Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 mars 2020, 18-22.465, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 mars 2020, 18-22.465, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 18-22.465
- ECLI:FR:CCASS:2020:SO00397
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation sans renvoi
Audience publique du mercredi 25 mars 2020
Décision attaquée : Cour d'appel de Cayenne, du 02 juillet 2018Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
IK
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 mars 2020
Cassation sans renvoi
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 397 F-D
Pourvoi n° R 18-22.465
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 MARS 2020
La société EDF, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° R 18-22.465 contre l'arrêt rendu le 2 juillet 2018 par la cour d'appel de Cayenne (chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ au syndicat UTG-CGT de l'éclairage en Guyane,
2°/ au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'établissement EDF de Guyane,
ayant tous deux leur siège chez [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société EDF, de Me Brouchot, avocat du syndicat UTG-CGT de l'éclairage en Guyane, après débats en l'audience publique du 26 février 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Joly, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, Mme Laulom, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 2132-3 du code du travail ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, si les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent, notamment en cas de défaut de réunion, d'information ou de consultation des institutions représentatives du personnel lorsqu'elles sont légalement obligatoires, ils n'ont pas qualité à agir aux lieu et place de ces institutions au titre d'un défaut de consultation qu'elles n'invoquent pas ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que dans le cadre d'un plan de réorganisation des services concernant le département de la Guyane, la société EDF en son établissement de Guyane (la société) a entamé en fin d'année 2014 des discussions avec des organisations syndicales ; que suivant lettre du 20 mars 2015, trois membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail distribution d'EDF Guyane (le CHSCT) ont sollicité une réunion extraordinaire du CHSCT ; que lors de la réunion du 12 mai 2015, les membres du CHSCT issus du syndicat UTG CGT de l'éclairage en Guyane (le syndicat) en ont contesté la régularité et ont décidé de quitter la réunion ; que les membres restants ont rendu un avis favorable sur le projet ; que le 10 août 2015, le syndicat a assigné la société, prise en son établissement de Guyane, devant le tribunal de grande instance, aux fins notamment de voir prononcer la nullité de la réunion du 12 mai 2015 ;
Attendu que pour déclarer recevable l'action du syndicat, la cour d'appel a retenu qu'il agissait conformément à ses statuts pour faire annuler la réunion extraordinaire du CHSCT du 12 mai 2015 et l'avis rendu le même jour dont il exposait qu'ils avaient été pris au détriment des membres de l'organisation syndicale siégeant au sein de l'instance représentative ainsi qu'au préjudice de l'ensemble du personnel de la société ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le CHSCT n'invoquait pas l'irrégularité de cet avis, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 627 du code de procédure civile, la cassation encourue n'impliquant pas qu'il soit statué à nouveau sur le fond ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le second moyen,
la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Cayenne ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DÉCLARE IRRECEVABLE l'action du syndicat UTG-CGT de l'éclairage en Guyane ;
Condamne le syndicat UTG-CGT de l'éclairage en Guyane aux dépens devant la Cour de cassation et les juges du fond ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour la société EDF
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable le syndicat UTG-CGT de l'éclairage en Guyane en son action et, en conséquence prononcé la nullité de la réunion extraordinaire du CHSCT distribution d'EDF Guyane en date du 12 mai 2015 et l'avis rendu le même jour par ledit CHSCT, ordonné à la société EDF de reprendre sans délai le processus de consultation préalable en son établissement de Guyane pour recueillir l'avis du CHSCT distribution sur le projet de réorganisation du service clientèle et condamné la société EDF à payer au syndicat UTG-CGT de l'éclairage en Guyane, la somme de globale de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs propres que si la société EDF soulève tout d'abord le défaut d'intérêt à agir du syndicat UTG CGT de l'éclairage en Guyane au motif que celui-ci ne peut se substituer au CHSCT, il sera rappelé que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ; qu'en l'espèce il ressort de l'article 2 des statuts du syndicat UTG CGT de l'éclairage en Guyane que l'un des buts de celui-ci est de défendre par tous les moyens en son pouvoir les intérêts immédiats et généraux de ses membres et du personnel du centre de Guyane ; qu'en l'occurrence, trois membres du syndicat UTG CGT de l'éclairage Guyane ont considéré que la réunion du CHSCT du 12 mai 2015 s'était tenue de manière irrégulière et ont décidé de