Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 16 janvier 2020, 18-25.915, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 16 janvier 2020, 18-25.915, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 18-25.915
- ECLI:FR:CCASS:2020:C300023
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 16 janvier 2020
Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, du 05 mars 2018- Président
- M. Chauvin
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 1792-4-3 et 2224 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 5 mars 2018), que la SNC Finance Plus a entrepris la construction d'un immeuble ; que sont intervenus à l'opération de construction M. J..., architecte, et M. U..., carreleur, assuré en garantie décennale par la société MAAF assurances (la MAAF) ; que, le 23 décembre 1999, les travaux ont été réceptionnés ; que, se plaignant de l'absence de dispositif d'évacuation des eaux pluviales sur la terrasse d'un appartement et de l'existence de traces sur certaines façades de l'immeuble, le syndicat des copropriétaires de la résidence les Parcs (le syndicat) a assigné, le 17 décembre 2009, M. J..., le 28 décembre 2009, M. U... et, le 25 janvier 2010, la MAAF, en référé expertise ; que, par ordonnance de référé du 9 février 2010, un expert a été désigné ; que, par acte du 11 décembre 2013, le syndicat a assigné M. J... en indemnisation ; que, par actes des 10 et 12 juin 2014, M. J... a appelé en garantie M. U... et la société MAAF ;
Attendu que, pour déclarer cette action en garantie prescrite, l'arrêt retient que, selon l'article 1792-4-3 du code civil, la prescription de dix ans à compter de la réception s'applique aux recours entre constructeurs fondés sur la responsabilité contractuelle ou quasi-délictuelle, que la réception des travaux est intervenue le 23 décembre 1999 et que M. U... a été assigné en référé le 28 décembre 2009 et la MAAF le 25 janvier 2010, soit postérieurement à l'expiration du délai décennal ;
Attendu que le recours d'un constructeur contre un autre constructeur a pour objet de déterminer la charge définitive de la dette que devra supporter chaque responsable ;
Attendu que la Cour de cassation a jugé qu'une telle action, qui ne peut être fondée sur la garantie décennale, est de nature contractuelle si les constructeurs sont contractuellement liés et de nature quasi-délictuelle s'ils ne le sont pas (3e Civ., 8 février 2012, pourvoi n° 11-11.417, Bull. 2012, III, n° 23) ;
Attendu que le délai de la prescription de ce recours et son point de départ ne relèvent pas des dispositions de l'article 1792-4-3 du code civil ; qu'en effet, ce texte, créé par la loi du 17 juin 2008 et figurant dans une section du code civil relative aux devis et marchés et insérée dans un chapitre consacré aux contrats de louage d'ouvrage et d'industrie, n'a vocation à s'appliquer qu'aux actions en responsabilité dirigées par le maître de l'ouvrage contre les constructeurs ou leurs sous-traitants ; qu'en outre, fixer la date de réception comme point de départ du délai de prescription de l'action d'un constructeur contre un autre constructeur pourrait avoir pour effet de priver le premier, lorsqu'il est assigné par le maître de l'ouvrage en fin de délai d'épreuve, du droit d'accès à un juge ; que, d'ailleurs, la Cour de cassation a, dès avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, jugé que le point de départ du délai de l'action d'un constructeur contre un autre constructeur n'était pas la date de réception de l'ouvrage (3e Civ., 8 février 2012, pourvoi n° 11-11.417, Bull. 2012, III, n° 23) ;
Attendu qu'il s'ensuit que le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève des dispositions de l'article 2224 du code civil ; qu'il se prescrit donc par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ;
Attendu que la Cour de cassation a jugé que l'assignation en référé-expertise délivrée par le maître de l'ouvrage à l'entrepreneur principal met en cause la responsabilité de ce dernier et constitue le point de départ du délai de son action récursoire à l'encontre des sous-traitants (3e Civ., 19 mai 2016, pourvoi n° 15-11.355) ;
Attendu qu'en déclarant l'action prescrite, après avoir constaté que M. J..., assigné en référé-expertise le 17 décembre 2009, avait assigné en garantie M. U... et son assureur les 10 et 12 juin 2014, la cour d'appel a violé le premier texte susvisé, par fausse application, et le second, par refus d'application ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare prescrite l'action en garantie de M. J... contre M. U... et contre la SA société MAAF au titre des désordres et malfaçons affectant la terrasse de Mme T..., l'arrêt rendu le 5 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. U... et la société MAAF aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de M. U... et de la société MAAF et les condamne in solidum à payer la somme de 3 000 euros à M. J... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour M. J....
Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable comme prescrite l'action en garantie de M. J... contre M. U... et la Maaf,
Aux motifs qu'« en l'état de ses écritures devant la cour, M. J... conclut à la condamnation in solidum de M. U... et de la SA MAAF, sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;
Il invoque la prescription quinquennale de droit commun de l'article 2224 du code civil et ajoute qu'assigné au fond le 11 décembre 2013, il avait jusqu'au 11 décembre 2018 pour assigner M. U... et la MAAF.
Or, selon l'article 1792-4-3 du code civil, la prescription de 10 ans à compter de la réception s'applique tant aux recours entre constructeurs fondés sur la responsabilité contractuelle qu'à ceux fondés sur la responsabilité délictuelle, dans les autres cas, comme en l'espèce.
La réception des travaux est intervenue le 23 décembre 1999, M. U... a été assigné en référé le 28 décembre 2009 et la SA MAAF le 25 janvier 2010, soit postérieurement à l'expiration du délai décennal ;
L'action quasi délictuelle contre M. U... et son assureur, la SA MAAF est prescrite et donc irrecevable » (arrêt, p. 12) ;
Alors que le point de départ du recours en garantie d'un constructeur contre un autre n'est pas la réception des travaux mais le jour où il a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer ce recours, en pratique la date à laquelle il a été assigné par le demandeur principal ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable le recours en garantie de M. J..., architecte, contre M. U... et son assureur la Maaf, la cour a retenu que ce recours avait été formé plus de dix ans après la réception des travaux ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1792-4-3 du code civil par fausse application et l'article 2224 dudit code par refus d'application.ECLI:FR:CCASS:2020:C300023
Sur le moyen unique :
Vu les articles 1792-4-3 et 2224 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 5 mars 2018), que la SNC Finance Plus a entrepris la construction d'un immeuble ; que sont intervenus à l'opération de construction M. J..., architecte, et M. U..., carreleur, assuré en garantie décennale par la société MAAF assurances (la MAAF) ; que, le 23 décembre 1999, les travaux ont été réceptionnés ; que, se plaignant de l'absence de dispositif d'évacuation des eaux pluviales sur la terrasse d'un appartement et de l'existence de traces sur certaines façades de l'immeuble, le syndicat des copropriétaires de la résidence les Parcs (le syndicat) a assigné, le 17 décembre 2009, M. J..., le 28 décembre 2009, M. U... et, le 25 janvier 2010, la MAAF, en référé expertise ; que, par ordonnance de référé du 9 février 2010, un expert a été désigné ; que, par acte du 11 décembre 2013, le syndicat a assigné M. J... en indemnisation ; que, par actes des 10 et 12 juin 2014, M. J... a appelé en garantie M. U... et la société MAAF ;
Attendu que, pour déclarer cette action en garantie prescrite, l'arrêt retient que, selon l'article 1792-4-3 du code civil, la prescription de dix ans à compter de la réception s'applique aux recours entre constructeurs fondés sur la responsabilité contractuelle ou quasi-délictuelle, que la réception des travaux est intervenue le 23 décembre 1999 et que M. U... a été assigné en référé le 28 décembre 2009 et la MAAF le 25 janvier 2010, soit postérieurement à l'expiration du délai décennal ;
Attendu que le recours d'un constructeur contre un autre constructeur a pour objet de déterminer la charge définitive de la dette que devra supporter chaque responsable ;
Attendu que la Cour de cassation a jugé qu'une telle action, qui ne peut être fondée sur la garantie décennale, est de nature contractuelle si les constructeurs sont contractuellement liés et de nature quasi-délictuelle s'ils ne le sont pas (3e Civ., 8 février 2012, pourvoi n° 11-11.417, Bull. 2012, III, n° 23) ;
