Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 26 février 2020, 18-26.256, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 26 février 2020




Rejet


Mme BATUT, président



Arrêt n° 147 FS-P+B

Pourvoi n° M 18-26.256









R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 26 FÉVRIER 2020

La société R... France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° M 18-26.256 contre l'arrêt rendu le 4 octobre 2018 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. I... H..., domicilié [...],

2°/ à M. Y... E..., domicilié [...],

3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines, dont le siège est [...],

défendeurs à la cassation.

M. H... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Duval-Arnould, conseiller, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société R... France, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. H..., et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Duval-Arnould, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, M. Girardet, Mme Teiller, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Guihal, conseillers, Mme Canas, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Lavigne, avocat général, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 octobre 2018), après la pose de prothèses de hanche droite et gauche, réalisée respectivement les 15 octobre 2004 et 4 mai 2005 par M. E... (le chirurgien), M. H... a, le 19 mars 2007, été victime d'une chute due à un dérobement de sa jambe droite, consécutif à une rupture de sa prothèse de hanche droite. Le chirurgien a, alors, procédé au changement de la tige fémorale de la prothèse.

2. Après avoir sollicité une expertise en référé, M. H..., qui a conservé des séquelles de sa chute, a assigné en responsabilité et indemnisation le chirurgien et la société R... France (le producteur), ayant fourni la prothèse litigieuse à ce dernier, et mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

3. Le producteur fait grief à l'arrêt de le déclarer entièrement responsable du préjudice causé à M. H... par la rupture de sa prothèse et de le condamner à lui payer différentes sommes, alors :

« 1°/ qu'il appartient au demandeur en réparation du dommage causé par un produit qu'il estime défectueux de prouver le défaut invoqué ; que la simple imputabilité du dommage au produit incriminé ne suffit pas à établir son défaut ; que, pour retenir que la prothèse de hanche était affectée d'un défaut, la cour d'appel a relevé que la fracture de la prothèse était antérieure à la chute de M. H... qu'elle avait provoquée, que les choix du médecin sur la nature et les dimensions des éléments de la prothèse et les opérations techniques de pose n'étaient pas critiquables, qu'il n'existait pas de lien de causalité entre le surpoids du patient et la fracture et que le point de fracture se situait dans la zone de faiblesse de toute prothèse de hanche, à sa base ; qu'en se fondant sur des éléments impropres à caractériser un défaut de la prothèse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1386-4 et 1386-9, devenus les articles 1245-3 et 1245-8 du code civil ;

2°/ que l'expert judiciaire a relevé qu'outre les fractures de prothèses de hanche liées à des défauts de conception ou de fabrication de la prothèse, "il existe des fractures sans cause précise retrouvée soit par impossibilité d'analyse de l'explant ou parce que cette analyse reste négative" ; qu'il a constaté qu'en l'espèce, aucune anomalie de conception n'a été retrouvée, au regard de l'absence d'alerte sanitaire et de la conformité des tests pratiqués et que le défaut d'analyse de l'explant ne permettait "pas de proposer une explication certaine à la survenue de cette fracture" ; qu'il a ajouté que "toutes les prothèses de hanche pouva[ie]nt présenter un taux faible de fracture « spontanée »", sans que cela ne remette en cause « la fiabilité du type de prothèse posée » observant que le taux d'accident relatif à la prothèse litigieuse était « totalement conforme aux taux publiés de rupture d'implants dans la littérature hors problème spécifique de conception ou fabrication » ; qu'il a conclu que la cause de la fracture de fatigue de la prothèse ne pouvait « être caractérisée de façon certaine » et devait être considérée « comme un aléa évolutif lié à la prothèse en elle-même » ; que le producteur s'est appuyé sur les conclusions de l'expert pour soutenir que la preuve d'un défaut de la prothèse n'était pas rapportée ; qu'en déduisant cependant des constats de l'expert judiciaire que la rupture de la tige fémorale ne pouvait être due qu'à un défaut, sans s'expliquer sur les observations de cet expert excluant toute certitude et évoquant d'autres causes, la cour d'appel n'a pas suffisamment justifié sa décision, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que l'expert judiciaire a retenu que l'obésité était « une cause de surcharge de la prothèse », « un facteur associé, entraînant une sur-sollicitation de l'implant », « un facteur aggravant du risque de présenter une fracture », mais que « la littérature ne permet pas de chiffrer de façon certaine cette part », l'obésité ne constituant pas « la cause immédiate et unique de [la] fracture » ; qu'en retenant cependant que l'expert avait « exclu tout lien de causalité entre le surpoids du patient et la fracture », la cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise judiciaire, violant ainsi le principe de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

4°/ que la cour d'appel a retenu que l'expert avait « exclu tout lien de causalité entre le surpoids du patient et la fracture » et que cette constatation n'était remise « en cause par aucune des parties » ; qu'en statuant ainsi, bien que le producteur ait fait valoir « que le lien est connu et souvent déterminant entre le poids du patient et la rupture de fatigue de l'implant » et que « ce risque doit être normalement indiqué au patient par le chirurgien car il est connu de tous dans la littérature scientifique », la cour d'appel a dénaturé les conclusions du producteur et violé en conséquence l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. L'arrêt retient, en se fondant sur les constatations de l'expert, que la rupture de la prothèse a provoqué la chute de M. H..., que cette rupture n'est pas imputable au surpoids de ce dernier, qu'aucune erreur n'a été commise dans le choix et la conception de la prothèse ni lors de sa pose et que le point de fracture se situe à la base, dans la zone de faiblesse de toute prothèse de hanche. Il ajoute que la tige fémorale posée le 15 octobre 2004 ne présentait pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre.

5. De ces constatations et énonciations souveraines ne procédant pas de dénaturations, la cour d'appel, qui n'était pas liée par les conclusions expertales, a pu déduire que la rupture prématurée de la prothèse était due à sa défectuosité, de sorte que se trouve engagée la responsabilité de droit du producteur à l'égard de M. H....

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur les deuxième et troisième moyens du même pourvoi, ci-après annexés

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. M. H... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes à l'égard du chirurgien, alors « que la responsabilité d'un médecin est encourue de plein droit en raison du défaut d'un produit de santé qu'il implante à son patient ; qu'en jugeant que la responsabilité du chirurgien, qui a implanté à M. H... une prothèse de hanche défectueuse, ne pouvait être engagée à son profit qu'en cas de faute de sa part, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1, I, alinéa 1, du code de la santé publique. »

Réponse de la Cour

9. Selon l'article L. 1142-1, alinéa 1, du code de la santé publique, issu de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, les professionnels de santé et les établissements dans lesquels sont diligentés des actes de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables de tels actes qu'en cas de faute, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé.

