Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 janvier 2020, 18-23.381, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 janvier 2020, 18-23.381, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 18-23.381
- ECLI:FR:CCASS:2020:C200046
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du jeudi 16 janvier 2020
Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, du 10 juillet 2018- Président
- M. Pireyre
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 janvier 2020
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 46 F-P+B+I
Pourvoi n° M 18-23.381
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2020
La société Assurances du crédit mutuel IARD, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° M 18-23.381 contre l'arrêt rendu le 10 juillet 2018 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme U... O..., domiciliée [...],
2°/ au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, dont le siège est [...],
défendeurs à la cassation.
Le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le demandeur au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guého, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de la société Assurances du crédit mutuel IARD, de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 décembre 2019 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Guého, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Rosette, greffier de chambre.
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, qui est recevable comme étant de pur droit :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 10 juillet 2018), que le 6 juillet 2011, Mme O... a souscrit un contrat d'assurance automobile auprès de la société Assurances du crédit mutuel IARD (l'assureur) ; que le 19 juillet 2014, circulant en état d'ébriété, elle a provoqué un accident en abandonnant sur une voie ferrée son véhicule qui a été percuté par un train, occasionnant à celui-ci des dommages matériels importants ; que le 20 avril 2015, l'assureur a notifié à son assurée la nullité du contrat pour défaut de déclaration d'un élément de nature à changer l'opinion du risque par l'assureur en cours de contrat, à savoir sa condamnation pénale pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique intervenue le 22 mai 2013 ; qu'après avoir indemnisé la victime, l'assureur a assigné Mme O... en paiement d'une somme de 1 425 203,32 euros et a demandé que la décision soit déclarée opposable au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO), lequel est intervenu volontairement à l'instance et a sollicité sa mise hors de cause ;
Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de mettre hors de cause le FGAO, alors, selon le moyen :
1°/ que l'assureur, qui agit en nullité du contrat d'assurance souscrit par son assuré et en remboursement des indemnités qu'il a versées à la victime pour le compte de qui il appartiendra, peut demander que la décision soit rendue opposable au FGAO, intervenu volontairement à l'instance ; que l'assureur, qui agissait à titre principal en nullité du contrat d'assurance souscrit par Mme O... et en remboursement par celle-ci des indemnités versées à la victime de l'accident pour le compte de qui il appartiendra, avait demandé que la décision à intervenir soit déclarée opposable au FGAO intervenu volontairement à l'instance ; qu'en mettant néanmoins hors de cause le FGAO au motif qu'il n'avait pas vocation à intervenir dans le cadre de l'action récursoire exercée par l'assureur contre son assuré, la cour d'appel a violé les articles L. 211-20 et R. 421-18 du code des assurances, ensemble l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que le principe selon lequel l'assureur peut, après avoir réglé à la victime des indemnités pour le compte de qui il appartiendra, agir en nullité du contrat d'assurance pour fausse déclaration de l'assuré sur ses antécédents judiciaires et demander que le jugement soit opposable au FGAO afin que celui-ci prenne en charge solidairement avec l'assuré la charge finale de cette indemnisation, n'est pas contraire aux dispositions de la directive n° 2009/103/CE du 16 septembre 2009 concernant l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l'obligation d'assurer cette responsabilité ; que la cour d'appel, après avoir constaté que l'assureur avait indemnisé la victime pour le compte de qui il appartiendra avant d'agir en nullité du contrat pour fausse déclaration de son assuré, a néanmoins refusé de déclarer son arrêt opposable au FGAO ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé les articles L. 211-20 et R. 421-18 du code des assurances, tels qu'interprétés à la lumière de la directive susvisée ;
Mais attendu que la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit (arrêt du 20 juillet 2017, C 287-16) que l'article 3, paragraphe 1, de la directive 72/166/CEE du Conseil, du 24 avril 1972, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs, et au contrôle de l'obligation d'assurer cette responsabilité, et
l'article 2, paragraphe 1, de la deuxième directive 84/5/CEE du Conseil, du 30 décembre 1983, concernant le rapprochement des législations des États
membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale qui aurait pour effet que soit opposable aux tiers victimes, dans des circonstances telles que celles de l'affaire au principal, la nullité d'un contrat d'assurance de responsabilité civile automobile résultant de fausses déclarations initiales du preneur d'assurance en ce qui concerne l'identité du propriétaire et du conducteur habituel du véhicule concerné ou de la circonstance que la personne pour laquelle ou au nom de laquelle ce contrat d'assurance est conclu n'avait pas d'intérêt économique à la conclusion dudit contrat ;
