Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 27 mai 2020, 19-11.575, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 mai 2020




Cassation partielle


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 458 F-D

Pourvoi n° Z 19-11.575






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 MAI 2020

M. U... T..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Z 19-11.575 contre l'arrêt rendu le 15 novembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l'opposant à l'association Ligue de Paris Ile-de-France de football, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. T..., de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'association Ligue de Paris Ile-de-France de football, après débats en l'audience publique du 11 mars 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris,15 novembre 2018), M. T... a été engagé par l'association Ligue de Paris Ile-de-France de football (la Ligue) le 2 septembre 1996 en qualité de secrétaire administratif. Il exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur général. Il a été licencié pour faute lourde le 5 mars 2013.

2. Contestant le bien fondé de ce licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale le 22 mai 2013 de diverses demandes.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

3. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'heures supplémentaires alors « qu'il résulte des dispositions de l'article L. 3111-1 du code du travail que ne peut être cadre dirigeant que le cadre auquel sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement, ce qui suppose que le salarié participe à la direction de l'entreprise, par sa présence dans les instances dirigeante et sa participation aux choix stratégiques ; qu'en ne recherchant pas si, comme le faisait valoir M. T... dans ses conclusions d'appel, il ne lui était pas interdit d'engager l'association pour des sommes supérieures à 150 euros en signant les bons de commandes sans l'accord du trésorier général de l'association, ni si ne figurant pas parmi les membres du comité de direction, seul organe dirigeant l'association, il ne pouvait participer à ses choix stratégiques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3111-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article L. 3111-2 du code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement. Les critères ainsi définis sont cumulatifs et le juge doit vérifier précisément les conditions réelles d'emploi du salarié concerné.

5. Appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve produits, la cour d'appel a constaté que le salarié signait les contrats de travail, représentait la direction aux réunions de délégués du personnel, assistait aux assemblées générales, avait le pouvoir d'engager financièrement la ligue pour des montants importants et percevait le salaire le plus élevé au sein de la ligue.

6. Elle a pu en déduire qu'il avait la qualité de cadre dirigeant.

7. Le moyen n'est pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

8. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement pour violation de son statut protecteur de membre du syndicat national des administratifs du football au sein de la commission nationale paritaire et de l'ensemble de ses demandes indemnitaires et en dommages-intérêts afférentes alors « que le juge est tenu d'examiner l'ensemble des éléments de preuve soumis à son examen ; qu'en affirmant que M. T... ne versait aucune pièce aux débats à l'exception du procès-verbal du 26 avril 2011 justifiant de son statut de membre de la commission nationale paritaire seulement à une date antérieure à son licenciement, la cour d'appel qui n'a pas examiné la pièce n° 58 visée à son bordereau de communication de pièces, correspondant aux les procès-verbaux des 29 juin 2010, 26 avril 2011, 23 mars 2012, 22 mars 2013, 3 juin 2013 et 31 mars 2014, sur lesquels figurait son nom en qualité de membre du syndicat national des administratifs du football siégeant au sein de la commission, ce dont il résultait qu'il exerçait toujours son mandat à la date du licenciement, a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

9. Pour rejeter la demande du salarié, la cour d'appel retient que M. T... n'a pas précisé les périodes durant lesquelles il a exercé son mandat et n'a en tout état de cause pas justifié qu'en février 2013, date à laquelle il a été licencié, il participait toujours à la commission nationale paritaire en qualité de représentant du collège des salariés, qu'en effet, il n'a versé aucune pièce aux débats à l'exception du procès-verbal du 26 avril 2011, que les attestations produites ne permettent pas de pallier cette carence dans la mesure où aucun des membres du comité directeur ne précise qu'en février 2013, M. T... siégeait toujours au sein de cette commission, qu'en l'absence de preuve de ce qu'il bénéficiait de ce mandat en février 2013, il ne peut pas se prévaloir de la protection attachée au mandat de conseiller du salarié mentionné par l'article L. 2411-1, 16°, du code du travail.

