Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 22 janvier 2020, 18-18.530, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 22 janvier 2020




Cassation partielle


Mme LEPRIEUR, conseiller doyen faisant fonction de président



Arrêt n° 87 F-D

Pourvoi n° P 18-18.530






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 JANVIER 2020

M. L... J..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° P 18-18.530 contre l'arrêt rendu le 16 avril 2018 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant à l'Association mosellane d'action éducative et sociale en milieu ouvert (AAESEMO), dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Marguerite, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. J..., après débats en l'audience publique du 10 décembre 2019 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Marguerite, conseiller référendaire rapporteur, M. Maron, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. J..., engagé par l'Association mosellane d'action éducative et sociale en milieu ouvert en qualité de directeur d'établissement le 16 novembre 2009, a été licencié pour faute grave le 18 novembre 2013 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une faute grave et débouter le salarié de ses demandes de rappel de salaire pour la période de mise à pied, d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents et d'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt retient que l'employeur a eu connaissance de l'incident du 19 août 2013 le 9 septembre 2013 et qu'il a également visé des faits de ce même jour dans la lettre de licenciement puis que, l'employeur ayant convoqué le salarié à un entretien préalable à un licenciement disciplinaire le 8 novembre 2013, ces deux faits n'étaient pas encore prescrits ;

Qu'en statuant ainsi, sur le fondement du délai de deux mois prévu par l'article L. 1332-4 du code du travail, alors que le salarié ne soutenait pas que les faits étaient prescrits mais faisait valoir que l'employeur n'avait pas respecté le délai restreint applicable en matière de faute grave, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige dont elle était saisie, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il juge le licenciement fondé sur une faute grave et déboute le salarié de ses demandes de rappel de salaire pour la période de mise à pied, d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents et d'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt rendu le 16 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;

Condamne l'Association mosellane d'action éducative et sociale en milieu ouvert aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'Association mosellane d'action éducative et sociale en milieu ouvert à payer à M. J... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille vingt.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. J...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement pour faute grave fondé et d'AVOIR débouté le salarié de ses demandes à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire et les congés payés y afférents, d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

