du code des assurances.ECLI:FR:CCASS:2020:C200670
CIV. 2
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 juillet 2020
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 670 F-D
Pourvoi n° H 19-15.676
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JUILLET 2020
M. P... E... , domicilié [...] , a formé le pourvoi n° H 19-15.676 contre l'arrêt rendu le 26 février 2019 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre C), dans le litige l'opposant à la société Avanssur, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de Me Occhipinti, avocat de M. E... , de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Avanssur, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 26 février 2019), M. E... , propriétaire d'un véhicule assuré auprès de la société Avanssur (l'assureur), a été victime le 14 septembre 2015 d'un accident de la circulation.
2. Les conditions générales du contrat d'assurance mentionnent sous la rubrique « Exclusions de la garantie personnelle du conducteur : nous ne garantissons pas le préjudice lorsqu'au moment de l'accident le conducteur assuré [... ] et/ou a fait l'usage de substances ou plantes classées comme stupéfiantes ».
3. M. E... a déclaré l'accident à la société Avanssur qui a refusé la mise en oeuvre de la garantie personnelle.
4.C'est dans ces conditions que M. E... a assigné l'assureur en exécution de sa garantie et en expertise.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
5. M. E... fait grief à l'arrêt de le débouter de l'intégralité de ses demandes alors qu'« une clause d'exclusion qui doit être interprétée n'est ni formelle, ni limitée ; que la cour d'appel a retenu que la stipulation litigieuse s'appliquait à une conduite concomitante avec une prise régulière quotidienne de produits stupéfiants ; que la notion de prise régulière quotidienne n'est pas visée par la clause, qui donc été interprétée par la cour d'appel ; qu'en l'appliquant néanmoins, elle a violé l'article L. 113-1 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 113-1 du code des assurances :
6. Il résulte de ce texte qu'une clause d'exclusion de garantie ne peut être formelle et limitée dès lors qu'elle doit être interprétée.
7. Pour rejeter les demandes formées par l'assuré, l'arrêt retient que malgré la rédaction succincte et générale de la clause d'exclusion de garantie, la condition précise, de ne pas avoir conduit en ayant fait usage de substances classées stupéfiants, est suffisamment démontrée par l'assureur par la déclaration de l'assuré d'une consommation quotidienne, et notamment la veille ou l'avant-veille, sauf à enlever toute signification au motif particulier de l'exclusion de garantie, de sorte que l'assuré ne peut pas prétendre qu'il n'était pas en mesure de connaître l'étendue de sa garantie, au regard de cette clause particulière d'exclusion dans la situation d'une conduite concomitante avec une prise régulière quotidienne de produits classés stupéfiants.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a procédé à l'interprétation d'une clause d'exclusion ambigüe, ce dont il résultait qu'elle n'était ni formelle ni limitée, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la société Avanssur aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Avanssur et la condamne à payer à M. E... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du seize juillet deux mille vingt, et signé par lui et Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Occhipinti, avocat aux Conseils, pour M. E...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR débuté M. E... de l'intégralité de ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE les conditions générales du contrat d'assurance du véhicule automobile conduit par P... E... le jour de l'accident mentionnent exactement sous la rubrique « exclusions de la garantie personnelle du conducteur » : nous ne garantissons pas le préjudice lorsqu'au moment de l'accident le conducteur assuré « et/ou a fait l'usage de substances ou plantes classées comme stupéfiantes ». P... E... a effectivement déclaré spontanément aux enquêteurs des services de gendarmerie le 16 novembre 2015 (un mois après l'accident) alors qu'il était en hospitalisation, après avoir indiqué qu'il se sentait parfaitement apte à répondre, à la question précise : aviez-vous consommé des stupéfiants avant de prendre le volant ou la semaine avant l'accident ? Avant de prendre le volant non, par contre durant la semaine oui. J'avais consommé du cannabis sous forme de résine la veille ou l'avant-veille. J'en consomme régulièrement un ou deux joints par soir. La cour constate que malgré la rédaction succincte et générale de la clause d'exclusion de garantie, la condition précise, de ne pas avoir conduit en ayant fait usage de substances classées stupéfiants, est suffisamment démontrée par l'assureur par la déclaration de l'assuré d'une consommation quotidienne, et notamment la