Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 1 juillet 2020, 18-19.139, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


COMM.

IK



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er juillet 2020




Cassation partielle


M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 452 F-D

Pourvoi n° A 18-19.139




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUILLET 2020

La société Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) Sud Rhône Alpes, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° A 18-19.139 contre l'arrêt rendu le 10 octobre 2017 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. G... P...,

2°/ à Mme W... K..., épouse P...,

tous deux domiciliés [...] ,

défendeurs à la cassation.

M. et Mme P... ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Remeniéras, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud Rhône Alpes, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. et Mme P..., et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Remeniéras, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud Rhône Alpes (la Caisse) que sur le pourvoi incident relevé par M. et Mme P... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'ayant décidé d'acquérir un terrain et d'y construire une maison individuelle, M. et Mme P... (les emprunteurs) ont obtenu de la société Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud-Rhône Alpes (la Caisse) un prêt dit d'accession sociale (PAS) afin de financer leur projet immobilier ; que, désireux de mener à bien ce projet sans attendre d'avoir vendu un bien immobilier dont ils étaient propriétaires, la Caisse leur a également consenti un prêt-relais, intitulé prêt habitat, d'un montant de 89 500 euros remboursable en une seule échéance à l'expiration d'un délai de 24 mois ; que les emprunteurs ont recherché la responsabilité de la Caisse pour manquement à ses obligations de conseil, d'information et de mise en garde ; qu'en cause d'appel, celle-ci a, à titre reconventionnel, demandé leur condamnation au paiement du solde dû au titre du PAS dont ils avaient cessé de rembourser les échéances ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que pour condamner la Caisse à payer aux emprunteurs des dommages-intérêts pour manquement à son devoir de mise en garde lors de l'octroi des deux prêts litigieux, l'arrêt retient que la Caisse n'a pas attiré leur attention sur le risque d'endettement résultant de la charge constituée par le remboursement du prêt-relais ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la vente du bien immobilier projetée par les emprunteurs devant permettre le remboursement du prêt-relais, ce dernier ne pouvait constituer une charge permettant d'apprécier l'adaptation de l'autre prêt aux capacités financières des emprunteurs et au risque d'endettement en résultant, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il condamne la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud Rhône Alpes à payer à M. et Mme P... la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 10 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;

Condamne M. et Mme P... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit, au pourvoi principal, par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud Rhône Alpes

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR confirmé le jugement, ayant constaté que la Caisse exposante, en octroyant les prêts litigieux aux époux P..., a engagé sa responsabilité envers eux, de l'avoir en conséquence condamnée à leur payer la somme de 50.000 euros à titre de dommagesintérêts, dit que cette somme se compensera avec le solde restant dû au titre du prêt immobilier ayant fait l'objet d'une déchéance du terme ;

AUX MOTIFS QUE en vertu du principe de non immixtion, le banquier dispensateur de crédit n'a pas de devoir de conseil envers son client ; qu'il est en revanche tenu envers un emprunteur non averti d'une obligation de mise en garde au regard des capacités financières de l'emprunteur et du risque de l'endettement né de l'octroi du prêt ; qu'il n'est pas contesté que les époux P..., respectivement chauffeur-opérateur et professionnelle de santé, sont des emprunteurs non avertis ;que les époux P... affirment que le taux d'endettement résultant des prêts accordés par la banque était de 73 % pour les deux premières années et de 47 % pour les années suivantes ; qu'il ressort des renseignements et des pièces qu'ils ont fournis à la banque lors de leurs demandes de financement - quatre derniers bulletins de salaire de G... P... et attestation de paiement de la caisse d'allocations familiales du mois mai 2007, l'épouse étant en congé parental avec trois jeunes enfants - que le couple disposait de 2.734 euros par mois et remboursait des mensualités de 67 euros pour un prêt expirant le 18 juillet 2011 ; que bien qu'elle ne conteste pas, dans ses écritures, avoir eu connaissance du financement immobilier accordé par un autre organisme et que, dans l'encadré relatif aux "prêts à rembourser/déduire", il soit mentionné de manière manuscrite un "prêt habitat" dont le capital restant dû est de 155.928 euros et les échéances de 828 euros, cette charge n'a aucunement été prise en compte dans "l'endettement bancaire" chiffré à 32 % ; qu'il n'est par ailleurs fait état, au titre du patrimoine des emprunteurs, que d'une épargne de 594 euros ; qu'au regard de ces éléments, il est indéniable qu'il existait un risque d'endettement et que la banque, en accordant les prêts litigieux sans démontrer avoir attiré l'attention des emprunteurs sur les risques encourus, a failli à son devoir de mise en garde ; que le préjudice qui en découle est une perte de chance de ne pas contracter et, au regard des circonstances, a été justement apprécié par le tribunal à la somme de 50.000 euros ;

