Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 1 juillet 2020, 19-10.499, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


COMM.

IK



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er juillet 2020




Rejet


M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 365 F-D

Pourvoi n° E 19-10.499





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUILLET 2020

La société Valométal, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° E 19-10.499 contre l'arrêt rendu le 25 septembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 8), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Services travaux locations gérances, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

2°/ à la société [...] , société civile professionnelle, dont le siège est [...] , prise en la personne de M. I... A..., en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société [...],

3°/ à la société [...], société anonyme, dont le siège est [...] ,


4°/ à M. O... B..., domicilié [...] , pris en qualité d'administrateur de la société [...],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Valométal, de Me Le Prado, avocat de la société Services travaux locations gérances et de la société [...] , ès qualités, après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, Mme Henry, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Valométal du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société [...] (la société Marchetto) et M. B..., en qualité d'administrateur de la société Marchetto.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 septembre 2018), par une ordonnance du 12 avril 2017, le juge-commissaire de la liquidation judiciaire de la société Marchetto a fait droit à une requête en revendication présentée par la société Valométal, portant sur une grue et un tracteur.

3. Par une lettre reçue au greffe du tribunal le 21 juillet 2017, la société Services travaux locations gérances (la société STLG), se prétendant propriétaire des biens revendiqués, a formé un recours contre cette ordonnance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen,

Enoncé du moyen

4. La société Valométal fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la « tierce opposition » de la société STLG alors :

« 1°/ que le juge ne peut fonder sa décision sur un moyen qu'il a relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en soulevant d'office, pour juger recevable la tierce opposition formée par la société STLG le 21 juillet 2017 à l'encontre de l'ordonnance rendue par le juge-commissaire le 12 avril 2017, le moyen selon lequel cette ordonnance concernait directement les droits et obligations de la société STLG, de sorte qu'elle aurait dû lui être notifiée et que le délai de tierce-opposition avait commencé à courir non à compter du prononcé de la décision mais à compter de cette notification, et qu'en l'absence de notification, le délai n'avait pas couru, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°/ que seule doit être notifiée à un tiers la décision qui concerne directement ses droits et obligations ; qu'en se bornant à affirmer que "la société STLG
entend(ait) faire valoir un droit de propriété" sur les matériels en cause, sans établir que les droits et obligations de la société STLG étaient directement concernés par l'ordonnance du 12 avril 2017 de sorte que celle-ci aurait dû lui être notifiée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 661-2 du code de commerce ;

3°/ que seul a intérêt à former tierce-opposition à une décision faisant droit à la revendication d'un bien celui qui démontre son droit de propriété sur le bien qui devrait revenir dans son patrimoine ; qu'en jugeant recevable la tierce-opposition formée par la société STLG contre l'ordonnance du 12 avril 2017 faisant droit à la revendication par la société Valométal de la grue de marque Fuchs type 360 et du tracteur immatriculé [...], sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société STLG faisait la preuve de son droit de propriété sur ces biens en démontrant qu'en cas de réformation ils avaient vocation à lui revenir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 31 et 583 du code de procédure civile, ensemble l'article R. 661-2 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

5. Le recours de l'article R. 621-21 du code de commerce contre les ordonnances rendues par le juge-commissaire statuant sur une demande de revendication étant ouvert, dans un délai de dix jours à compter de leur notification, aux personnes dont les droits et obligations sont affectés par ces décisions, la tierce opposition leur est fermée.

6. La société STLG qui se prétend propriétaire de la grue et du véhicule dont la revendication par la société Valométal a été autorisée par le juge-commissaire, vient au nombre des personnes dont les droits et obligations sont affectés par cette décision. L'arrêt constatant qu'elle n'a pas reçu notification de l'ordonnance, son recours, improprement qualifié de tierce opposition par les juges du fond est donc recevable, son délai n'ayant pas couru.

7. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile la décision se trouve légalement justifiée de ce chef.

8. Le moyen ne peut donc être accueilli.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. La société Valométal fait grief à l'arrêt de rétracter l'ordonnance et de rejeter sa demande en revendication portant sur la grue et le tracteur, alors :

« 1°/ que le périmètre des actifs repris par le cessionnaire doit être apprécié au regard de son offre adoptée par le plan de cession arrêté par le tribunal de commerce ; qu'en se bornant à affirmer qu' "il résult(ait) du jugement du 19 novembre 2014, ordonnant la cession des actifs corporels du site de Trilport au profit de la société Valométal, qu'étaient cédés la totalité des actifs listés en page 1, 2, 4 à 8 sur 24 de l'inventaire établi par le commissaire-priseur" et que la grue de marque Fuchs type 360 et le tracteur immatriculé [...] ne figuraient pas parmi les biens listés en pages 1, 2, 4 à 8 sur 24 de l'inventaire, sans rechercher, comme elle y était invitée par la société Valométal qui faisait valoir que le jugement du novembre 2014 avait adopté son offre et ordonné à son profit la cession non seulement de la totalité des actifs listés en page 1, 2, 4 à 8 sur 24 de l'inventaire établi par le commissaire-priseur, mais également de divers autres éléments corporels expressément repris et précisés dans son offre à laquelle était annexée des extraits de l'inventaire, si la grue de marque Fuchs type 360 et le tracteur immatriculé [...] n'étaient pas compris dans les autres éléments corporels expressément repris par l'offre de la société Valométal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 626-10 et L. 642-2 du code de commerce ;

