Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 4 mars 2020, 19-81.818, Publié au bulletin
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 4 mars 2020, 19-81.818, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 19-81.818
- ECLI:FR:CCASS:2020:CR00139
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mercredi 04 mars 2020
Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, du 14 février 2019- Président
- M. Soulard
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° A 19-81.818 F-P+B+I
N° 139
SM12
4 MARS 2020
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 4 MARS 2020
REJET du pourvoi formé par la société GDP Vendôme contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, en date du 14 février 2019, qui, dans la procédure suivie contre elle des chefs d'abus de confiance, abus de biens sociaux, corruption, blanchiment, faux et usage de faux, a confirmé l'ordonnance de maintien d'une saisie pénale rendue par le juge des libertés et de la détention.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de La société GDP Vendôme, et les conclusions de Mme Zientara-Logeay, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 janvier 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Darcheux, greffier de chambre,
La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Sur la base d'un signalement Tracfin, le procureur de la République a diligenté une enquête des chefs d'abus de confiance, abus de biens sociaux, corruption, blanchiment, faux et usage de faux, contre Mme D... V..., maire de Saint Georges d'Orques, en charge des personnes âgées et directrice de l'association « Foyer Notre Dame du Bon Accueil ».
3. Les investigations ont montré que, par décision conjointe de l'agence régionale de santé et du conseil départemental de l'Hérault, il a été accordé à l'association « Foyer Notre Dame du Bon Accueil » , qui disposait depuis sa création de l'autorisation de gérer un établissement de santé pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), l'autorisation de reconstruction et d'extension de cet EHPAD offrant 30 lits supplémentaires, soit 64 lits au total.
4. Les investigations ont révélé l'existence de deux versements suspects : d'une part, le 29 juillet 2015, un versement d'une somme de 840 000 euros par GDP, propriétaire du terrain nécessaire à la construction, à la société Tao Immobilier, gérée par Mme V... et son fils, est intervenu aux termes d'un accord en vertu duquel Mme V... s'était engagée à obtenir la démission de la présidente et de la trésorière de l'association « Notre dame du Bon accueil » , respectivement sa mère et sa soeur, ainsi que l'agrément des nouveaux membres issus de GDP Vendôme, d'autre part, le 18 août 2015, un versement de la somme de 1 560 000 euros a été effectué par la SCI [...] à la société Saint Gabriel, créée le 10 juillet 2015 et présidée par Mme V..., associée à hauteur de 61 % des parts, le reste étant réparti entre les autres membres de la famille de Mme V... et cette dernière sous forme de plusieurs chèques.
5. Selon les enquêteurs, le protocole du 26 mai 2015 signé entre les sociétés Tao Immobilier, et GDP et la convention d'apporteur d'affaires du 11 mai 2015, signée entre Mme V... et la SCI [...] , paraissent n'avoir d'autre but que de rétribuer les interventions de Mme V... visant à permettre à la société GDP de prendre le contrôle de la gestion de l'EHPAD par l'intermédiaire de la société Dolca Création, sa filiale, sans mise en concurrence ni procédure d'agrément.
6. L'analyse des comptes bancaires de Mme V... et de M. L..., gérant de la société [...] et père de la fille de Mme V..., des sociétés [...] , Tao Immobilier et Saint Gabriel, ces deux dernières étant sans réalité sociale, a permis d'évaluer le préjudice a minima à hauteur de la somme de 2 400 000 euros.
7. Sur autorisation du procureur de la République, les enquêteurs ont saisi, le 8 février 2018, les comptes bancaires de Mme V..., à hauteur de 25 620,74 euros, de M. L..., à hauteur de 124 000 euros, et des sociétés Saint Gabriel, à hauteur de 13 932,60 euros, et Océane Horizon, à hauteur de 426 000 euros, ainsi que deux comptes bancaires de la société Tao Immobilier, à hauteur de 134 000 euros.
8. Le 14 février suivant, le juge des libertés et de la détention a ordonné le maintien de ces six saisies en valeur d'un montant total de 1 307 000 euros.