10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait du bordereau de communication de pièces que le salarié produisait aux débats, outre le procès-verbal du 26 avril 2011, des procès-verbaux de réunion de la commission paritaire de la convention collective des personnels administratifs et assimilés du football où il siégeait du 23 mars 2012, 22 mars 2013, 3 juin 2013, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. T... de sa demande en nullité de son licenciement et de ses demandes indemnitaires formées à ce titre, l'arrêt rendu le 15 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne l'association Ligue de Paris Ile-de-France de football aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association Ligue de Paris Ile-de-France de football et la condamne à payer à M. T... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, signé par M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président en ayant délibéré en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille vingt.






MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour M. T...


PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté M. T... de sa demande à voir prononcer la nullité de son licenciement pour violation de son statut protecteur de membre du syndicat national des administratifs du football au sein de la commission nationale paritaire et de l'avoir débouté de l'ensemble de ses demandes indemnitaires et en dommages-intérêts afférentes ;

AUX MOTIFS QUE « l'article L. 2411-1 16° du code du travail dispose que le salarié investi du mandat de conseiller salarié inscrit sur une liste dressée par l'autorité administrative et chargé d'assister les salariés convoqués par l'employeur en vue d'un licenciement bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le code du travail ; qu'en l'espèce, il ressort du procès-verbal de la commission nationale paritaire de la CCPAAF en date du 26 avril 2011 qu'à cette date, M. T... faisait partie du collège des salariés et avait donc vocation à bénéficier de la protection attachée à l'exercice de son mandat ; qu'il est constant que pour se prévaloir de la protection attachée à son mandat de conseiller du salarié mentionné par l'article L. 2411-1 16° du code du travail, le salarié doit, au plus tard lors de l'entretien préalable au licenciement, ou s'il s'agit d'une rupture ne nécessitant pas un entretien préalable, au plus tard avant la notification de l'acte de rupture, avoir informé l'employeur de l'existence de ce mandat ou rapporter la preuve que l'employeur en avait alors connaissance ; que M. F..., ayant occupé le poste de vice-président au sein du comité directeur du 1er janvier 2013 jusqu'en 2014, précise avoir travaillé avec M. T... et avoir su qu'il était membre du syndicat national des administratifs du football et qu'à ce titre, il siégeait au sein de la commission nationale paritaire ; que Mme D... indique qu'elle a été membre du comité directeur de la Ligue du ? janvier 2009 au 31 décembre 2012, et que les membres du comité directeur savaient que M. T... était membre du syndicat des administratifs du football et qu'il siégeait en tant qu'élu à la commission paritaire nationale ; que M. I..., ayant exercé les fonctions de vice-président au sein de la ligue du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2012, atteste qu'il savait que M. T... avait la qualité de membre de la haute autorité du football, avait des responsabilités syndicales et siégeait en qualité d'élu depuis plusieurs années à la commission paritaire de la convention collective des personnels administratifs ; que d'une part, M. T... n'a pas précisé les périodes durant lesquelles il a exercé son mandat et n'a pas en tout état de cause justifié qu'en février 2013, date à laquelle il a été licencié, il participait toujours à la commission nationale paritaire en qualité de représentant du collège des salariés ; qu'en effet, il n'a versé aucune pièce aux débats à l'exception du procès-verbal du 26 avril 2011 ; que d'autre part, les attestations produites ne permettait pas de pallier cette carence dans la mesure où aucun des membres du comité directeur ne précise qu'en février 2013, M. T... siégeait toujours au sein de cette commission ; qu'en l'absence de preuve de ce qu'il bénéficiait de ce mandat en février 2013, M. T... ne peut pas se prévaloir de la protection attachée au mandat de conseiller du salarié mentionné par l'article L. 2411-1 16° du code du travail ; qu'en conséquence, la demande tendant à la nullité du licenciement est rejetée, de même que celle formée au titre de la somme de 120.225 euros ;

