Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 18 mars 2020, 18-10.919, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 mars 2020




Cassation partielle


M. CATHALA, président



Arrêt n° 373 FP-P+B+R+I

Pourvoi n° R 18-10.919




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 MARS 2020

M. R... E..., domicilié [...], a formé le pourvoi n° R 18-10.919 contre l'arrêt rendu le 22 novembre 2017 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opposant à la société Galtier expertises techniques immobilières (GETI), société à responsabilité limitée, dont le siège est [...], défenderesse à la cassation.

Intervention volontaire :

1°/ du Medef, Mouvement des entreprises de France, dont le siège est [...],

2°/ de Avosial, Avocats d'entreprise en droit social, dont le siège est [...],

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations écrites de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. E..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Galtier expertises techniques immobilières, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat du Medef et de Avosial, les plaidoiries de Mes Baraduc, Célice et celles de Me Pinatel, et l'avis de M. Desplan, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 février 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mme Farthouat-Danon, M. Schamber, Mme Leprieur, M. Maron, Mme Aubert-Monpeyssen, MM. Rinuy, Pion, Ricour, Pietton, Mme Pécaut-Rivolier, conseillers, Mme Depelley, MM. David, Silhol, Mme Chamley-Coulet, conseillers référendaires, M. Desplan, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 novembre 2017), M. E..., engagé le 9 mars 1998 par la société Galtier expertises techniques immobilières en qualité de technicien en dessin informatique, a exercé les fonctions de responsable de bureau d'études et techniciens, statut cadre, à compter du 30 avril 2012.

2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes, notamment à titre d'heures supplémentaires, puis a été licencié par lettre du 1er septembre 2014.

Examen d'office de la recevabilité des interventions volontaires des associations Mouvement des entreprises de France (Medef) et Avosial après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile

3. Selon les articles 327 et 330 du code de procédure civile, les interventions volontaires ne sont admises devant la Cour de cassation que si elles sont formées à titre accessoire, à l'appui des prétentions d'une partie et ne sont recevables que si leur auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.

4. Le Medef et Avosial ne justifiant pas d'un tel intérêt dans le présent litige, leurs interventions volontaires ne sont pas recevables.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, alors « que dès lors que le salarié établit qu'à la date de son licenciement, il n'a pas été en mesure de prendre l'intégralité de ses congés payés, il appartient à l'employeur de démontrer avoir pris des mesures suffisantes pour lui permettre d'exercer effectivement son droit à congé ; qu'en affirmant que la réalité de l'impossibilité de prendre les congés payés alléguée par M. E... n'était pas établie, sans rechercher si l'employeur avait pris des mesures suffisantes pour lui permettre d'exercer effectivement son droit à congé, la cour n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 3141-12, L. 3141-14 du code du travail. »

Réponse de la Cour

7. Le moyen, inopérant en ce qu'il ne critique pas le chef de dispositif de l'arrêt rejetant la demande de dommages-intérêts pour impossibilité de prendre des congés, ne peut être accueilli.

Mais sur le premier moyen pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

8. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, alors :

« 1°/ que d'une part, s'il appartient au salarié de fournir des éléments de nature à étayer sa demande en paiement d'heures supplémentaires, le décompte qu'il produit n'est pas nécessairement établi au moment de la relation contractuelle et peut l'être a posteriori ; qu'en écartant les documents produits par les salarié devant la cour au motif qu'ils n'ont pas été établis au moment de la relation contractuelle dans la mesure où ils sont différents de ceux produits devant le conseil des prud'hommes à l'appui de la demande initiale, la cour a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

2°/ que d'autre part, en vertu de l'article L. 3171-4 du code du travail, le salarié doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que dès lors que le décompte des heures supplémentaires effectuées produit devant la cour d'appel, même différent de celui produit en première instance, est suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre, la cour ne peut écarter les tableaux produits devant elle par le salarié au seul motif que le décompte produit devant la cour comporterait des contradictions manifestes avec les documents produits devant le conseil des prud'hommes ; qu'en considérant que M. E... ne produisait pas devant la cour d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour étayer sa demande aux motifs que le décompte correspondant au travail réalisé pour le conseil général de l'Essonne ainsi que pour les autres dossiers présentait des incohérences avec les pièces versées aux débats devant le conseil des prud'hommes, sans même examiner les documents produits devant elle, la cour a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

9. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

10. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

11. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

12. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, l'arrêt retient que les documents produits devant la cour n'ont pas été établis au moment de la relation contractuelle dans la mesure où ils sont différents de ceux produits devant le conseil des prud'hommes à l'appui de la demande initiale, qu'en effet l'employeur produit le décompte des heures supplémentaires présenté par le salarié aux premiers juges duquel il ressort de notables différences avec les tableaux produits dans l'instance devant la cour d'appel, ainsi par exemple le travail réalisé pour le conseil général de l'Essonne, que les mêmes différences et incohérences se retrouvent pour d'autres dossiers Renault Truck, Feu Vert, Polyclinique du pays de Rance notamment, qui présentent des anomalies similaires à celles relevées s'agissant du travail que le salarié prétend avoir effectué pour le conseil général de l'Essonne entre les deux tableaux présentés d'une part devant le conseil des prud'hommes et d'autre part devant la cour d'appel, qu'ainsi il ressort desdits tableaux des contradictions manifestes, le salarié ayant opéré devant la cour d'appel des modifications pour tenter de corriger ses précédentes invraisemblances relevées alors à juste titre par l'employeur devant le conseil des prud'hommes, que pas plus les notes de frais que les « exemples de billets de train » ou l'attestation de l'épouse du salarié émanant d'un proche et, comme telle, dépourvue de valeur probante, ne sont de nature à étayer la demande du salarié, que dès lors les éléments présentés par le salarié ne sont pas suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour étayer sa demande et permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen pris en sa troisième branche, la Cour :

DECLARE irrecevables les interventions volontaires des associations Mouvement des entreprises de France (Medef) et Avosial ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. E... de ses demandes à titre d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, l'arrêt rendu, le 22 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne la société Galtier expertises techniques immobilières aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Galtier expertises techniques immobilières et la condamne à payer à M. E... la somme de 3 000 euros.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. E....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur E... de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés y afférents.