9. Quatre de ces ordonnances ont été frappées d'appel et confirmées par arrêt de la chambre de l'instruction du 21 juin 2018.
10. Le 5 juillet 2018, le juge des libertés et de la détention a également maintenu la saisie en valeur, à hauteur de 840 000 euros, d'un compte bancaire de la société GDP, opérée par procès-verbal du 28 juin 2018.
11. La société GDP a interjeté appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
12. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
13. Le moyen est pris de la violation des articles 6, 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du premier protocole additionnel à cette Convention, 131-21, 131-39 du code pénal, préliminaire, 706-141, 706-141-1, 706-153, 706-154, 591, 593 du code de procédure pénale .
14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance déférée, alors :
« 1°/ que le montant d'une saisie pénale en valeur ne doit pas excéder la valeur du bien susceptible de confiscation ; que lorsque plusieurs auteurs ou complices ont participé à un ensemble de faits, soit à la totalité soit à une partie de ceux-ci, chacun d'eux encourt la confiscation du produit de la seule ou des seules infractions qui lui sont reprochées ; que, dès lors, en affirmant, pour confirmer le maintien de la saisie en valeur de la somme de 840 000 euros inscrite sur le compte bancaire de l'exposante, que « l'ensemble des saisies maintenues n'excède pas celui du produit supposée des infractions objet de l'enquête préliminaire ouverte au parquet de Montpellier et évalué par les enquêteurs à la somme de 2 400 000 euros correspondant au montant des versements de 840 000 euros et de 1 560 000 euros » , sans rechercher si la somme ainsi saisie n'excédait pas la valeur du produit du seul délit reproché à l'exposante, lequel, selon les constatations mêmes de l'arrêt attaqué, consisterait uniquement dans la prise de contrôle de la gestion de l'EHPAD, les sommes susvisées ayant constitué « un enrichissement personne (…) au bénéfice de D... V... » (arrêt, p.8), la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ;
2°/ que le juge qui ordonne la saisie en valeur d'un bien appartenant ou étant à la libre disposition d'une personne, alors qu'il ne résulte pas des pièces de la procédure de présomptions qu'elle a bénéficié de la totalité du produit de l'infraction, doit apprécier, lorsque cette garantie est invoquée, le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé s'agissant de la partie du produit de l'infraction dont elle n'aurait pas tiré profit, au regard de la situation personnelle de celui-ci et de la gravité concrète des faits ; qu'en rejetant le moyen tiré du caractère disproportionné de la saisie en valeur pratiquée, qui ne pouvait correspondre au produit de la seule infraction reprochée à l'exposante, sans se prononcer sur la situation personnelle de celle-ci ni sur la gravité des faits auxquels elle aurait participé, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision. »
Réponse de la Cour
15. Pour confirmer la décision autorisant le maintien de la saisie du compte bancaire de la société GDP à hauteur de la somme de 840 000 euros, l'arrêt attaqué, après avoir constaté que la décision querellée a été prise dans le strict respect du deuxième alinéa de l'article 706-154 du code de procédure pénale, relève que, d'une part, la décision du juge des libertés et de la détention est fondée sur l'alinéa 9 de l'article 131-21 du code pénal qui prévoit que la confiscation peut être ordonnée en valeur et être exécutée sur tous les biens appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, d'autre part, cette mesure peut consister à confisquer les sommes inscrites sur le compte ou les comptes saisis dont la valeur équivaut en tout ou partie à la valeur du produit généré par l'infraction, enfin, il appartient aux juges de s'assurer que le montant de la saisie en valeur ainsi pratiquée n'excède pas celui du produit des infractions pour lesquelles la personne est susceptible d'être poursuivie ou mise en examen.
16. Les juges ajoutent que la synthèse des éléments de la procédure laisse supposer que cette société est bien susceptible de se trouver directement impliquée comme auteur au moins de certains délits objet de l'enquête préliminaire, notamment en sa qualité de participant à un possible pacte de corruption, cette qualification s'entendant ici sous l'une de ses diverses acceptions telles que prévues par le code pénal.