Qu'il s'en déduit que la nullité édictée par l'article L. 113-8 du code des assurances, tel qu'interprété à la lumière de la directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, concernant l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l'obligation d'assurer cette responsabilité, qui a abrogé et codifié les directives susvisées, n'est pas opposable aux victimes d'un accident de la circulation ou à leurs ayants droit ;
Qu'aux termes de l'article R. 421-18 du même code, lorsqu'un contrat d'assurance a été souscrit pour garantir les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile découlant de l'emploi du véhicule qui a causé des dommages matériels, le FGAO ne peut être appelé à indemniser la victime ou ses ayants droit qu'en cas de nullité du contrat, de suspension du contrat ou de la garantie, de non-assurance ou d'assurance partielle, opposables à la victime ou à ses ayants droit ;
Qu'il en résulte que la nullité, pour fausse déclaration intentionnelle, du contrat d'assurance conclu par Mme O... étant inopposable à la victime, le FGAO ne pouvait être appelé à prendre en charge tout ou partie de l'indemnité versée par l'assureur et a, à bon droit, été mis hors de cause dans l'instance engagée par ce dernier à l'encontre de son assurée ;
Que par ce motif de pur droit, substitué , en tant que de besoin, à ceux critiqués, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée ;
Et attendu que le rejet du pourvoi principal rend sans objet le pourvoi incident éventuel ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi principal ;
CONSTATE que le pourvoi incident éventuel est devenu sans objet ;
Condamne la société Assurances du crédit mutuel aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Assurances du crédit mutuel et la condamne à payer au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la société Assurances du crédit mutuel IARD.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir mis hors de cause le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages,
AUX MOTIFS QU'aux termes de ses dernières écritures déposées le 10 avril 2018, le Fonds de garantie se prévaut d'un arrêt du 20 juillet 2017 de la Cour de justice de l'Union Européenne, saisie d'une question préjudicielle, qui a retenu que « les nullités d'un contrat d'assurance en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle à la souscription, ou en cas de non déclaration en cours de contrat, sont inopposables aux tiers victimes, de sorte que l'assureur doit prendre en charge les préjudices subis par les tiers victimes et exercer son recours à l'encontre de l'auteur responsable et ce sans intervention du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages » ; qu'en l'occurrence la SA ACM n'a pas opposé la nullité du contrat d'assurance à la victime, la SNCF, qu'elle a indemnisée ; que son action est une action récursoire à l'encontre de son assuré (Mme U... O...) qui ne peut être confondue avec l'action de l'assureur du tiers victime subrogé dans les droits de son propre assuré ; que, dès lors, le Fonds de garantie qui n'a pas vocation à intervenir dans le cadre d'une action récursoire doit, en l'espèce, être mis hors de cause ;
1° ALORS QUE l'assureur, qui agit en nullité du contrat d'assurance souscrit par son assuré et en remboursement des indemnités qu'il a versées à la victime pour le compte de qui il appartiendra, peut demander que la décision soit rendue opposable au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, intervenu volontairement à l'instance ; que la société ACM, qui agissait à titre principal en nullité du contrat d'assurance souscrit par Mme O... et en remboursement par celle-ci des indemnités versées à la victime de l'accident pour le compte de qui il appartiendra, avait demandé que la décision à intervenir soit déclarée opposable au Fonds de garantie intervenu volontairement à l'instance ; qu'en mettant néanmoins hors de cause le Fonds de garantie au motif qu'il n'avait pas vocation à intervenir dans le cadre de l'action récursoire exercée par l'assureur contre son assuré, la cour d'appel a violé les articles L. 211-20 et R. 421-18 du code des assurances, ensemble l'article 4 du code de procédure civile ;
2° ALORS, subsidiairement, QUE le principe selon lequel l'assureur peut, après avoir réglé à la victime des indemnités pour le compte de qui il appartiendra, agir en nullité du contrat d'assurance pour fausse déclaration de l'assuré sur ses antécédents judiciaires et demander que le jugement soit opposable au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages afin que celui-ci prenne en charge solidairement avec l'assuré la charge finale de cette indemnisation, n'est pas contraire aux dispositions de la directive n° 2009/103/CE du 16 septembre 2009 concernant l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l'obligation d'assurer cette responsabilité ; que la cour d'appel, après avoir constaté que la société ACM avait indemnisé la victime pour le compte de qui il appartiendra avant d'agir en nullité du contrat pour fausse déclaration de son assuré, a néanmoins refusé de déclarer son arrêt opposable au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé les articles L. 211-20 et R. 421-18 du code des assurances, tels qu'interprétés à la lumière de la directive susvisée.
