Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 19 mars 2020, 19-13.254, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 19 mars 2020, 19-13.254, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 19-13.254
- ECLI:FR:CCASS:2020:C300231
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle sans renvoi
Audience publique du jeudi 19 mars 2020
Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, du 22 novembre 2018- Président
- M. Chauvin (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 19 mars 2020
Cassation partielle sans renvoi
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 231 F-D
Pourvoi n° Z 19-13.254
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 MARS 2020
La société Carré de l'Est, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Z 19-13.254 contre l'arrêt rendu le 22 novembre 2018 par la cour d'appel de Colmar (2e chambre civile, section A), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. G... K...,
2°/ à Mme J... Y..., épouse K...,
domiciliés tous deux [...],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Carré de l'Est, de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de M. et Mme K..., après débats en l'audience publique du 11 février 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 22 novembre 2018), par arrêté du 10 juillet 2013, le maire de la commune de Bilwisheim a délivré à la société Carré de l'Est un permis de construire deux immeubles collectifs comprenant chacun quatre logements.
2. Le 2 novembre 2013, M. et Mme K... ont formé un recours en annulation pour excès de pouvoir à l'encontre de ce permis.
3. Le 31 juillet 2014, la société Carré de l'Est et M. et Mme K... ont conclu une transaction prévoyant que, en contrepartie du désistement du recours, la société verserait la somme de 20 000 euros et réaliserait divers aménagements dont deux haies vives.
4. La transaction a été enregistrée le 8 septembre 2014.
5. Se prévalant de l'enregistrement tardif de la transaction, la société Carré de l'Est a assigné M. et Mme K... en remboursement de la somme de 20 000 euros qu'elle avait versée en exécution de celle-ci et en paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Énoncé du moyen
6. La société Carré de l'Est fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en restitution de la somme de 20 000 euros, alors « qu'il ressort de la combinaison des articles L. 600-8 du code de l'urbanisme et 635, 1, 9° du code général des impôts que la formalité de l'enregistrement doit être accomplie dans le mois de la date de la transaction et que, à défaut d'enregistrement dans ce délai, la contrepartie prévue par la transaction non enregistrée est réputée sans cause ; qu'une transaction sans cause est tenue pour illégale et que les sommes perçues en exécution de cette transaction sont indues ; que le paiement indu ouvre droit à répétition ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles susvisés. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 600-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, et 635, 1, 9° du code général des impôts :
7. Il ressort de la combinaison de ces dispositions que la formalité de l'enregistrement doit être accomplie dans le mois de la date de la transaction et que, à défaut d'enregistrement dans ce délai, la contrepartie prévue par la transaction non enregistrée est réputée sans cause (3e Civ., 20 décembre 2018, pourvoi n° 17-27.814).
8. Pour rejeter la demande de la société Carré de l'Est, l'arrêt retient que l'article L. 600-8, alinéa 2, du code de l'urbanisme sanctionne une transaction non enregistrée mais ne vise pas le cas d'une transaction enregistrée hors délai et que, dès lors que ce texte prévoit une sanction aboutissant à la répétition de la contrepartie versée, il doit faire l'objet d'une interprétation stricte, laquelle apparaît d'autant plus justifiée que, si le législateur avait entendu sanctionner les transactions enregistrées tardivement, il l'aurait prévu explicitement.
9. En statuant ainsi, alors que la société Carré de l'Est était fondée à obtenir la répétition de la somme payée en exécution de la transaction non enregistrée dans le délai légal, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le second moyen
Énoncé du moyen
10. La société Carré de l'Est fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, l'annulation de l'arrêt sur le second moyen, en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive formulée par la société Carré de l'Est ».
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
11. La cassation prononcée sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive.
Portée et conséquences de la cassation
12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
14. ll y a lieu de condamner M. et Mme K... à payer à la société Carré de l'Est la somme de 20 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 8 juillet 2016.
