Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 janvier 2020, 18-13.341, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 janvier 2020




Rejet


M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 59 F-D

Pourvoi n° Y 18-13.341




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 JANVIER 2020

M. L... R..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Y 18-13.341 contre l'arrêt rendu le 7 décembre 2017 par la cour d'appel de Nouméa (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la commune du Mont-Dore, représentée par son maire en exercice, domicilié [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. R..., de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la commune du Mont-Dore, après débats en l'audience publique du 4 décembre 2019 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 7 décembre 2017), que M. R... a été engagé le 8 février 1977 en qualité d'ouvrier au sein de la mairie de la ville du Mont-Dore et en 1987 est devenu gardien de la mairie du [...] ; qu'ayant pris acte de la rupture de son contrat de travail, il a saisi le tribunal du travail de Nouméa de diverses demandes ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de ne n'avoir accueilli que partiellement sa demande en paiement d'indemnités de congés payés, alors, selon le moyen :

1°/ que le salarié peut prétendre au paiement d'indemnités de congés payés pour les jours de congés non pris sur les années antérieures à l'année de référence, dont l'employeur a accepté le report d'une année sur l'autre ; qu'après avoir constaté que M. R... produisait aux débats un titre de congé annuel établi le 29 novembre 1993 faisant état d'un droit à congé cumulé de 255,5 jours, d'un projet de protocole transactionnel du 29 avril 2013 lui accordant un droit à congés cumulés de 360 jours et de l'indemnisation proposée devant la cour de 90 jours de congés cumulés, la cour d'appel qui a néanmoins écarté l'accord de l'employeur au report des jours de congés non pris d'une année sur l'autre, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles Lp. 241-2 et Lp. 241-7 du code du travail de Nouvelle-Calédonie ;

2°/ que l'employeur est tenu au paiement des indemnités de congés payés non pris dès lors qu'il n'a pas pris les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé ; qu'il en va nécessairement ainsi de l'employeur qui, pendant vingt ans, a laissé son salarié travailler sans qu'il n'ait jamais pris aucun jour de congé ; qu'en jugeant l'inverse, la cour d'appel a violé Lp. 241-1, Lp. 241-2 et Lp. 241-7 du code du travail de Nouvelle-Calédonie ;

3°/ que c'est à l'employeur de justifier des mesures prises en vue d'assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé ; qu'en ne recherchant pas si, comme M. R... le faisait valoir dans ses conclusions d'appel, ses fonctions de gardien de la mairie de la ville du [...], y compris les samedi et dimanche, ne le mettaient pas concrètement dans l'impossibilité de faire valoir ses droits à congés payés auprès de son employeur, situation à l'égard de laquelle la commune du Mont-Dore n'avait apporté aucune réponse précise et concrète, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles Lp. 241-1, Lp. 241-2 et Lp. 241-7 du code du travail de Nouvelle-Calédonie ;

4°/ qu'en se bornant à affirmer que M. R... aurait refusé de manière constante de prendre ses congés annuels tout au long de sa carrière dans le but de se créer des droits, sans avoir visé ni analysé aucune des pièces de la procédure desquelles elle aurait pu déduire un tel fait, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

Mais attendu que la cour d'appel qui, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments produits, sans avoir à préciser ceux qu'elle décidait de retenir ou d'écarter, a retenu que, nonobstant les avertissements de l'employeur, le salarié avait refusé de manière constante de prendre ses congés annuels, en a exactement déduit, sans avoir à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que le montant de l'indemnité de congés payés réclamé par le salarié devait être limité à la période de trois années pour lesquelles l'employeur acceptait le report des congés ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. R... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille vingt.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. R...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de n'avoir accueilli que partiellement la demande de M. R... en paiement d'indemnités de congés payés à hauteur d'une somme de 1.357.664 FCFP ;