Moyen produit au pourvoi incident éventuel par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages.
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir dit que « la société ACM a, à bon droit, prononcé la nullité du contrat d'assurance la liant à Mme U... O... » ;
Aux motifs que « les premier juge a rejeté les prétentions de la société ACM au motif que le document constituant la page 3 du contrat intitulé "déclaration du souscripteur" portant les indications préremplies suivantes : "depuis le 6 janvier 2006, le conducteur désigné : - a fait l'objet d'un procès-verbal de délit de fuite et/ou alcoolémie et/ou usage de stupéfiants ? NON – ou a-t-il été sous le coup d'une annulation ou d'une suspension du permis de conduire de deux mois ou plus ? Non" n'est pas signé de Mme U... O... et ne contient aucune formule d'adhésion ou de déclaration ou d'attestation de sincérité de la part de l'assurée ; que le premier juge a ainsi considéré qu'une telle déclaration était insuffisante pour rapporter la preuve de l'existence d'un questionnaire soumis au souscripteur et ne satisfait pas à l'exigence d'une question précise posée à l'assurée ; que Mme U... O... ne pouvant être considérée comme ayant répondu par la négative aux deux questions susmentionnées, le tribunal a retenu que le défaut de déclaration de la condamnation s'y rapportant ne pouvait être reproché à Mme U... O... ; que néanmoins, au vu des pièces produites, il apparaît que si Mme U... O... n'a pas signé la page 4 du contrat, elle a paraphé cette page comme toutes les autres pages des conditions particulières à l'exception de la dernière (page 5/5) qu'elle a signée, et ce sous la mention suivante : "le souscripteur certifie l'exactitude des renseignements ci-dessous (pages 1 à 5) et reconnaît avoir été informé des conséquences qui pourraient résulter d'une omission ou d'une fausse déclaration (art. L. 113-8 et L. 113-9 du code des assurances" ; que par ailleurs, en page 4 des conditions particulières, figure, dans un unique encadré, le paragraphe suivant : "les questions auxquelles vous avez répondu nous permettent d'apprécier le risque que nous prenons en charge et de tarifer", ce qui ne pouvait qu'attirer l'attention du souscripteur sur l'importance des questions précitées qui lui étaient posées et dont les termes étaient clair et précis ; qu'enfin, en page 5 des conditions particulières, Mme U... O... a reconnu avoir reçu le jour de la souscription un exemplaire des conditions générales du contrat lesquelles précisent en page 43, en gras, les conséquences d'une fausse déclaration et détaillent les modalités selon lesquelles devaient être déclarées en cours de contrat "les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d'aggraver les risques, soit d'en créer de nouveaux, et qui rendent inexactes ou caduques les réponses que vous nous avez faites à la conclusion du contrat et qui sont consignées aux conditions particulières" ; que dès lors, Mme U... O... ne pouvait ignorer l'obligation pesant sur elle de déclarer à son assureur la suspension pendant 6 mois de son permis de conduire résultant de la condamnation dont elle avait fait l'objet le 22 mai 2013 pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique ; que compte tenu de l'évidence et de l'importance de l'aggravation du risque induit pour l'assureur par un conducteur ayant fait l'objet d'une suspension du permis de conduire et ce plus particulièrement pour des faits de conduite sous l'empire d'un état alcoolique, la société ACM est bien fondée, en application des articles L. 113-2 et L. 113-8 du code des assurances à se prévaloir de la nullité du contrat d'assurance la liant à Mme U... O... et à réclamer le remboursement des sommes versées à la victime en indemnisation du préjudice résultant de l'accident du 19 juillet 2014 dont Mme U... O... ne conteste pas être responsable ; qu'il ne peut, en conséquence, ensuite de l'anéantissement rétroactif du contrat d'assurance résultant de sa nullité prononcée par lettre recommandée avec avis de réception du 20 avril 2015, qu'être fait droit à la demande de la société ACM tendant à la condamnation de Mme U... O... à lui payer la somme de 1 425 203,32 euros outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 25 janvier 2016 avec anatocisme conformément aux dispositions de l'article 1343-2 (art. 1154 ancien) du code civil ; que le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a débouté la société ACM de ses demandes » (arrêt, p. 5, § 4 et s.) ;