1°) ALORS QUE le salarié titulaire, à la date de son licenciement, d'un mandat extérieur de membre représentant les salariés à une commission paritaire instituée par voie d'accord ou de convention collective, peut se prévaloir de la protection applicables aux délégués syndicaux en matière de licenciement dès lors qu'au plus tard, lors de l'entretien préalable, il a informé l'employeur de l'existence de ce mandat ou s'il rapporte la preuve que l'employeur en avait connaissance ; qu'en jugeant que M. T... ne pouvait bénéficier de la protection due au salarié au titre de son mandat de représentant des salariés au sein de la commission paritaire nationale, en dépit de la connaissance qu'avait l'employeur de ce mandat, dans la mesure où il n'aurait pas démontré qu'il l'exerçait toujours à la date du licenciement, quand elle avait préalablement constaté qu'il résultait d'une attestation de M. F..., ayant occupé le poste de vice-président au sein du comité directeur de l'association du 1er janvier 2013 jusqu'en 2014, que pendant toute la durée d'exercice de son mandat, M. T..., avec lequel il travaillait, était membre du syndicat national des administratifs du football et qu'à ce titre, il siégeait au sein de la commission nationale paritaire, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait qu'au moment du licenciement, en février 2013, M. T... exerçait toujours son mandat extérieur, a violé les articles L. 2411-1 et L. 2411-3 du code du travail ;

2°) ALORS QUE le juge est tenu d'examiner l'ensemble des éléments de preuve soumis à son examen ; qu'en affirmant que M. T... ne versait aucune pièce aux débats à l'exception du procès-verbal du 26 avril 2011 justifiant de son statut de membre de la commission nationale paritaire seulement à une date antérieure à son licenciement, la cour d'appel qui n'a pas examiné la pièce n° 58 visée à son bordereau de communication de pièces, correspondant aux les procès-verbaux des 29 juin 2010, 26 avril 2011, 23 mars 2012, 22 mars 2013, 3 juin 2013 et 31 mars 2014 (production n° 5), sur lesquels figurait son nom en qualité de membre du syndicat national des administratifs du football siégeant au sein de la commission, ce dont il résultait qu'il exerçait toujours son mandat à la date du licenciement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en jugeant que M. T... ne produisait aux débats aucune pièce pour justifier le maintien de son mandat extérieur à la date de son licenciement, quand il résultait du bordereau de communication de pièces annexé à ses conclusions d'appel (production n° 4), qu'il produisait devant la cour d'appel la pièce n° 58 intitulée « procès-verbaux de la commission nationale paritaire de la CCPAAF 29 juin 2010, 26 avril 2011, 23 mars 2012, 22 mars 2013, 3 juin 2013, 31 mars 2014 où siégeait M. T... » à cette fin, la cour d'appel qui a dénaturé ledit bordereau, a violé le principe suivant lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;

4°) ALORS, à titre subsidiaire, QUE les salariés membres des commissions paritaires professionnelles créées par accord collectif bénéficient de la même protection que celle instituée par la loi pour les délégués syndicaux, protection qui est maintenue pendant douze mois au terme du mandat ; qu'après avoir constaté que M. T... justifiait de la connaissance par l'employeur de son mandat extérieur de représentant des salariés au sein de la commission nationale paritaire pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2012 mais pas au-delà, ce dont il résultait qu'il avait exercé son mandat au moins jusqu'à cette date et que la protection en cas de licenciement s'appliquait automatiquement jusqu'au 31 décembre 2013, la cour d'appel qui lui a néanmoins refusé le statut protecteur au seul motif qu'il n'aurait pas justifié du maintien de son mandat à la date du licenciement, en février 2013, a statué par un motif impropre à justifier sa décision et a violé les articles L. 2251-1, L. 2234-3 et L. 2411-3 du code du travail.


DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. T... était justifié par une faute grave et de l'avoir débouté de l'ensemble de ses demandes indemnitaires et en dommages-intérêts à ce titre ;

