Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 25 mars 2020, 19-16.375, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 25 mars 2020, 19-16.375, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 19-16.375
- ECLI:FR:CCASS:2020:C100256
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 25 mars 2020
Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, du 12 mars 2019- Président
- Mme Batut (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 mars 2020
Cassation partielle
Mme BATUT, président
Arrêt n° 256 F-D
Pourvoi n° S 19-16.375
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MARS 2020
M. X... B..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° S 19-16.375 contre l'arrêt rendu le 12 mars 2019 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. Q... J..., domicilié [...] ,
2°/ à la clinique Médipôle de Savoie, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kloda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard, avocat de M. B..., de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de M. J..., de Me Le Prado, avocat de la clinique Médipôle de Savoie, après débats en l'audience publique du 25 février 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Kloda, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 12 mars 2019), le 2 décembre 2010, une intervention chirurgicale a été réalisée à la clinique Médipôle de Savoie (la clinique) par M. B..., chirurgien urologue (le chirurgien), sur M. J... (le patient), qui a souffert de complications infectieuses.
2. Après expertise judiciaire, le patient a assigné en responsabilité et indemnisation le chirurgien et la clinique.
3. L' origine nosocomiale de l'infection a été admise.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
4. Le chirurgien fait grief à l'arrêt de le condamner, in solidum avec la clinique, à payer au patient la somme de 42 513,13 euros à titre de dommages-intérêts, alors « qu'un professionnel de santé n'engage sa responsabilité au titre d'une infection nosocomiale qu'en cas de faute ; qu'en décidant néanmoins que le chirurgien était de plein droit responsable des conséquences de l'infection nosocomiale contractée par le patient, de sorte que les moyens relatifs à l'asepsie de la salle d'opération et à la prescription d'antibiotiques avant l'opération étaient inopérants, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1, alinéa 1er, du code de la santé publique. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1142-1, alinéa 1er, du code de la santé publique :
5. En application de ce texte, les professionnels de santé, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.
6. Pour déclarer le chirurgien responsable des préjudices subis par le patient et le condamner à les indemniser, in solidum avec la clinique, l'arrêt retient que sa responsabilité est engagée de plein droit, sans qu'il soit besoin de prouver sa faute, du seul fait de la présence d'une infection nosocomiale en lien avec l'intervention et en l'absence de cause étrangère.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare M. B... responsable des préjudices subis par M. J... et le condamne à payer à celui-ci les sommes de 42 513,13 euros en réparation de son préjudice corporel et de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 12 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne M. J... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour M. B....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré le Docteur X... B... responsable, avec la Société CLINIQUE MEDIPOLE SAVOIE, des préjudices subis par Monsieur P... J... à l'occasion de l'opération subie par ce dernier le 2 décembre 2010 et, en conséquence, de les avoir condamnés in solidum à lui payer la somme de 42.513,13 euros à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE, selon l'article L. 1142-1, I, alinéa 1er du Code de la santé publique, hors les cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables de tels actes qu'en cas de faute ; que selon l'alinéa 2 de ce même article, ces établissements, services ou organismes sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ; que doit être regardée, au sens de l'article L. 1142-1, comme présentant un caractère nosocomial une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge ; que tenus l'un et l'autre, en application de l'alinéa 2 de ce texte, d'une obligation de sécurité de résultat le médecin et l'établissement ne peuvent s'exonérer de leur responsabilité de plein droit qu'en apportant la preuve d'une cause étrangère, laquelle doit présenter un caractère imprévisible et irrésistible ; qu'il faut ainsi considérer que, dès lors qu'il existe un lien direct et certain entre l'intervention et le dommage, les juges ne peuvent pas retenir comme cause étrangère un risque connu de complication, qualifié d'aléa thérapeutique lié à l'intervention non fautive du praticien ; qu'en l'espèce, les conclusions des docteurs G... et E... sont les suivantes : « Dans les suites d'une intervention de résection trans-urétrale de prostate réalisée par le Dr B... au Médipôle de Savoie, le 2/12/2010, M. J... a présenté une complication infectieuse post opératoire à type d'infection aiguë polymicrobienne de la symphyse pubienne en rapport avec une rupture capsulaire iatrogène de la prostate. Cette infection nosocomiale a nécessité un traitement antibiotique prolongé qui a permis d'obtenir un état consolidé de guérison avec séquelles » ; que les experts apportant dans leur rapport les précisions suivantes : l'intervention était justifiée du fait de la gêne importante présentée par le patient qui avait consulté à plusieurs reprises et de l'échec du traitement médical qui avait été instauré, le choix de la technique était correct compte tenu du volume de la glande, le patient ne présentait aucun antécédent susceptible de contribuer à la survenue de l'infection et à la suite de l'opération, il a présenté une ostéite pubienne, probablement conséquence d'une extravasion d'urines autour de la prostate à la suite de l'intervention ; que cette extravasion peut être due à une brèche capsulaire peropératoire ; que la survenue d'une brèche capsulaire est fréquente et ne