Alors, d'une part, qu'en cours de contrat, l'assuré n'est tenu de déclarer à l'assureur que les circonstances nouvelles qui rendent caduques les réponses qu'il a apportées aux questions précises posées par ce dernier lors de la conclusion du contrat ; qu'après avoir relevé que l'assureur n'avait posé aucune question à l'assurée sur le point de savoir si cette dernière ait fait l'objet d'une suspension de permis dès lors qu'il s'était borné à lui remettre un formulaire pré-imprimé, la cour d'appel, qui a néanmoins prononcé la nullité du contrat litigieux, faute pour l'assurée d'avoir pas déclaré qu'elle avait fait l'objet d'une suspension de permis en cours de contrat, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 113-2, 3° et L. 113-8 du code des assurances ;
Alors, d'autre part, qu'en cours de contrat, l'assuré n'est tenu de déclarer à l'assureur que les circonstances nouvelles qui rendent caduques les réponses qu'il a apportées aux questions précises posées par ce dernier lors de la conclusion du contrat ; que pour reprocher à l'assurée de n'avoir pas déclaré qu'elle avait fait l'objet d'une suspension de permis en cours de contrat, en relevant l'importance que revêtait une telle information, la cour d'appel s'est déterminée par un motif impropre à caractériser l'obligation de déclaration de l'assurée, violant ainsi les articles L. 113-2, 3° et L. 113-8 du code des assurances.ECLI:FR:CCASS:2020:C200046
CIV. 2
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 janvier 2020
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 46 F-P+B+I
Pourvoi n° M 18-23.381
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2020
La société Assurances du crédit mutuel IARD, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° M 18-23.381 contre l'arrêt rendu le 10 juillet 2018 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme U... O..., domiciliée [...],
2°/ au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, dont le siège est [...],
défendeurs à la cassation.
Le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le demandeur au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guého, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de la société Assurances du crédit mutuel IARD, de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 décembre 2019 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Guého, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Rosette, greffier de chambre.
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, qui est recevable comme étant de pur droit :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 10 juillet 2018), que le 6 juillet 2011, Mme O... a souscrit un contrat d'assurance automobile auprès de la société Assurances du crédit mutuel IARD (l'assureur) ; que le 19 juillet 2014, circulant en état d'ébriété, elle a provoqué un accident en abandonnant sur une voie ferrée son véhicule qui a été percuté par un train, occasionnant à celui-ci des dommages matériels importants ; que le 20 avril 2015, l'assureur a notifié à son assurée la nullité du contrat pour défaut de déclaration d'un élément de nature à changer l'opinion du risque par l'assureur en cours de contrat, à savoir sa condamnation pénale pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique intervenue le 22 mai 2013 ; qu'après avoir indemnisé la victime, l'assureur a assigné Mme O... en paiement d'une somme de 1 425 203,32 euros et a demandé que la décision soit déclarée opposable au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO), lequel est intervenu volontairement à l'instance et a sollicité sa mise hors de cause ;
Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de mettre hors de cause le FGAO, alors, selon le moyen :
1°/ que l'assureur, qui agit en nullité du contrat d'assurance souscrit par son assuré et en remboursement des indemnités qu'il a versées à la victime pour le compte de qui il appartiendra, peut demander que la décision soit rendue opposable au FGAO, intervenu volontairement à l'instance ; que l'assureur, qui agissait à titre principal en nullité du contrat d'assurance souscrit par Mme O... et en remboursement par celle-ci des indemnités versées à la victime de l'accident pour le compte de qui il appartiendra, avait demandé que la décision à intervenir soit déclarée opposable au FGAO intervenu volontairement à l'instance ; qu'en mettant néanmoins hors de cause le FGAO au motif qu'il n'avait pas vocation à intervenir dans le cadre de l'action récursoire exercée