veille ou l'avant-veille, sauf à enlever toute signification au motif particulier de l'exclusion de garantie, de sorte que l'assuré ne peut pas prétendre qu'il n'était pas en mesure de connaître l'étendue de sa garantie, au regard de cette clause particulière d'exclusion dans la situation d'une conduite concomitante avec une prise régulière quotidienne de produits classés stupéfiants. P... E... ne démontre pas une incapacité de répondre librement aux questions des enquêteurs du seul fait d'une hospitalisation, au regard de la lecture de l'ensemble du procès-verbal d'audition, et de la question première des enquêteurs à laquelle il répondait qu'il se sentait parfaitement apte à poursuivre l'audition. L'attestation médicale d'une fragilité psychologique et d'un traitement médicamenteux n'est pas suffisante pour remettre en cause la validité de ses déclarations. Il ne prétend pas non plus fournir des éléments de preuve d'une éventuelle fausseté de ses déclarations spontanées sur sa consommation quotidienne de produits classés stupéfiants. P... E... n'est pas fondé à opposer une exigence de précision sur un taux d'imprégnation de produits stupéfiants, sur laquelle il produit des jurisprudences strictement limitées à des qualifications d'infractions pénales. La jurisprudence produite indiquant que l'assureur n'établissait pas de façon certaine que l'état d'alcoolémie était à l'origine directe et exclusive de l'accident est fondée sur une disposition contractuelle particulière distincte de l'espèce, dans laquelle il était mentionné spécialement que l'exclusion n'était pas applicable s'il était établi que le sinistre était sans relation avec l'infraction. La cour confirme en conséquence le jugement déféré ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Les parties s'opposent sur la question de savoir si la garantie "personnelle conducteur étendue " souscrite par M. E... est mobilisable suite à l'accident qu'il a subi le 14 septembre 2015, au regard de la clause d'exclusion de garantie invoquée par la compagnie d'assurance. Il n'est pas contesté en effet que cette garantie, aux termes de l'article 6 des conditions générales qui en détermine l'étendue, est exclue lorsqu'au moment de l'accident le conducteur assuré est en état d'ivresse manifeste, ou sous l'empire d'un état alcoolique caractérisé et/ou a fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants selon le Code de la santé publique français M. E... considère d'une part que sa consommation de stupéfiants remontait à la semaine précédente, d'autre part que sa déclaration au sujet de cette consommation ne saurait avoir la valeur d'un aveu, en raison de son état lorsqu'il a été interrogé, tandis que seule l'analyse sanguine est de nature à rapporter valablement la preuve d'une consommation de stupéfiants. Son affirmation selon laquelle l'interprétation stricte de la clause d'exclusion de garantie imposerait de ne tenir compte de la présence de stupéfiants que si elle est établie au moment de l'accident ne peut cependant être retenue : il est seulement indiqué que la garantie est exclue "lorsqu'au moment de l'accident le conducteur assuré "a fait usage" de substances. Il n'est donc nullement exigé que la consommation soit contemporaine de l'accident. Par ailleurs, les décisions relatives à la nécessité d'établir cette consommation au moyen d'analyses biologiques sont exclusivement rendues par des juridictions pénales, devant lesquelles la preuve d'un tel fait, dès lors qu'il caractérise une infraction pénale, doit être rapportée selon certaines modalités, pour que l'infraction puisse être tenue pour établie. Or, il est constant, ainsi que le rappelle l'assureur, que les règles de preuve du droit civil ne sont pas celles du droit pénal : il n'est pas question ici de sanctionner M. E... pénalement pour avoir eu un accident en ayant consommé du cannabis, mais de vérifier si cette consommation est ou non établie, pour en tirer toutes conséquences quant à son droit à indemnisation. M. E... a fait part de cette consommation, certes sur interrogation des policiers, mais alors qu'il n'était pas placé en garde à vue, pour la raison simple que rien ne justifiait qu'il le soit, aucune infraction susceptible d'entraîner sa condamnation pour un délit ne lui étant reprochée, et ne pouvant l'être, en l'état d'une impossibilité matérielle de pratiquer une analyse sanguine : la seule infraction retenue à son encontre était un franchissement de la ligne continue. Sur l'interrogation de l'agent de police judiciaire, M. E... avait, avant tout questionnement relatif aux faits eux-mêmes, précisé : 'je me sens parfaitement apte à répondre à vos questions sur ces faits". Si cette question lui a été posée, c'est bien parce que, si tel n'avait pas été le cas, son audition aurait été reportée. Son récit est ensuite parfaitement clair, et conforme aux pièces du dossier : après avoir indiqué qu'il était