constitue pas une faute ; que l'évolution locale s'est produite aboutissant à une ostéite du pubis et à la création d'une fistule entre la zone infectée pubienne et l'urètre ; que cette fistule a guéri après drainage des urines par sonde urétérale et sonde à demeure ; qu'elle a cicatrisé en rétractation ce qui a entraîné une sclérose du col qui a fait l'objet d'une opération par le Docteur F... en avril 2011 ; que la réalité de l'infection est incontestable étant donné les éléments cliniques et para cliniques ainsi que la documentation microbiologique obtenue par prélèvements per opératoire au niveau du site anatomique ; que le lien entre l'infection et l'acte de soins (résection endocopique de la prostate) peut être considéré comme certain étant donné un début de la symptomatologie clinique au troisième jour post opératoire, et le type d'infection décrit comme une complication rare du type d'intervention concerné dans la littérature scientifique ; que la pathologie ayant justifié l'hospitalisation initiale ou les thérapeutiques mises en oeuvre sont susceptibles de complications infectieuses : la complication infectieuse la plus fréquente de la résection trans-urétrale de prostate est l'infection urinaire post opératoire qui ne présente pas de caractère de gravité dans la majorité des situations rencontrées ; que l'infection en cause ici est une atteinte ostéo-articulaire de proximité provoquée par une brèche de la capsule de la prostate permettant la contamination des tissus prostatiques de proximité ; que cette complication infectieuse reste exceptionnelle et concerne les actes invasifs dans cette région anatomique ; que dans la très grande majorité des cas de résection trans-urétrale de prostate, elle est évitée ; qu'en l'absence de cause étrangère ou d'état antérieur, l'acquisition de l'infection au cours de l'hospitalisation dans la clinique Médipôle est avérée ; que s'agissant de la prévention de l'infection en cause, les experts ont relevé que, concernant l'antibioprophylaxie chirurgicale une absence de traçabilité de l'administration retrouvée dans les pièces (traçabilité de la prescription seulement) et un antibiotique non conforme au consensus national (cefoxitine au lieu de céfazoline recommandée) et une incertitude sur le numéro de la salle d'opération ne permettant pas d'examiner les éléments concernant la maîtrise du risque infection lié à l'environnement ; que par ailleurs, sur la période postérieure à l'opération, ils ont relevé une perte de chance non chiffrable résultant de l'inefficacité du traitement antibiotique instauré après la réalisation d'un examen cytobactériologique des urines le 13/12/2010 (traitement par Oflocet et Gentamicine, molécules inactives sur la bactérie Staphylococcus epidermidis détectée lors de cet examen) ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, il ressort que Monsieur J... a présenté une infection nosocomiale en lien avec l'intervention dont il a fait l'objet ; que dès lors, l'argumentation du centre Médipôle consistant à soutenir que cette infection a été provoquée par un geste du chirurgien, elle ne serait pas nosocomiale, est totalement inopérante ; que c'est à tort que s'agissant de la responsabilité du Docteur B..., le tribunal a retenu l'existence d'une faute sur le fondement de l'alinéa 1 de l'article L. 1142-1, I du Code de la santé publique, la responsabilité de ce dernier étant engagée comme le centre Médipôle du fait de la présence d'une infection nosocomiale en lien avec l'intervention et en l'absence de cause étrangère qui n'est même pas alléguée en l'espèce ; que par ailleurs, s'agissant d'une responsabilité de plein droit, les arguments des uns et des autres concernant la salle d'opération, la prescription d'antibiotiques avant l'opération, sont inopérants ; que par substitution de motifs, le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré le Centre MEDIPOLE DE SAVOIE et le Docteur B... responsables des dommages et préjudices occasionnés à Monsieur P... J... en suite de l'opération qu'il a subie le 2/12/2010, avec cette précision qu'il s'agit d'une responsabilité in solidum et non solidaire ;
1°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut, à ce titre, relever un moyen d'office, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen ; qu'en relevant néanmoins d'office le moyen tiré de ce que le Docteur B... était de plein droit responsable des conséquences de l'infection nosocomiale contractée par Monsieur J..., sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'un professionnel de santé n'engage sa responsabilité au titre d'une infection nosocomiale qu'en cas de faute ; qu'en décidant néanmoins que le Docteur B... était de plein droit responsable des conséquences de l'infection nosocomiale contractée par Monsieur J..., de sorte que les moyens relatifs à l'asepsie de la salle d'opération et à la prescription d'antibiotiques avant l'opération étaient inopérants, la Cour d'appel a violé l'article L. 1142-1, alinéa 1er, du Code de la santé publique.ECLI:FR:CCASS:2020:C100256
CIV. 1
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 mars 2020
Cassation partielle
Mme BATUT, président
Arrêt n° 256 F-D
Pourvoi n° S 19-16.375
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MARS 2020
M. X... B..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° S 19-16.375 contre l'arrêt rendu le 12 mars 2019 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. Q... J..., domicilié [...] ,
2°/ à la clinique Médipôle de Savoie, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kloda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard, avocat de M. B..., de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de M. J..., de Me Le Prado, avocat de la clinique Médipôle de Savoie, après débats en l'audience publique du 25 février 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Kloda, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 12 mars 2019), le 2 décembre 2010, une intervention chirurgicale a été réalisée à la clinique Médipôle de Savoie (la clinique) par M. B..., chirurgien urologue (le chirurgien), sur M. J... (le patient), qui a souffert de complications infectieuses.