par l'assureur contre son assuré, la cour d'appel a violé les articles L. 211-20 et R. 421-18 du code des assurances, ensemble l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que le principe selon lequel l'assureur peut, après avoir réglé à la victime des indemnités pour le compte de qui il appartiendra, agir en nullité du contrat d'assurance pour fausse déclaration de l'assuré sur ses antécédents judiciaires et demander que le jugement soit opposable au FGAO afin que celui-ci prenne en charge solidairement avec l'assuré la charge finale de cette indemnisation, n'est pas contraire aux dispositions de la directive n° 2009/103/CE du 16 septembre 2009 concernant l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l'obligation d'assurer cette responsabilité ; que la cour d'appel, après avoir constaté que l'assureur avait indemnisé la victime pour le compte de qui il appartiendra avant d'agir en nullité du contrat pour fausse déclaration de son assuré, a néanmoins refusé de déclarer son arrêt opposable au FGAO ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé les articles L. 211-20 et R. 421-18 du code des assurances, tels qu'interprétés à la lumière de la directive susvisée ;
Mais attendu que la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit (arrêt du 20 juillet 2017, C 287-16) que l'article 3, paragraphe 1, de la directive 72/166/CEE du Conseil, du 24 avril 1972, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs, et au contrôle de l'obligation d'assurer cette responsabilité, et
l'article 2, paragraphe 1, de la deuxième directive 84/5/CEE du Conseil, du 30 décembre 1983, concernant le rapprochement des législations des États
membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale qui aurait pour effet que soit opposable aux tiers victimes, dans des circonstances telles que celles de l'affaire au principal, la nullité d'un contrat d'assurance de responsabilité civile automobile résultant de fausses déclarations initiales du preneur d'assurance en ce qui concerne l'identité du propriétaire et du conducteur habituel du véhicule concerné ou de la circonstance que la personne pour laquelle ou au nom de laquelle ce contrat d'assurance est conclu n'avait pas d'intérêt économique à la conclusion dudit contrat ;
Qu'il s'en déduit que la nullité édictée par l'article L. 113-8 du code des assurances, tel qu'interprété à la lumière de la directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, concernant l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l'obligation d'assurer cette responsabilité, qui a abrogé et codifié les directives susvisées, n'est pas opposable aux victimes d'un accident de la circulation ou à leurs ayants droit ;
Qu'aux termes de l'article R. 421-18 du même code, lorsqu'un contrat d'assurance a été souscrit pour garantir les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile découlant de l'emploi du véhicule qui a causé des dommages matériels, le FGAO ne peut être appelé à indemniser la victime ou ses ayants droit qu'en cas de nullité du contrat, de suspension du contrat ou de la garantie, de non-assurance ou d'assurance partielle, opposables à la victime ou à ses ayants droit ;
Qu'il en résulte que la nullité, pour fausse déclaration intentionnelle, du contrat d'assurance conclu par Mme O... étant inopposable à la victime, le FGAO ne pouvait être appelé à prendre en charge tout ou partie de l'indemnité versée par l'assureur et a, à bon droit, été mis hors de cause dans l'instance engagée par ce dernier à l'encontre de son assurée ;
Que par ce motif de pur droit, substitué , en tant que de besoin, à ceux critiqués, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée ;
Et attendu que le rejet du pourvoi principal rend sans objet le pourvoi incident éventuel ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi principal ;
CONSTATE que le pourvoi incident éventuel est devenu sans objet ;
Condamne la société Assurances du crédit mutuel aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Assurances du crédit mutuel et la condamne à payer au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la société Assurances du crédit mutuel IARD.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir mis hors de cause le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages,