15. En l'absence de démonstration, par la société Carré de l'Est, d'une faute de M. et Mme K... de nature à faire dégénérer en abus leur droit de se défendre en justice, il y a lieu de rejeter la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive formée par cette société.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Carré de l'Est en restitution de la somme de 20 000 euros et en paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive, l'arrêt rendu le 22 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Condamne M. et Mme K... à payer à la société Carré de l'Est la somme de 20 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 8 juillet 2016 ;
REJETTE la demande de la société Carré de l'Est en paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
Condamne M. et Mme K... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour la société Carré de l'Est.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande formée par la société Carré Est aux fins de restitution de la somme de 20 000€ et d'avoir condamné cette dernière à poursuivre l'exécution de la transaction ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE selon les dispositions de l'article L. 600-8 du code général des impôts issues de l'ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013, « toute transaction par laquelle une personne ayant demandé au juge administratif l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager s'engage à se désister de ce recours en contrepartie du versement d'une somme d'argent ou de l'octroi d'un avantage en nature doit être enregistrée conformément à l'article 635 du code général des impôts.
La contrepartie prévue par une transaction non enregistrée est réputée sans cause et les sommes versées ou celles qui correspondent au coût des avantages consentis sont sujettes à répétition ».
D'après l'article 635 du code général des impôts modifié par la même ordonnance, doit notamment être enregistrée dans le délai d'un mois à compter de sa date « la transaction prévoyant, en contrepartie du versement d'une somme d'argent ou de l'octroi d'un avantage en nature, le désistement du recours pour excès de pouvoir formé contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ».
L'article L 600-8, alinéa 2, du code de l'urbanisme sanctionne ainsi une transaction non enregistrée mais, tel qu'il est rédigé, ce texte légal ne vise pas le cas d'une transaction enregistrée hors délai. Dès lors que ce texte prévoit une sanction aboutissant à la répétition de la contrepartie versée, il doit donc faire l'objet d'une interprétation stricte.
Cette interprétation stricte apparaît d'autant plus justifiée que, si le législateur avait entendu sanctionner les transactions enregistrées tardivement, il l'aurait prévu explicitement.
En effet, d'après les pièces produites par la S.A. Carré Est, précisément l'extrait du rapport parlementaire concernant ce texte de loi, le projet de rédaction initiale de l'alinéa 1er de l'article 600-8 du code de l'urbanisme prévoyait lui-même le délai d'un mois à compter de la date de la transaction pour procéder à l'enregistrement. L'alinéa 2 énonçait « la contrepartie prévue par une transaction non enregistrée dans les conditions prévues à l'alinéa précédent est réputée sans cause ». Or, le délai d'un mois pour procéder à l'enregistrement n'a pas été inséré dans l'article L. 600-8 du code de l'urbanisme, mais dans l'article 635 du code général des impôts auquel il renvoie.
De plus, l'alinéa 2 de l'article L. 600-8 du code l'urbanisme ne sanctionne que la transaction non enregistrée, ne faisant aucune référence, s'agissant de cette sanction, aux conditions d'enregistrement prévues par l'article 635 du code général des impôts.
Au vu de ces éléments, dans la mesure où la transaction a été finalement enregistrée par les époux K... Y..., même si cet enregistrement est intervenu au-delà du délai d'un mois à compter de la date du protocole transactionnel, précisément le 8 septembre 2014, la sanction prévue par l'article L. 600-8, alinéa 2, du code de l'urbanisme ne doit pas s'appliquer.