ALORS D'UNE PART QUE le prêt relais d'un montant de 89.500 euros, remboursable en une échéance de 98 503,18 euros, a été accordé sur la base d'une évaluation à 295 000 euros de l'immeuble, communiquée par les emprunteurs, dont il ressortait l'absence de tout risque d'endettement excessif, la vente de l'immeuble, après remboursement du prêt relais devant laisser près de 200.000 euros aux emprunteurs afin de solder le prêt antérieurement consenti par le Crédit immobilier, pour ne conserver à leur charge que le prêt PAS consenti par la Caisse exposante, remboursable sur 360 mois ; qu'ayant relevé qu'il ressort des renseignements et des pièces qu'ils ont fournis à la banque lors de leurs demandes de financement - quatre derniers bulletins de salaire de G... P... et attestation de paiement de la caisse d'allocations familiales du mois mai 2007, l'épouse étant en congé parental avec trois jeunes enfants - que le couple disposait de 2.734 euros par mois et remboursait des mensualités de 67 euros pour un prêt expirant le 18 juillet 2011, que bien qu'elle ne conteste pas avoir eu connaissance du financement immobilier accordé par un autre organisme et que, dans l'encadré relatif aux "prêts à rembourser/déduire", il soit mentionné de manière manuscrite un "prêt habitat" dont le capital restant dû est de 155.928 euros et les échéances de 828 euros, cette charge n'a aucunement été prise en compte dans "l'endettement bancaire" chiffré à 32 %, qu'il n'est par ailleurs fait état, au titre du patrimoine des emprunteurs, que d'une épargne de 594 euros, qu'au regard de ces éléments il est indéniable qu'il existait un risque d'endettement et que la banque, en accordant les prêts litigieux, sans démontrer avoir attiré l'attention des emprunteurs sur les risques encourus a failli à son devoir de mise en garde, la cour d'appel qui n'a pas tenu compte de la nature particulière du prêt relais, lequel devait, lors de l'octroi de ses concours par la Caisse exposante, être remboursé par la vente de l'immeuble, évalué par les emprunteurs à 295.000 euros, et permettre le remboursement de l'emprunt immobilier accordé par le Crédit immobilier, ce qui excluait tout risque d'endettement excessif et révélait l'adaptation de ce prêt aux capacités financières des emprunteurs, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ;

ALORS D'AUTRE PART QUE la Caisse exposante faisait valoir que lors de l'octroi du prêt relais les emprunteurs ont déclaré, mandat de vente à l'appui, que l'immeuble valait 295.000 euros, des revenus de 2700 euros, un prêt accordé par le Crédit immobilier dont le capital restant dû était de 155.928 euros pour des échéances mensuelles de 828 euros, le crédit relais devant être remboursé à son terme lors de la vente à intervenir de l'immeuble, dont le produit devait aussi servir à rembourser le Crédit immobilier pour ne laisser subsister que la charge du prêt PAS d'un montant mensuel de 816,09 euros après une période d'anticipation de 3 ans, aucun de ces prêts ne se chevauchant, ce dont il résultait l'absence de tout endettement excessif au regard des capacités financières des emprunteurs ; qu'ayant relevé qu'il ressort des renseignements et des pièces qu'ils ont fournis à la banque lors de leurs demandes de financement - quatre derniers bulletins de salaire de G... P... et attestation de paiement de la caisse d'allocations familiales du mois mai 2007, l'épouse étant en congé parental avec trois jeunes enfants - que le couple disposait de 2.734 euros par mois et remboursait des mensualités de 67 euros pour un prêt expirant le 18 juillet 2011, que bien qu'elle ne conteste pas avoir eu connaissance du financement immobilier accordé par un autre organisme et que, dans l'encadré relatif aux "prêts à rembourser/déduire", il soit mentionné de manière manuscrite un "prêt habitat" dont le capital restant dû est de 155.928 euros et les échéances de 828 euros, cette charge n'a aucunement été prise en compte dans "l'endettement bancaire" chiffré à 32 %, qu'il n'est par ailleurs fait état, au titre du patrimoine des emprunteurs, que d'une épargne de 594 euros, pour en déduire qu'il est indéniable qu'il existait un risque d'endettement et que la banque, en accordant les prêts litigieux sans démontrer avoir attiré l'attention des emprunteurs sur les risques encourus, a failli à son devoir de mise en garde, cependant qu'eu égard au montage tel que relaté par la Caisse exposante et constaté par le premier juge, la vente du bien immobilier évalué à 295.000 euros dans le mandat de vente devait permettre le remboursement du prêt relais et du prêt immobilier accordé par le Crédit immobilier, pour ne laisser subsister que le prêt PAS dont les mensualités à partir de la troisième année étaient de 816,09 euros, ce qui excluait de prendre en considération la charge de l'emprunt accordé par le Crédit immobilier pour apprécier si l'endettement était excessif et si le prêt PAS, seul prêt devant subsister, était adapté à la capacité financière des emprunteurs, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-
131 du 10 février 2016 ;