10. Cette exception au principe d'une responsabilité pour faute est liée au régime de responsabilité du fait des produits défectueux instauré par la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 ayant transposé aux articles 1386-1 à 1386-18, devenus 1245 à 1247 du code civil, la directive CEE n° 85/374 du 25 juillet 1985 qui, tout en prévoyant une responsabilité de droit du producteur au titre du défaut du produit, avait initialement étendu cette responsabilité au fournisseur professionnel. Mais à l'issue de décisions de la Cour de justice des Communautés européennes au titre de cette extension (CJCE, arrêt du 25 avril 2002, Commission c/ France, n° C-52/00 et CJCE, arrêt du 14 mars 2006, Commission c/ France, n° C-177/04) et après l'adoption des lois n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 et n° 2006-406 du 5 avril 2006, l'article 1386-7, devenu 1245-6 du code civil énonce que, si le producteur ne peut être identifié, le fournisseur professionnel est responsable du défaut de sécurité du produit, dans les mêmes conditions que le producteur, à moins qu'il ne désigne son propre fournisseur ou le producteur, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande de la victime lui a été notifiée.

11. Il en résulte que la responsabilité de droit d'un professionnel de santé ou d'un établissement de santé, sur le fondement de cette disposition, ne peut être engagée que dans le cas où le producteur n'a pu être identifié et où le professionnel de santé ou l'établissement de santé n'a pas désigné son propre fournisseur ou le producteur dans le délai imparti.

12. Par ailleurs, saisie par le Conseil d'Etat (CE, 4 octobre 2010, centre hospitalier universitaire de Besançon, n° 327449), de la question de la compatibilité avec la directive précitée du régime de responsabilité sans faute du service public hospitalier, selon lequel, sans préjudice d'éventuels recours en garantie, celui-ci est responsable, même en l'absence de faute de sa part, des conséquences dommageables pour les usagers de la défaillance des produits et appareils de santé qu'il utilise (CE, 9 juillet 2003, AP-HP c/ Mme Marzouk, n° 220437), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que : « La responsabilité d'un prestataire de services qui utilise, dans le cadre d'une prestation de services, telle que des soins dispensés en milieu hospitalier, des appareils ou des produits défectueux dont il n'est pas le producteur au sens de l'article 3 de la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, telle que modifiée par la directive 1999/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 mai 1999, et cause, de ce fait, des dommages au bénéficiaire de la prestation, ne relève pas du champ d'application de cette directive. Cette dernière ne s'oppose dès lors pas à ce qu'un Etat membre institue un régime, tel que celui en cause en principal, prévoyant la responsabilité d'un tel prestataire à l'égard des dommages ainsi occasionnés, même en l'absence de toute faute imputable à celui-ci, à condition, toutefois, que soit préservée la faculté pour la victime et/ou ledit prestataire de mettre en cause la responsabilité du producteur sur le fondement de ladite directive, lorsque se trouvent remplies les conditions prévues par celle-ci. » (CJUE, arrêt du 21 décembre 2011, centre hospitalier de Besançon, n° C-495/10).

13. A la suite de cette décision, le Conseil d'Etat a maintenu le régime de responsabilité sans faute du service public hospitalier (CE, 12 mars 2012, CHU Besançon, n° 327449) et l'a étendu au cas dans lequel ce service implante, au cours de la prestation de soins, un produit défectueux dans le corps d'un patient, tel qu'une prothèse (CE, section, 25 juillet 2013, M. Falempin, n° 339922), tandis que la Cour de cassation qui soumettait les professionnels de santé et les établissements de santé privés à une obligation de sécurité de résultat concernant les produits de santé utilisés ou fournis (1re Civ., 9 novembre 1999, pourvoi n° 98-10.010, Bull. 1999, I, n° 300, et 7 novembre 2000, pourvoi n° 99-12.255, Bull. 2000, I, n° 279) a ensuite retenu, dans des litiges ne relevant pas de la loi du 4 mars 2002, que leur responsabilité n'était engagée qu'en cas de faute (1re Civ., 12 juillet 2012, pourvoi n° 11-17.510, Bull. 2012, I, n° 165, et 14 novembre 2018, pourvois n° 17-28.529, 17-27.980, publié).

14. L'instauration par la loi du 19 mai 1998 d'un régime de responsabilité de droit du producteur du fait des produits défectueux, les restrictions posées par l'article 1386-7, devenu 1245-6 du code civil à l'application de ce régime de responsabilité à l'égard des professionnels de santé et des établissements de santé, la création d'un régime d'indemnisation au titre de la solidarité nationale des accidents médicaux non fautifs et des affections iatrogènes graves sur le fondement de l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique et le fait que les professionnels de santé ou les établissements de santé privés peuvent ne pas être en mesure d'appréhender la défectuosité d'un produit, dans les mêmes conditions que le producteur, justifient, y compris lorsque se trouve applicable l'article L. 1142-1, alinéa 1, de ce code, de ne pas soumettre ceux-ci, hors du cas prévu par l'article 1245-6 précité, à une responsabilité sans faute, qui serait, en outre, plus sévère que celle applicable au producteur, lequel, bien que soumis à une responsabilité de droit, peut bénéficier de causes exonératoires de responsabilité.

15. Il s'ensuit qu'en se bornant à examiner si une faute était imputable au chirurgien dans la prise en charge de M. H... et en écartant sa responsabilité, en l'absence d'une telle faute, la cour d'appel a fait l'exacte application du texte susvisé.

16. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa seconde branche, ci-après annexé

17. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen du même pourvoi

Enoncé du moyen

18. M. H... fait encore grief à l'arrêt de rejeter ses demandes à l'égard du chirurgien, alors « que la cour d'appel ayant jugé que le chirurgien avait commis des fautes « dans la conservation de l'explant, et consistant à avoir commis une erreur sur les références de la tige fémorale fracturée dans le cadre des démarches de matériovigilance, puis à s'être dessaisi de cette tige, sans pouvoir justifier de sa transmission effective à l'entité compétente pour l'examiner », mais ayant retenu que cette faute « ne pourrait cependant qu'être à l'origine d'une perte de chance d'obtenir indemnisation du préjudice causé par la fracture de la prothèse » et que la responsabilité du producteur étant engagée, il n'y avait pas de « lien de causalité entre la faute établie contre lui et le dommage subi par M. H... », la cassation qui atteindrait sur le chef de dispositif qui a condamné le producteur à indemniser M. H... de son préjudice entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif par lequel la cour d'appel a débouté M. H... de son action en responsabilité engagée contre le chirurgien en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

19. Les moyens du pourvoi principal contestant la responsabilité du producteur étant rejetés, le moyen du pourvoi incident, qui invoque une cassation par voie de conséquence, est sans portée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société R... France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société R... France et la condamne à payer à M. H... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat aux Conseils, pour la société R... France

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la société R... France entièrement responsable du préjudice causé à M. H... par la rupture de sa prothèse de hanche droite le 19 mars 2007 et de l'avoir, en conséquence, condamnée à payer à M. H... les sommes de 2 505 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total et partiel, 140 euros au titre des frais médicaux avant consolidation restés à charge, 8 000 euros au titre des souffrances endurées, 2 226 euros au titre de la tierce personne avant consolidation, 18 840 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 1 800 euros au titre du préjudice esthétique, 2 000 euros au titre du préjudice d'agrément, 6 605,28 euros au titre des soins futurs à charge, 14 321,11 euros au titre des aménagements du véhicule, 3 366,33 euros au titre des aménagements de la salle de bains.