AUX MOTIFS QU'aux termes de ses dernières écritures déposées le 10 avril 2018, le Fonds de garantie se prévaut d'un arrêt du 20 juillet 2017 de la Cour de justice de l'Union Européenne, saisie d'une question préjudicielle, qui a retenu que « les nullités d'un contrat d'assurance en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle à la souscription, ou en cas de non déclaration en cours de contrat, sont inopposables aux tiers victimes, de sorte que l'assureur doit prendre en charge les préjudices subis par les tiers victimes et exercer son recours à l'encontre de l'auteur responsable et ce sans intervention du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages » ; qu'en l'occurrence la SA ACM n'a pas opposé la nullité du contrat d'assurance à la victime, la SNCF, qu'elle a indemnisée ; que son action est une action récursoire à l'encontre de son assuré (Mme U... O...) qui ne peut être confondue avec l'action de l'assureur du tiers victime subrogé dans les droits de son propre assuré ; que, dès lors, le Fonds de garantie qui n'a pas vocation à intervenir dans le cadre d'une action récursoire doit, en l'espèce, être mis hors de cause ;
1° ALORS QUE l'assureur, qui agit en nullité du contrat d'assurance souscrit par son assuré et en remboursement des indemnités qu'il a versées à la victime pour le compte de qui il appartiendra, peut demander que la décision soit rendue opposable au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, intervenu volontairement à l'instance ; que la société ACM, qui agissait à titre principal en nullité du contrat d'assurance souscrit par Mme O... et en remboursement par celle-ci des indemnités versées à la victime de l'accident pour le compte de qui il appartiendra, avait demandé que la décision à intervenir soit déclarée opposable au Fonds de garantie intervenu volontairement à l'instance ; qu'en mettant néanmoins hors de cause le Fonds de garantie au motif qu'il n'avait pas vocation à intervenir dans le cadre de l'action récursoire exercée par l'assureur contre son assuré, la cour d'appel a violé les articles L. 211-20 et R. 421-18 du code des assurances, ensemble l'article 4 du code de procédure civile ;
2° ALORS, subsidiairement, QUE le principe selon lequel l'assureur peut, après avoir réglé à la victime des indemnités pour le compte de qui il appartiendra, agir en nullité du contrat d'assurance pour fausse déclaration de l'assuré sur ses antécédents judiciaires et demander que le jugement soit opposable au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages afin que celui-ci prenne en charge solidairement avec l'assuré la charge finale de cette indemnisation, n'est pas contraire aux dispositions de la directive n° 2009/103/CE du 16 septembre 2009 concernant l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l'obligation d'assurer cette responsabilité ; que la cour d'appel, après avoir constaté que la société ACM avait indemnisé la victime pour le compte de qui il appartiendra avant d'agir en nullité du contrat pour fausse déclaration de son assuré, a néanmoins refusé de déclarer son arrêt opposable au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé les articles L. 211-20 et R. 421-18 du code des assurances, tels qu'interprétés à la lumière de la directive susvisée.
Moyen produit au pourvoi incident éventuel par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages.
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir dit que « la société ACM a, à bon droit, prononcé la nullité du contrat d'assurance la liant à Mme U... O... » ;
Aux motifs que « les premier juge a rejeté les prétentions de la société ACM au motif que le document constituant la page 3 du contrat intitulé "déclaration du souscripteur" portant les indications préremplies suivantes : "depuis le 6 janvier 2006, le conducteur désigné : - a fait l'objet d'un procès-verbal de délit de fuite et/ou alcoolémie et/ou usage de stupéfiants ? NON – ou a-t-il été sous le coup d'une annulation ou d'une suspension du permis de conduire de deux mois ou plus ? Non" n'est pas signé de Mme U... O... et ne contient aucune formule d'adhésion ou de déclaration ou d'attestation de sincérité de la part de l'assurée ; que le premier juge a ainsi considéré qu'une telle déclaration était insuffisante pour rapporter la preuve de l'existence d'un questionnaire soumis au souscripteur et ne satisfait pas à l'exigence d'une question précise posée à l'assurée ; que Mme U... O... ne pouvant être considérée comme ayant répondu par la négative aux deux questions susmentionnées, le tribunal a retenu que le défaut de déclaration de la condamnation s'y rapportant ne pouvait être reproché à Mme U... O... ; que néanmoins, au