connu des services de police ou de gendarmerie "pour trafic de stupéfiants dans les années 2002", il répond à la question "aviez-vous consommé des stupéfiants avant de prendre le volant ou la semaine avant l'accident Q" (Sachant que l'accident a eu lieu un lundi matin) : "avant de prendre le volant non, par contre durant la semaine oui. J'avais consommé du cannabis sous forme de résine la veille ou l'avant-veille. J'en consomme régulièrement un ou deux joints par soir parce que j'ai des problèmes pour m'endormir le soif'. C'est donc de façon libre et lucide que ces déclarations ont été faites, avec des précisions desquelles il se déduit que la consommation est quotidienne et régulière, l'intéressé lui-même l'admettant "la veille ou l'avant-veille". M. E... a signé cette déclaration, qui lui est dès lors parfaitement opposable. En effet, s'il est exact que la preuve de l'exclusion de garantie incombe à l'assureur, il ne peut être exigé de celui-ci, personne morale de droit privé qui ne dispose pas des moyens d'investigation qui sont ceux du procureur de la République, autorité poursuivante dans une instance pénale, qu'il rapporte cette preuve autrement que selon les règles du droit civili pour déterminer si une garantie contractuelle est ou non applicable, c'est à dire si les conditions de son application, telles que définies au contrat, sont ou non réunies. La consommation de stupéfiants étant un fait, sa preuve peut parfaitement résulter des déclarations de l'intéressé lui-même, y compris celles recueillies dans le cadre d'une enquête de police. En l'espèce) les circonstances dans lesquelles cet aveu a été fait et les précisions qu'il contient permettent de lui accorder totalement confiance. Le certificat médical qui constitue la pièce n° 15 du demandeur ne permet pas de le remettre en cause, le fait que des doses "importantes d'antalgiques de classe 3" aient dû être administrées à M. E... lors de sa prise en charge par la clinique Fontfroide le 13 octobre 2015" (l'amputation de la jambe droite a été réalisée le 1er octobre) ne suffisant pas à établir, contre les déclarations de l'intéressé lui-même, que son discernement était altéré par ces médicaments un mois plus tard. Dans ces conditions, le tribunal dira que la garantie personnelle du conducteur est exclue, par application de l'article 6.4 des conditions générales du contrat d'assurance, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'ordonner d'expertise en vue d'une indemnisation au titre de cette garantie ;
1°) - ALORS QUE la clause d'exclusion appliquée (conditions générales, article 6.4) stipule que la garantie n'est pas acquise « lorsqu'au moment de l'accident le conducteur assuré est en état d'ivresse manifeste, ou sous l'empire d'un état alcoolique caractérisé (
), et/ou a fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiantes selon le code de la santé publique français » ; qu'il en résulte que l'usage de stupéfiants doit être concomitant à l'accident ; qu'en retenant que cette condition n'était pas nécessaire, la cour d'appel a dénaturé le contrat d'assurance, en méconnaissance du principe interdisant au juge de dénaturer les pièces qui lui sont soumises ;
2°) - ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE les clauses d'exclusion de garantie doivent être formelles et limitées ; que si la clause précitée ne doit pas être comprise comme visant la prise de stupéfiants de façon concomitante à l'accident, elle vise l'usage de ceux-ci dans un temps indéterminé, ce qui ne permet pas à l'assuré de connaître de façon précise les conditions de la garantie ; que la clause n'est donc dans un tel cas ni formelle ni limitée et que la cour d'appel, en estimant le contraire, a violé l'article L 113-1 du code des assurances ;
3°) - ALORS SUBSIDIAIREMENT QU'une clause d'exclusion qui doit être interprétée n'est ni formelle, ni limitée ; que la cour d'appel a retenu que la stipulation litigieuse s'appliquait à une conduite concomitante avec une prise régulière quotidienne de produits stupéfiants ; que la notion de prise régulière quotidienne n'est pas visée par la clause, qui donc été interprétée par la cour d'appel ; qu'en l'appliquant néanmoins, elle a violé l'article L 113-1 du code des assurances ;
4°) - ALORS QU'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si l'accident n'était pas étranger à la prise supposée de stupéfiants, de sorte que la clause d'exclusion ne pouvait pas être mise en oeuvre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 113-1 du code des assurances ;
5°) - ALORS QUE la consommation de stupéfiants ne peut être établie que par des examens cliniques et non par de simples déclarations subjectives ; qu'en se fondant sur les seules déclarations de M. E... pour en déduire qu'il avait consommé des produits stupéfiants et que la clause d'exclusion devait être appliquée, la cour d'appel a violé l'article L 113-1 du code des assurances.