Attendu que le délai de la prescription de ce recours et son point de départ ne relèvent pas des dispositions de l'article 1792-4-3 du code civil ; qu'en effet, ce texte, créé par la loi du 17 juin 2008 et figurant dans une section du code civil relative aux devis et marchés et insérée dans un chapitre consacré aux contrats de louage d'ouvrage et d'industrie, n'a vocation à s'appliquer qu'aux actions en responsabilité dirigées par le maître de l'ouvrage contre les constructeurs ou leurs sous-traitants ; qu'en outre, fixer la date de réception comme point de départ du délai de prescription de l'action d'un constructeur contre un autre constructeur pourrait avoir pour effet de priver le premier, lorsqu'il est assigné par le maître de l'ouvrage en fin de délai d'épreuve, du droit d'accès à un juge ; que, d'ailleurs, la Cour de cassation a, dès avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, jugé que le point de départ du délai de l'action d'un constructeur contre un autre constructeur n'était pas la date de réception de l'ouvrage (3e Civ., 8 février 2012, pourvoi n° 11-11.417, Bull. 2012, III, n° 23) ;
Attendu qu'il s'ensuit que le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève des dispositions de l'article 2224 du code civil ; qu'il se prescrit donc par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ;
Attendu que la Cour de cassation a jugé que l'assignation en référé-expertise délivrée par le maître de l'ouvrage à l'entrepreneur principal met en cause la responsabilité de ce dernier et constitue le point de départ du délai de son action récursoire à l'encontre des sous-traitants (3e Civ., 19 mai 2016, pourvoi n° 15-11.355) ;
Attendu qu'en déclarant l'action prescrite, après avoir constaté que M. J..., assigné en référé-expertise le 17 décembre 2009, avait assigné en garantie M. U... et son assureur les 10 et 12 juin 2014, la cour d'appel a violé le premier texte susvisé, par fausse application, et le second, par refus d'application ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare prescrite l'action en garantie de M. J... contre M. U... et contre la SA société MAAF au titre des désordres et malfaçons affectant la terrasse de Mme T..., l'arrêt rendu le 5 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. U... et la société MAAF aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de M. U... et de la société MAAF et les condamne in solidum à payer la somme de 3 000 euros à M. J... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour M. J....
Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable comme prescrite l'action en garantie de M. J... contre M. U... et la Maaf,
Aux motifs qu'« en l'état de ses écritures devant la cour, M. J... conclut à la condamnation in solidum de M. U... et de la SA MAAF, sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;
Il invoque la prescription quinquennale de droit commun de l'article 2224 du code civil et ajoute qu'assigné au fond le 11 décembre 2013, il avait jusqu'au 11 décembre 2018 pour assigner M. U... et la MAAF.
Or, selon l'article 1792-4-3 du code civil, la prescription de 10 ans à compter de la réception s'applique tant aux recours entre constructeurs fondés sur la responsabilité contractuelle qu'à ceux fondés sur la responsabilité délictuelle, dans les autres cas, comme en l'espèce.
La réception des travaux est intervenue le 23 décembre 1999, M. U... a été assigné en référé le 28 décembre 2009 et la SA MAAF le 25 janvier 2010, soit postérieurement à l'expiration du délai décennal ;
L'action quasi délictuelle contre M. U... et son assureur, la SA MAAF est prescrite et donc irrecevable » (arrêt, p. 12) ;
Alors que le point de départ du recours en garantie d'un constructeur contre un autre n'est pas la réception des travaux mais le jour où il a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer ce recours, en pratique la date à laquelle il a été assigné par le demandeur principal ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable le recours en garantie de M. J..., architecte, contre M. U... et son assureur la Maaf, la cour a retenu que ce recours avait été formé plus de dix ans après la réception des travaux ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1792-4-3 du code civil par fausse application et l'article 2224 dudit code par refus d'application.