17. Ils relèvent que la saisie de la somme de 840 000 euros, nettement inférieure au solde du compte saisi qui s'élève à la somme de 38 284 059,83 euros, a été limitée au montant versé par la société GDP à la société Tao Immobilier comme produit de l'infraction et que l'atteinte portée par la saisie du compte bancaire de la société appelante à hauteur du même montant n'apparaît pas ainsi disproportionnée.
18. Ils considèrent que les saisies opérées par ailleurs à l'encontre de la SAS Tao Immobilier ne peuvent venir en déduction de ladite somme, l'ensemble des saisies maintenues n'excédant pas celui du produit des infractions évalué par les enquêteurs à la somme 2 400 000 euros correspondant au total des versements de 840 000 euros et de 1 560 000 euros et que le cumul des diverses saisies pénales ordonnées les 14 février 2018 et 5 juillet 2018 est d'un montant total de 2 126 000 euros.
19. La chambre de l'instruction conclut qu'une telle saisie pénale ne constitue qu'une mesure provisoire ayant pour objet de garantir l'exécution de la peine complémentaire de confiscation susceptible d'être prononcée par la juridiction correctionnelle si celle-ci venait à être saisie de ces faits et que cette saisie ne bloque pas le fonctionnement du compte de dépôt ouvert au nom de la mise en cause, seul le montant retenu par le juge des libertés et de la détention devant être consigné à l'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) conformément à l'article 706-155 du code de procédure pénal.
20. C'est à tort que la cour d'appel a retenu la saisie pratiquée comme une saisie en valeur du produit de l'infraction.
21. Cependant, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la somme de 840 000 euros constitue l'instrument de l'infraction de corruption active et que les conditions de confiscation de cet instrument prévues par le deuxième alinéa de l'article 131-21 du code pénal, et notamment, la propriété de ces fonds par la société GDP, étaient réunies au moment de la commission de l'infraction.
22. Il en résulte également que la saisie n'est pas disproportionnée au regard du droit de propriété eu égard à la gravité des faits et à la situation économique de la société titulaire du compte.
23. Il s'ensuit que la cassation n'est pas encourue, la question de la requalification de la saisie ayant été mise dans le débat.
24. L'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre mars deux mille vingt.ECLI:FR:CCASS:2020:CR00139
N° A 19-81.818 F-P+B+I
N° 139
SM12
4 MARS 2020
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 4 MARS 2020
REJET du pourvoi formé par la société GDP Vendôme contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, en date du 14 février 2019, qui, dans la procédure suivie contre elle des chefs d'abus de confiance, abus de biens sociaux, corruption, blanchiment, faux et usage de faux, a confirmé l'ordonnance de maintien d'une saisie pénale rendue par le juge des libertés et de la détention.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de La société GDP Vendôme, et les conclusions de Mme Zientara-Logeay, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 janvier 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Darcheux, greffier de chambre,
La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Sur la base d'un signalement Tracfin, le procureur de la République a diligenté une enquête des chefs d'abus de confiance, abus de biens sociaux, corruption, blanchiment, faux et usage de faux, contre Mme D... V..., maire de Saint Georges d'Orques, en charge des personnes âgées et directrice de l'association « Foyer Notre Dame du Bon Accueil ».
3. Les investigations ont montré que, par décision conjointe de l'agence régionale de santé et du conseil départemental de l'Hérault, il a été accordé à l'association « Foyer Notre Dame du Bon Accueil » , qui disposait depuis sa création de l'autorisation de gérer un établissement de santé pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), l'autorisation de reconstruction et d'extension de cet EHPAD offrant 30 lits supplémentaires, soit 64 lits au total.
4. Les investigations ont révélé l'existence de deux versements suspects : d'une part, le 29 juillet 2015, un versement d'une somme de 840 000 euros par GDP, propriétaire du terrain nécessaire à la construction, à la société Tao Immobilier, gérée par Mme V... et son fils, est intervenu aux termes d'un accord en vertu duquel Mme V... s'était engagée à obtenir la démission de la présidente et de la trésorière de l'association « Notre dame du Bon accueil » , respectivement sa mère et sa soeur, ainsi que l'agrément des nouveaux membres issus de GDP Vendôme, d'autre part, le 18 août 2015, un versement de la somme de 1 560 000 euros a été effectué par la SCI [...] à la société Saint Gabriel, créée le 10 juillet 2015 et présidée par Mme V..., associée à hauteur de 61 % des parts, le reste étant réparti entre les autres membres de la famille de Mme V... et cette dernière sous forme de plusieurs chèques.