AUX MOTIFS QUE « Les conclusions du docteur W... sont les suivantes : Lors de la pose de la prothèse litigieuse, M. H... présentait une obésité sévère à modérée (114 kg pour 1 rn 80). Le résultat de cette première intervention a été excellent. Très gêné par sa hanche gauche, le patient a subi une intervention similaire à gauche, quelques mois après. L'évolution a été favorable jusqu'à la rupture de la prothèse droite. L'indication chirurgicale de pose de la prothèse était licite, compte tenu de l'arthrose évolutive présentée, l'intervention a été préparée et réalisée selon les règles de bonne pratique. Le déroulement de la chute est évocateur d'une fracture première dite de fatigue du col de la prothèse, suivie d'une chute. Le changement de la tige fémorale de la prothèse a été effectué dans les règles de l'art, ainsi que le suivi post-opératoire. Les fractures d'une prothèse totale de hanche sont rares, en dehors d'un défaut majeur de conception, et sont estimées en littérature à 0,23 %. L'obésité est une cause de surcharge de la prothèse, néanmoins n'a été constatée aucune augmentation du taux de fracture d'implant proportionnelle à la progression du nombre de patients obèses implantés. Les causes principales des fractures d'implants prothétiques sont constituées soit par un problème métallurgique accidentel lors de la fabrication, qui favorise la fragilité individuelle, soit par un défaut de conception pouvant rendre potentiellement fragile un type de prothèse en situation clinique, et ce malgré des essais mécaniques satisfaisants. En l'espèce la déclaration de matériovigilance a bien été effectuée par le docteur E..., mais elle est erronée en ce qu'elle vise les références de la prothèse de gauche. Il n'existe aucune trace de l'explant après que le docteur E... l'a confié à la société Bloxxop qui assurait la distribution de toutes les prothèses au sein de l'établissement. La cause de la fracture de fatigue de la prothèse ne peut être caractérisée de façon certaine en l'absence de photos de l'explant, de l'absence d'analyse en matériovigilance de cet explant, ou de fourniture de cet explant. Néanmoins l'examen des radios effectuées lors de la fracture montre que cette fracture intéresse la zone de faiblesse potentielle d'une prothèse de hanche, située à la base du col prothétique. Cette fracture, précoce comme survenue dans les 3 ans, doit être considérée comme un aléa évolutif lié à la prothèse en elle-même. Le tribunal, relevant que le docteur E... ne pouvait être assimilé à un distributeur de la prothèse, et n'était tenu que d'une obligation de moyen, a retenu que sa responsabilité ne pouvait être engagée que pour faute prouvée, non démontrée en l'espèce. En ce qui concerne la société R... France, le tribunal a considéré qu'il n'existait en l'espèce aucune présomption de défectuosité à la lumière des pièces produites, et au regard de la sur-sollicitation de l'implant liée à l'obésité du patient. Il en a déduit que M. H... échouait à rapporter la preuve du caractère défectueux de la prothèse. M. H... fait valoir que le docteur E..., devenu gardien de la tige de la prothèse à la suite de son ablation, se devait d'en assurer la conservation, et a engagé sa responsabilité pour ne pas l'avoir fait, sur le fondement de l'article 1147 ancien devenu 1231-1 du code civil. Rappelant d'autre part qu'un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, et que la fracture a été qualifiée de précoce par l'expert, et résultant d'un aléa évolutif de la prothèse, il demande que la responsabilité de la société R... France soit retenue. La société R... France fait valoir que la seule implication du produit querellé dans la survenance du dommage ne suffit pas à établir son défaut. Elle rappelle que l'expert judiciaire conclut dans son rapport à un aléa évolutif lié à la prothèse en elle-même, et en déduit que le dommage ainsi causé doit être indemnisé par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale. Le docteur E... fait valoir que le professionnel de santé n'est tenu que d'une obligation de moyen lorsqu'il pose du matériel prothétique, l'article 1142-1 du code de la santé publique ne mettant à sa charge une obligation de résultat que lorsqu'il utilise du matériel pour les soins qu'il pratique. II rappelle qu'aucune faute technique n'a été mise en évidence en ce qui le concerne. En revanche, il considère que la survenance précoce de la fracture évoque bien une anomalie intrinsèque du produit en l'absence de toute autre cause retrouvée, et rappelle la réponse apportée par l'expert au dire d'une des parties aux termes de laquelle presque toutes les prothèses de hanche peuvent ou ont présenté des cas isolés de fractures qui, hors d'un traumatisme avéré, ne remettent pas en cause la conception de la prothèse ou sa fabrication, mais seulement un implant donné, ou, au pire, un lot qui peut être défectueux de façon isolée comme n'importe quelle pièce de fabrication industrielle, quels que soient les contrôles de qualité mis en oeuvre, la plupart de ces cas s'ils restent isolés ne donnant pas lieu à des alertes sanitaires ni à des publications scientifiques. Est seulement reprochée au docteur E... sa faute dans la conservation de l'explant, et consistant à avoir commis une erreur sur les références de la tige fémorale fracturée dans le cadre des démarches de matériovigilance, puis à s'être dessaisi de cette tige, sans pouvoir justifier de sa transmission effective à l'entité compétente pour l'examiner. Cette faute, qu'il ne conteste que très partiellement, et qui est établie par les constatations de l'expert, ne pourrait cependant qu'être à l'origine d'une perte de chance d'obtenir indemnisation du préjudice causé par la fracture de la prothèse. Ce point doit donc être examiné après les demandes formées contre la société R... France. L'expert s'est montré catégorique sur l'antériorité de la fracture sur la chute, qu'elle a au contraire provoquée. Il a souligné que les choix du docteur E... sur la nature et les dimensions des différents éléments de la prothèse n'étaient pas critiquables, non plus que les opérations techniques de pose. Il a exclu tout lien de causalité entre le surpoids du patient et la fracture. Il a enfin relevé que le point de fracture se situait dans la zone de faiblesse de toute prothèse de hanche, soit à sa base. Ces constatations, qui ne sont remises en cause par aucune des parties, excluent toute erreur de conception de l'appareillage posé sur M. H..., et démontrent au contraire que la rupture de la tige fémorale ne peut être due qu'à un défaut. Doit en outre être souligné le fait que la rupture de la prothèse est la cause exclusive et directe du dommage, et que la prothèse n'est donc pas seulement impliquée dans le dommage, mais en constitue l'unique cause, à raison de sa rupture. L'objection de la société R... France, selon laquelle l'implication du produit dans la survenance du dommage ne suffit pas à établir sa défectuosité ne peut donc être retenue. Au contraire, la cour retiendra que la tige fémorale posée le 15 octobre 2004 entre dans les prévisions de l'article 1386-4 du code civil, dans sa version alors applicable, en ce qu'elle n'offrait pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre. La société R... France sera donc déclarée responsable du préjudice causé à M. H... par la rupture de sa prothèse. Les demandes formées contre le docteur E... seront rejetées en l'absence de tout lien de causalité entre la faute établie contre lui et le dommage subi par M. H.... »