AUX MOTIFS PROPRES QUE, il est constant que les documents produits devant la Cour n'ont pas été établis au moment de la relation contractuelle dans la mesure où ils sont différents de ceux produits devant le Conseil des prud'hommes à l'appui de la demande initiale ; qu'en effet, en pièce n°87, la SARL GETI produit le décompte des heures supplémentaires présentées aux premiers juges duquel il ressort de notables différences avec les tableaux produits dans l'instance présente devant la Cour d'appel ; que la Cour prend pour exemple le travail réalisé pour le Conseil général de l'Essonne : Il résulte du tableau établi par M. R... E... aux fins de le présenter devant le conseil de prud'hommes qu'il aurait travaillé pour le conseil général de l'Essonne en mai 2012 pour une durée totale de tâche de 64 heures les :
- 2 mai 2012 : pour une durée de tâche de 21 heures, dont 17 heures de travail effectif et 5 heures de déplacement,
- 3 mai 2012 : pour une durée de tâche de 43 heures, dont 34 heures de travail effectif et 9 heures de déplacement » (cf. arrêt examiné p. 4 § avant-dernier).
Or, dans le tableau réalisé par M. R... E... pour la présente instance d'appel, le travail effectué pour le conseil général de l'Essonne s'évalue à une durée totale de tâche de 63 heures et s'étale sur les journées des 2, 3, 4, 7 et 9 mai 2012 de la manière suivante :
- 2 mai 2012 aux horaires de 7 heures à 12 heures et de 13 heures à 21 heures pour une durée de tâche de 14 heures, dont 12 heures de travail effectif et 2 heures de déplacement,
- 2 mai 2012 (à nouveau) aux horaires de 7 heures à 12 heures et de 13 heures à 21 heures pour une durée de tâche de 7 heures, dont 6 heures de travail effectif et 1 heure de déplacement,
- 3 mai 2012 aux horaires de 7 heures à 12 heures et de 13 heures à 21 heures pour une durée de tâche de 7 heures, dont 6 heures de travail effectif et une heure de déplacement,
- 4 mai 2012 aux horaires de 7 heures à 12 heures et de 13 heures à 21 heures pour une durée de tâche de 14 heures, dont 12 heures de travail effectif et 2 heures de déplacement,
- 7 mai 2012 aux horaires de 7 heures à 12 heures et de 13 heures à 21 heures pour une durée de tâche de 14 heures, dont 12 heures de travail effectif et 2 heures de déplacement,
- 9 mai 2012 aux horaires de 7 heures à 12 heures et de 13 heures à 21 heures pour une durée de tâche de 7 heures, dont 6 heures de travail effectif et une heure de déplacement ; que les mêmes différences et incohérences se retrouvent pour d'autres dossiers Renault Truck, Feu Vert, Polyclinique du pays de Rance, etc
, pour lesquels la Cour ne reprendra pas comme ci-dessus tous les éléments mais qui présentent des anomalies similaires à celles-ci-dessus relevées s'agissant du travail que Monsieur R... E... prétend avoir effectué pour le Conseil général de l'Essonne entre les deux tableaux présentés devant le Conseil des prud'hommes/devant la Cour d'appel ; qu'ainsi il ressort desdits tableaux des contradictions manifestes, le salarié ayant opéré devant la Cour d'appel des modifications pour tenter de corriger ses précédentes invraisemblances relevées alors à juste titre par l'employeur devant le Conseil des prud'hommes (arrêt p.4 et 5) ; que pas plus les notes de frais que les "exemples de billets de train" ou l'attestation de l'épouse du salarié émanant d'un proche et, comme telle, dépourvue de valeur probante (d'autant que ses absences du domicile conjugal ne prouvent pas pour autant sa présence au travail), ne sont de nature à étayer la demande du salarié ; que dès lors, la cour considère que les éléments présentés par le salarié ne sont pas suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour étayer sa demande et permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments, de telle sorte qu'il sera débouté de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, la décision entreprise sera dès lors confirmée à ce titre, de même que, par voie de conséquence, de sa demande au titre de l'indemnité spécifique pour travail dissimulé et de celle au titre de l'impossibilité de prendre les congés payés dont la réalité n'est pas davantage établie.

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, tout au long de la poursuite du contrat de travail de Monsieur R... E..., celui-ci a perçu une rémunération qui prenait en compte, à chaque augmentation, l'évolution de son activité au sein de la société et que les tâches et responsabilités confiées à Monsieur E... étaient en correspondance avec ses fonctions, sa rémunération et sa position conventionnelle.

ALORS QUE D'UNE PART, s'il appartient au salarié de fournir des éléments de nature à étayer sa demande en paiement d'heures supplémentaires, le décompte qu'il produit n'est pas nécessairement établi au moment de la relation contractuelle et peut l'être a posteriori ; qu'en écartant les documents produits par les salarié devant la Courau motif qu'ils n'ont pas été établis au moment de la relation contractuelle dans la mesure où ils sont différents de ceux produits devant le Conseil des prud'hommes à l'appui de la demande initiale, la Cour a violé l'article L 3171-4 du Code du travail.

ALORS QUE D'AUTRE PART, en vertu de l'article L 3171-4 du Code du travail, le salarié doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que dès lors que le décompte des heures supplémentaires effectuées produit devant la Cour d'appel (Prod.13), même différent de celui produit en première instance, est suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre, la Cour ne peut écarter les tableaux produits devant elle par le salarié au seul motif que le décompte produit devant la Cour comporterait des contradictions manifestes avec les documents produits devant le Conseil des prud'hommes ; qu'en considérant que Monsieur R... E... ne produisait pas devant la Cour d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour étayer sa demande aux motifs que le décompte correspondant au travail réalisé pour le Conseil général de l'Essonne ainsi que pour les autres dossiers présentait des incohérences avec les pièces versées aux débats devant le Conseil des prud'hommes, sans même examiner les documents produits devant elle, la Cour a violé l'article L 3171-4 du Code du travail.