quitter les lieux à l'issue de ladite réunion ; qu'il en résulte au vu des statuts ci-dessous rappelés que leur syndicat d'appartenance justifie d'un intérêt à agir en justice aux fins d'annulation de cette réunion et de l'avis subséquent ; qu'en outre, les arrêts dont EDF se prévaut ne sont pas transposables à la présente espèce ; que l'arrêt de la Cour de cassation du 15 décembre 2015 versé en pièce 13 de l'appelante concerne en effet le cas dans lequel deux syndicats avaient présenté des demandes tendant à faire constater le défaut d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel préalablement à la mise en oeuvre de dispositifs d'évaluation et de notation ; que c'est dans ces conditions que la haute juridiction avait jugé qu'ils n'étaient pas recevables à agir pour demander communication à leur profit de documents qui, selon eux, auraient dû être transmis au comité d'entreprise ; qu'en l'espèce, ce n'est nullement de cela dont il s'agit puisque le syndicat UTG CGT de l'éclairage en Guyane agit conformément à ses statuts pour faire annuler la réunion extraordinaire du CHSCT distribution d'EDF Guyane en date du 12 mai 2015 et l'avis prétendument rendu le même jour dont il expose qu'ils ont été faits au détriment des membres de l'organisation syndicale siégeant au sein de l'instance représentative ainsi qu'au préjudice de l'ensemble du personnel de la SA EDF de Guyane ; qu'il ne peut donc être prétendu dans ces circonstances que le syndicat UTG CGT de l'éclairage en Guyane ne justifierait pas d'un intérêt à agir et ce moyen sera donc rejeté ; que, s'agissant ensuite du moyen tiré de la tardiveté de l'action du syndicat, il sera relevé ici encore que les arrêts de la Cour de cassation en date des 21 septembre 2016 et 3 novembre 2016 ne sont pas transposables à la cause puisqu'ils sont relatifs à des espèces dans lesquelles le comité central d'entreprise devait donner son avis dans un délai circonscrit ; que tel n'est pas le cas en l'occurrence ; que, en outre l'ordonnance du 23 juin 2016 du tribunal de grande instance de Paris n'est pas davantage transposable puisque dans ce cas un procès-verbal de la réunion du CHSCT avait été dressé, or dans la présente procédure, aucun document de cette nature n'a été établi et c'est ce qui est d'ailleurs reproché à la SA EDF ; qu'ici encore ce moyen ne pourra prospérer ; qu'il ne saurait être prétendu que l'action dirigée à l'encontre de la SA EDF serait irrecevable pour défaut de qualité et d'intérêt de cette dernière alors même qu'il est constant que la convocation dont l'irrégularité est soulevée a été envoyée par l'employeur lui-même ; que ce dernier a donc manifestement qualité et intérêt à défendre à une telle instance et tout moyen contraire sera rejeté ;
Et aux motifs, le cas échéant repris des premiers juges que d'une part, il sera rappelé qu'il résulte des statuts du syndicat demandeur que son secrétaire général est habilité à le représenter en justice ; que d'autre part, les syndicats sont recevables, en applications des dispositions de l'article L.2132-3 du code du travail, à défendre les intérêts collectifs de la profession qu'ils représentent ; qu'en l'espèce, les statuts du syndicat UTG-CGT de l'éclairage en Guyane disposent, en leur article 2 – « Buts », que celui-ci a pour but de « défendre par tous moyens en son pouvoir les intérêts immédiats et généraux de ses membres et du personnel du centre EDF de Guyane » ; qu'enfin, siège au CHSCT une délégation du personnel, au sein de laquelle doit d'ailleurs être choisi le secrétaire dudit comité ; que l'article L.4614-1 du code du travail dispose que le CHSCT est validé par l'employeur ; qu'il s'en suit que le syndicat UTG-CGT de l'éclairage en Guyane, auquel sont affiliés certains membres de la délégation du personnel au CHSCT est parfaitement recevable à agir contre l'employeur, responsable de la tenue des réunions du CHSCT et le CHSCT lui-même, ce dernier ayant été assigné en intervention forcée ; que dès lors, les fins de non-recevoir soulevées par l'employeur ne peuvent être accueillies ;
Alors, d'une part, qu'un syndicat professionnel n'a pas qualité à agir aux lieu et place d'un CHSCT pour tirer argument soit du défaut de consultation que celui-ci n'invoque pas, soit des conditions dans lesquelles celui-ci a été consulté ; que la cour d'appel qui a constaté que ni le CHSCT, ni en tant que tels, les membres de ce dernier, ne contestaient les conditions dans lesquelles le CHSCT avait été réuni et avait exprimé son avis, ne pouvait déclarer recevable le syndicat UTG-CGT de l'éclairage en Guyane sans méconnaître les dispositions de l'article L.2132-3 du code du travail ;
Et alors, d'autre part, qu'une action tendant à l'annulation de la réunion d'un CHSCT et de l'avis exprimé par celui-ci doit être dirigée à son encontre ; qu'en se bornant, pour rejeter la fin de non-recevoir déduite de l'absence de qualité de la société EDF, qui n'était pas mise en cause en sa qualité de président du CHSCT, pour défendre à une telle action en nullité par le motif inopérant déduit de ce que celui-ci devait répondre des conditions dans lesquelles la convocation du CHSCT avait été adressée, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 32 du code de procédure civile ;