AUX MOTIFS QU'il est constant que la faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise ; que par courrier recommandé en date du 5 mars 2013, la Ligue a notifié à M. T... son licenciement pour faute lourde ; qu'elle a précisé que dans le cadre de l'analyse des comptes au titre de l'exercice clos au 30 juin 2012, réalisée du 16 au 18 janvier 2013, le cabinet d'expertise-comptable lui avait demandé de transmettre son contrat de travail ainsi que celui de M. Y..., directeur général adjoint, documents qui n'avaient jamais été transmis au service comptable de l'association, que dans ce contexte, il avait remis, sous enveloppes scellées, deux avenants en original et en copie datés du 30 mars 2012, signés par M. A..., président de l'association à la date de la signature, que l'analyse des documents a révélé les clauses tout à fait inhabituelles au regard des avantages exorbitants octroyés, à savoir, le maintien de son emploi et de celui de M. Y... durant quatre ans, à défaut le versement d'une indemnité équivalente au solde des salaires restant dus jusqu'au terme de la période de garantie sans pouvoir être inférieure à 12 mois de salaires à laquelle s'ajoute l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'impossibilité de procéder à un licenciement après la période de garantie, sauf pour faute grave avérée et en tout état de cause, en sus des indemnités conventionnelles, en cas de rupture du contrat de travail et quelle que soit la partie à laquelle elle est imputable et quel qu'en soit le motif, le versement d'une indemnité correspondant à 12 mois de salaire ; qu'elle précisait avoir sollicité la désignation d'un huissier de justice et d'un expert informaticien dont l'expertise a déterminé qu'au mois de mars 2012, M. T... avait sollicité les services de M. N..., professeur de droit, pour la rédaction d'un avant-projet afin de sécuriser au plus vite son contrat avant les élections de la présidence de la ligue et que la version remise au service comptable a été signée, non pas en mars 2012, mais le 29 octobre 2012, soit postérieurement aux élections intervenues le 20 octobre 2012 ; qu'elle lui a reproché d'avoir établi de manière frauduleuse cet avenant antidaté en vue de se voir garantir des avantages financiers exorbitants eu égard à la vocation de l'association, et elle précise que M. Y... a reconnu que son avenant avait également été antidaté et préparé par les soins de M. T... ; qu'elle a souligné qu'aucune provision n'avait été passée dans les comptes de l'exercice clos au 30 juin 2012, ce qui démontre que les deux avenants n'existaient pas à la date de clôture, et que s'ils avaient effectivement été signés à la date indiquée, il aurait participé, en sa qualité de directeur général et de responsable de la comptabilité, à la commission du délit de présentation de comptes annuels inexacts ; qu'elle a précisé qu'il avait fait preuve de manquements graves et avait, de manière intentionnelle, nui aux intérêts de l'association dans la mesure où de tels avantages mettent en danger les comptes de la structure et matérialisent une attitude totalement irresponsable de ses dirigeants ; qu'en effet, ces avantages la privent de toute faculté de résiliation unilatérale du contrat de travail, raison pour laquelle, il a omis intentionnellement la double signature du président et du secrétaire général imposée par les dispositions statutaires, alors même que les avantages prévus ont pour effet d'engager financièrement l'association ; qu'il résulte du procès-verbal d'huissier que le 27 février 2013, M. T... et M. Y... ont remis au président, M. Q..., une enveloppe fermée contenant un avenant à leur contrat de travail mentionnant la date du 30 mars 2012 ; que l'expert, qui assistait l'huissier lors de son intervention du 27 février 2013, a procédé à l'examen du disque dur de l'ordinateur de M. T... dont il ressort que le fichier relatif à l'avenant litigieux a été créé le 6 mars 2012, qu'il a été modifié le 29 octobre 2012 et déposé dans la corbeille le 26 février 2013, et que seule la version du 29 octobre 2012 a été imprimée et a donc été signée par M. A... ; qu'en conséquence, l'avenant de M. T... est effectivement antidaté ; que la volonté de l'appelant de sécuriser son contrat de travail et celui de M. Y... ressort du courriel adressé le 6 mars 2012 à M. N... dans lequel il a précisé que les élections allaient avoir lieu le 15 septembre 2012 ; que lors de l'ouverture, effectuée devant huissier, de la lettre scellée contenant l'avenant, M. Y... a affirmé que le 30 mars 2012, il n'avait pas signé d'avenant et qu'il ignorait que ce dernier avait