1°) ALORS QU'il appartient au demandeur en réparation du dommage causé par un produit qu'il estime défectueux de prouver le défaut invoqué ; que la simple imputabilité du dommage au produit incriminé ne suffit pas à établir son défaut ; que, pour retenir que la prothèse de hanche était affectée d'un défaut, la cour d'appel a relevé que la fracture de la prothèse était antérieure à la chute de M. H... qu'elle avait provoquée, que les choix du médecin sur la nature et les dimensions des éléments de la prothèse et les opérations techniques de pose n'étaient pas critiquables, qu'il n'existait pas de lien de causalité entre le surpoids du patient et la fracture et que le point de fracture se situait dans la zone de faiblesse de toute prothèse de hanche, à sa base ; qu'en se fondant sur des éléments impropres à caractériser un défaut de la prothèse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1386-4 et 1386-9, devenus les articles 1245-3 et 1245-8 du code civil ;

2°) ALORS QUE l'expert judiciaire a relevé qu'outre les fractures de prothèses de hanche liées à des défauts de conception ou de fabrication de la prothèse, « il existe des fractures sans cause précise retrouvée soit par impossibilité d'analyse de l'explant ou parce que cette analyse reste négative » (rapport d'expertise judiciaire, p.17 et 18) ; qu'il a constaté qu'en l'espèce, aucune anomalie de conception n'a été retrouvée, au regard de l'absence d'alerte sanitaire et de la conformité des tests pratiqués et que le défaut d'analyse de l'explant ne permettait « pas de proposer une explication certaine à la survenue de cette fracture » (rapport d'expertise judiciaire, p.15, 16, 18 et 21) ; qu'il a ajouté que « toutes les prothèses de hanche pouva[ie]nt présenter un taux faible de fracture « spontanée » », sans que cela ne remette en cause « la fiabilité du type de prothèse posée » (rapport d'expertise judiciaire, p.18), observant que le taux d'accident relatif à la prothèse litigieuse était « totalement conforme aux taux publiés de rupture d'implants dans la littérature hors problème spécifique de conception ou fabrication » (rapport d'expertise judiciaire, p.22) ; qu'il a conclu que la cause de la fracture de fatigue de la prothèse ne pouvait « être caractérisée de façon certaine » et devait être considérée « comme un aléa évolutif lié à la prothèse en elle-même » (rapport d'expertise judiciaire, p.15, 16, 18 et 21) ; que la société R... France s'est appuyée sur les conclusions de l'expert pour soutenir que la preuve d'un défaut de la prothèse n'était pas rapportée (conclusions de la société R... France, p.3 et 4) ; qu'en déduisant cependant des constats de l'expert judiciaire que la rupture de la tige fémorale ne pouvait être due qu'à un défaut, sans s'expliquer sur les observations de cet expert excluant toute certitude et évoquant d'autres causes, la cour d'appel n'a pas suffisamment justifié sa décision, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE l'expert judiciaire a retenu que l'obésité était « une cause de surcharge de la prothèse », « un facteur associé, entraînant une sur-sollicitation de l'implant », « un facteur aggravant du risque de présenter une fracture », mais que « la littérature ne permet pas de chiffrer de façon certaine cette part », l'obésité ne constituant pas « la cause immédiate et unique de [la] fracture » (rapport d'expertise judiciaire, p.14, 15, 18 et 21) ; qu'en retenant cependant que l'expert avait « exclu tout lien de causalité entre le surpoids du patient et la fracture », la cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise judiciaire, violant ainsi le principe de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

4°) ALORS QUE la cour d'appel a retenu que l'expert avait « exclu tout lien de causalité entre le surpoids du patient et la fracture » et que cette constatation n'était remise « en cause par aucune des parties » ; qu'en statuant ainsi, bien que la société R... France ait fait valoir « que le lien est connu et souvent déterminant entre le poids du patient et la rupture de fatigue de l'implant » et que « ce risque doit être normalement indiqué au patient par le chirurgien car il est connu de tous dans la littérature scientifique » (conclusions de la société R... France, p.4), la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société R... France et violé en conséquence l'article 4 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé le poste du préjudice d'agrément à la somme de 2 000 euros et d'avoir condamné la société R... France à payer cette somme à M. H....

AUX MOTIFS QUE « L'expert a proposé les évaluations suivantes : [
] préjudice d'agrément : certains loisirs tels que la marche et le vélo, le bricolage, et le jardinage sont limités [
]. Ces évaluations ne sont pas discutées et seront donc adoptées par la cour. [
] - préjudice d'agrément : Il n'est fait état d'aucun loisir pratiqué dans un club ou une structure quelconque. Néanmoins la gêne éprouvée lors de loisirs communs pour un homme de son âge, et évoqués par les attestations produites justifient une indemnisation à hauteur de 2 000,00 euros »