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable le syndicat UTG-CGT de l'éclairage en Guyane en son action et, en conséquence prononcé la nullité de la réunion extraordinaire du CHSCT distribution d'EDF Guyane en date du 12 mai 2015 et l'avis rendu le même jour par ledit CHSCT, ordonné à la société EDF de reprendre sans délai le processus de consultation préalable en son établissement de Guyane pour recueillir l'avis du CHSCT distribution sur le projet de réorganisation du service clientèle et condamné la société EDF à payer au syndicat UTG-CGT de l'éclairage en Guyane, la somme globale de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs qu', en application des dispositions combinées tirées des articles L.4614-8 et L.4614-10 du Code du travail, dans leur rédaction applicable à la présente espèce, l'ordre du jour de chaque réunion est établi par le président et le secrétaire ; qu'il est transmis aux membres du comité et à l'inspecteur du travail dans des conditions déterminées par voie réglementaire ; que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est réuni à la suite de tout accident ayant entraîné ou ayant pu entraîner des conséquences graves ou à la demande motivée de deux de ses membres représentant du personnel ; qu'il est réuni en cas d'événement grave lié à l'activité de l'établissement ayant porté atteinte ou ayant pu porter atteinte à la santé publique ou à l'environnement ; qu'il résulte de la lecture de ces deux textes, que contrairement à ce que soutient la SA EDF, le deuxième d'induit aucune exception par rapport au premier ; qu'ainsi, l'absence de co-signature de la convocation à la réunion du 10 avril 2015 par le secrétaire du CHSCT de même que la simple annexion des courriers faisant état des demandes faites par les membres à l'origine de cette réunion en guise d'ordre du jour démontrent que les dispositions légales précitées n'ont pas été respectées ; que c'est à bon droit que les premiers juges ont relevé que l'employeur ne pouvait s'affranchir de ces règles impératives, ni valablement soutenir que le simple envoi en pièce jointe de la demande des trois membres du CHSCT ayant sollicité la réunion suffisait comme ordre du jour, pas plus qu'il ne pouvait se prévaloir d'une simple pratique courante dans l'entreprise, consistant en ce que l'ordre du jour proposé par les membres soit directement annexé à la convocation ; qu'il a en outre été relevé à juste titre l'absence de procès-verbal de la réunion faisant apparaître le désaccord des membres du CHSCT affiliés au syndicat UTG CGT de l'éclairage en Guyane, qui soutiennent avoir quitté la réunion après avoir fait valoir l'irrégularité de la convocation ; qu'ainsi c'est par une exacte appréciation des circonstances de la cause que le tribunal a retenu que l'ensemble de ces éléments établissait l'irrégularité de la convocation du CHSCT extraordinaire et entraînait la nullité des actes pris lors de cette réunion ; qu'il en résulte que la procédure de consultation lancée par la SA EDF de Guyane n'a pas pris fin régulièrement par un avis rendu par le CHSCT distribution dans les formes légales ;
Et aux motifs, le cas échéant repris des premiers juges, que sur la régularité de la convocation à la réunion extraordinaire du CHSCT, en application de l'article L.4641-8 « L'ordre du jour de chaque réunion du CHSCT est établi par le président et le secrétaire. Les consultations rendues obligatoires par une disposition législative ou réglementaire ou par un accord collectif de travail sont inscrites de plein droit à l'ordre du jour par le président ou le secrétaire. L'ordre du jour est transmis aux membres du comité » ; que l'article L.4614-10 du même code précise que « Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est réuni à la suite de tout accident ayant entraîné ou ayant pu entraîner des conséquences graves ou à la demande motivée de deux de ses membres représentants du personnel » ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces produites que : – par lettre en date du 20 mars 2015, indiquent que copie était adressée au Directeur de Centre et aux organisations syndicales, MM. S... K..., E... P... et N... G..., membres du CHSCT Distribution, ont saisi le Président du CHSCT d'une demande de réunion extraordinaire, avec l'ordre du jour suivant : « projet du service clientèle : conditions de travail, avis à formuler accident de travail M. C... O... » ; – par courriel du 2 avril 2015, M. Q... U..., Président du CHSCT, écrivait « En réponse à la demande de 3 membres, veuillez noter que nous réunirons les vendredi 10 avril 2015 à 11 h » ; qu'étaient jointes à ce courriel deux pièces intitulées « convocation » et « demande de CHSCT Extraordinaire » : – la tenue de cette réunion a été reportée au 12 mai 2015, par courriel du 9 avril 2015 adressé également par son Président, auquel était jointe la demande de report de M. E... ; – aucun procès-verbal de cette réunion du 12 mai 2015 n'est produit ; – par lettre en date du 13 mai 2015, ce sont MM. S... K..., E... P... et N... G..., membres du CHSCT et non le Secrétaire dudit Comité, qui informai[ent]t M. V... T..., Directeur Adjoint d'EDF Guyane, que la réunion s'était bien déroulée le 12 mai 2015 et de l'avis favorable émis ; – par courriel du 27 mai 2015, M. M... C..., Secrétaire du CHSCT, informait M. V... T... de l'irrégularité de cette convocation ; – par lettre en date du 8 juin 2015, co-signée par l'employeur – Président du CE et son Secrétaire, le Comité d'établissement a été convoqué en sa réunion mensuelle fixée au 26 juin 2015, « l'ordre du jour [étant] le suivant (