ALORS DE TROISIEME PART QUE la caisse exposante faisait valoir que le prêt relais d'un montant de 89.500 euros remboursable en une échéance de 98.503,18 euros, a été accordé sur la base d'une évaluation de l'immeuble à 295 000 euros, communiquée par les emprunteurs, dont il ressortait l'absence de tout risque d'endettement excessif, la vente de l'immeuble permettant de solder le prêt relais et le prêt accordé par le Crédit immobilier, pour ne laisser à la charge des emprunteurs que le prêt PAS, remboursable sur 360 mois, et dont les mensualités fixes à partir de la troisième année s'élevaient à 816,09 euros représentant, outre la mensualité de 67 euros au titre d'un autre prêt, un taux d'endettement de 32 % ; qu'en reprochant à la Caisse exposante de ne pas avoir pris en considération le prêt accordé par le Crédit immobilier, pour fixer à 32 % le taux d'endettement des emprunteurs, sans rechercher si, comme le faisait valoir la Caisse exposante, la vente du bien immobilier évalué à 295.000 euros sur la base de laquelle le prêt relais a été accordée, devant permettre le paiement de l'échéance différée de ce prêt et le remboursement du prêt accordé par le Crédit immobilier, l'endettement n'était pas effectivement de 32 %, ce qui excluait tout endettement excessif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ;

ALORS DE QUATRIEME PART QUE le prêt relais d'un montant de 89.500 euros remboursable en une échéance de 98.503,18 euros, a été accordé sur la base d'une évaluation de l'immeuble, communiquée par les emprunteurs, à 295 000 euros, dont il ressortait l'absence de tout risque d'endettement excessif, la vente de l'immeuble permettant de solder le prêt relais et le prêt accordé par le Crédit immobilier, pour ne laisser à la charge des emprunteurs que le prêt PAS, remboursable sur 360 mois, dont les mensualités fixes à partir de la troisième année s'élevaient à 816,09 euros représentant, outre la mensualité de 67 euros au titre d'un autre prêt, un taux d'endettement de 32 % ; qu'ayant relevé qu'il ressort des renseignements et des pièces qu'ils ont fournis à la banque lors de leurs demandes de financement - quatre derniers bulletins de salaire de G... P... et attestation de paiement de la caisse d'allocations familiales du mois mai 2007, l'épouse étant en congé parental avec trois jeunes enfants- que le couple disposait de 2.734 euros par mois et remboursait des mensualités de 67 euros pour un prêt expirant le 18 juillet 2011, que bien qu'elle ne conteste pas avoir eu connaissance du financement immobilier accordé par un autre organisme et que, dans l'encadré relatif aux "prêts à rembourser/déduire", il soit mentionné de manière manuscrite un "prêt habitat" dont le capital restant dû est de 155.928 euros et les échéances de 828 euros, cette charge n'a aucunement été prise en compte dans "l'endettement bancaire" chiffré à 32 %, qu'il n'est par ailleurs fait état, au titre du patrimoine des emprunteurs, que d'une épargne de 594 euros, pour en déduire qu'il est indéniable qu'il existait un risque d'endettement et que la banque, en accordant les prêts litigieux, sans démontrer avoir attiré l'attention des emprunteurs sur les risques encourus, a failli à son devoir de mise en garde, quand le prêt relais a été accordé sur la base de la vente du bien immobilier évalué à 295.000 euros dans le mandat de vente communiqué par les emprunteurs, laquelle devait permettre le remboursement du prêt relais et du prêt immobilier accordé par le Crédit immobilier, pour ne laisser subsister que le prêt PAS dont les mensualités à partir de la troisième année étaient de 816,09 euros, ce qui excluait de prendre en considération la charge de l'emprunt accordé par le Crédit immobilier et la valeur de l'immeuble appelé à être vendu dans le « patrimoine emprunteurs » pour apprécier si l'endettement était excessif, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ;

ALORS DE CINQUIEME PART et subsidiairement QUE le crédit-relais qui est un crédit consenti dans l'attente de la vente d'un bien appartenant à l'emprunteur, dont la bonne fin est assurée par le produit de sa revente, est remboursable en une seule échéance ; que la responsabilité de la banque doit être appréciée au regard de l'analyse de la seule évaluation du bien à revendre, à l'exclusion de la capacité de remboursement de l'emprunteur ; qu'en se prononçant au regard de la capacité de remboursement de l'emprunteur, en prenant en considération les autres prêts accordés le même jour ou en cours, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-
131 du 10 février 2016 ;