5. Selon les enquêteurs, le protocole du 26 mai 2015 signé entre les sociétés Tao Immobilier, et GDP et la convention d'apporteur d'affaires du 11 mai 2015, signée entre Mme V... et la SCI [...] , paraissent n'avoir d'autre but que de rétribuer les interventions de Mme V... visant à permettre à la société GDP de prendre le contrôle de la gestion de l'EHPAD par l'intermédiaire de la société Dolca Création, sa filiale, sans mise en concurrence ni procédure d'agrément.
6. L'analyse des comptes bancaires de Mme V... et de M. L..., gérant de la société [...] et père de la fille de Mme V..., des sociétés [...] , Tao Immobilier et Saint Gabriel, ces deux dernières étant sans réalité sociale, a permis d'évaluer le préjudice a minima à hauteur de la somme de 2 400 000 euros.
7. Sur autorisation du procureur de la République, les enquêteurs ont saisi, le 8 février 2018, les comptes bancaires de Mme V..., à hauteur de 25 620,74 euros, de M. L..., à hauteur de 124 000 euros, et des sociétés Saint Gabriel, à hauteur de 13 932,60 euros, et Océane Horizon, à hauteur de 426 000 euros, ainsi que deux comptes bancaires de la société Tao Immobilier, à hauteur de 134 000 euros.
8. Le 14 février suivant, le juge des libertés et de la détention a ordonné le maintien de ces six saisies en valeur d'un montant total de 1 307 000 euros.
9. Quatre de ces ordonnances ont été frappées d'appel et confirmées par arrêt de la chambre de l'instruction du 21 juin 2018.
10. Le 5 juillet 2018, le juge des libertés et de la détention a également maintenu la saisie en valeur, à hauteur de 840 000 euros, d'un compte bancaire de la société GDP, opérée par procès-verbal du 28 juin 2018.
11. La société GDP a interjeté appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
12. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
13. Le moyen est pris de la violation des articles 6, 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du premier protocole additionnel à cette Convention, 131-21, 131-39 du code pénal, préliminaire, 706-141, 706-141-1, 706-153, 706-154, 591, 593 du code de procédure pénale .
14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance déférée, alors :
« 1°/ que le montant d'une saisie pénale en valeur ne doit pas excéder la valeur du bien susceptible de confiscation ; que lorsque plusieurs auteurs ou complices ont participé à un ensemble de faits, soit à la totalité soit à une partie de ceux-ci, chacun d'eux encourt la confiscation du produit de la seule ou des seules infractions qui lui sont reprochées ; que, dès lors, en affirmant, pour confirmer le maintien de la saisie en valeur de la somme de 840 000 euros inscrite sur le compte bancaire de l'exposante, que « l'ensemble des saisies maintenues n'excède pas celui du produit supposée des infractions objet de l'enquête préliminaire ouverte au parquet de Montpellier et évalué par les enquêteurs à la somme de 2 400 000 euros correspondant au montant des versements de 840 000 euros et de 1 560 000 euros » , sans rechercher si la somme ainsi saisie n'excédait pas la valeur du produit du seul délit reproché à l'exposante, lequel, selon les constatations mêmes de l'arrêt attaqué, consisterait uniquement dans la prise de contrôle de la gestion de l'EHPAD, les sommes susvisées ayant constitué « un enrichissement personne (…) au bénéfice de D... V... » (arrêt, p.8), la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ;
2°/ que le juge qui ordonne la saisie en valeur d'un bien appartenant ou étant à la libre disposition d'une personne, alors qu'il ne résulte pas des pièces de la procédure de présomptions qu'elle a bénéficié de la totalité du produit de l'infraction, doit apprécier, lorsque cette garantie est invoquée, le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé s'agissant de la partie du produit de l'infraction dont elle n'aurait pas tiré profit, au regard de la situation personnelle de celui-ci et de la gravité concrète des faits ; qu'en rejetant le moyen tiré du caractère disproportionné de la saisie en valeur pratiquée, qui ne pouvait correspondre au produit de la seule infraction reprochée à l'exposante, sans se prononcer sur la situation personnelle de celle-ci ni sur la gravité des faits auxquels elle aurait participé, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision. »