2°/ que le jugement du 19 novembre 2014 ordonnait la cession au profit de la société Valométal, non seulement de la totalité des actifs listés en page 1, 2, 4 à 8 sur 24 de l'inventaire établi par le commissaire-priseur, mais également de divers autres éléments corporels expressément repris par la société Valométal tels que précisés dans son offre ; qu'en retenant cependant que seuls avaient été cédés dans le cadre de la cession partielle au profit de la société Valométal "la totalité des actifs listés en page 1, 2, 4 à 8 sur 24 de l'inventaire établi par le commissaire-priseur", la cour d'appel a dénaturé le jugement du 19 novembre 2014, en violation du principe suivant lequel il est interdit au juge de dénaturer les éléments de la cause. »

Réponse de la Cour

10. Pour rejeter la demande en revendication de la société Valométal, l'arrêt retient qu'il résulte du jugement de cession partielle du 19 novembre 2014, ordonnant la cession des actifs corporels du site de Trilport, qu'étaient cédés la totalité des actifs listés en page 1, 2, 4 à 8 sur 24 de l'inventaire du commissaire-priseur. Il relève ensuite, qu'en page 19 de l'inventaire du 6 avril 2013, figure une grue Fuchs MHL 360 et, en page 21, le tracteur immatriculé [...], étant précisé qu'à la page 8 de cet inventaire, il est indiqué que ces deux derniers matériels, qui sont ceux revendiqués, se trouvent sur le site, non de Trilport, mais d'Esmans. Il en déduit que les matériels revendiqués ne faisaient pas partie du périmètre de la cession et que, ces biens ne figurant pas davantage dans l'acte de cession consécutif à ce jugement, la société Valométal ne rapporte pas la preuve de son droit de propriété sur eux.

11. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche invoquée par la première branche que ses constatations rendaient inopérante, a, sans dénaturation, légalement justifié sa décision.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Valométal aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Valométal et la condamne à payer à la société Services travaux locations gérances et à la société [...], en sa qualité de liquidateur de la société [...], la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Valométal

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait déclaré recevable la tierce-opposition de la société STLG ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE la société Valométal soutient que la tierce-opposition effectuée par la société STLG est irrecevable comme tardive au motif qu'elle n'a été effectuée que le 21 juillet 2017 alors que l'ordonnance du juge-commissaire avait été rendue le 12 avril 2017 ; que selon l'article R. 661-2 du code de commerce, la tierce-opposition doit être formée dans un délai de 10 jours à compter du prononcé de la décision ; que cependant, en l'absence de notification, lorsque la décision est rendue à l'insu de l'auteur de la tierce-opposition et concerne directement ses droits et obligations, aucun délai n'a commencé à courir ; que tel est le cas en l'espèce puisqu'aucune notification n'a été effectuée à la société STLG qui entend faire valoir un droit de propriété, susceptible de faire échec à la demande de revendication de la société Valométal ; qu'il s'ensuit que c'est à juste titre que le tribunal a déclaré sa tierce-opposition recevable et le jugement sera confirmé sur ce point ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE selon l'article R. 621-21 du code de commerce, les ordonnances du juge-commissaire peuvent faire l'objet d'un recours dans un délai de 10 jours à compter de la communication ou notification de l'acte ; que la société STLG ne fait pas partie de la procédure et qu'elle a donc formé tierce-opposition ; que la décision du juge-commissaire ne lui a pas été notifiée, de telle sorte que rien ne permet d'établir avec certitude la date à laquelle la société STLG a eu connaissance de cette décision ; qu'il convient donc de considérer la tierce-opposition formée par la société STLG recevable ;

1° ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur un moyen qu'il a relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en soulevant d'office, pour juger recevable la tierce-opposition formée par la société STLG le 21 juillet 2017 à l'encontre de l'ordonnance rendue par le juge-commissaire le 12 avril 2017, le moyen selon lequel cette ordonnance concernait directement les droits et obligations de la société STLG, de sorte qu'elle aurait dû lui être notifiée et que le délai de tierce-opposition avait commencé à courir non à compter du prononcé de la décision mais à compter de cette notification, et qu'en l'absence de notification, le délai n'avait pas couru, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2° ALORS QU'en toute hypothèse, seule doit être notifiée à un tiers la décision qui concerne directement ses droits et obligations ; qu'en se bornant à affirmer que « la société STLG
entend(ait) faire valoir un droit de propriété » sur les matériels en cause, sans établir que les droits et obligations de la société STLG étaient directement concernés par l'ordonnance du 12 avril 2017 de sorte que celle-ci aurait dû lui être notifiée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 661-2 du code de commerce ;