été placé sous enveloppe scellée ; que par courrier en date du 24 avril 2013, il a précisé qu'il n'avait pas été à l'instigation de l'établissement de l'avenant et qu'il n'avait pas participé à sa rédaction ; que s'agissant de sa signature, il a confirmé que l'avenant n'avait pas été signé le 30 mars 2012, ni même à une date proche courant avril 2012 ; que ce témoignage corrobore le caractère antidaté des deux avenants dans la mesure où les échanges par courriels entre M. T... et M. N... concernaient les deux avenants ; que M. A..., l'ancien président, atteste qu'il lui est apparu qu'il devait s'assurer de la fidélisation d'un cadre de haut niveau en la personne de M. T... qui pouvait être sollicité par d'autres structures compte tenu de son expérience et de ses compétences, qu'il a signé un avenant en mars 2012 dans le but d'assurer la continuité du suivi des dossiers ; que cette affirmation est contestée par les éléments analysés ci-dessus et par les propos même de M. T... lorsqu'il s'adresse à M. N... pour l'aider à rédiger l'avenant ; que ce dernier, entendu par les services de police, a précisé que M. T... avait des inquiétudes quant aux élections d'octobre 2012 et qu'il cherchait à conserver son emploi, d'où la proposition de "muscler" le contrat de travail ; que par ailleurs, l'avenant en question est irrégulier en ce que l'article 26-3 des statuts de la ligue n'a pas été respecté ; qu'en effet, ce dernier précise que le président, ou le membre du comité de direction à qui il délègue ses pouvoirs, sauf le trésorier général, ordonne, après consultation de ce dernier, les dépenses et signe, conjointement avec le secrétaire général, tous les documents engageant la Ligue ; qu'or, l'avenant litigieux n'a pas été signé conjointement par le secrétaire général et il n'est pas non plus démontré que le trésorier général a été consulté alors qu'aux termes de cet avenant, les finances de la Ligue étaient effectivement engagées et de manière considérable au regard des sommes susceptibles d'être versées à M. T... en cas de licenciement ; qu'enfin, M. T... ne démontre pas que l'avenant a été transmis au service comptable ; qu'en effet, l'expert-comptable, entendu par les services de police dans le cadre de l'enquête préliminaire, a précisé avoir constaté que le service comptable n'était pas en possession des contrats de travail de MM. T... et Y... et que lorsqu'il a exigé leur remise, ceux-ci lui ont été présentés sous enveloppes scellées ; qu'il a d'ailleurs ajouté que pour lui, ces avenants comportaient des dispositions hors normes au regard du montant des sommes à verser en cas de rupture de la relation contractuelle et du caractère certain de leur versement alors que les sommes en question ne figuraient pas au passif lors du bilan arrêté au 30 juin 2012 ; qu'il a souligné que la structure ne comportait que 45 salariés et fonctionnait avec les cotisations des adhérents et des fonds publics et que des clauses de ce type ne sont insérées que dans des contrats de manager d'entreprises commerciales cotées ; que M. T... ne peut pas invoquer l'accord de M. A... pour soutenir la régularité de l'avenant et de la clause de garantie d'emploi au regard d'une part, du caractère antidaté du document, ce qui démontre l'existence d'une collusion avec ce dernier, et d'autre part, du non-respect de la procédure d'engagement des dépenses applicable au sein de la Ligue aux termes du statut, ce dont le Président en titre, et lui-même, compte tenu de sa qualité de directeur général, avaient nécessairement connaissance ; que les manoeuvres frauduleuses de la part de M. T... en vue de se voir attribuer des avantages exorbitants postérieurement à l'élection du nouveau président de la Ligue sont donc établies ; que par ailleurs, l'avenant est irrégulier et ne peut recevoir application en l'absence de respect de la procédure d'engagement des dépenses ; que le licenciement de M. T... est donc justifié ; qu'en revanche, la volonté de nuire à son employeur n'est pas démontrée, seul l'intérêt personnel l'ayant conduit à signer cet avenant ainsi que cela ressort des courriels adressés à M. N... ; que l'on retient la faute grave et non la faute lourde ; qu'en conséquence, les demandes indemnitaires formées par M. T... ainsi que celles relatives au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité de licenciement, de la clause de garantie de l'emploi, du rappel de salaire durant la mise à pied conservatoire, du rappel d'ancienneté pendant la mise à pied conservatoire, du rappel de salaire au titre du 13e mois fondé sur le préavis qu'il aurait dû effectuer sont rejetées ;

