Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 29 janvier 2020, 19-12.584, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 janvier 2020




Rejet


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 99 F-P+B

Pourvoi n° W 19-12.584








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 JANVIER 2020

La société DP Logiciels, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° W 19-12.584 contre l'arrêt rendu le 20 novembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pole 5, chambre 8), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. H... Y..., domicilié [...],

2°/ à la société Un Élément, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société DP Logiciels, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. Y... et de l'EURL Un Élément, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 décembre 2019 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 novembre 2018), M. Y... et l'EURL Un Élément ont cédé la totalité des actions de la société par actions simplifiée Entities (la société Entities) à la société DP Logiciels.

2. Estimant avoir été trompée sur l'état de la société Entities, la société cessionnaire a assigné les cédants devant le tribunal de commerce de Paris en application d'une clause attributive de juridiction stipulée dans l'acte de cession.

3. M. Y... et l'EURL Un Élément ont soulevé l'incompétence de ce tribunal au profit du tribunal de commerce de Rennes, en contestant l'application de la clause attributive de juridiction, faute pour M. Y... d'avoir la qualité de commerçant.

Examen du moyen

Énoncé du moyen

4. La société DP Logiciels fait grief à l'arrêt de dire que le tribunal de commerce de Paris est incompétent au profit de celui de Rennes alors « qu'a la qualité de commerçant celui qui exerce des actes de commerce et en fait sa profession habituelle ; que doit être considéré comme commerçant l'associé fondateur d'une société commerciale, qui participe à l'exploitation de cette entreprise à titre professionnel, en cède le contrôle et souscrit, à l'occasion de la cession, une garantie d'actif et de passif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. Y... était l'un des trois fondateurs de la société Entities, qu'il en avait cédé le contrôle à la société DP Logiciels et avait contracté une garantie d'actif et de passif ; que la cour d'appel a encore constaté que M. Y... avait fondé la société commerciale Un Élément dont il était l'associé unique et le gérant ; que pour écarter la qualité de commerçant de M. Y..., la cour d'appel a considéré que les actes d'exploitation de la société Entities accomplis par celui-ci l'avaient été en qualité de mandataire social puis de mandataire ; qu'en statuant par un tel motif, dont il résultait au contraire que M. Y... avait participé à l'exploitation de la société Entities à titre professionnel, et qu'il accomplissait ainsi des actes de commerce à titre de profession habituelle, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 48 du code de procédure civile et L. 121-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a tout d'abord exactement retenu que les différents contrats commerciaux signés par M. Y... avec les clients des sociétés Entities et Un élément ne s'analysaient pas à son égard en des actes de commerce, dès lors qu'ils l'ont été en sa qualité de mandataire social pour le compte de ces entités et non pour son compte personnel.

6. Elle a ensuite constaté que les seuls actes de commerce accomplis par M. Y... étaient constitués par l'acte de cession ayant conféré le contrôle de la société cédée et la signature d'une garantie d'actif et de passif à l'occasion de ce transfert de contrôle, et en a, à bon droit, déduit que ces actes ne suffisaient pas, du fait de leur nombre limité, à démontrer que M. Y... en avait fait sa profession habituelle, de sorte qu'il n'était pas commerçant.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société DP Logiciels aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société DP Logiciels et la condamne à payer à M. Y... et à l'EURL Un Élément la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf janvier deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société DP Logiciels

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du 30 mars 2018 par lequel le tribunal de commerce de Paris s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Rennes ;

AUX MOTIFS QUE l'acte de cession qui confère le contrôle de la société Entities, exerçant une activité commerciale de conception, développement et production de systèmes informatiques et logiciels, constitue un acte de commerce par nature, tout comme la signature par les cédants d'une garantie d'actif et de passif à l'occasion de ce transfert de contrôle ; que M. Y... est l'un des trois fondateurs de la société Entities, constituée en mars 2010 ; qu'il a également constitué en mars 2011, l'Eurl Un Elément, société commerciale exerçant une activité de prise de participations et de prestations de services, dont il est l'unique associé, à laquelle il a fait apport de la quasitotalité des parts qu'il détenait dans la société Entities pour une valeur totale de 392.282 euros, ces actes s'analysant également, ainsi que le soutient la société DP Logiciels, en des actes de commerce ; qu'en revanche, les différents contrats commerciaux signés par M. Y... avec les clients de ces sociétés, de même que la convention de prestation de services entre Entities et Un Élément, ne s'analysent pas en des actes de commerce, dès lors qu'ils l'ont été en qualité de mandataire social pour le compte de ces entités et non pour son compte personnel ; qu'il en est de même pour le contrat de prestations informatiques signé avec un client, le 1er septembre 2015, alors qu'il n'était apparemment plus le dirigeant d'Entities, la présidence ayant été transférée à sa holding, un tel acte restant accompli pour le compte de la société ; qu'en définitive, seuls quelques actes de commerce sont caractérisés sur la période 2011-2015, leur nombre limité ne suffisant pas à démontrer que M. Y... en a fait sa profession habituelle ; que sa qualité de commerçant n'étant pas établie, M. Y... est fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 48 du code de procédure civile, le moyen tiré de son manquement à l'obligation de loyauté dans l'exécution de l'acte de cession étant inopérant pour faire échec aux règles de compétence ;

ALORS QU' a la qualité de commerçant celui qui exerce des actes de commerce et en fait sa profession habituelle ; que doit être considéré comme commerçant l'associé fondateur d'une société commerciale, qui participe à l'exploitation de cette entreprise à titre professionnel, en cède le contrôle et souscrit, à l'occasion de la cession, une garantie d'actif et de passif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. Y... était l'un des trois fondateurs de la société Entities, qu'il en avait cédé le contrôle à la société DP Logiciels et avait contracté une garantie d'actif et de passif ; que la cour d'appel a encore constaté que M. Y... avait fondé la société commerciale Un Elément dont il était l'associé unique et le gérant ; que pour écarter la qualité de commerçant de M. Y..., la cour d'appel a considéré que les actes d'exploitation de la société Entities accomplis par celui-ci l'avaient été en qualité de mandataire social puis de mandataire ; qu'en statuant par un tel motif, dont il résultait au contraire que M. Y... avait participé à l'exploitation de la société Entities à titre professionnel, et qu'il accomplissait ainsi des actes de commerce à titre de profession habituelle, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 48 du code de procédure civile et L. 121-1 du code de commerce. ECLI:FR:CCASS:2020:CO00099
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