) 3. Projet du service clientèle (pour avis) » ; – par lettre en date du 16 juin 2015, MM. M... C..., F... Y... L... et A... H... contestaient formellement l'avis du CHSCT distribution, auprès du Directeur d'EDF Guyane ; – par lettre en date du 19 juin 2015, le Président du CHSCT-distribution informait le Président du Comité d'établissement que le projet de réorganisation du Service clientèle avait reçu un avis unanime des membres présents au moment du vote, après la sortie des trois membres, opposés à la demande d'avis ; – par lettre de réponse en date du 24 juin 2015 au Délégué syndical de la Section UTG-CGT de l'éclairage, le Directeur d'EDG Guyane, M. W... R..., indiquait « En vertu de l'article L.4614-10 du Code du travail, le CHSCT a été convoqué suite "à la demande motivée des deux de ses membres représentants du personnel". La question qui se pose est de savoir si l'employeur devait reprendre l'ordre du jour proposé par les membres dans sa convocation et cet ordre du jour devait être validé par le Secrétaire (l'article L.4614-8 du code du travail obligeant le président et le secrétaire du CHSCT à établir de manière conjointe l'ordre du jour de chaque réunion). Dans le cas présent, nous avons considéré que nous nous trouvions dans une situation d'exception au principe de rédaction conjointe de l'ordre du jour. En effet ni l'employeur ni le Secrétaire n'ont à valider l'ordre du jour dès lors qu'au moins deux membres du CHSCT ont demandé la réunion d'un CHSCT extraordinaire sur un ou plusieurs sujets précis (lesquels font office d'ordre du jour), sauf à contester leur demande devant la juridiction compétente, ce qui en l'occurrence ne nous est pas apparu fondé. Par ailleurs il n'y a, à notre connaissance, aucune obligation d'envoi par le Président de l'instance d'un ordre du jour formel dans ce type de situation, étant de pratique courant que l'ordre du jour proposé par les membres soit directement annexé à la convocation » ; – qu'enfin, le Directeur d'EDF Guyane indiquait, par décision du 20 juillet 2015, « Les organismes ayant été réunis et consultés dans le respect des règles, je décide de mettre en oeuvre le projet Clientèle correspondant au dossier présenté en Comité d'établissement du 26 juin 2015 » ; qu'il est constat que la convocation saisissant les membres du CHSCT pour la réunion du 10 avril 2015 n'a pas été cosignée par le Secrétaire du CHSCT, mais comporte uniquement la signature de son Président, M. Q... U... ; qu'elle ne comporte aucun ordre du jour et mentionne « NOMBRE : Demande en PJ » ; qu'or, outre la reconnaissance écrite par l'employeur de ce qu'il n'a pas respecté les dispositions des articles L.4614-8 et L.4614-10 du Code du travail, aucune situation d'exception n'est prévue par le Code du travail ; que la situation d'exception que la SA EDF ne caractérise, au demeurant, pas, dans le cadre de la présente action, se contenant de l'évoquer dans son courrier ; que l'employeur ne pouvait donc pas s'affranchir de ces règles impératives, ni valablement soutenir que le simple envoi en pièce jointe de la demande des trois membres du CHSCT ayant sollicité la réunion suffisait comme ordre du jour, pas plus qu'il ne peut se prévaloir d'une simple « pratique courante » dans l'entreprise, consistant en ce que l'ordre du jour proposé par les membres soit directement annexé à la convocation ; qu'étant souligné qu'aucun procès-verbal de cette réunion faisant apparaître le désaccord des membres du CHSCT affiliés au Syndicat UTG-CGT de l'éclairage en Guyane, qui soutiennent avoir quitté la réunion après avoir fait valoir l'irrégularité de la convocation, ne semble avoir été formellement rédigé ; que l'ensemble de ces éléments établit sans conteste l'irrégularité de la convocation du CHSCT extraordinaire et entraîne la nullité des actes pris lors de cette réunion ; qu'il convient en conséquence d'ordonner à la SA EDF, en son établissement de Guyane, de reprendre sans délai le processus de consultation préalable du CHSCT distribution sur le projet de réorganisation du Service Clientèle ;
Alors, d'une part, que, dès lors que la demande remplit les conditions prévues à l'article L.4614-10 du code du travail, l'employeur est tenu d'organiser la réunion du CHSCT et que les questions posées par les élus doivent être inscrites à l'ordre du jour sans modification ; que dans ces conditions, le fait que l'ordre du jour ne soit pas cosigné par le secrétaire du CHSCT dans les conditions prévues à l'article L.4614-8 du code du travail ne saurait entacher d'irrégularité la réunion de ce dernier et les décisions et avis qui y sont adoptés ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L.4614-8 et L.4614-10 du code du travail ;
Alors, d'autre part, qu'en l'absence de toute autre circonstance retenue par la cour d'appel mettant en cause la régularité de la réunion du CHSCT, soit la régularité ou la réalité de l'avis émis par celui-ci, le seul fait qu'aucun procès-verbal n'ait été tenu à l'occasion de la réunion du CHSCT ne saurait entacher cet avis de nullité ; qu'en statuant par de tels motifs inopérants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des mêmes textes ;ECLI:FR:CCASS:2020:SO00397
SOC.