2. Après expertise judiciaire, le patient a assigné en responsabilité et indemnisation le chirurgien et la clinique.
3. L' origine nosocomiale de l'infection a été admise.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
4. Le chirurgien fait grief à l'arrêt de le condamner, in solidum avec la clinique, à payer au patient la somme de 42 513,13 euros à titre de dommages-intérêts, alors « qu'un professionnel de santé n'engage sa responsabilité au titre d'une infection nosocomiale qu'en cas de faute ; qu'en décidant néanmoins que le chirurgien était de plein droit responsable des conséquences de l'infection nosocomiale contractée par le patient, de sorte que les moyens relatifs à l'asepsie de la salle d'opération et à la prescription d'antibiotiques avant l'opération étaient inopérants, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1, alinéa 1er, du code de la santé publique. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1142-1, alinéa 1er, du code de la santé publique :
5. En application de ce texte, les professionnels de santé, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.
6. Pour déclarer le chirurgien responsable des préjudices subis par le patient et le condamner à les indemniser, in solidum avec la clinique, l'arrêt retient que sa responsabilité est engagée de plein droit, sans qu'il soit besoin de prouver sa faute, du seul fait de la présence d'une infection nosocomiale en lien avec l'intervention et en l'absence de cause étrangère.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare M. B... responsable des préjudices subis par M. J... et le condamne à payer à celui-ci les sommes de 42 513,13 euros en réparation de son préjudice corporel et de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 12 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne M. J... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour M. B....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré le Docteur X... B... responsable, avec la Société CLINIQUE MEDIPOLE SAVOIE, des préjudices subis par Monsieur P... J... à l'occasion de l'opération subie par ce dernier le 2 décembre 2010 et, en conséquence, de les avoir condamnés in solidum à lui payer la somme de 42.513,13 euros à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE, selon l'article L. 1142-1, I, alinéa 1er du Code de la santé publique, hors les cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables de tels actes qu'en cas de faute ; que selon l'alinéa 2 de ce même article, ces établissements, services ou organismes sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ; que doit être regardée, au sens de l'article L. 1142-1, comme présentant un caractère nosocomial une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge ; que tenus l'un et l'autre, en application de l'alinéa 2 de ce texte, d'une obligation de sécurité de résultat le médecin et l'établissement ne peuvent s'exonérer de leur responsabilité de plein droit qu'en apportant la preuve d'une cause étrangère, laquelle doit présenter un caractère imprévisible et irrésistible ; qu'il faut ainsi considérer que, dès lors qu'il existe un lien direct et certain entre l'intervention et le dommage, les juges ne peuvent pas retenir comme cause étrangère un risque connu de complication, qualifié d'aléa thérapeutique lié à l'intervention non fautive du praticien ; qu'en l'espèce, les conclusions des docteurs G... et E... sont les suivantes : « Dans les suites d'une intervention de résection trans-urétrale de prostate réalisée par le Dr B... au Médipôle de Savoie, le 2/12/2010, M. J... a présenté une complication infectieuse post opératoire à type d'infection aiguë polymicrobienne de la symphyse pubienne en rapport avec une rupture capsulaire iatrogène de la prostate. Cette infection nosocomiale a nécessité un traitement antibiotique prolongé qui a permis d'obtenir un état consolidé de guérison avec séquelles » ; que les experts apportant dans leur rapport les précisions suivantes : l'intervention était justifiée du fait de la gêne importante présentée par le patient qui avait consulté à plusieurs reprises et de l'échec du traitement médical qui avait été instauré, le choix de la technique était correct compte tenu du volume de la glande, le patient ne présentait aucun antécédent susceptible de contribuer à la survenue de l'infection et à la suite de l'opération, il a présenté une ostéite pubienne, probablement conséquence d'une extravasion d'urines autour de la prostate à la suite de l'intervention ; que cette extravasion peut être due à une brèche capsulaire peropératoire ; que la survenue d'une brèche capsulaire est fréquente et ne constitue pas une faute ; que l'évolution locale s'est produite aboutissant à une ostéite du pubis et à la création d'une fistule entre la zone infectée pubienne et l'urètre ; que cette fistule