1°) ALORS QUE la société R... France demandait que M. H... soit débouté de ses demandes présentées au titre du préjudice d'agrément en faisant valoir que celui-ci ne faisait « pas état de l'impossibilité de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs », que s'agissant des activités de vélo, de marche, de jardinage et de bricolage, il ne faisait « pas état d'une impossibilité d'exercer ces activités sans d'ailleurs apporter la preuve d'une pratique antérieure de ces activités » et que « l'évaluation du Déficit Fonctionnel Permanent tient compte de sa situation » (conclusions de la société R... France, p.6) ; que M. E... s'opposait également à l'octroi d'une somme au titre du préjudice d'agrément pour des raisons identiques (conclusions de M. E..., p.19 et 20) ; qu'en retenant cependant, pour procéder à l'indemnisation du préjudice d'agrément, que les évaluations de l'expert relatives à ce préjudice « ne sont pas discutées et seront donc adoptées par la cour », la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société R... France et de M. E... et violé en conséquence l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le préjudice d'agrément est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs ; que, pour allouer à M. H... une indemnité au titre d'un préjudice d'agrément, la cour d'appel a retenu que l'expert avait relevé que certains loisirs tels que la marche, le vélo, le bricolage, et le jardinage étaient limités, qu'il n'était fait état d'aucun loisir pratiqué dans un club ou une structure quelconque mais qu'une indemnisation était justifiée par la gêne éprouvée lors de loisirs communs pour un homme de son âge ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si M. H... justifiait d'une activité spécifique sportive ou de loisirs antérieure à la maladie susceptible de caractériser l'existence d'un préjudice d'agrément, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1245 du code civil et du principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit ;

3°) ALORS QU'en allouant à M. H... une indemnité au titre du préjudice d'agrément en raison de la gêne éprouvée lors de loisirs communs pour un homme de son âge tels que la marche, le vélo, le bricolage, et le jardinage sans rechercher, comme il lui était demandé (conclusions de la société R... France, p.6), si cette situation n'était pas déjà indemnisée au titre du déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1245 du code civil et du principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé le poste de préjudice lié aux aménagements du véhicule à la somme de 14 321,11 euros et d'avoir condamné la société R... France à payer cette somme à M. H....

AUX MOTIFS QUE « L'expert a proposé les évaluations suivantes : [
] boîte automatique pour le véhicule. Ces évaluations ne sont pas discutées et seront donc adoptées par la cour. [
] - aménagement du véhicule : M. H... ne peut être suivi en sa demande consistant à l'indemniser pour l'achat d'un nouveau véhicule, puisqu'il en avait un avant la survenance du dommage, qu'il aurait dû remplacer. L'expert n'a par ailleurs pas retenu la nécessité d'un véhicule plus spacieux, et a seulement préconisé l'équipement du véhicule en boîte automatique. En l'absence de toute pièce établissant le surcoût lié à l'équipement du véhicule en boîte automatique, sera retenue à ce titre la somme de 3 000 euros, à laquelle s'ajoutera le dispositif permettant l'inversion des pédales pour la somme justifiée de 811,24 euros. Le surcoût sera ainsi évalué à la somme de 3 811,24 euros, sur cinq ans à compter de la date demandée par M. H..., soit à ses 62 ans, avec application, comme expressément demandé, de l'euro de rente fixé par le barème Gazette du Palais 2011. Soit : 1ère acquisition le 12 octobre 2013 : 3 811,24 euros renouvellement à compter du 12 octobre 2018 : (3 811,24/5) x 13,788 (euro de rente pour un homme de 67 ans selon barème GP 2011 = 10 509,87 euros. Ce poste sera donc indemnisé par la somme totale de 14 321,11 euros »

1°) ALORS QUE la société R... France et M. E... demandaient que M. H... soit débouté de ses demandes présentées au titre de l'adaptation de son véhicule en faisant valoir que celui-ci bénéficiait déjà d'une boîte manuelle robotisée offrant les mêmes avantages qu'une boîte automatique, ce dont il résultait qu'aucune modification n'était nécessaire (conclusions de la société R... France, p.7 et conclusions de M. E..., p.21) ; qu'en retenant cependant, pour procéder à l'indemnisation du préjudice lié aux aménagements du véhicule, que les évaluations de l'expert relatives à la nécessité d'une boîte automatique « ne sont pas discutées et seront donc adoptées par la cour », la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société R... France et de M. E... et violé en conséquence l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE la société R... France et M. E... faisaient valoir que le véhicule de M. H... était équipé d'une boîte manuelle robotisée offrant les mêmes avantages qu'une boîte automatique, ce dont il résultait qu'aucune modification du véhicule n'était nécessaire (conclusions de la société R... France, p.7 et conclusions de M. E..., p.21) ; qu'en octroyant à M. H... une indemnisation au titre de l'installation d'une boîte automatique sur son véhicule, sans répondre aux conclusions de la société R... France et de M. E... quant à l'inutilité de cette modification, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE, subsidiairement, en estimant le coût de l'installation d'une boîte automatique à la somme de 3 000 euros « en l'absence de toute pièce établissant le surcoût lié à l'équipement du véhicule en boîte automatique », la cour d'appel a fixé le préjudice à une somme forfaitaire, violant le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit ainsi que l'article 1245 du code civil.
Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. H...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. H... de l'intégralité de ses demandes formées contre M. E... ;

AUX MOTIFS QUE les conclusions du docteur W... sont les suivantes : Lors de la pose de la prothèse litigieuse, M. H... présentait une obésité sévère à modérée (114 kg pour 1 rn 80). Le résultat de cette première intervention a été excellent. Très gêné par sa hanche gauche, le patient a subi une intervention similaire à gauche, quelques mois après. L'évolution a été favorable jusqu'à la rupture de la prothèse droite. L'indication chirurgicale de pose de la prothèse était licite, compte tenu de l'arthrose évolutive présentée, l'intervention a été préparée et réalisée selon les règles de bonne pratique. Le déroulement de la chute est évocateur d'une fracture première dite de fatigue du col de la prothèse, suivie d'une chute. Le changement de la tige fémorale de la prothèse a été effectué dans les règles de l'art, ainsi que le suivi post-opératoire. Les fractures d'une prothèse totale de hanche sont rares, en dehors d'un défaut majeur de conception, et sont estimées en littérature à 0,23 %. L'obésité est une cause de surcharge de la prothèse, néanmoins n'a été constatée aucune augmentation du taux de fracture d'implant proportionnelle à la progression du nombre de patients obèses implantés. Les causes principales des fractures d'implants prothétiques sont constituées soit par un problème métallurgique accidentel lors de la fabrication, qui favorise la fragilité individuelle, soit par un défaut de conception pouvant rendre potentiellement fragile un type de prothèse en situation clinique, et ce malgré des essais mécaniques satisfaisants. En l'espèce la déclaration de matériovigilance a bien été effectuée par le docteur E..., mais elle est erronée en ce qu'elle vise les références de la prothèse de gauche. Il n'existe aucune trace de l'explant après que le docteur E... l'a confié à la société Bloxxop qui assurait la distribution de toutes les prothèses au sein de l'établissement. La cause de la fracture de fatigue de la prothèse ne peut être caractérisée de façon certaine en l'absence de photos de l'explant, de l'absence d'analyse en matériovigilance de cet explant, ou de fourniture de cet explant. Néanmoins l'examen des radios effectuées lors de la fracture montre que cette fracture intéresse la zone de faiblesse potentielle d'une prothèse de hanche, située à la base du col prothétique. Cette fracture, précoce comme survenue dans les 3 ans, doit être considérée comme un aléa évolutif lié à la prothèse en elle-même. Le tribunal, relevant que le docteur E... ne pouvait être assimilé à un distributeur de la prothèse, et n'était tenu que d'une obligation de moyen, a retenu que sa responsabilité ne pouvait être engagée que pour faute prouvée, non démontrée en l'espèce.