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il est constant que la transaction litigieuse a été enregistrée aux services des impôts des entreprises de Haguenau le 08/09/2014, soit un mois et 8 jours après la signature du protocole ;
Que la présente discussion porte sur l'interprétation de l'article L 600-8 du code de l'urbanisme qui prévoit que toute transaction par laquelle une personne ayant demandé au juge administratif l'annulation d'un permis de construire s'engage à se désister de ce recours en contrepartie du versement d'une somme d'argent ou de l'octroi d'un avantage en nature doit être enregistrée conformément à l'article 635 du CGI et que la contrepartie prévue par une transaction non enregistrée est réputée sans cause et les sommes versées ou celles qui correspondent au coût des avantages consentis sont sujettes à répétition ;
Que l'article 835 du CGI précise pour sa part que tout enregistrement d'un protocole transactionnel doit être effectué dans un délai d'un mois à compter de sa date ;
Que la requérante affirme qu'il résulterait de la combinaison de ces deux articles que les avantages consentis seraient alors sans cause ;
Attendu cependant, que contrairement à l'analyse proposée par la société requérante, ces dispositions n'induisent pas la nullité des transactions enregistrées tardivement ;
Que l'article L 600-8 du code de l'urbanisme indique en effet que « la contrepartie prévue par une transaction non enregistrée est réputée sans cause », mais ne dit nullement que les contreparties d'une transaction enregistrée tardivement sont sans cause ;
Qu'en outre, la lecture du document remis en demande - rapport V... - démontre que le législateur souhaitait permettre une transparence, dans le monde de l'immobilier pour éviter les recours malveillants et ses abus, mais aussi d'un point de vue fiscal ; qu'ainsi, à aucun moment le rapporteur n'évoquait la possibilité d'une annulation des effets des transactions en cas d'enregistrement tardif ;
Que dans ces conditions la requête formulée par la société ne pourra qu'être rejetée ;
ALORS QU'il ressort de la combinaison des articles L. 600-8 du code de l'urbanisme et 635, 1, 9° du code général des impôts que la formalité de l'enregistrement doit être accomplie dans le mois de la date de la transaction et que, à défaut d'enregistrement dans ce délai, la contrepartie prévue par la transaction non enregistrée est réputée sans cause ; qu'une transaction sans cause est tenue pour illégale et que les sommes perçues en exécution de cette transaction sont indues ; que le paiement indu ouvre droit à répétition ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles susvisés.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive formulée par la société Carré Est ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'interprétation, par la S.A. Carré Est, des dispositions de l'article L. 600-8, alinéa 2, du code de l'urbanisme, n'est pas retenue, et son appel contre le jugement déféré, s'agissant de la sanction prévue par ce texte, est rejeté.
En conséquence, la résistance des époux K... Y... à lui rembourser la somme versée par elle en exécution du protocole transactionnel signé entre les parties n'a rien eu d'abusif. Aucune faute de leur part ne peut être retenue et il apparaît qu'ils étaient fondés à solliciter l'exécution complète de ce protocole transactionnel.
ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, l'annulation de l'arrêt sur le second moyen, en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive formulée par la société Carré Est.ECLI:FR:CCASS:2020:C300231
CIV. 3
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 19 mars 2020
Cassation partielle sans renvoi
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 231 F-D
Pourvoi n° Z 19-13.254
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 MARS 2020
La société Carré de l'Est, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Z 19-13.254 contre l'arrêt rendu le 22 novembre 2018 par la cour d'appel de Colmar (2e chambre civile, section A), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. G... K...,
2°/ à Mme J... Y..., épouse K...,
domiciliés tous deux [...],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Carré de l'Est, de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de M. et Mme K..., après débats en l'audience publique du 11 février 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 22 novembre 2018), par arrêté du 10 juillet 2013, le maire de la commune de Bilwisheim a délivré à la société Carré de l'Est un permis de construire deux immeubles collectifs comprenant chacun quatre logements.
2. Le 2 novembre 2013, M. et Mme K... ont formé un recours en annulation pour excès de pouvoir à l'encontre de ce permis.
3. Le 31 juillet 2014, la société Carré de l'Est et M. et Mme K... ont conclu une transaction prévoyant que, en contrepartie du désistement du recours, la société verserait la somme de 20 000 euros et réaliserait divers aménagements dont deux haies vives.
4. La transaction a été enregistrée le 8 septembre 2014.
5. Se prévalant de l'enregistrement tardif de la transaction, la société Carré de l'Est a assigné M. et Mme K... en remboursement de la somme de 20 000 euros qu'elle avait versée en exécution de celle-ci et en paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Énoncé du moyen
6. La société Carré de l'Est fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en restitution de la somme de 20 000 euros, alors « qu'il ressort de la combinaison des articles L. 600-8 du code de l'urbanisme et 635, 1, 9° du code général des impôts que la formalité de l'enregistrement doit être accomplie dans le mois de la date de la transaction et que, à défaut d'enregistrement dans ce délai, la contrepartie prévue par la transaction non enregistrée est réputée sans cause ; qu'une transaction sans cause est tenue pour illégale et que les sommes perçues en exécution de cette transaction sont indues ; que le paiement indu ouvre droit à répétition ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles susvisés. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 600-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, et 635, 1, 9° du code général des impôts :
7. Il ressort de la combinaison de ces dispositions que la formalité de l'enregistrement doit être accomplie dans le mois de la date de la transaction et que, à défaut d'enregistrement dans ce délai, la contrepartie prévue par la transaction non enregistrée est réputée sans cause (3e Civ., 20 décembre 2018, pourvoi n° 17-27.814).