a guéri après drainage des urines par sonde urétérale et sonde à demeure ; qu'elle a cicatrisé en rétractation ce qui a entraîné une sclérose du col qui a fait l'objet d'une opération par le Docteur F... en avril 2011 ; que la réalité de l'infection est incontestable étant donné les éléments cliniques et para cliniques ainsi que la documentation microbiologique obtenue par prélèvements per opératoire au niveau du site anatomique ; que le lien entre l'infection et l'acte de soins (résection endocopique de la prostate) peut être considéré comme certain étant donné un début de la symptomatologie clinique au troisième jour post opératoire, et le type d'infection décrit comme une complication rare du type d'intervention concerné dans la littérature scientifique ; que la pathologie ayant justifié l'hospitalisation initiale ou les thérapeutiques mises en oeuvre sont susceptibles de complications infectieuses : la complication infectieuse la plus fréquente de la résection trans-urétrale de prostate est l'infection urinaire post opératoire qui ne présente pas de caractère de gravité dans la majorité des situations rencontrées ; que l'infection en cause ici est une atteinte ostéo-articulaire de proximité provoquée par une brèche de la capsule de la prostate permettant la contamination des tissus prostatiques de proximité ; que cette complication infectieuse reste exceptionnelle et concerne les actes invasifs dans cette région anatomique ; que dans la très grande majorité des cas de résection trans-urétrale de prostate, elle est évitée ; qu'en l'absence de cause étrangère ou d'état antérieur, l'acquisition de l'infection au cours de l'hospitalisation dans la clinique Médipôle est avérée ; que s'agissant de la prévention de l'infection en cause, les experts ont relevé que, concernant l'antibioprophylaxie chirurgicale une absence de traçabilité de l'administration retrouvée dans les pièces (traçabilité de la prescription seulement) et un antibiotique non conforme au consensus national (cefoxitine au lieu de céfazoline recommandée) et une incertitude sur le numéro de la salle d'opération ne permettant pas d'examiner les éléments concernant la maîtrise du risque infection lié à l'environnement ; que par ailleurs, sur la période postérieure à l'opération, ils ont relevé une perte de chance non chiffrable résultant de l'inefficacité du traitement antibiotique instauré après la réalisation d'un examen cytobactériologique des urines le 13/12/2010 (traitement par Oflocet et Gentamicine, molécules inactives sur la bactérie Staphylococcus epidermidis détectée lors de cet examen) ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, il ressort que Monsieur J... a présenté une infection nosocomiale en lien avec l'intervention dont il a fait l'objet ; que dès lors, l'argumentation du centre Médipôle consistant à soutenir que cette infection a été provoquée par un geste du chirurgien, elle ne serait pas nosocomiale, est totalement inopérante ; que c'est à tort que s'agissant de la responsabilité du Docteur B..., le tribunal a retenu l'existence d'une faute sur le fondement de l'alinéa 1 de l'article L. 1142-1, I du Code de la santé publique, la responsabilité de ce dernier étant engagée comme le centre Médipôle du fait de la présence d'une infection nosocomiale en lien avec l'intervention et en l'absence de cause étrangère qui n'est même pas alléguée en l'espèce ; que par ailleurs, s'agissant d'une responsabilité de plein droit, les arguments des uns et des autres concernant la salle d'opération, la prescription d'antibiotiques avant l'opération, sont inopérants ; que par substitution de motifs, le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré le Centre MEDIPOLE DE SAVOIE et le Docteur B... responsables des dommages et préjudices occasionnés à Monsieur P... J... en suite de l'opération qu'il a subie le 2/12/2010, avec cette précision qu'il s'agit d'une responsabilité in solidum et non solidaire ;
1°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut, à ce titre, relever un moyen d'office, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen ; qu'en relevant néanmoins d'office le moyen tiré de ce que le Docteur B... était de plein droit responsable des conséquences de l'infection nosocomiale contractée par Monsieur J..., sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'un professionnel de santé n'engage sa responsabilité au titre d'une infection nosocomiale qu'en cas de faute ; qu'en décidant néanmoins que le Docteur B... était de plein droit responsable des conséquences de l'infection nosocomiale contractée par Monsieur J..., de sorte que les moyens relatifs à l'asepsie de la salle d'opération et à la prescription d'antibiotiques avant l'opération étaient inopérants, la Cour d'appel a violé l'article L. 1142-1, alinéa 1er, du Code de la santé publique.