AUX MOTIFS propres QU'il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement ; que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et rend nécessaire son départ immédiat ; que l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ; que les faits invoqués doivent être matériellement vérifiable ; que l'article L.1332-4 du même code prévoit qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ; qu'en l'espèce, M. J... a été convoqué à un entretien préalable au licenciement qui a eu lieu le novembre 2013, à l'issue duquel il a été licencié pour faute grave, par courrier du 18 novembre 2013, en ces termes : « Suite à l'entretien préalable que nous avons eu le vendredi 08 novembre 2013 et au cours duquel vous étiez assisté de Mme O... I..., nous sommes au regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave. Les motifs de ce licenciement qui vous ont déjà été exposés à cette occasion sont les suivants : Le 9 septembre 2013, le Président de l'Association a appris par lettre de votre chef de service du SEMO, Madame N... (lettre dont vous étiez en copie) que le 19 août 2013, lors de la remise par vos soins du DIPC (Document Individuel de Prise en Charge) à la famille V... en présence de subordonnés et de l'éducatrice du Grand Chêne, vous étiez dans un état d'ébriété vous mettant dans l'incapacité d'assumer vos responsabilités professionnelles. Le même jour, outrepassant votre liberté d'expression, vous vous êtes permis d'adresser à Madame N... deux SMS constitutifs d'actes de harcèlement moral en la comparant notamment à un « charognard ». Par la suite, ce sont les délégués du personnel qui se sont émus de votre comportement ; votre chef de service évoquant par ailleurs un possible droit d'alerte « au vu des difficultés de management » et du «malaise et désarroi» partagés par les salariés. De fait, le 23 septembre 2013, les délégués du personnel ont demandé à inscrire à l'ordre du jour un point concernant votre attitude. Le 8 octobre 2013, les délégués du personnel ont organisé une réunion avec le personnel pour évoquer les conditions de travail et le contexte actuel engendré par votre attitude. Le 7 novembre 2013, le Président de l'association a été destinataire du rapport rédigé par les délégués du personnel évoquant un « profond malaise » chez les salariés, la charge de travail de Madame N..., cette dernière devant pallier vos absences et carences pendant votre temps de travail ainsi que les répercussions suries salariés, les familles et les partenaires. Ces faits sont d'autant plus graves que vous avez déjà fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire le 1er septembre 2013. Les faits reprochés ne peuvent être tolérés au sein de notre association et constituent un manquement à vos obligations contractuelles en engendrant, de surcroît, un risque à l'égard de la santé des personnes victimes de vos agissements. Par ailleurs, ils font même peser un risque pénal sur notre association et ses représentants. Compte-tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'association s'avère impossible. Votre licenciement sera donc effectif dès la première présentation de cette lettre, sans préavis ni indemnité de rupture (...) » ; qu'ainsi, la lettre de licenciement, qui en l'état du droit applicable au licenciement, fixe les limites du litige, retient trois griefs principaux : un état d'ébriété constaté sur son lieu de travail pour accueillir une famille et en présence d'autres salariés (faits du 19 août 2013), deux textos injurieux et qui seraient constitutifs d'un fait de harcèlement moral envers une autre salariée, soit son adjointe, Mme N... (le 9 septembre 2013), un comportement problématique et un management difficile ayant entraîné des réactions de la part des délégués du personnel ; que, sur la tardiveté de la réaction de l'employeur, tel qu'invoqué par le salarié, il n'est pas contesté par le salarié que l'employeur n'a eu connaissance de l'incident du 19 août 2013 que par un courrier de Mme N... du septembre 2013 ; que par ailleurs, la lettre de licenciement vise également les deux textos envoyés à Mme N... suite à son signalement à la direction de l'incident visé, textos qui datent également du 9 septembre 2013 et que Mme N... indique avoir reçus le 12 septembre 2013 ; que l'employeur ayant convoqué le salarié à entretien préalable à licenciement disciplinaire, le 8 novembre 2013, ces faits retenus à l'encontre de M. J... dans la lettre de licenciement n'étaient donc pas encore prescrits ; que, sur le grief tiré de l'état d'ébriété, l'AAESEMO produit : - le courrier de Mme N... à M. J... du 7 septembre 2013 dans lequel elle mentionne de façon implicite l'incident du 19 août 2013 et lui dit solliciter un entretien avec le président de l'association, M. S... en sa présence, - le courrier du 9 septembre 2013 de Mme N... au président de l'association indiquant « Lors de la remise de la DIPC à la famille V..., le lundi 19 août 2013 à [...] , il a été clairement évoqué que M. J... était «alcoolisé», ce qui n'aurait pas échappé à l'éducatrice des «Grands-Chênes», qui accompagnait la mineure, qui de fait n'avait pas tout de suite compris que M. J... était le Directeur du service. L'éducatrice référente étant en congé lors de cette réunion de reprise, pour moi, je lui ai demandé à la réunion hebdomadaire suivante, le 05 septembre 2013, si elle confirmait les propos évoqués par ses