8. Pour rejeter la demande de la société Carré de l'Est, l'arrêt retient que l'article L. 600-8, alinéa 2, du code de l'urbanisme sanctionne une transaction non enregistrée mais ne vise pas le cas d'une transaction enregistrée hors délai et que, dès lors que ce texte prévoit une sanction aboutissant à la répétition de la contrepartie versée, il doit faire l'objet d'une interprétation stricte, laquelle apparaît d'autant plus justifiée que, si le législateur avait entendu sanctionner les transactions enregistrées tardivement, il l'aurait prévu explicitement.
9. En statuant ainsi, alors que la société Carré de l'Est était fondée à obtenir la répétition de la somme payée en exécution de la transaction non enregistrée dans le délai légal, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le second moyen
Énoncé du moyen
10. La société Carré de l'Est fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, l'annulation de l'arrêt sur le second moyen, en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive formulée par la société Carré de l'Est ».
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
11. La cassation prononcée sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive.
Portée et conséquences de la cassation
12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
14. ll y a lieu de condamner M. et Mme K... à payer à la société Carré de l'Est la somme de 20 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 8 juillet 2016.
15. En l'absence de démonstration, par la société Carré de l'Est, d'une faute de M. et Mme K... de nature à faire dégénérer en abus leur droit de se défendre en justice, il y a lieu de rejeter la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive formée par cette société.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Carré de l'Est en restitution de la somme de 20 000 euros et en paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive, l'arrêt rendu le 22 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Condamne M. et Mme K... à payer à la société Carré de l'Est la somme de 20 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 8 juillet 2016 ;
REJETTE la demande de la société Carré de l'Est en paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
Condamne M. et Mme K... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour la société Carré de l'Est.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande formée par la société Carré Est aux fins de restitution de la somme de 20 000€ et d'avoir condamné cette dernière à poursuivre l'exécution de la transaction ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE selon les dispositions de l'article L. 600-8 du code général des impôts issues de l'ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013, « toute transaction par laquelle une personne ayant demandé au juge administratif l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager s'engage à se désister de ce recours en contrepartie du versement d'une somme d'argent ou de l'octroi d'un avantage en nature doit être enregistrée conformément à l'article 635 du code général des impôts.
La contrepartie prévue par une transaction non enregistrée est réputée sans cause et les sommes versées ou celles qui correspondent au coût des avantages consentis sont sujettes à répétition ».
D'après l'article 635 du code général des impôts modifié par la même ordonnance, doit notamment être enregistrée dans le délai d'un mois à compter de sa date « la transaction prévoyant, en contrepartie du versement d'une somme d'argent ou de l'octroi d'un avantage en nature, le désistement du recours pour excès de pouvoir formé contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ».
L'article L 600-8, alinéa 2, du code de l'urbanisme sanctionne ainsi une transaction non enregistrée mais, tel qu'il est rédigé, ce texte légal ne vise pas le cas d'une transaction enregistrée hors délai. Dès lors que ce texte prévoit une sanction aboutissant à la répétition de la contrepartie versée, il doit donc faire l'objet d'une interprétation stricte.
Cette interprétation stricte apparaît d'autant plus justifiée que, si le législateur avait entendu sanctionner les transactions enregistrées tardivement, il l'aurait prévu explicitement.