1°) ALORS QUE l'employeur qui a, sans contrainte, sans manoeuvres et en toute connaissance de cause conclu un avenant contractuel avec un salarié, ne peut se prévaloir ultérieurement d'une faute à son endroit résultant de la conclusion dudit avenant ; qu'en jugeant que le licenciement de M. T... était justifié par une faute grave en ce qu'il avait tenté, avec succès, de sécuriser son contrat de travail par la conclusion d'un clause de garantie d'emploi avant le changement de direction de la Ligue, quand elle avait constaté qu'à la date de conclusion de l'avenant contractuel litigieux, ce dernier avait été signé par le président de l'association, sans contrainte et en toute connaissance de cause, ce dont il résultait que la conclusion de l'avenant ne pouvait être retenu à faute à l'encontre du salarié, la cour d'appel qui a jugé l'inverse, a violé les articles L. 1331-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

2°) ALORS QUE le souhait exprimé par le salarié de bénéficier d'une clause de garantie d'emploi afin de sécuriser son contrat de travail, que l'employeur est libre d'accepter ou de refuser, ne peut être considéré comme un comportement frauduleux ; qu'en jugeant l'inverse, la cour d'appel a violé le principe fraus omnia corrompit et l'article 1103, antérieurement 1134, du code civil ;

3°) ALORS, en tout état de cause, QUE le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en jugeant qu'il ressortait du courriel de M. T... du 6 mars 2012 (production n° 6) qu'il aurait eu la volonté de sécuriser son contrat de travail avant les prochaines élections professionnelles et aurait contacté M. N... à cette fin, quand le courriel énonçait « le Président A... tient absolument à sécuriser le plus vite possible mon contrat (
) Il m'a demandé de porter cette clause à 3 ans, mais j'ai bien compris que tu allais indiquer d'autres clauses plus adéquates », ce dont il résultait que la volonté d'établir une clause de garantie d'emploi au profit de M. T... avait été exprimée par M. A... et non par le salarié lui-même, la cour d'appel qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe suivant lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;

4°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent se déterminer sur la seule allégation d'une partie sans avoir examiné l'ensemble des éléments de preuve produits aux débats ; qu'en énonçant, pour conclure au caractère antidaté de l'avenant du 30 mars 2012, que « L'expert, qui assistait l'huissier lors de son intervention du 27 février 2013, a procédé à l'examen du disque dur de l'ordinateur de M. T... dont il ressort que l'avenant litigieux a été créé le 6 mars 2012, qu'il a été modifié le 29 octobre 2012 et déposé dans la corbeille le 26 février 2013, et que seule la version du 29 octobre 2012 a été imprimée et a donc été signée par M. A... », quand le procès-verbal d'audition de l'expert du 19 novembre 2015 (pièce n° 64, production n° 7) énonçait, d'une part, « le plaignant évoque une expertise. Je me pose la question de savoir de quelle expertise il s'agit. En ce qui me concerne je n'ai pas pratiqué d'expertise et me suis exclusivement limité à une intervention technique d'assistance, à la sélection et à l'exportation des fichiers objet du constat confié à l'huissier » et, d'autre part, « La date de "dernier enregistrement" du 29 octobre 2012, signifie que le document a été sauvegardé à cette date. Ceci, sous réserve que la date de l'horloge de l'ordinateur correspondait bien à la date réelle du jour de cet enregistrement (sauvegarde)
En outre, cette date du dernier enregistrement n'indique pas qu'il y ait eu nécessairement modification du contenu du document entre une éventuelle consultation et son enregistrement
Concernant la date de dernière impression du document, je fais la même réserve qu'à mon point 3, c'est-à-dire que la date de l'horloge de l'ordinateur correspondait bien à la date réelle du jour de cette impression », ce dont il résultait que l'expert affirmait ne pas avoir réalisé d'expertise du disque dur, ni constaté une modification du contenu de l'avenant litigieux à la date du 29 octobre 2012, ni son impression uniquement à cette date et, par voie de conséquence, le caractère antidaté de l'avenant du 30 mars 2012, la cour d'appel qui, pour affirmer l'inverse, a repris la thèse soutenue par l'employeur sans avoir analysé, même de façon sommaire, le procès-verbal d'audition de l'expert du 19 novembre 2015, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant le caractère frauduleux de la clause de garantie d'emploi au motif du non respect des dispositions de l'article 26-3 des statuts de la ligue, lequel impose, pour toute procédure d'engagement des dépenses, le visa du trésorier général et la double signature de secrétaire général et du président, sans voir répondu aux conclusions d'appel du salarié (p. 22) qui faisait valoir que l'article 26-3 des statuts était inapplicable à la conclusion de contrats de travail ou d'avenants contractuels par la ligue et en justifiait par le procès-verbal d'audition de M. Y... du 19 janvier 2016 (pièce n° 64, production n° 8) ainsi que par l'ensemble des avenants contractuels conclus par la Ligue avec ses salariés (pièces n° 33-2 à 33-11, production n° 9), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


TROISIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté M. T... de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et de l'avoir condamné au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

AUX MOTIFS QU' « il résulte de l'article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que si l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge les éléments de nature à étayer sa demande en paiement d'heures supplémentaires et mettre l'employeur en mesure de discuter la demande ; pour s'opposer à la demande formulée par M. T..., la Ligue précise qu'il avait le statut de cadre dirigeant ; que l'article L. 3111-2 dispose que sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; qu'il est constant que les trois critères énoncés à l'article L. 3111-2 du code du travail sont cumulatifs et que seuls relèvent de la catégorie des cadres dirigeants au sens de ce texte les cadres participant à la direction de l'entreprise ; qu'il est également constant que pour déterminer l'application de ce statut, il importe d'examiner la fonction réellement occupée par le salarié au regard de chacun des trois critères afin de vérifier s'il participait à la direction de l'entreprise ; qu'n l'espèce, la Ligue verse aux débats les contrats de travail des salariés de la Ligue qui étaient signés par M. T... compte tenu de sa qualité de directeur général, ce qui démontre qu'il prenait des décisions de manière largement autonome et qu'il avait en charge la gestion du personnel impliquant le pouvoir de direction et le contrôle du temps de travail ; qu'à cet effet, il représentait la direction aux réunions de délégués du personnel ; qu'en qualité de directeur général, il participait à la direction de la Ligue ; qu'à ce titre, il assistait aux assemblées générales qu'il préparait ainsi que cela ressort des procès-verbaux versés aux débats ; qu''il avait également le pouvoir d'engager financièrement la Ligue ainsi qu'en attestent les contrats qu'il concluait dans le but de faire réaliser des reportages et de les voir publier sur internet (50 000 à 60 000 euros) ; qu'aucun de ces contrats n'est contresigné par le Président, ce qui corrobore la grande autonomie dont il bénéficiait ; qu'enfin, la Ligue produit la déclaration annuelle des données sociales pour les années 2011 et 2012 dont il ressort qu'il percevait le salaire le plus élevé au sein de la Ligue, soit 10.018,75 euros ; qu'à titre d'exemple, le directeur général adjoint, M. Y..., au profit duquel il avait signé une délégation de pouvoir, percevait un salaire bien inférieur, soit 57.702 annuellement ; qu'il bénéficiait de fait d'une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps ; qu'il s'en déduit que M. T... avait le statut de cadre dirigeant et qu'à ce titre, il ne peut pas prétendre au paiement d'heures supplémentaires, ni à un rappel de salaire pour les dimanches et jours fériés travaillés alors qu'une partie de ses fonctions consistaient à représenter la Ligue, comme il le précise, au sein de diverses réunions ou d'action à destination de clients ou de dirigeants le soir ou le week-end (page 50 de ses écritures) ; qu'en conséquence, ses demandes sont rejetées » ;

-ALORS QU'il résulte des dispositions de l'article L. 3111-1 du code du travail que ne peut être cadre dirigeant que le cadre auquel sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement, ce qui suppose que le salarié participe à la direction de l'entreprise, par sa présence dans les instances dirigeante et sa participation aux choix stratégiques ; qu'en ne recherchant pas si, comme le faisait valoir M. T... dans ses conclusions d'appel, il ne lui était pas interdit d'engager l'association pour des sommes supérieures à 150 euros en signant les bons de commandes sans l'accord du trésorier général de l'association, ni si ne figurant pas parmi les membres du comité de direction, seul organe dirigeant l'association, il ne pouvait participer à ses choix stratégiques, cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3111-2 du code du travail.ECLI:FR:CCASS:2020:SO00458
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