3° ALORS QU'en toute hypothèse, seul a intérêt à former tierce-opposition à une décision faisant droit à la revendication d'un bien celui qui démontre son droit de propriété sur le bien qui devrait revenir dans son patrimoine ; qu'en jugeant recevable la tierce-opposition formée par la société STLG contre l'ordonnance du 12 avril 2017 faisant droit à la revendication par la société Valométal de la grue de marque Fuchs type 360 et du tracteur immatriculé [...], sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société STLG faisait la preuve de son droit de propriété sur ces biens en démontrant qu'en cas de réformation ils avaient vocation à lui revenir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 31 et 583 du code de procédure civile, ensemble l'article R. 661-2 du code de commerce.

SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rétracté l'ordonnance du 12 avril 2017 et d'AVOIR débouté la société Valométal de sa demande en revendication portant sur la grue de marque Fuchs type 360 et le tracteur immatriculé [...] ;

AUX MOTIFS QU'il résulte du jugement du 19 novembre 2014, ordonnant la cession des actifs corporels du site de Trilport au profit de la société Valométal, qu'étaient cédés la totalité des actifs listés en page 1, 2, 4 à 8 sur 24 de l'inventaire établi par le commissaire-priseur ; qu'en page 19 de l'inventaire effectué par le commissaire-priseur le 6 avril 2013, figure une grue Fuchs MHL 360 et en page 21, figure le tracteur immatriculé [...] , étant précisé qu'à la page 8 de cet inventaire, il est indiqué que le matériel se trouve sur le site non pas de Trilport mais sur celui d'Esmans ; qu'il s'ensuit que les matériels revendiqués ne faisaient pas partie du périmètre de la cession ordonnée par le jugement du 19 novembre 2014, que ceux-ci ne figuraient pas davantage dans l'acte de cession consécutif à ce jugement et que dès lors la société Valométal ne rapporte pas la preuve d'un droit de propriété sur ceux-ci ; que cette absence de droit de propriété est corroborée par le fait que, depuis 2014, ces matériels sont restés au sein de la société Etablissement L. Marchetto puisqu'ils figurent à l'inventaire des actifs mobiliers effectué par le commissaire-priseur le 10 janvier 2017 ; qu'en conséquence, faute de démontrer l'existence d'un droit de propriété portant sur les biens revendiqués, il convient, infirmant le jugement, de débouter la société Valométal de sa demande en revendication portant sur la grue de marque Fuchs type 360 et le tracteur immatriculé [...] ;

1° ALORS QUE le périmètre des actifs repris par le cessionnaire doit être apprécié au regard de son offre adoptée par le plan de cession arrêté par le tribunal de commerce ; qu'en se bornant à affirmer qu'« il résult(ait) du jugement du 19 novembre 2014, ordonnant la cession des actifs corporels du site de Trilport au profit de la société Valométal, qu'étaient cédés la totalité des actifs listés en page 1, 2, 4 à 8 sur 24 de l'inventaire établi par le commissaire-priseur » et que la grue de marque Fuchs type 360 et le tracteur immatriculé [...] ne figuraient pas parmi les biens listés en pages 1, 2, 4 à 8 sur 24 de l'inventaire, sans rechercher, comme elle y était invitée par la société Valométal qui faisait valoir que le jugement du 19 novembre 2014 avait adopté son offre et ordonné à son profit la cession non seulement de la totalité des actifs listés en page 1, 2, 4 à 8 sur 24 de l'inventaire établi par le commissaire-priseur, mais également de divers autres éléments corporels expressément repris et précisés dans son offre à laquelle était annexée des extraits de l'inventaire, si la grue de marque Fuchs type 360 et le tracteur immatriculé [...] n'étaient pas compris dans les autres éléments corporels expressément repris par l'offre de la société Valométal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 626-10 et L. 642-2 du code de commerce ;

2° ALORS QUE le jugement du 19 novembre 2014 ordonnait la cession au profit de la société Valométal, non seulement de la totalité des actifs listés en page 1, 2, 4 à 8 sur 24 de l'inventaire établi par le commissaire-priseur, mais également de divers autres éléments corporels expressément repris par la société Valométal tels que précisés dans son offre ; qu'en retenant cependant que seuls avaient été cédés dans le cadre de la cession partielle au profit de la société Valométal « la totalité des actifs listés en page 1, 2, 4 à 8 sur 24 de l'inventaire établi par le commissaire-priseur », la cour d'appel a dénaturé le jugement du 19 novembre 2014, en violation du principe suivant lequel il est interdit au juge de dénaturer les éléments de la cause.ECLI:FR:CCASS:2020:CO00365
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