IK
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 mars 2020
Cassation sans renvoi
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 397 F-D
Pourvoi n° R 18-22.465
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 MARS 2020
La société EDF, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° R 18-22.465 contre l'arrêt rendu le 2 juillet 2018 par la cour d'appel de Cayenne (chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ au syndicat UTG-CGT de l'éclairage en Guyane,
2°/ au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'établissement EDF de Guyane,
ayant tous deux leur siège chez [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société EDF, de Me Brouchot, avocat du syndicat UTG-CGT de l'éclairage en Guyane, après débats en l'audience publique du 26 février 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Joly, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, Mme Laulom, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 2132-3 du code du travail ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, si les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent, notamment en cas de défaut de réunion, d'information ou de consultation des institutions représentatives du personnel lorsqu'elles sont légalement obligatoires, ils n'ont pas qualité à agir aux lieu et place de ces institutions au titre d'un défaut de consultation qu'elles n'invoquent pas ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que dans le cadre d'un plan de réorganisation des services concernant le département de la Guyane, la société EDF en son établissement de Guyane (la société) a entamé en fin d'année 2014 des discussions avec des organisations syndicales ; que suivant lettre du 20 mars 2015, trois membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail distribution d'EDF Guyane (le CHSCT) ont sollicité une réunion extraordinaire du CHSCT ; que lors de la réunion du 12 mai 2015, les membres du CHSCT issus du syndicat UTG CGT de l'éclairage en Guyane (le syndicat) en ont contesté la régularité et ont décidé de quitter la réunion ; que les membres restants ont rendu un avis favorable sur le projet ; que le 10 août 2015, le syndicat a assigné la société, prise en son établissement de Guyane, devant le tribunal de grande instance, aux fins notamment de voir prononcer la nullité de la réunion du 12 mai 2015 ;
Attendu que pour déclarer recevable l'action du syndicat, la cour d'appel a retenu qu'il agissait conformément à ses statuts pour faire annuler la réunion extraordinaire du CHSCT du 12 mai 2015 et l'avis rendu le même jour dont il exposait qu'ils avaient été pris au détriment des membres de l'organisation syndicale siégeant au sein de l'instance représentative ainsi qu'au préjudice de l'ensemble du personnel de la société ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le CHSCT n'invoquait pas l'irrégularité de cet avis, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 627 du code de procédure civile, la cassation encourue n'impliquant pas qu'il soit statué à nouveau sur le fond ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le second moyen,
la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Cayenne ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DÉCLARE IRRECEVABLE l'action du syndicat UTG-CGT de l'éclairage en Guyane ;
Condamne le syndicat UTG-CGT de l'éclairage en Guyane aux dépens devant la Cour de cassation et les juges du fond ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour la société EDF
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable le syndicat UTG-CGT de l'éclairage en Guyane en son action et, en conséquence prononcé la nullité de la réunion extraordinaire du CHSCT distribution d'EDF Guyane en date du 12 mai 2015 et l'avis rendu le même jour par ledit CHSCT, ordonné à la société EDF de reprendre sans délai le processus de consultation préalable en son établissement de Guyane pour recueillir l'avis du CHSCT distribution sur le projet de réorganisation du service clientèle et condamné la société EDF à payer au syndicat UTG-CGT de l'éclairage en Guyane, la somme de globale de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs propres que si la société EDF soulève tout d'abord le défaut d'intérêt à agir du syndicat UTG CGT de l'éclairage en Guyane au motif que celui-ci ne peut se substituer au CHSCT, il sera rappelé que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ; qu'en l'espèce il ressort de l'article 2 des statuts du syndicat UTG CGT de l'éclairage en Guyane que l'un des buts de celui-ci est de défendre par tous les moyens en son pouvoir les intérêts immédiats et généraux de ses membres et du personnel du centre de Guyane ; qu'en l'occurrence, trois membres du syndicat UTG CGT de l'éclairage Guyane ont considéré que la réunion du CHSCT du 12 mai 2015 s'était tenue de manière irrégulière et ont décidé de quitter les lieux à l'issue de ladite réunion ; qu'il en résulte au vu des statuts ci-dessous rappelés que leur syndicat d'appartenance justifie d'un intérêt à agir en justice aux fins d'annulation de cette réunion et de l'avis subséquent ; qu'en outre, les arrêts dont EDF se prévaut ne sont pas transposables à la présente espèce ; que l'arrêt de la