collègues la semaine précédente. Madame W... nous a alors fait part de sa démarche auprès de la direction suite à cet entretien. De son malaise lié à cette situation, aux regards échangés avec l'éducatrice des « Grands-Chênes » qui ne laissaient aucun doute quant à ses interrogations face à une posture pour le moins inadmissible et plus que dérangeante pour la mineure accueillie, les éducateurs représentants le service et pour le service partenaire. Le second éducateur présent à cet entretien, Monsieur Q..., était encore dans son bureau lorsque M. J... est venu le saluer...», «... Sur son temps de repos, Madame W... est donc allée rencontrer M. J..., le mercredi 21 ao0t 2013 afin de verbaliser « qu'il n'avait échappé à personne qu'il n'était pas dans son état normal». Lui-même faisait comprendre à Madame W... qu'elle n'utilisait peut-être pas la bonne formulation autour de cette question. « Difficile de dire à sa direction vous étiez alcoolisé». M. J... n'a pas cherché à nier « si vous le dites » et a même demandé « ça vous a choquée ? » ; - un courrier des délégués du personnel au président de "AAESEMO, le 23 septembre 2013, disant avoir été interpellés par l'équipe de Metz à propos de "attitude du directeur qui ne paraissait pas compatible, lors de la remise du DIPC à la famille V..., le 19 août 2013, «avec la posture que l'on attend d'une personne chargée de cette fonction et donnait à la famille une image singulière du représentant de notre institution», et souhaitant mettre ce point à l'ordre du jour de la réunion du 26 septembre 2013, - l'attestation de Mme N... indiquant que, lors de la réunion hebdomadaire du 29 août 2013, elle a appris l'existence d'un incident avec la direction, le 19 août 2013 à 14h30, une éducatrice de l'établissement, deux éducateurs du service et la responsable légale de la mineure s'étant rendu compte» que M. J... n'était pas dans un état compatible pour mener un entretien, qu'il «sentait l'alcool» et décrivant la façon dont elle avait eu connaissance de ces faits, ainsi que sa conversation avec Mme W... dans les mêmes termes que ceux de sa lettre au président de l'association, le 9 septembre 2013, Mme N... indiquant aussi avoir reçu les deux SMS de M. J..., le 9 septembre 2013, dans les termes précédemment rappelés, - une attestation de Mme W..., éducatrice spécialisée, indiquant que le 19 août 2013, M. J... s'est présenté pour recevoir une famille dont elle était référente afin d'expliquer le fonctionnement du service, qu'il était très volubile, sentait l'alcool, qu'il avait fallu ensuite recadrer une partie de l'entretien et qu'elle était ensuite interpellée par l'éducatrice d'un service éducatif tiers, accompagnant la mineure, quant à l'état de M. J..., ajoutant qu'elle était aussi allée voir M. J... le 21 août 2013 pour lui faire part de son ressenti par rapport à son comportement, sans préciser toutefois la réaction de ce dernier, -les attestations des délégués du personnel certifiant avoir été saisis au sujet du comportement de M. J..., - une attestation de M. Q..., éducateur spécialisé, ayant constaté que M. J..., après avoir reçu la famille, le 19 août 2013, est venu le voir dans son bureau et se trouvait particulièrement «volubile et enjoué», les échanges ultérieurs avec la famille concernée ayant contraint les éducateurs à faire certaines mises au point par rapport à ce que le directeur avait pu dire, puisqu'il avait tenu des propos «en complètes incohérences avec les attentes du magistrat et le contenu de l'ordonnance», discréditant, selon lui, le travail de l'association, sans autre précision toutefois ; qu'ainsi, il ressort des témoignages de Mme W... et de M. Q... que M. se trouvait en état d'ébriété lors de l'accueil d'une mineure avec sa famille (famille V...) au sein de l'association, le 9 août 2013 ; que deux salariés attestent en effet du fait que M. J... ne se trouvait pas dans son état habituel et décrivaient au moins deux symptômes d'un état alcoolisé, à savoir une attitude particulièrement volubile et une odeur d'alcool ; que si Mme N... n'était effectivement pas présente le jour de l'incident et n'a fait que recueillir le témoignage des salariés sous sa responsabilité, en revanche, Mme W... indique bien avoir été présente lorsque M. J... s'est présenté pour recevoir la famille, qu'il a ensuite reçu seul cette famille ; que de même, M. Q..., second témoin ayant attesté, confirme bien avoir pu constater de lui-même l'attitude particulière de M. J... après qu'il s'est entretenu avec la famille ; que si M. J... indique avoir des reproches à faire à Mme N..., il ne donne, en revanche, pas de raison de remettre en cause les témoignages de M. Q... et de Mme W... qui sont parfaitement précis sur son état alcoolisé ce jour-là. En conséquence, l'état d'ébriété de M. J... apparaît caractérisé au vu de ces deux témoignages ; qu'il est observé que le contrat de travail de M. J..., de même que la délégation de pouvoirs du 19 juillet 2010 produite par l'employeur, lui confient, en sa qualité de directeur d'établissement, le pouvoir disciplinaire sur le personnel, le pouvoir de représenter l'employeur, ainsi que la responsabilité d'assurer la sécurité des personnes et, qu'au regard de ses fonctions, il se doit aussi d'être exemplaire vis à vis du personnel, des familles qui sont usagers de l'association, ainsi que des tiers de l'association ; que de ce