Qu'en ce qui concerne la société R... France, le tribunal a considéré qu'il n'existait en l'espèce aucune présomption de défectuosité à la lumière des pièces produites, et au regard de la sur-sollicitation de l'implant liée à l'obésité du patient ; qu'il en a déduit que M. H... échouait à rapporter la preuve du caractère défectueux de la prothèse ;

Que M. H... fait valoir que le docteur E..., devenu gardien de la tige de la prothèse à la suite de son ablation, se devait d'en assurer la conservation, et a engagé sa responsabilité pour ne pas l'avoir fait, sur le fondement de l'article 1147 ancien devenu 1231-1 du code civil ; que rappelant, d'autre part, qu'un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, et que la fracture a été qualifiée de précoce par l'expert, et résultant d'un aléa évolutif de la prothèse, il demande que la responsabilité de la société R... France soit retenue ;

Que la société R... France fait valoir que la seule implication du produit querellé dans la survenance du dommage ne suffit pas à établir son défaut. Elle rappelle que l'expert judiciaire conclut dans son rapport à un aléa évolutif lié à la prothèse en elle-même, et en déduit que le dommage ainsi causé doit être indemnisé par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale.

Que le docteur E... fait valoir que le professionnel de santé n'est tenu que d'une obligation de moyen lorsqu'il pose du matériel prothétique, l'article 1142-1 du code de la santé publique ne mettant à sa charge une obligation de résultat que lorsqu'il utilise du matériel pour les soins qu'il pratique. II rappelle qu'aucune faute technique n'a été mise en évidence en ce qui le concerne. En revanche, il considère que la survenance précoce de la fracture évoque bien une anomalie intrinsèque du produit en l'absence de toute autre cause retrouvée, et rappelle la réponse apportée par l'expert au dire d'une des parties aux termes de laquelle presque toutes les prothèses de hanche peuvent ou ont présenté des cas isolés de fractures qui, hors d'un traumatisme avéré, ne remettent pas en cause la conception de la prothèse ou sa fabrication, mais seulement un implant donné, ou, au pire, un lot qui peut être défectueux de façon isolée comme n'importe quelle pièce de fabrication industrielle, quels que soient les contrôles de qualité mis en oeuvre, la plupart de ces cas s'ils restent isolés ne donnant pas lieu à des alertes sanitaires ni à des publications scientifiques.

Qu'est seulement reprochée au docteur E... sa faute dans la conservation de l'explant, et consistant à avoir commis une erreur sur les références de la tige fémorale fracturée dans le cadre des démarches de matériovigilance, puis à s'être dessaisi de cette tige, sans pouvoir justifier de sa transmission effective à l'entité compétente pour l'examiner ; que cette faute, qu'il ne conteste que très partiellement, et qui est établie par les constatations de l'expert, ne pourrait cependant qu'être à l'origine d'une perte de chance d'obtenir indemnisation du préjudice causé par la fracture de la prothèse ; que ce point doit donc être examiné après les demandes formées contre la société R... France ; que l'expert s'est montré catégorique sur l'antériorité de la fracture sur la chute, qu'elle a au contraire provoquée ; qu'il a souligné que les choix du docteur E... sur la nature et les dimensions des différents éléments de la prothèse n'étaient pas critiquables, non plus que les opérations techniques de pose ; qu'il a exclu tout lien de causalité entre le surpoids du patient et la fracture ; qu'il a enfin relevé que le point de fracture se situait dans la zone de faiblesse de toute prothèse de hanche, soit à sa base ; que ces constatations, qui ne sont remises en cause par aucune des parties, excluent toute erreur de conception de l'appareillage posé sur M. H..., et démontrent au contraire que la rupture de la tige fémorale ne peut être due qu'à un défaut ; que doit en outre être souligné le fait que la rupture de la prothèse est la cause exclusive et directe du dommage, et que la prothèse n'est donc pas seulement impliquée dans le dommage, mais en constitue l'unique cause, à raison de sa rupture ; que l'objection de la société R... France, selon laquelle l'implication du produit dans la survenance du dommage ne suffit pas à établir sa défectuosité ne peut donc être retenue ; qu'au contraire, la cour retiendra que la tige fémorale posée le 15 octobre 2004 entre dans les prévisions de l'article 1386-4 du code civil, dans sa version alors applicable, en ce qu'elle n'offrait pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre. La société R... France sera donc déclarée responsable du préjudice causé à M. H... par la rupture de sa prothèse ; que les demandes formées contre le docteur E... seront rejetées en l'absence de tout lien de causalité entre la faute établie contre lui et le dommage subi par M. H... ;

ET AUX MOTIFS SUPPOSES ADOPTES QUE selon l'article L. 1142-14 du code de la santé publique, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ; que par ailleurs, conformément à l'article 1147 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard d'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y a aucune mauvaise foi de sa part ; qu'une prothèse de hanche ne peut être assimilée à un produit de santé, la responsabilité du Dr. P. E... ne peut être retenue que pour faute prouvée ; qu'ainsi, le médecin est débiteur d'une obligation de sécurité de résultat pour les matériels qu'il utile pour l'exécution d'une acte médial d'investigation ou de soins mais n'est tenu qu'à une obligation de moyens lorsqu'il procès à la pose d'un matériel sur le patient ; qu'il revient donc au demandeur de rapporter la preuve d'une faute médicale lors de la pause de la prothèse ainsi que le lien de causalité direct et certain avec les préjudices subis sachant que le médecin est tenu de prodiguer des soins attentifs, consciencieux et, réserve faite des circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science médicale ; qu'en l'espèce I... H... soutient que la responsabilité du docteur P. E... est engagée du fait de la défectuosité de la prothèse et il ressort du rapport d'expertise, établi par le Dr W... que « M. H... a été victime d'une fracture du col de la prothèse totale de hanche droite posée trois ans auparavant (
) sur l'analyse de cette situation, on peut conclure à une prise en charge conforme aux règles de l'art de la pathologique de M. I... H... à la fois lors de la prise en charge initiale et lors de la prise en charge de la complication par le Pr. E... » ; qu' expert précise que « la fracture du col prothétique compte tenu de son délai de survenue (précoce : trois mois ) et en l'absence de faute de pose, doit être considérée comme un aléa évolutif lié à la prothèse elle-même » ; or l'aléa thérapeutique peut être défini comme un événement dommageable au patient sans qu'une maladresse ou une faute quelconque puisse être imputée au praticien et sans que ce dommage se relie à l'état initial du patient ou à son évolution prévisible. L'expert conclut que « les fractures d'une prothèse totale de hanche sont rares, en dehors d'une défaut majeur de conception qui entraîne en règle général le retrait de l'implant, et estimée à environ à 0,23% des cas dans la littérature », ainsi « la survenue d'une fracture de prothèse de hanche (est un événement rare et imprévisible » ; qu'ainsi, force est de constater que I... H... ne rapporte nullement la preuve d'une faute du Dr. P. E... et que la responsabilité de ce prestataire de services de soins, qui ne peut être assimilé à un distributeur de produits et dont les prestations visent essentiellement à faire bénéficier les patients des traitements et des techniques les plus appropriés à l'amélioration de l'état du paient, ne relève pas du champ d'application de la directive 85/374 : CEE du 25 juillet 1985 ; que I... H... échoue à mettre en oeuvre la responsabilité du Dr. P. E... sur le fondement de l'article 1147 du code civil dans la mesure où il ne ressort d'aucun élément qu'il ait commis un manquement dans sa prescription ou dans son acte opératoire. I... H... est donc débouté de toute demande à son endroit ;