ALORS QUE DE TROISIEME PART, en écartant les tableaux produits devant elle aux motifs qu'ils comportaient des différence notables et une incohérence avec ceux produits en première instance, après avoir pourtant relevé que Mr E... démontrait devant les prudhommes avoir travaillé 64h en 2012 pour le Conseil général de l'Essonne et que devant la cour, ce nombre d'heures pour le même client était de 63h, soit une différence d'une heure, la Cour, qui n'a apporté aucune autre précision sur ces prétendues différences pour les autres clients, a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile.

ALORS QU'ENFIN, dès lors que le salarié établit qu'à la date de son licenciement, il n'a pas été en mesure de prendre l'intégralité de ses congés payés, il appartient à l'employeur de démontrer avoir pris des mesures suffisantes pour lui permettre d'exercer effectivement son droit à congé ; qu'en affirmant que la réalité de l'impossibilité de prendre les congés payés alléguée par Monsieur E... n'était pas établie (arrêt p.5, 2ème alinéa), sans rechercher si l'employeur avait pris des mesures suffisantes pour lui permettre d'exercer effectivement son droit à congé, la Cour n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L 3141-12, L 3141-14 du Code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les faits fautifs reprochés à Monsieur E... ne sont pas prescrits.

AUX MOTIFS QUE la procédure de licenciement a été engagée le 14 août 2014 de telle sorte que les faits à prendre en considération sont ceux dont l'employeur a eu connaissance après le 14 juin 2014 ; que s'agissant du chantier SFIP, il résulte des pièces versées aux débats par la SARL GETI que celle-ci a, le 18 juin 2014, reçu de la SFIP une mise en demeure en vue de faire courir des pénalités de retard ; que si des échanges de courriers entre la SFIP et la société GETI ont précédé la mise en demeure, dans la mesure où un retard dans la livraison du chantier est devenu prévisible dès le départ en congé maladie de Monsieur E..., l'exacte ampleur des carences fautives de celui-ci n'a toutefois été révélée à son employeur qu'ultérieurement, compte tenu du fait que, n'ayant pas transmis les éléments nécessaires au suivi de ses dossiers à la personne ayant pris sa suite lors de son arrêt maladie et ayant au surplus supprimé les courriers de sa messagerie professionnelle, la société GETI n'a pu, avant cette date, avoir la pleine connaissance de l'ampleur des fautes commises par R... E... ; que s'agissant de la suppression des courriers de sa messagerie professionnelle, contrairement à ce que soutient Monsieur R... E... qui invoque la prescription en ce qu'il a été arrêté pour maladie depuis le 13 mai 2014, la prescription n'a pu commencer à courir qu'après la découverte par l'employeur de la disparition des éléments nécessaires à l'entreprise, le 18 juin 2014, après réinitialisation du mot de passe de messagerie de Monsieur R... E... ; qu'il en résulte en conséquence que les faits fautifs ne sont pas prescrits (arrêt p.5).

ALORS QUE la procédure de licenciement ayant été engagée le 14 août 2014, seuls les faits dont l'employeur a eu connaissance après le 14 juin 2014 peuvent être pris en considération ; que Monsieur E... démontrait dans ses conclusions d'appel (prod.12 p.32 et s., pièces n°40 à 45 prod.17) que Monsieur K..., directeur GTI/DITS depuis février 2014, avait décidé, avant de proposer un planning à la société SFIP, de vérifier les clauses du contrat et adressé à Monsieur V... un courriel le 20 mai indiquant que la SFIP, par l'intermédiaire de Monsieur N..., l'avait prévenu de l'envoi des mises en demeure à raison du retard du chantier ; que cette mise en demeure (pièce 42) a été adressée par SFIP à GTI aux fins de respecter le planning contractuel, le 20 mai 2014 ; que Monsieur K... a, par message du 17 juin adressé à SFIP rappelé que la fin de chantier était reportée au 27 juin 2014 ; report validé lors de la réunion de chantier du 6 février 2014 ; qu'en conséquence, la Cour ne pouvait écarter la prescription sans répondre à ces éléments de preuve qui établissaient de façon certaine que GTI avait eu connaissance, avant le 14 juin 2014, du retard pris par le chantier et du report de sa date de fin ; qu'en affirmant que GETI n'avait été informée du retard apporté au dossier SFIP que le 18 juin 2014, date à laquelle elle avait reçu une mise en demeure en vue de faire courir des pénalités de retard, sans examiner les éléments de preuve versés aux débats par Monsieur E..., la Cour a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L 1332-4 du Code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du 9 novembre 2015 ayant dit la faute grave caractérisée et le licenciement fondé.

