Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 14 janvier 2020, 19-80.108, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° S 19-80.108 F-D

N° 2859


CK
14 JANVIER 2020


REJET


M. SOULARD président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 JANVIER 2020



Mme K... H..., épouse X..., partie civile, et le Fonds de garantie des assurances obligatoires (FGAO), partie intervenante, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, en date du 24 septembre 2018, qui, dans la procédure suivie contre M. T... A... notamment pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique et conduite d'un véhicule sans assurance a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires en demande, en défense et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de Mme Schneider, conseiller, les observations de la SCP Delvolvé et Trichet et de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocats de Le fonds de garantie, Mme K... H..., épouse X..., partie civile, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 décembre 2019 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Schneider, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre, et M. Bétron, greffier de chambre,



La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 14 mai 2014, à Cerisy-La-Salle (50) une collision a eu lieu entre le véhicule de Mme K... X... et le véhicule conduit par M. T... A..., dans laquelle Mme X... a été blessée.

3.. Le tribunal correctionnel a notamment relaxé M. A... du chef de blessures involontaires, déclaré coupable notamment des chefs de conduite sous l'empire d'un état alcoolique, conduite d'un véhicule sans assurance et l'a condamné à diverses peines, a reçu la constitution de partie civile de Mme X... par application de l'article 470-1 du code de procédure pénale, et a déclaré M. A... responsable à 60 % des préjudices subis, ordonné l'expertise médicale de Mme X... et déclaré le jugement opposable au Fonds de garantie des assurances de dommages obligatoires (FGAO).

3. Par arrêt du 18 mars 2016, la cour d'appel de Caen a confirmé la déclaration de culpabilité et déclaré M. A... entièrement responsable des préjudices subis par les parties civiles. Elle a évoqué l'affaire sur le plan civil, déclaré l'arrêt opposable au FGAO et renvoyé le dossier à une audience ultérieure.

Examen des moyens

Sur le moyen unique proposé pour Mme K... X...

4. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le moyen proposé pour le FGAO

Enoncé du moyen

5. Le moyen est pris de la violation du principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit et des articles 706-3, 591 et 593 du code de procédure pénale.

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué, déclaré opposable au Fonds de garantie, en ce qu'il a condamné M. A... à payer à Mme X... la somme de 306 792,35 euros ;

1°) alors que la victime ne peut se voir allouer en réparation de son préjudice, une somme excédant le préjudice réellement subi ; que ne sont réparées au titre de la perte de gains professionnels futurs que les pertes de revenus professionnels qui sont la conséquence directe de l'infraction, de sorte que ne peut être allouée à ce titre à la victime une somme représentant les salaires qu'elle aurait perçus jusqu'à l'âge de la retraite qu'autant qu'est constatée l'impossibilité pour elle de reprendre la moindre activité professionnelle ; qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait allouer à Mme X... une somme représentant les salaires qu'elle aurait perçus jusqu'à son départ à la retraite, le 1er janvier 2039, au seul motif qu'elle n'était pas apte à reprendre son activité professionnelle dans les conditions antérieures ;

2°) alors, subsidiairement, que la victime ne peut se voir allouer en réparation de son préjudice, une somme excédant le préjudice réellement subi ; que l'indemnisation allouée sur la base d'une impossibilité de reprise d'une activité professionnelle est nécessairement exclusive d'une indemnisation de l'incidence professionnelle au titre des difficultés de reconversion et d'une pénibilité accrue au travail : qu'ainsi la cour d'appel ne pouvait, sans méconnaître le principe de réparation intégrale, allouer la somme de 30 000 euros au titre de l'incidence professionnelle en considération des difficultés de reconversion et pénibilité accrue au travail par suite des séquelles que Mme X... conserve de l'accident, préjudices qui supposent la poursuite d'une activité professionnelle, après avoir indemnisé la perte de gains professionnels futurs sur la base d'une impossibilité de reprendre une activité professionnelle ;

3°) alors, subsidiairement, que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que si le Fonds de garantie proposait une indemnisation de l'incidence professionnelle à hauteur de 30 000 euros, il faisait valoir que cette indemnisation était incompatible avec une indemnisation de la perte de gains professionnels sur la base d'une impossibilité totale de travailler (conclusions d'appel de l'exposant, spé. p. 4, antépénult. § et s.) ; que la cour d'appel ne pouvait dès lors, sans entacher sa décision d'une contradiction de motifs, retenir, après avoir indemnisé la perte de gains professionnels futurs de Mme X... sur la base d'une impossibilité totale de reprise d'activité, que le Fonds de garantie proposait une indemnisation de l'incidence professionnelle à hauteur de 30 000 euros".

Réponse de la Cour

Sur le moyen pris en sa première branche

7. Pour fixer sur la base d'un euro de rente temporaire la perte de gains professionnels futurs de Mme X... pour la période du 1er janvier 2018 au 31 janvier 2039, date de la retraite, l'arrêt attaqué, après avoir relevé que Mme X... ouvrière dans un abattoir, âgée de 41 ans, a souffert de multiples fractures aux vertèbres lombaires , aux côtes , au bassin laquelle risque de s'aggraver, énonce qu'elle a été licenciée pour inaptitude à compter du 4 avril 2017, et que lorsque l'inaptitude, consécutive à l'accident, est à l'origine du licenciement, il suffit de constater que la victime n'est pas apte à reprendre ses activités dans les conditions antérieures sans que cette dernière n'ait à justifier de la recherche d'un emploi compatible avec les préconisations de l'expert médical voire du médecin du travail.

8. En évaluant comme elle l'a fait la perte de gains professionnels futurs et dès lors qu'il résulte de ses constatations que la partie civile n'est plus, depuis la date de consolidation fixée par l'expert, en mesure d'exercer une activité professionnelle dans les conditions antérieures, la cour d'appel a justifié sa décision.

9. Le grief sera écarté.

Sur le moyen pris en ses autres branches

10. Pour fixer l'incidence professionnelle à une certaine somme, l'arrêt attaqué relève que suite à son licenciement pour inaptitude, Mme X... ne peut prétendre reprendre un travail comme celui exercé antérieurement à savoir manutentionnaire ou conditionneuse, le port de charge étant limité de même que la station debout.

11. Les juges en déduisent , après avoir émis un doute sur la reconversion professionnelle , qu'il existe une dévalorisation sur le marché du travail.

12. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel, a justifié sa décision.

13. Ainsi le moyen doit être écarté.

14. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Sur le pourvoi formé par Mme X... :

Le REJETTE

Sur le pourvoi formé par le FGAO :

Le REJETTE ;

FIXE à 2 500 euros la somme que le FGAO devra payer à Mme X... en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze janvier deux mille vingt.ECLI:FR:CCASS:2020:CR02859
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