Réponse de la Cour
15. Pour confirmer la décision autorisant le maintien de la saisie du compte bancaire de la société GDP à hauteur de la somme de 840 000 euros, l'arrêt attaqué, après avoir constaté que la décision querellée a été prise dans le strict respect du deuxième alinéa de l'article 706-154 du code de procédure pénale, relève que, d'une part, la décision du juge des libertés et de la détention est fondée sur l'alinéa 9 de l'article 131-21 du code pénal qui prévoit que la confiscation peut être ordonnée en valeur et être exécutée sur tous les biens appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, d'autre part, cette mesure peut consister à confisquer les sommes inscrites sur le compte ou les comptes saisis dont la valeur équivaut en tout ou partie à la valeur du produit généré par l'infraction, enfin, il appartient aux juges de s'assurer que le montant de la saisie en valeur ainsi pratiquée n'excède pas celui du produit des infractions pour lesquelles la personne est susceptible d'être poursuivie ou mise en examen.
16. Les juges ajoutent que la synthèse des éléments de la procédure laisse supposer que cette société est bien susceptible de se trouver directement impliquée comme auteur au moins de certains délits objet de l'enquête préliminaire, notamment en sa qualité de participant à un possible pacte de corruption, cette qualification s'entendant ici sous l'une de ses diverses acceptions telles que prévues par le code pénal.
17. Ils relèvent que la saisie de la somme de 840 000 euros, nettement inférieure au solde du compte saisi qui s'élève à la somme de 38 284 059,83 euros, a été limitée au montant versé par la société GDP à la société Tao Immobilier comme produit de l'infraction et que l'atteinte portée par la saisie du compte bancaire de la société appelante à hauteur du même montant n'apparaît pas ainsi disproportionnée.
18. Ils considèrent que les saisies opérées par ailleurs à l'encontre de la SAS Tao Immobilier ne peuvent venir en déduction de ladite somme, l'ensemble des saisies maintenues n'excédant pas celui du produit des infractions évalué par les enquêteurs à la somme 2 400 000 euros correspondant au total des versements de 840 000 euros et de 1 560 000 euros et que le cumul des diverses saisies pénales ordonnées les 14 février 2018 et 5 juillet 2018 est d'un montant total de 2 126 000 euros.
19. La chambre de l'instruction conclut qu'une telle saisie pénale ne constitue qu'une mesure provisoire ayant pour objet de garantir l'exécution de la peine complémentaire de confiscation susceptible d'être prononcée par la juridiction correctionnelle si celle-ci venait à être saisie de ces faits et que cette saisie ne bloque pas le fonctionnement du compte de dépôt ouvert au nom de la mise en cause, seul le montant retenu par le juge des libertés et de la détention devant être consigné à l'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) conformément à l'article 706-155 du code de procédure pénal.
20. C'est à tort que la cour d'appel a retenu la saisie pratiquée comme une saisie en valeur du produit de l'infraction.
21. Cependant, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la somme de 840 000 euros constitue l'instrument de l'infraction de corruption active et que les conditions de confiscation de cet instrument prévues par le deuxième alinéa de l'article 131-21 du code pénal, et notamment, la propriété de ces fonds par la société GDP, étaient réunies au moment de la commission de l'infraction.
22. Il en résulte également que la saisie n'est pas disproportionnée au regard du droit de propriété eu égard à la gravité des faits et à la situation économique de la société titulaire du compte.
23. Il s'ensuit que la cassation n'est pas encourue, la question de la requalification de la saisie ayant été mise dans le débat.
24. L'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre mars deux mille vingt.