Cour de cassation du 15 décembre 2015 versé en pièce 13 de l'appelante concerne en effet le cas dans lequel deux syndicats avaient présenté des demandes tendant à faire constater le défaut d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel préalablement à la mise en oeuvre de dispositifs d'évaluation et de notation ; que c'est dans ces conditions que la haute juridiction avait jugé qu'ils n'étaient pas recevables à agir pour demander communication à leur profit de documents qui, selon eux, auraient dû être transmis au comité d'entreprise ; qu'en l'espèce, ce n'est nullement de cela dont il s'agit puisque le syndicat UTG CGT de l'éclairage en Guyane agit conformément à ses statuts pour faire annuler la réunion extraordinaire du CHSCT distribution d'EDF Guyane en date du 12 mai 2015 et l'avis prétendument rendu le même jour dont il expose qu'ils ont été faits au détriment des membres de l'organisation syndicale siégeant au sein de l'instance représentative ainsi qu'au préjudice de l'ensemble du personnel de la SA EDF de Guyane ; qu'il ne peut donc être prétendu dans ces circonstances que le syndicat UTG CGT de l'éclairage en Guyane ne justifierait pas d'un intérêt à agir et ce moyen sera donc rejeté ; que, s'agissant ensuite du moyen tiré de la tardiveté de l'action du syndicat, il sera relevé ici encore que les arrêts de la Cour de cassation en date des 21 septembre 2016 et 3 novembre 2016 ne sont pas transposables à la cause puisqu'ils sont relatifs à des espèces dans lesquelles le comité central d'entreprise devait donner son avis dans un délai circonscrit ; que tel n'est pas le cas en l'occurrence ; que, en outre l'ordonnance du 23 juin 2016 du tribunal de grande instance de Paris n'est pas davantage transposable puisque dans ce cas un procès-verbal de la réunion du CHSCT avait été dressé, or dans la présente procédure, aucun document de cette nature n'a été établi et c'est ce qui est d'ailleurs reproché à la SA EDF ; qu'ici encore ce moyen ne pourra prospérer ; qu'il ne saurait être prétendu que l'action dirigée à l'encontre de la SA EDF serait irrecevable pour défaut de qualité et d'intérêt de cette dernière alors même qu'il est constant que la convocation dont l'irrégularité est soulevée a été envoyée par l'employeur lui-même ; que ce dernier a donc manifestement qualité et intérêt à défendre à une telle instance et tout moyen contraire sera rejeté ;
Et aux motifs, le cas échéant repris des premiers juges que d'une part, il sera rappelé qu'il résulte des statuts du syndicat demandeur que son secrétaire général est habilité à le représenter en justice ; que d'autre part, les syndicats sont recevables, en applications des dispositions de l'article L.2132-3 du code du travail, à défendre les intérêts collectifs de la profession qu'ils représentent ; qu'en l'espèce, les statuts du syndicat UTG-CGT de l'éclairage en Guyane disposent, en leur article 2 – « Buts », que celui-ci a pour but de « défendre par tous moyens en son pouvoir les intérêts immédiats et généraux de ses membres et du personnel du centre EDF de Guyane » ; qu'enfin, siège au CHSCT une délégation du personnel, au sein de laquelle doit d'ailleurs être choisi le secrétaire dudit comité ; que l'article L.4614-1 du code du travail dispose que le CHSCT est validé par l'employeur ; qu'il s'en suit que le syndicat UTG-CGT de l'éclairage en Guyane, auquel sont affiliés certains membres de la délégation du personnel au CHSCT est parfaitement recevable à agir contre l'employeur, responsable de la tenue des réunions du CHSCT et le CHSCT lui-même, ce dernier ayant été assigné en intervention forcée ; que dès lors, les fins de non-recevoir soulevées par l'employeur ne peuvent être accueillies ;
Alors, d'une part, qu'un syndicat professionnel n'a pas qualité à agir aux lieu et place d'un CHSCT pour tirer argument soit du défaut de consultation que celui-ci n'invoque pas, soit des conditions dans lesquelles celui-ci a été consulté ; que la cour d'appel qui a constaté que ni le CHSCT, ni en tant que tels, les membres de ce dernier, ne contestaient les conditions dans lesquelles le CHSCT avait été réuni et avait exprimé son avis, ne pouvait déclarer recevable le syndicat UTG-CGT de l'éclairage en Guyane sans méconnaître les dispositions de l'article L.2132-3 du code du travail ;
Et alors, d'autre part, qu'une action tendant à l'annulation de la réunion d'un CHSCT et de l'avis exprimé par celui-ci doit être dirigée à son encontre ; qu'en se bornant, pour rejeter la fin de non-recevoir déduite de l'absence de qualité de la société EDF, qui n'était pas mise en cause en sa qualité de président du CHSCT, pour défendre à une telle action en nullité par le motif inopérant déduit de ce que celui-ci devait répondre des conditions dans lesquelles la convocation du CHSCT avait été adressée, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 32 du code de procédure civile ;