1°) ALORS QUE la responsabilité d'un médecin est encourue de plein doit en raison du défaut d'un produit de santé qu'il implante à son patient ; qu'en jugeant que la responsabilité du docteur E... qui a implanté à M. H... une prothèse de hanche défectueuse, ne pouvait être engagée à son profit qu'en cas de faute de sa part, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1, I, al. 1er du code de la santé publique ;

2°) ALORS QU'hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ; qu'une prothèse est un produit de santé ; qu'en jugeant au contraire qu'« une prothèse de hanche ne pouv[ait] être assimilée à un produit de santé » (jugement p. 4, al. 6) et en considérant dès lors que la responsablité du Dr E... ne pouvait être recherchée que pour faute, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1, I, al. 1er du code de la santé publique.

SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. H... de l'intégralité de ses demandes formées contre M. E... ;

AUX MOTIFS QUE les conclusions du docteur W... sont les suivantes : Lors de la pose de la prothèse litigieuse, M. H... présentait une obésité sévère à modérée (114 kg pour 1 rn 80). Le résultat de cette première intervention a été excellent. Très gêné par sa hanche gauche, le patient a subi une intervention similaire à gauche, quelques mois après. L'évolution a été favorable jusqu'à la rupture de la prothèse droite. L'indication chirurgicale de pose de la prothèse était licite, compte tenu de l'arthrose évolutive présentée, l'intervention a été préparée et réalisée selon les règles de bonne pratique. Le déroulement de la chute est évocateur d'une fracture première dite de fatigue du col de la prothèse, suivie d'une chute. Le changement de la tige fémorale de la prothèse a été effectué dans les règles de l'art, ainsi que le suivi post-opératoire. Les fractures d'une prothèse totale de hanche sont rares, en dehors d'un défaut majeur de conception, et sont estimées en littérature à 0,23 %. L'obésité est une cause de surcharge de la prothèse, néanmoins n'a été constatée aucune augmentation du taux de fracture d'implant proportionnelle à la progression du nombre de patients obèses implantés. Les causes principales des fractures d'implants prothétiques sont constituées soit par un problème métallurgique accidentel lors de la fabrication, qui favorise la fragilité individuelle, soit par un défaut de conception pouvant rendre potentiellement fragile un type de prothèse en situation clinique, et ce malgré des essais mécaniques satisfaisants. En l'espèce la déclaration de matériovigilance a bien été effectuée par le docteur E..., mais elle est erronée en ce qu'elle vise les références de la prothèse de gauche. Il n'existe aucune trace de l'explant après que le docteur E... l'a confié à la société Bloxxop qui assurait la distribution de toutes les prothèses au sein de l'établissement. La cause de la fracture de fatigue de la prothèse ne peut être caractérisée de façon certaine en l'absence de photos de l'explant, de l'absence d'analyse en matériovigilance de cet explant, ou de fourniture de cet explant. Néanmoins l'examen des radios effectuées lors de la fracture montre que cette fracture intéresse la zone de faiblesse potentielle d'une prothèse de hanche, située à la base du col prothétique. Cette fracture, précoce comme survenue dans les 3 ans, doit être considérée comme un aléa évolutif lié à la prothèse en elle-même. Le tribunal, relevant que le docteur E... ne pouvait être assimilé à un distributeur de la prothèse, et n'était tenu que d'une obligation de moyen, a retenu que sa responsabilité ne pouvait être engagée que pour faute prouvée, non démontrée en l'espèce.

Qu'en ce qui concerne la société R... France, le tribunal a considéré qu'il n'existait en l'espèce aucune présomption de défectuosité à la lumière des pièces produites, et au regard de la sur-sollicitation de l'implant liée à l'obésité du patient ; qu'il en a déduit que M. H... échouait à rapporter la preuve du caractère défectueux de la prothèse ;

Que M. H... fait valoir que le docteur E..., devenu gardien de la tige de la prothèse à la suite de son ablation, se devait d'en assurer la conservation, et a engagé sa responsabilité pour ne pas l'avoir fait, sur le fondement de l'article 1147 ancien devenu 1231-1 du code civil ; que rappelant, d'autre part, qu'un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, et que la fracture a été qualifiée de précoce par l'expert, et résultant d'un aléa évolutif de la prothèse, il demande que la responsabilité de la société R... France soit retenue ;

Que la société R... France fait valoir que la seule implication du produit querellé dans la survenance du dommage ne suffit pas à établir son défaut. Elle rappelle que l'expert judiciaire conclut dans son rapport à un aléa évolutif lié à la prothèse en elle-même, et en déduit que le dommage ainsi causé doit être indemnisé par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale.

Que le docteur E... fait valoir que le professionnel de santé n'est tenu que d'une obligation de moyen lorsqu'il pose du matériel prothétique, l'article 1142-1 du code de la santé publique ne mettant à sa charge une obligation de résultat que lorsqu'il utilise du matériel pour les soins qu'il pratique. II rappelle qu'aucune faute technique n'a été mise en évidence en ce qui le concerne. En revanche, il considère que la survenance précoce de la fracture évoque bien une anomalie intrinsèque du produit en l'absence de toute autre cause retrouvée, et rappelle la réponse apportée par l'expert au dire d'une des parties aux termes de laquelle presque toutes les prothèses de hanche peuvent ou ont présenté des cas isolés de fractures qui, hors d'un traumatisme avéré, ne remettent pas en cause la conception de la prothèse ou sa fabrication, mais seulement un implant donné, ou, au pire, un lot qui peut être défectueux de façon isolée comme n'importe quelle pièce de fabrication industrielle, quels que soient les contrôles de qualité mis en oeuvre, la plupart de ces cas s'ils restent isolés ne donnant pas lieu à des alertes sanitaires ni à des publications scientifiques.