ALORS ENFIN QUE le prêt-relais, qui a été accordé le même jour que le prêt PAS, était appelé à une extinction rapide puisqu'il devait être remboursé au plus tard à son terme, en une échéance unique, par le produit de la vente de l'immeuble sur la base de l'évaluation duquel ce prêt a été accordé, et le reliquat du prix devant permettre le remboursement par anticipation du prêt immobilier accordé par le Crédit Immobilier ; qu'il en ressortait que la Caisse exposante, pour apprécier l'existence d'un endettement excessif et si le prêt PAS était adapté aux capacités financières des emprunteurs devait, comme elle l'a fait, prendre exclusivement en considération le prêt PAS et le prêt en cours dont les échéances mensuelles étaient de 67 euros, ce qui établissait un taux d'endettement de 32 %, révélant un prêt adapté aux capacités financières des emprunteurs et l'absence de tout endettement excessif ; qu'en prenant en considération le prêt accordé par le Crédit immobilier, pour en déduire qu'il est indéniable qu'il existait un risque d'endettement et que la banque, en accordant les prêts litigieux sans démontrer avoir attiré l'attention des emprunteurs sur les risques encourus, a failli à son devoir de mise en garde, la cour d'appel qui manifestement ne s'est pas placée à la date à laquelle les prêts ont été octroyés comme elle devait le faire pour rechercher si la Caisse exposante avait satisfait à ses obligations, a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ;
Moyen produit, au pourvoi incident, par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. et Mme P...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné les époux P... à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône Alpes la somme de 189.437,05 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,94 % à compter du 15 octobre 2015 ;

AUX MOTIFS QUE « Les époux P... opposent à la banque la prescription de sa créance en application de l'article L 137-2 du code de la consommation, selon lequel l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans. La demande en paiement a été présentée par le Crédit Agricole, pour la première fois, dans ses conclusions devant la cour en date du juin 2015, soft plus de deux ans après la déchéance du terme du 27 janvier 2012. Toutefois aux termes de l'article 2240 du code civil, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit, interrompt le délai de prescription. En procédant à des paiements d'acomptes postérieurement à la déchéance du terme et en introduisant, le 20 mars 2012, une action en responsabilité contre la banque et en paiement de dommages et intérêts équivalents au solde du prêt, les époux P... ont reconnu leur dette et interrompu le délai de prescription. La demande en paiement du solde du prêt est donc recevable. Aux termes des conditions générales du contrat : "En cas de déchéance du terme, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produiront un intérêt de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre une indemnité égale à 7 % des sommes dues (en capital et en intérêts échus) sera demandée par le prêteur à l'emprunteur". Au vu des justificatifs versés aux débats - tableau d'amortissement du capital, mise en demeure, décompte arrêté au 14 octobre 2015 - la créance du Crédit Agricole s'établit, déduction faite des versements enregistrés du 3 février 20Ï'2 au 30 mars 2015 à hauteur de 2.906,54 euros, à la somme de 189.437,05 euros outre intérêts au taux contractuel de 4,94 % à compter du 15 octobre 2015. Les époux P... ne sont pas fondés en leur demande de mainlevée de l'inscription au fichier des incidents de paiement. Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que les sommes dues par les époux P... au titre du solde du prêt se compenseront avec les dommages et intérêts qui leur sont alloués. Il n'est pas inéquitable de laisser au Crédit Agricole la charge de ses frais irrépétibles » ;

1°) ALORS, d'une part, QUE l'action des professionnels pour les biens et les services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans ; que seule la reconnaissance de dette claire et non équivoque produit un effet interruptif de la prescription légale ; que le point de départ du délai de prescription biennale d'une action en paiement au titre d'un crédit immobilier consenti par un professionnel à un consommateur se situe à la date du premier incident de paiement non régularisé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à considérer que la reconnaissance de dette était acquise et constitutive d'une interruption de la prescription de l'action cependant qu'aucun élément n'établissait l'intention claire et non équivoque de reconnaitre la dette querellée dans son principe et dans son montant ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 2240 du code civil par fausse application ;

2°) ALORS, d'autre part, QUE seule la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit interrompt le délai de prescription ; qu'en se bornant à constater qu'en « procédant à des paiements d'acomptes postérieurement à la déchéance du terme et en introduisant, le 20 mars 2012, une action en responsabilité contre la banque et en paiement de dommages et intérêts équivalents au solde du prêt, les époux [...] ont reconnu leur dette et interrompu le délai de prescription », sans préciser la date d'interruption du délai de prescription et cependant que ces actes sont impropres à produire un effet interruptif de l'action en paiement dès lors qu'ils ne contiennent aucun acquiescement réel à la dette, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2240 du code civil et L. 137-2 du code de la consommation.ECLI:FR:CCASS:2020:CO00452
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