fait, il convient de considérer qu'il a manqué à ses obligations contractuelles, le 19 août 2013 ; que ce grief est avéré et présente à lui seul une certaine gravité ; que, sur le grief tiré des textos adressés à Mme N..., la matérialité des faits n'est pas contestée ; qu'en effet, M. J... reconnaît avoir adressé, le 9 septembre 2013, deux textos à la chef de service SEMO, sous sa responsabilité, dont un premier texto à 11h50 dans lequel il indique : « je suis complètement atterré par votre attitude pour le moins opportuniste en la circonstance. Je croyais que seuls les charognards étaient capables de tels agissements » ; puis que, le même jour, à 13h34, il écrit à nouveau à Mme N... : « l'absence de réponse est à l'évidence une forme d'aveu, non ? » ; que Mme N... a indiqué dans son attestation, sans être contredite, qu'elle a vu M. J... le 9 septembre 2013 au matin, sans qu'il ne lui fasse aucun commentaire sur le courrier qu'elle lui avait adressé le 7 septembre et qu'il avait reçu, qu'elle l'a informé du fait qu'elle se rendait à la cour d'appel pour un dossier et qu'elle n'a reçu les deux messages incriminés que le 12 septembre 2013 bien que ces deux messages aient été envoyés par M. J... à la date du 9 septembre 2013 après son départ du service ; que M. J... justifie ces envois par la provocation de Mme N... qui lui a adressé un courrier, daté du 7 septembre 2013, dans lequel elle lui fait savoir qu'elle allait solliciter dès lundi un entretien avec le président de l'association, en la présence de M. J..., car « les informations qui lui ont été transmises par l'équipe de Metz, lors des réunions hebdomadaires des jeudi 30 août et 6 septembre 2013, autour de la remise du DIPC/D le lundi 19 août 2013 ne peuvent être portées par la seule salariée qui est venue sur son temps libre exprimer plus que son malaise » et que « les salariés et le chef de service que je suis demandent à préserver les familles particulièrement fragilisées que nous accueillons, comme nos partenaires, de ce qu'ils n'ont pas à porter », Mme N..., faisant donc référence à l'incident du 19 août 2013, qui avait eu lieu en son absence, mais dont elle avait pris connaissance par les témoins ; qu'il n'est constaté aucune provocation de la part de Mme N..., contrairement à ce que soutient M. J..., celle-ci n'ayant fait que l'informer du fait qu'elle saisissait la présidence de l'association d'une difficulté importante en lien avec son comportement ; que si M. J... conteste la réalité d'un état alcoolique, le 19 août 2013, lequel est démontré compte tenu des précédents développements, en tout état de cause, il ne pouvait, tel qu'il l'a fait, envoyer un tel message écrit en des termes insultants, d'autant qu'il a le statut de directeur d'établissement s'adressant à une chef de service se trouvant sous sa responsabilité ; qu'après son premier texto, il persistait en reprochant à son interlocutrice son absence de réaction au premier ; que ce deuxième grief est donc avéré et également d'une gravité certaine, pouvant même s'apparenter, tel que soutenu par l'employeur, au regard de la forme et du contenu des deux messages, de leur caractère rapproché, à des faits de harcèlement moral même sur un laps de temps très court ; que sur les difficultés du service en lien avec le comportement de M. J..., avec réunion extraordinaire des délégués du personnel sur les difficultés de la direction du centre, l'employeur n'aborde ce dernier grief qu'au regard de la réaction des délégués du personnel qui ont organisé une réunion le 8 octobre 2013 et rédigé un rapport porté à la connaissance du Président le 7 novembre 2013 ; qu'il est constaté que cette réaction des délégués du personnel est en réalité la conséquence de la dénonciation des agissements de M. J... du 19 août 2013 et 9 septembre 2013 ; que si Mme N... a fait connaître, par ailleurs, un certain nombre de dysfonctionnements qu'elle attribue à M. J..., aucun autre témoignage ne vient confirmer ces reproches qui sont peu détaillés dans la lettre de licenciement et qui, en tout état de cause, seraient plutôt en lien avec des insuffisances professionnelles ; qu'ainsi, le dernier grief évoqué concernant la réaction des délégués du personnel doit être considéré comme la conséquence des deux griefs précédents et non comme un grief supplémentaire ; que sur la précédente procédure disciplinaire, l'AAESEMO verse les éléments sur la précédente procédure disciplinaire à l'encontre de M. J... ayant donné lieu à sa mise à pied à titre disciplinaire alors que lui sont reprochées seulement des insuffisances professionnelles, tel qu'il en ressort du courrier de notification de la mesure du 1er septembre 2013, ces faits étant d'une toute autre nature que ceux du 19 août 2013 et du 9 septembre 2013 ; que quoi qu'il en soit, les deux premiers griefs retenus dans la lettre de licenciement sont suffisamment graves sans qu'il soit besoin d'invoquer cette précédente procédure ; que compte tenu des précédents développements, il y a lieu de dire que les faits du 19 août 2013 et 9 septembre 2013 reprochés à M. J..., directeur d'établissement, sont à eux seuls suffisamment graves pour empêcher la poursuite de la relation de travail et de nature à entraîner le départ immédiat du salarié ; que M. J... sera débouté de l'ensemble de ses demandes d'indemnités en lien avec un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