AUX MOTIFS PROPRES QU' il est ainsi reproché au salarié des manquements dans la gestion du dossier S.F.I.P. susceptibles d'entraîner des pénalités de retard au préjudice de la société G.E.T.I., ainsi que d'avoir supprimé des e-mails professionnels de nature à entraver le bon fonctionnement de la société G.E.T.I., outre des achats personnels réalisés avec les moyens de paiement appartenant à la société G.E.T.I. ; que s'agissant, en premier lieu, du chantier S.F.I.P. qui consiste en une mission de maîtrise d'oeuvre signée le 30 juillet 2013, il résulte des pièces versées aux débats que le chantier devait initialement être réceptionné le 25 février 2014 avec levée des réserves entre le 27 mars et le 6 avril 2014 ;qu' il est constant que fin mai 2014, M. B... K... a repris le dossier que suivait M. R... E... en raison de l'arrêt maladie de celui-ci ;qu'un courrier de M. F..., directeur général adjoint de l'entreprise C & E (chauffage et entretien) du 16 juin 2014, adressé à la S.F.I.P. avec copie à la société G.E.T.I. mentionne qu'en mars 2014, un décalage de planning à fin juin en accord avec le client et sans application de pénalités de retard a été validé par M. R... E... ; qu'or, le 18 juin 2014, la S.F.I.P. a répondu à l'entreprise C & E n'avoir jamais accepté le nouveau planning. Il est constant qu'il appartient au maître d'oeuvre de suivre le chantier dans le respect du planning fixé avec le maître d'ouvrage et, que dès lors qu'il constate un retard pris par le chantier et la nécessité de prévoir un report de la date de fin de travaux, il est de son devoir, en sa qualité de responsable de la bonne exécution au titre de la maîtrise d'oeuvre du chantier, de prévoir un report de la fin de travaux par la signature d'un nouveau planning ayant valeur contractuelle ;qu'en ne le faisant pas, alors qu'il affirme avoir eu l'accord de la S.F.I.P. pour le report, M. R... E... a commis une faute ;qu'au surplus, selon M. D... N..., salarié de la S.F.I.P., M. R... E... était présent au maximum 1,5 jours par semaine alors que son planning mentionne 2,5 jours par semaine en moyenne ;qu'il est par ailleurs établi que la S.F.I.P. a assigné en référé expertise devant le tribunal de commerce de Paris le 29 septembre 2014 l'entreprise C & E et la société G.E.T.I., avec demande de mise sous séquestre de la somme de 1 024 678,78 euros TTC représentant le solde du marché ;qu'au vu de ces éléments, la cour considère ce premier grief de négligence fautive et manquements dans la gestion du dossier S.F.I. comme étant établi ; qu'en deuxième lieu, alors que M. R... E... était en arrêt de travail pour maladie, il lui a été demandé le 13 et, à nouveau, le 17 juin 2014, ses identifiant et mot de passe de messagerie afin de pouvoir accéder aux échanges professionnels qu'il avait entretenus avec les clients de la société, dans la mesure où aucun fichier concernant lesdits clients de M. R... E... n'était disponible sur les dossiers partagés et le serveur commun de la société G.E.T.I. comme il se doit afin de permettre à celle-ci de connaître l'historique des dossiers et clients suivis par M. R... E... ;que les échanges de courriels versés aux débats justifient de ce que les éléments fournis par M. R... E... (identifiant et mot de passe de messagerie) le 17 juin 2014 à 23h30 étaient erronés, de telle sorte que l'entreprise a été dans l'obligation de réinitialiser le mot de passe le lendemain, 18 juin 2014, afin de pouvoir accéder