En effet, d'après les pièces produites par la S.A. Carré Est, précisément l'extrait du rapport parlementaire concernant ce texte de loi, le projet de rédaction initiale de l'alinéa 1er de l'article 600-8 du code de l'urbanisme prévoyait lui-même le délai d'un mois à compter de la date de la transaction pour procéder à l'enregistrement. L'alinéa 2 énonçait « la contrepartie prévue par une transaction non enregistrée dans les conditions prévues à l'alinéa précédent est réputée sans cause ». Or, le délai d'un mois pour procéder à l'enregistrement n'a pas été inséré dans l'article L. 600-8 du code de l'urbanisme, mais dans l'article 635 du code général des impôts auquel il renvoie.
De plus, l'alinéa 2 de l'article L. 600-8 du code l'urbanisme ne sanctionne que la transaction non enregistrée, ne faisant aucune référence, s'agissant de cette sanction, aux conditions d'enregistrement prévues par l'article 635 du code général des impôts.
Au vu de ces éléments, dans la mesure où la transaction a été finalement enregistrée par les époux K... Y..., même si cet enregistrement est intervenu au-delà du délai d'un mois à compter de la date du protocole transactionnel, précisément le 8 septembre 2014, la sanction prévue par l'article L. 600-8, alinéa 2, du code de l'urbanisme ne doit pas s'appliquer.
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il est constant que la transaction litigieuse a été enregistrée aux services des impôts des entreprises de Haguenau le 08/09/2014, soit un mois et 8 jours après la signature du protocole ;
Que la présente discussion porte sur l'interprétation de l'article L 600-8 du code de l'urbanisme qui prévoit que toute transaction par laquelle une personne ayant demandé au juge administratif l'annulation d'un permis de construire s'engage à se désister de ce recours en contrepartie du versement d'une somme d'argent ou de l'octroi d'un avantage en nature doit être enregistrée conformément à l'article 635 du CGI et que la contrepartie prévue par une transaction non enregistrée est réputée sans cause et les sommes versées ou celles qui correspondent au coût des avantages consentis sont sujettes à répétition ;
Que l'article 835 du CGI précise pour sa part que tout enregistrement d'un protocole transactionnel doit être effectué dans un délai d'un mois à compter de sa date ;
Que la requérante affirme qu'il résulterait de la combinaison de ces deux articles que les avantages consentis seraient alors sans cause ;
Attendu cependant, que contrairement à l'analyse proposée par la société requérante, ces dispositions n'induisent pas la nullité des transactions enregistrées tardivement ;
Que l'article L 600-8 du code de l'urbanisme indique en effet que « la contrepartie prévue par une transaction non enregistrée est réputée sans cause », mais ne dit nullement que les contreparties d'une transaction enregistrée tardivement sont sans cause ;
Qu'en outre, la lecture du document remis en demande - rapport V... - démontre que le législateur souhaitait permettre une transparence, dans le monde de l'immobilier pour éviter les recours malveillants et ses abus, mais aussi d'un point de vue fiscal ; qu'ainsi, à aucun moment le rapporteur n'évoquait la possibilité d'une annulation des effets des transactions en cas d'enregistrement tardif ;
Que dans ces conditions la requête formulée par la société ne pourra qu'être rejetée ;
ALORS QU'il ressort de la combinaison des articles L. 600-8 du code de l'urbanisme et 635, 1, 9° du code général des impôts que la formalité de l'enregistrement doit être accomplie dans le mois de la date de la transaction et que, à défaut d'enregistrement dans ce délai, la contrepartie prévue par la transaction non enregistrée est réputée sans cause ; qu'une transaction sans cause est tenue pour illégale et que les sommes perçues en exécution de cette transaction sont indues ; que le paiement indu ouvre droit à répétition ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles susvisés.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive formulée par la société Carré Est ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'interprétation, par la S.A. Carré Est, des dispositions de l'article L. 600-8, alinéa 2, du code de l'urbanisme, n'est pas retenue, et son appel contre le jugement déféré, s'agissant de la sanction prévue par ce texte, est rejeté.
En conséquence, la résistance des époux K... Y... à lui rembourser la somme versée par elle en exécution du protocole transactionnel signé entre les parties n'a rien eu d'abusif. Aucune faute de leur part ne peut être retenue et il apparaît qu'ils étaient fondés à solliciter l'exécution complète de ce protocole transactionnel.
ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, l'annulation de l'arrêt sur le second moyen, en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive formulée par la société Carré Est.