AUX MOTIFS QUE M. R... soutient qu'une somme de 22.627.200 F CFP lui serait due correspondant à 600 jours de congés payés (377.129 : 10 x 600) tandis que la mairie du Mont-Dore admet devoir à ce titre que la somme de 1.156.064 F CFP correspondant aux congés des trois dernières années, soit à 90 jours ; l'article Lp. 241-7 du code du travail précise que "Le congé peut être cumulé sur une période de 3 ans, sous réserve que le salarié prenne au moins 6 jours ouvrables de congés effectifs par an. Cette possibilité fait l'objet d'un accord écrit entre l'employeur et le salarié" ; par ailleurs, il résulte de l'alinéa 5 de l'article 61 de la convention des services publics qui est plus favorable, que : "L'exercice du droit au congé payé annuel ne pourra excéder l'année suivant celle ouvrant droit au congé, sauf si, par accord écrit des parties, antérieur à l'ouverture du droit au congé, la jouissance du congé a été reportée dans la limite de trois années cumulables au maximum" ; M. R... fait valoir qu'il n'a pas eu connaissance de la note de service du 3 mai 2005 qui précisait ces dispositions, la mairie soutenant que cette note avait bien été affichée au vu et au su de tous sans toutefois en établir la preuve ; que M. R... produit en outre un titre de congé annuel établi le 29 novembre 1993 faisant déjà état d'un droit à congé cumulé de 255,5 jours et rappelle que la mairie, dans le cadre d'un protocole d'accord qui n'a pas été signé par M. R..., lui a proposé le 26 avril 2013 de lui accorder un droit à congés de 360 jours, reconnaissant ainsi ne pas avoir veillé à la réglementation applicable en matière de congés payés ; cependant M. R... ne saurait soutenir qu'il n'aurait connu les dispositions de l'alinéa 5 de l'article 61 de la convention des services publics qu'en juin 2013, date à laquelle une note de service lui a été remise, alors que de telles dispositions qui relèvent du code du travail et de la convention collective sont d'ordre public, qu'elles ont été publiées et qu'elles lui ont été en outre rappelées notamment lors de ses entretiens individuels de 2009 et de 2010 ; la circonstance que le salarié ait refusé de manière constante de prendre ses congés annuels tout au long de sa carrière dans le but de se créer des droits, en dépit des avertissements qui lui avaient été faits, ne saurait lui permettre d'exiger que son employeur lui verse lors de son départ en retraite une somme de 22.627.000 F CFP de nature à compenser son abstention volontaire, en dehors de tout cadre légal ou réglementaire ; il convient cependant de retenir l'indemnisation proposée par son employeur sur la base de 90 jours de congés non pris au cours des trois dernières années, soit la somme de 1.357.664 F CFP (377.129 x 36 x1/10) ; le jugement entrepris sera ainsi infirmé ;


1°) ALORS QUE le salarié peut prétendre au paiement d'indemnités de congés payés pour les jours de congés non pris sur les années antérieures à l'année de référence, dont l'employeur a accepté le report d'une année sur l'autre ; qu'après avoir constaté que M. R... produisait aux débats un titre de congé annuel établi le 29 novembre 1993 faisant état d'un droit à congé cumulé de 255,5 jours, d'un projet de protocole transactionnel du 29 avril 2013 lui accordant un droit à congés cumulés de 360 jours et de l'indemnisation proposée devant la cour de 90 jours de congés cumulés, la cour d'appel qui a néanmoins écarté l'accord de l'employeur au report des jours de congés non pris d'une année sur l'autre, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles Lp. 241-2 et Lp. 241-7 du code du travail de Nouvelle Calédonie ;

2°) ALORS QUE l'employeur est tenu au paiement des indemnités de congés payés non pris dès lors qu'il n'a pas pris les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé ; qu'il en va nécessairement ainsi de l'employeur qui, pendant vingt ans, a laissé son salarié travailler sans qu'il n'ait jamais pris aucun jour de congé ; qu'en jugeant l'inverse, la cour d'appel a violé Lp. 241-1, Lp. 241-2 et Lp. 241-7 du code du travail de Nouvelle Calédonie ;

3°) ALORS QUE c'est à l'employeur de justifier des mesures prises en vue d'assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé ; qu'en ne recherchant pas si, comme M. R... le faisait valoir dans ses conclusions d'appel, ses fonctions de gardien de la mairie de la ville du [...], y compris les samedi et dimanche, ne le mettaient pas concrètement dans l'impossibilité de faire valoir ses droits à congés payés auprès de son employeur, situation à l'égard de laquelle la commune du Mont-Dore n'avait apporté aucune réponse précise et concrète, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles Lp. 241-1, Lp. 241-2 et Lp. 241-7 du code du travail de Nouvelle Calédonie ;

4°) ALORS QU'en se bornant à affirmer que M. Sirot aurait refusé de manière constante de prendre ses congés annuels tout au long de sa carrière dans le but de se créer des droits, sans avoir visé ni analysé aucune des pièces de la procédure desquelles elle aurait pu déduire un tel fait, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2020:SO00059
Retourner en haut de la page