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable le syndicat UTG-CGT de l'éclairage en Guyane en son action et, en conséquence prononcé la nullité de la réunion extraordinaire du CHSCT distribution d'EDF Guyane en date du 12 mai 2015 et l'avis rendu le même jour par ledit CHSCT, ordonné à la société EDF de reprendre sans délai le processus de consultation préalable en son établissement de Guyane pour recueillir l'avis du CHSCT distribution sur le projet de réorganisation du service clientèle et condamné la société EDF à payer au syndicat UTG-CGT de l'éclairage en Guyane, la somme globale de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs qu', en application des dispositions combinées tirées des articles L.4614-8 et L.4614-10 du Code du travail, dans leur rédaction applicable à la présente espèce, l'ordre du jour de chaque réunion est établi par le président et le secrétaire ; qu'il est transmis aux membres du comité et à l'inspecteur du travail dans des conditions déterminées par voie réglementaire ; que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est réuni à la suite de tout accident ayant entraîné ou ayant pu entraîner des conséquences graves ou à la demande motivée de deux de ses membres représentant du personnel ; qu'il est réuni en cas d'événement grave lié à l'activité de l'établissement ayant porté atteinte ou ayant pu porter atteinte à la santé publique ou à l'environnement ; qu'il résulte de la lecture de ces deux textes, que contrairement à ce que soutient la SA EDF, le deuxième d'induit aucune exception par rapport au premier ; qu'ainsi, l'absence de co-signature de la convocation à la réunion du 10 avril 2015 par le secrétaire du CHSCT de même que la simple annexion des courriers faisant état des demandes faites par les membres à l'origine de cette réunion en guise d'ordre du jour démontrent que les dispositions légales précitées n'ont pas été respectées ; que c'est à bon droit que les premiers juges ont relevé que l'employeur ne pouvait s'affranchir de ces règles impératives, ni valablement soutenir que le simple envoi en pièce jointe de la demande des trois membres du CHSCT ayant sollicité la réunion suffisait comme ordre du jour, pas plus qu'il ne pouvait se prévaloir d'une simple pratique courante dans l'entreprise, consistant en ce que l'ordre du jour proposé par les membres soit directement annexé à la convocation ; qu'il a en outre été relevé à juste titre l'absence de procès-verbal de la réunion faisant apparaître le désaccord des membres du CHSCT affiliés au syndicat UTG CGT de l'éclairage en Guyane, qui soutiennent avoir quitté la réunion après avoir fait valoir l'irrégularité de la convocation ; qu'ainsi c'est par une exacte appréciation des circonstances de la cause que le tribunal a retenu que l'ensemble de ces éléments établissait l'irrégularité de la convocation du CHSCT extraordinaire et entraînait la nullité des actes pris lors de cette réunion ; qu'il en résulte que la procédure de consultation lancée par la SA EDF de Guyane n'a pas pris fin régulièrement par un avis rendu par le CHSCT distribution dans les formes légales ;
Et aux motifs, le cas échéant repris des premiers juges, que sur la régularité de la convocation à la réunion extraordinaire du CHSCT, en application de l'article L.4641-8 « L'ordre du jour de chaque réunion du CHSCT est établi par le président et le secrétaire. Les consultations rendues obligatoires par une disposition législative ou réglementaire ou par un accord collectif de travail sont inscrites de plein droit à l'ordre du jour par le président ou le secrétaire. L'ordre du jour est transmis aux membres du comité » ; que l'article L.4614-10 du même code précise que « Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est réuni à la suite de tout accident ayant entraîné ou ayant pu entraîner des conséquences graves ou à la demande motivée de deux de ses membres représentants du personnel » ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces produites que : – par lettre en date du 20 mars 2015, indiquent que copie était adressée au Directeur de Centre et aux organisations syndicales, MM. S... K..., E... P... et N... G..., membres du CHSCT Distribution, ont saisi le Président du CHSCT d'une demande de réunion extraordinaire, avec l'ordre du jour suivant : « projet du service clientèle : conditions de travail, avis à formuler accident de travail M. C... O... » ; – par courriel du 2 avril 2015, M. Q... U..., Président du CHSCT, écrivait « En réponse à la demande de 3 membres, veuillez noter que nous réunirons les vendredi 10 avril 2015 à 11 h » ; qu'étaient jointes à ce courriel deux pièces intitulées « convocation » et « demande de CHSCT Extraordinaire » : – la tenue de cette réunion a été reportée au 12 mai 2015, par courriel du 9 avril 2015 adressé également par son Président, auquel était jointe la demande de report de M. E... ; – aucun procès-verbal de cette réunion du 12 mai 2015 n'est produit ; – par lettre en date du 13 mai 2015, ce sont MM. S... K..., E... P... et N... G..., membres du CHSCT et non le Secrétaire dudit Comité, qui informai[ent]t M. V... T..., Directeur Adjoint d'EDF Guyane, que la réunion s'était bien déroulée le 12 mai 2015 et de l'avis favorable émis ; – par courriel du 27 mai 2015, M. M... C..., Secrétaire du CHSCT, informait M. V... T... de l'irrégularité de cette convocation ; – par lettre en date du 8 juin 2015, co-signée par l'employeur – Président du CE et son Secrétaire, le Comité d'établissement a été convoqué en sa réunion mensuelle fixée au 26 juin 2015, « l'ordre du jour [étant] le suivant (