vu des pièces produites, il apparaît que si Mme U... O... n'a pas signé la page 4 du contrat, elle a paraphé cette page comme toutes les autres pages des conditions particulières à l'exception de la dernière (page 5/5) qu'elle a signée, et ce sous la mention suivante : "le souscripteur certifie l'exactitude des renseignements ci-dessous (pages 1 à 5) et reconnaît avoir été informé des conséquences qui pourraient résulter d'une omission ou d'une fausse déclaration (art. L. 113-8 et L. 113-9 du code des assurances" ; que par ailleurs, en page 4 des conditions particulières, figure, dans un unique encadré, le paragraphe suivant : "les questions auxquelles vous avez répondu nous permettent d'apprécier le risque que nous prenons en charge et de tarifer", ce qui ne pouvait qu'attirer l'attention du souscripteur sur l'importance des questions précitées qui lui étaient posées et dont les termes étaient clair et précis ; qu'enfin, en page 5 des conditions particulières, Mme U... O... a reconnu avoir reçu le jour de la souscription un exemplaire des conditions générales du contrat lesquelles précisent en page 43, en gras, les conséquences d'une fausse déclaration et détaillent les modalités selon lesquelles devaient être déclarées en cours de contrat "les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d'aggraver les risques, soit d'en créer de nouveaux, et qui rendent inexactes ou caduques les réponses que vous nous avez faites à la conclusion du contrat et qui sont consignées aux conditions particulières" ; que dès lors, Mme U... O... ne pouvait ignorer l'obligation pesant sur elle de déclarer à son assureur la suspension pendant 6 mois de son permis de conduire résultant de la condamnation dont elle avait fait l'objet le 22 mai 2013 pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique ; que compte tenu de l'évidence et de l'importance de l'aggravation du risque induit pour l'assureur par un conducteur ayant fait l'objet d'une suspension du permis de conduire et ce plus particulièrement pour des faits de conduite sous l'empire d'un état alcoolique, la société ACM est bien fondée, en application des articles L. 113-2 et L. 113-8 du code des assurances à se prévaloir de la nullité du contrat d'assurance la liant à Mme U... O... et à réclamer le remboursement des sommes versées à la victime en indemnisation du préjudice résultant de l'accident du 19 juillet 2014 dont Mme U... O... ne conteste pas être responsable ; qu'il ne peut, en conséquence, ensuite de l'anéantissement rétroactif du contrat d'assurance résultant de sa nullité prononcée par lettre recommandée avec avis de réception du 20 avril 2015, qu'être fait droit à la demande de la société ACM tendant à la condamnation de Mme U... O... à lui payer la somme de 1 425 203,32 euros outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 25 janvier 2016 avec anatocisme conformément aux dispositions de l'article 1343-2 (art. 1154 ancien) du code civil ; que le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a débouté la société ACM de ses demandes » (arrêt, p. 5, § 4 et s.) ;
Alors, d'une part, qu'en cours de contrat, l'assuré n'est tenu de déclarer à l'assureur que les circonstances nouvelles qui rendent caduques les réponses qu'il a apportées aux questions précises posées par ce dernier lors de la conclusion du contrat ; qu'après avoir relevé que l'assureur n'avait posé aucune question à l'assurée sur le point de savoir si cette dernière ait fait l'objet d'une suspension de permis dès lors qu'il s'était borné à lui remettre un formulaire pré-imprimé, la cour d'appel, qui a néanmoins prononcé la nullité du contrat litigieux, faute pour l'assurée d'avoir pas déclaré qu'elle avait fait l'objet d'une suspension de permis en cours de contrat, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 113-2, 3° et L. 113-8 du code des assurances ;
Alors, d'autre part, qu'en cours de contrat, l'assuré n'est tenu de déclarer à l'assureur que les circonstances nouvelles qui rendent caduques les réponses qu'il a apportées aux questions précises posées par ce dernier lors de la conclusion du contrat ; que pour reprocher à l'assurée de n'avoir pas déclaré qu'elle avait fait l'objet d'une suspension de permis en cours de contrat, en relevant l'importance que revêtait une telle information, la cour d'appel s'est déterminée par un motif impropre à caractériser l'obligation de déclaration de l'assurée, violant ainsi les articles L. 113-2, 3° et L. 113-8 du code des assurances.