AUX MOTIFS adoptés QUE sur l'état d'ébriété de M. L... J..., les faits évoqués reposent sur les attestations de différents salariés, le Conseil a procédé à l'examen de ces attestations : - Mme W... : attestation du 26 janvier 2015 où elle atteste que le 19 août 2013 à 14h30 d'avoir rencontré M. J... dans les locaux de l'association peu de temps avant que ce dernier ne reçoive une famille ; qu'il était très volubile et qu'il sentait l'alcool ; qu'il ressortait de l'entretien qu'il avait tenu seul avec cette famille qu'il avait tenu des propos incohérents et qu'elle avait dû avec son collègue rectifier les positions présentées par M. J... qui n'étaient pas conformes aux attentes des magistrats concernant leur enfant mineur ; qu'elle a été interpellée par l'éducatrice qui accompagnait l'enfant mineur quant à l'état de M. J..., - Mme N... : attestation du 30 janvier 2015, cette attestation ne peut être prise en compte, Mme N... ne fait que relater des faits dont elle n'a pas été le témoin direct, - Mme D... : attestation du 4 décembre 2014, cette attestation est vague ne précise pas si elle a été témoin des faits ni à quelle période ils se sont déroulés, cette attestation sera rejetée, - Mme I... : attestation du 27 janvier 2015, cette attestation est vague et ne précise pas si elle a été témoin des faits, cette attestation sera rejetée, - M. Q... : attestation du 9 avril 2015, atteste qu'il était présent le 19 août 2013 lors des faits invoqués qu'étaient également présentes Mme W... et l'éducatrice spécialisée de l'établissement « [...] » à Sarreguemines qui avait en charge l'accompagnement de l'enfant mineur dont la famille a été reçue par M. J... ; qu'à l'issue de son entretien avec la famille, M. J... est venu le saluer dans son bureau et qu'il était particulièrement volubile et enjoué ; qu'ensuite après le départ de M. L... J... il a reçu la famille en présence de Mme W... et de l'éducatrice et qu'ils ont constatés que les propos qu'avait tenu M. L... J... à cette famille étaient en complète incohérence avec les attentes du magistrat et le contenu de l'ordonnance concernant l'enfant mineur ; qu'en conséquence, le conseil prend en compte le témoignage de Mme W... qui évoque une imprégnation alcoolique ayant entraîné des propos incohérents en présence d'une famille et d'une éducatrice et le témoignage de M. Q... qui conforte l'attestation de Mme W... ; que le conseil dit que les faits évoqués constituent une faute de M. L... J... dans l'exercice de ses fonctions ; que sur les faits de harcèlement moral, à l'étude des pièces mises à la disposition du conseil, il est avéré que M. L... J..., par SMS, a écrit des propos douteux à l'encontre de Mme N... en l'assimilant a "un charognard" ; que cependant ce fait est le seul évoqué par l'employeur pour tenter de prouver un harcèlement moral ; que force est de constater que les conditions d'un harcèlement moral de la part de M. L... J... à l'encontre de Mme N... ne sont pas réunies et relève d'un conflit de personne dont le Conseil de Prud'hommes n'a pas à connaître dans l'exercice de ses prérogatives ; qu'en conséquence, le conseil de céans rejette le grief de harcèlement moral évoqué à l'appui d'une faute à retenir à l'encontre de Monsieur L... J... ; que sur l'intervention et le rapport des délégués du personnel, à l'examen des différentes pièces et rapports produits à l'appui de la justification du licenciement de Monsieur L... J..., il apparaît que l'ensemble des allégations contenues dans ces pièces ne sont étayées par aucuns faits précis et vérifiables afin que le conseil puisse apprécier l'ampleur et la qualité des griefs présentés par les délégués du personnel afin de démonter les fautes et insuffisances professionnelles évoquées à l'encontre de M. L... J... ; que le conseil de céans dit que le grief concernant l'intervention des délégués du personnel n'est pas retenu à l'appui de la motivation du licenciement de Monsieur L... J... ; que, sur la mise à pied disciplinaire du 10 septembre 2013, M. L... J... a contesté sa mise à pied disciplinaire du 10 septembre 2013 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à son employeur en date du 30 octobre 2013 en précisant qu'il apporterait rapidement des réponses précises sur la réalité de l'ensemble des questions abordées ; qu'à ce jour, aucun élément n'a été apporté par M. L... J... à l'appui de sa contestation bien que les faits ayant justifié sa mise à pied soient suffisamment graves ; qu'en conséquence, le conseil dit que la demande d'annulation de cette mise à pied est rejetée ; que l'association AAESMO évoque les faits reprochés à M. L... J... dans cette lettre de mise à pied disciplinaire du 10 septembre 2013 afin de démontrer les insuffisances professionnelles de M. L... J... et appuyer les motivations de son licenciement ; qu'il est de jurisprudence constante qu'un salarié ne peut être sanctionné deux fois pour la même faute ; qu'en conséquence, le conseil dit que l'évocation de la mise à pied de M. L... J... par son employeur ne constitue par un motif de licenciement et que ce grief est rejeté ; que, sur les causes du licenciement de M. L... J..., des faits constitutifs d'une faute ont été retenus précédemment à l'encontre de M. L... J... ; qu'à l'étude des attestation de M. Q... et de Mme W..., il apparaît un certain nombre de dysfonctionnements dans la manière qu'avait M. L... J... en matière de gestion et de management de l'établissement dont il avait la charge ; que le fait, pour l'association AAESEMO, de ne pas avoir utilisé la délégation de pouvoir imposée n'exonérait pas M. L... J... d'appliquer la délégation de pouvoir et la fiche de poste liée à son contrat de travail.

1° ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige quant aux motifs qui y sont énoncés ; que la lettre de licenciement reprochait en premier lieu au salarié d'avoir été, le 19 août 2013, dans un état d'ébriété qui l'avait mis dans l'incapacité d'assumer ses responsabilités professionnelles ; que pour dire ce grief établi, la cour d'appel s'est bornée à relever que des témoins avaient décrit deux symptômes d'un état alcoolisé, à savoir une attitude particulièrement volubile et une odeur d'alcool ; qu'en statuant ainsi sans caractériser un état d'ébriété qui aurait mis le salarié dans l'incapacité d'assumer ses responsabilités professionnelles, la cour d'appel a violé l'article L.1232-6 du code du travail.

2° ALORS QUE la lettre de licenciement reprochait encore au salarié d'avoir, outrepassant sa liberté d'expression, adressé à Mme N... deux textos constitutifs d'actes de harcèlement moral en la comparant notamment à des charognards ; qu'en se bornant à dire que ce deuxième grief pouvait s'apparenter, au regard de la forme et du contenu des deux messages, ainsi que de leur caractère rapproché, à des faits de harcèlement moral même sur un laps de temps très court, la cour d'appel, qui a statué par des motifs dubitatifs quant à la réalité du harcèlement moral reproché, a violé l'article 455 du code de procédure civile.

3° ALORS QUE le harcèlement moral ne peut résulter que d'agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en se bornant à relever l'existence de deux messages, le premier assimilant son destinataire à un charognard, le second constatant son absence de réponse, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'ensemble des éléments constitutifs du harcèlement moral allégué dans la lettre de licenciement, a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1152-1 et L.1232-6 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION, subsidiaire

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement pour faute grave fondé et d'AVOIR débouté le salarié de ses demandes à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire et les congés payés y afférents, d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférents et d'indemnité conventionnelle de licenciement.

AUX MOTIFS propres énoncés au premier moyen

1° ALORS QUE la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire ; qu'en réponse aux conclusions du salarié qui faisait valoir que l'employeur, qui avait tardé à mettre en oeuvre la procédure de licenciement, s'était privé de la possibilité d'invoquer une faute grave, la cour d'appel s'est bornée à retenir que les griefs n'étaient pas prescrits ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.

2° ET ALORS QUE la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si la tardiveté de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement par l'employeur ne le privait pas de la possibilité d'invoquer la faute grave du salarié, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et violé l'article 455 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2020:SO00087
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