) 3. Projet du service clientèle (pour avis) » ; – par lettre en date du 16 juin 2015, MM. M... C..., F... Y... L... et A... H... contestaient formellement l'avis du CHSCT distribution, auprès du Directeur d'EDF Guyane ; – par lettre en date du 19 juin 2015, le Président du CHSCT-distribution informait le Président du Comité d'établissement que le projet de réorganisation du Service clientèle avait reçu un avis unanime des membres présents au moment du vote, après la sortie des trois membres, opposés à la demande d'avis ; – par lettre de réponse en date du 24 juin 2015 au Délégué syndical de la Section UTG-CGT de l'éclairage, le Directeur d'EDG Guyane, M. W... R..., indiquait « En vertu de l'article L.4614-10 du Code du travail, le CHSCT a été convoqué suite "à la demande motivée des deux de ses membres représentants du personnel". La question qui se pose est de savoir si l'employeur devait reprendre l'ordre du jour proposé par les membres dans sa convocation et cet ordre du jour devait être validé par le Secrétaire (l'article L.4614-8 du code du travail obligeant le président et le secrétaire du CHSCT à établir de manière conjointe l'ordre du jour de chaque réunion). Dans le cas présent, nous avons considéré que nous nous trouvions dans une situation d'exception au principe de rédaction conjointe de l'ordre du jour. En effet ni l'employeur ni le Secrétaire n'ont à valider l'ordre du jour dès lors qu'au moins deux membres du CHSCT ont demandé la réunion d'un CHSCT extraordinaire sur un ou plusieurs sujets précis (lesquels font office d'ordre du jour), sauf à contester leur demande devant la juridiction compétente, ce qui en l'occurrence ne nous est pas apparu fondé. Par ailleurs il n'y a, à notre connaissance, aucune obligation d'envoi par le Président de l'instance d'un ordre du jour formel dans ce type de situation, étant de pratique courant que l'ordre du jour proposé par les membres soit directement annexé à la convocation » ; – qu'enfin, le Directeur d'EDF Guyane indiquait, par décision du 20 juillet 2015, « Les organismes ayant été réunis et consultés dans le respect des règles, je décide de mettre en oeuvre le projet Clientèle correspondant au dossier présenté en Comité d'établissement du 26 juin 2015 » ; qu'il est constat que la convocation saisissant les membres du CHSCT pour la réunion du 10 avril 2015 n'a pas été cosignée par le Secrétaire du CHSCT, mais comporte uniquement la signature de son Président, M. Q... U... ; qu'elle ne comporte aucun ordre du jour et mentionne « NOMBRE : Demande en PJ » ; qu'or, outre la reconnaissance écrite par l'employeur de ce qu'il n'a pas respecté les dispositions des articles L.4614-8 et L.4614-10 du Code du travail, aucune situation d'exception n'est prévue par le Code du travail ; que la situation d'exception que la SA EDF ne caractérise, au demeurant, pas, dans le cadre de la présente action, se contenant de l'évoquer dans son courrier ; que l'employeur ne pouvait donc pas s'affranchir de ces règles impératives, ni valablement soutenir que le simple envoi en pièce jointe de la demande des trois membres du CHSCT ayant sollicité la réunion suffisait comme ordre du jour, pas plus qu'il ne peut se prévaloir d'une simple « pratique courante » dans l'entreprise, consistant en ce que l'ordre du jour proposé par les membres soit directement annexé à la convocation ; qu'étant souligné qu'aucun procès-verbal de cette réunion faisant apparaître le désaccord des membres du CHSCT affiliés au Syndicat UTG-CGT de l'éclairage en Guyane, qui soutiennent avoir quitté la réunion après avoir fait valoir l'irrégularité de la convocation, ne semble avoir été formellement rédigé ; que l'ensemble de ces éléments établit sans conteste l'irrégularité de la convocation du CHSCT extraordinaire et entraîne la nullité des actes pris lors de cette réunion ; qu'il convient en conséquence d'ordonner à la SA EDF, en son établissement de Guyane, de reprendre sans délai le processus de consultation préalable du CHSCT distribution sur le projet de réorganisation du Service Clientèle ;
Alors, d'une part, que, dès lors que la demande remplit les conditions prévues à l'article L.4614-10 du code du travail, l'employeur est tenu d'organiser la réunion du CHSCT et que les questions posées par les élus doivent être inscrites à l'ordre du jour sans modification ; que dans ces conditions, le fait que l'ordre du jour ne soit pas cosigné par le secrétaire du CHSCT dans les conditions prévues à l'article L.4614-8 du code du travail ne saurait entacher d'irrégularité la réunion de ce dernier et les décisions et avis qui y sont adoptés ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L.4614-8 et L.4614-10 du code du travail ;
Alors, d'autre part, qu'en l'absence de toute autre circonstance retenue par la cour d'appel mettant en cause la régularité de la réunion du CHSCT, soit la régularité ou la réalité de l'avis émis par celui-ci, le seul fait qu'aucun procès-verbal n'ait été tenu à l'occasion de la réunion du CHSCT ne saurait entacher cet avis de nullité ; qu'en statuant par de tels motifs inopérants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des mêmes textes ;