de manière effective à la messagerie pour le bon suivi des dossiers clients, ainsi qu'il résulte des attestations des deux responsables informatiques de la société ; que ceux-ci ont alors constaté que la messagerie professionnelle de M. R... E... (boîte de réception et éléments envoyés) étaient vides ;que ce second grief de destruction des éléments de sa messagerie que M. R... E... a d'ailleurs reconnu lors de l'audience du conseil de prud'hommes, est établi et sera également retenu par la cour ; qu'enfin, en troisième lieu, s'agissant des achats effectués avec les moyens de paiement de la société, il résulte des pièces versées aux débats que, lors de son départ de la société le 3 mars 2014, M. G... L..., directeur d'exploitation, avait restitué une carte bancaire qui avait alors été coupée en 2 et mise au coffre en attente de la réédition d'une nouvelle carte bancaire pour son successeur ;que, fin août 2014, la société a découvert que des achats par correspondance (SNCF, Darty, hôtel Radisson Toulouse...) avaient été effectués avec ladite carte par M. R... E... à l'aide des numéros, date d'expiration et pictogramme de ladite carte conservée par devers lui ; que M. R... E... affirme que cette carte était régulièrement utilisée par les collaborateurs pour leur éviter de faire l'avance de frais ;qu'il verse aux débats une attestation de M. G... L... en ce sens, datée du 28 octobre 2014, étant précisé que l'employeur verse aux débats deux courriers de M. G... L..., postérieur puisque datés de 2017, aux termes duquel celui-ci a demandé par lettres recommandées avec accusés de réception, tant à M. R... E... qu'à son avocat, de retirer cette attestation des pièces communiquées ;que l'employeur verse également aux débats des attestations de salariés contredisant cette pratique alléguée ; que les achats litigieux reprochés à M. R... E... sont notamment les suivants : Darty.com pour 104,90 euros le 3 juillet 2014, hôtel Radisson Toulouse pour 133 euros le 16 juillet 2014, ainsi que des billets SNCF Paris-Macon pour le week-end du 13/15 juin 2014 et le week-end du 5/7 septembre 2014 et un aller simple Perpignan- Paris le 17 août 2014, ainsi qu'il résulte de l'attestation de M. B... K... qui précise qu'il s'agit de dossiers ouverts au nom de M. R... E... pris avec son abonnement Fréquence, ainsi qu'il a pu l'apprendre directement auprès de la SNCF. M. R... E... explique que l'hôtel à Toulouse devait lui permettre de participer au mariage de son cousin et que la chambre d'hôtel a toutefois été annulée. Il indique par ailleurs que la facture Darty correspond à des cartouches d'impression dans la mesure où il travaille parfois chez lui. Il invoque un mode de fonctionnement normal et habituel et conteste la fraude. La cour relève que l'ensemble de ces paiements et achats ont eu lieu, en tout état de cause, alors que M. R... E... était en arrêt maladie et qu'ils ne peuvent donc s'expliquer par des obligations professionnelles, mais uniquement dans le but d'une utilisation strictement personnelle. La cour retient que ce troisième grief est par conséquent également établi ; que dès lors, il en résulte que les trois griefs formulés à l'encontre du salarié aux termes de la lettre de licenciement sont établis et que les faits ainsi retenus rendent impossible le maintien de M. R... E... dans l'entreprise, de telle sorte que le licenciement pour faute grave est fondé. La décision entreprise sera confirmée à ce titre.

ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES, que c'est à l'occasion de la demande d'accès à l'informatique de Monsieur R... E... pour des raisons strictement liées à l'activité de la société GETI que cette dernière s'est rendue compte de pratiques constitutives par Monsieur R... E... à son encontre, qu'il lui imposait de rompre le lien contractuel au plus vite, compte tenu des faits constatés.

ALORS QUE D'UNE PART, après avoir considéré qu'il appartient au maître d'oeuvre de suivre le chantier dans le respect du planning fixé avec le maître de l'ouvrage et de prévoir un nouveau planning ayant valeur contractuelle si un report de la fin des travaux se révèle nécessaire ; la Cour a considéré que Monsieur E... « en ne le faisant pas » a commis une faute ; qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Monsieur E... (Prod.12, p.34) démontrant que ses fonctions de responsable du bureau d'études et technicien ne lui conféraient pas la responsabilité complète et permanente qui revient en fait à son chef, qu'il n'avait pas été partie prenante à l'élaboration des conditions et délais stipulés au contrat et que Monsieur K... avait expressément précisé qu'arrivé mi-février, il avait repris la gestion du dossier ; qu'en imputant à faute à Mr E... l'absence de nouveau planning contractuel sans rechercher, au vu des éléments versés aux débats, quelles étaient ses fonctions ni s'il avait participé à la conclusion du contrat, la Cour a violé l'article 455 du Code de procédure civile.

ALORS QUE D'AUTRE PART, en reprochant à Monsieur E... d'avoir détruit les éléments de sa messagerie professionnelle et d'avoir fourni des mauvais code, sans répondre aux conclusions de Monsieur E... (Prod.12 p.39) qui soutenaient avoir fourni, en réponse à la demande du 17 juin 2014, l'exact mot de passe de sa messagerie comportant le prénom de ses enfants et précisé qu'il archivait l'ensemble des mails par client et que la totalité des dossiers clients et les documents étaient enregistrés sur le serveur, que l'employeur n'était pas revenu vers lui pour lui demander quelque renseignement que ce soit après ce courriel du 17 juin 2014 ; qu'il résultait ainsi de ces documents (Prod. 18) que l'accès à ses messages professionnels était possible à partir du serveur de l'entreprise ; que ces éléments étaient déterminants pour exclure la faute grave résultant de la suppression d'une partie des échanges professionnels entravant ainsi volontairement le bon fonctionnement de la société ; que faute d'avoir examiné ces éléments déterminants, la Cour a violé l'article 455 du Code de procédure civile.

ALORS QUE DE TROISIEME PART, en imputant à faute à Monsieur E... le fait d'avoir utilisé les moyens de paiement de la société pour son utilisation personnelle, la Cour s'est fondée uniquement sur les éléments versés aux débats par l'employeur ; que Monsieur E... faisait valoir, dans ses conclusions d'appel (p.42 et s.) que l'utilisation de la carte bancaire de la société établie au nom de Monsieur L... était ouverte aux collaborateurs auxquels il était demandé, les frais d'agence ayant été jugés trop chers, d'effectuer eux-mêmes les réservations afférentes à leur déplacement en province ; que cet usage ancien et constant, pour la gestion des avances des frais, était corroboré par deux attestations régulièrement versées aux débats (pièces n°50 et 51, Prod.19) ; qu'en ne s'expliquant pas sur l'existence d'un tel usage, la Cour a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L 1226-9 du Code du travail.

ALORS QU'ENFIN, en relevant que plusieurs achats avaient été effectués alors que Monsieur R... E... était en arrêt maladie et ne pouvaient donc s'expliquer par des obligations professionnelles mais uniquement dans le but d'une utilisation strictement personnelle de la carte bancaire de la société sans répondre aux conclusions de Monsieur E... (p.47 et s.) qui expliquait que les règlements avaient été effectuées à partir des deux cartes bancaires successivement délivrées au nom de Mr L... et exposait, pour chaque dépense effectuée, les raisons pour lesquelles elle avait été engagée puis annulée en ce qui concerne les billets SNCF et la réservation de l'hôtel Radison de Toulouse et précisait qu'il avait été dans l'impossibilité de gérer d'éventuelles erreurs qu'il aurait pu commettre dès lors qu'il avait été privé de l'accès à sa messagerie professionnelle sur laquelle arrivait l'ensemble de ses messages ; que faute d'avoir répondu à ces conclusions, la Cour a violé l'article 455 du code de procédure civile. ECLI:FR:CCASS:2020:SO00373
Retourner en haut de la page