Qu'est seulement reprochée au docteur E... sa faute dans la conservation de l'explant, et consistant à avoir commis une erreur sur les références de la tige fémorale fracturée dans le cadre des démarches de matériovigilance, puis à s'être dessaisi de cette tige, sans pouvoir justifier de sa transmission effective à l'entité compétente pour l'examiner ; que cette faute, qu'il ne conteste que très partiellement, et qui est établie par les constatations de l'expert, ne pourrait cependant qu'être à l'origine d'une perte de chance d'obtenir indemnisation du préjudice causé par la fracture de la prothèse ; que ce point doit donc être examiné après les demandes formées contre la société R... France ; que l'expert s'est montré catégorique sur l'antériorité de la fracture sur la chute, qu'elle a au contraire provoquée ; qu'il a souligné que les choix du docteur E... sur la nature et les dimensions des différents éléments de la prothèse n'étaient pas critiquables, non plus que les opérations techniques de pose ; qu'il a exclu tout lien de causalité entre le surpoids du patient et la fracture ; qu'il a enfin relevé que le point de fracture se situait dans la zone de faiblesse de toute prothèse de hanche, soit à sa base ; que ces constatations, qui ne sont remises en cause par aucune des parties, excluent toute erreur de conception de l'appareillage posé sur M. H..., et démontrent au contraire que la rupture de la tige fémorale ne peut être due qu'à un défaut ; que doit en outre être souligné le fait que la rupture de la prothèse est la cause exclusive et directe du dommage, et que la prothèse n'est donc pas seulement impliquée dans le dommage, mais en constitue l'unique cause, à raison de sa rupture ; que l'objection de la société R... France, selon laquelle l'implication du produit dans la survenance du dommage ne suffit pas à établir sa défectuosité ne peut donc être retenue ; qu'au contraire, la cour retiendra que la tige fémorale posée le 15 octobre 2004 entre dans les prévisions de l'article 1386-4 du code civil, dans sa version alors applicable, en ce qu'elle n'offrait pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre. La société R... France sera donc déclarée responsable du préjudice causé à M. H... par la rupture de sa prothèse ; que les demandes formées contre le docteur E... seront rejetées en l'absence de tout lien de causalité entre la faute établie contre lui et le dommage subi par M. H... ;

ET AUX MOTIFS SUPPOSES ADOPTES QUE selon l'article L. 1142-14 du code de la santé publique, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ; que par ailleurs, conformément à l'article 1147 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard d'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y a aucune mauvaise foi de sa part ; qu'une prothèse de hanche ne peut être assimilée à un produit de santé, la responsabilité du Dr. P. E... ne peut être retenue que pour faute prouvée ; qu'ainsi, le médecin est débiteur d'une obligation de sécurité de résultat pour les matériels qu'il utile pour l'exécution d'une acte médial d'investigation ou de soins mais n'est tenu qu'à une obligation de moyens lorsqu'il procès à la pose d'un matériel sur le patient ; qu'il revient donc au demandeur de rapporter la preuve d'une faute médicale lors de la pause de la prothèse ainsi que le lien de causalité direct et certain avec les préjudices subis sachant que le médecin est tenu de prodiguer des soins attentifs, consciencieux et, réserve faite des circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science médicale ; qu'en l'espèce I... H... soutient que la responsabilité du docteur P. E... est engagée du fait de la défectuosité de la prothèse et il ressort du rapport d'expertise, établi par le Dr W... que « M. H... a été victime d'une fracture du col de la prothèse totale de hanche droite posée trois ans auparavant (
) sur l'analyse de cette situation, on peut conclure à une prise en charge conforme aux règles de l'art de la pathologique de M. I... H... à la fois lors de la prise en charge initiale et lors de la prise en charge de la complication par le Pr. E... » ; qu'expert précise que « la fracture du col prothétique compte tenu de son délai de survenue (précoce : trois mois ) et en l'absence de faute de pose, doit être considérée comme un aléa évolutif lié à la prothèse elle-même » ; or l'aléa thérapeutique peut être défini comme un événement dommageable au patient sans qu'une maladresse ou une faute quelconque puisse être imputée au praticien et sans que ce dommage se relie à l'état initial du patient ou à son évolution prévisible. L'expert conclut que « les fractures d'une prothèse totale de hanche sont rares, en dehors d'une défaut majeur de conception qui entraîne en règle général le retrait de l'implant, et estimée à environ à 0,23% des cas dans la littérature », ainsi « la survenue d'une fracture de prothèse de hanche (est un événement rare et imprévisible » ; qu'ainsi, force est de constater que I... H... ne rapporte nullement la preuve d'une faute du Dr. P. E... et que la responsabilité de ce prestataire de services de soins, qui ne peut être assimilé à un distributeur de produits et dont les prestations visent essentiellement à faire bénéficier les patients des traitements et des techniques les plus appropriés à l'amélioration de l'état du paient, ne relève pas du champ d'application de la directive 85/374 : CEE du 25 juillet 1985 ; que I... H... échoue à mettre en oeuvre la responsabilité du Dr. P. E... sur le fondement de l'article 1147 du code civil dans la mesure où il ne ressort d'aucun élément qu'il ait commis un manquement dans sa prescription ou dans son acte opératoire. I... H... est donc débouté de toute demande à son endroit ;

ALORS QUE la cour d'appel ayant jugé que M. E... avait commis des fautes « dans la conservation de l'explant, et consistant à avoir commis une erreur sur les références de la tige fémorale fracturée dans le cadre des démarches de matériovigilance, puis à s'être dessaisi de cette tige, sans pouvoir justifier de sa transmission effective à l'entité compétente pour l'examiner » (arrêt p. 6, al. 2), mais ayant retenu que cette faute « ne pourrait cependant qu'être à l'origine d'une perte de chance d'obtenir indemnisation du préjudice causé par la fracture de la prothèse » (arrêt p. 6, al. 2) et que la responsabilité de la société R... étant engagée, il n'y avait pas de « lien de causalité entre la faute établie contre lui et le dommage subi par M. H... » (arrêt p. 6, al. 4), la cassation qui atteindrait sur le chef de dispositif qui a condamné la société R... à indemniser M. H... de son préjudice entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif par lequel la cour d'appel a débouté M. H... de son action en responsabilité engagée contre M. E... en application de l'article 624 du code de procédure civile. ECLI:FR:CCASS:2020:C100147
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