Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 22 janvier 2020, 17-31.158, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 22 janvier 2020, 17-31.158, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 17-31.158
- ECLI:FR:CCASS:2020:SO00107
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 22 janvier 2020
Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, du 07 novembre 2017- Président
- M. Cathala
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 22 janvier 2020
Cassation partielle
M. CATHALA, président
Arrêt n° 107 FS-P+B
Pourvoi n° U 17-31.158
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 JANVIER 2020
M. E... W..., domicilié [...], a formé le pourvoi n° U 17-31.158 contre l'arrêt rendu le 7 novembre 2017 par la cour d'appel de Nîmes (chambre sociale), dans le litige l'opposant à l'établissement public SNCF mobilités, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [...], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ghestin, avocat de M. W..., de la SCP Colin-Stoclet, avocat de l'établissement SNCF mobilités, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 décembre 2019 où étaient présents M. Cathala, président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Pécaut-Rivolier, Ott, Sommé, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, M. Joly, conseillers référendaires, et Mme Lavigne, greffier de chambre.
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation (Soc., 7 décembre 2016, pourvoi n° 15-21.190), que le 1er décembre 2005, la SNCF, aux droits de laquelle vient l'établissement public industriel et commercial SNCF mobilités, a mis à la retraite d'office M. W... qui, à cette date, remplissait la double condition d'âge et d'ancienneté de service prévue à l'article 7 du règlement des retraites de la SNCF ; que, le 12 juillet 2010, le salarié a saisi la juridiction prud'homale en annulation de sa mise à la retraite d'office, comme constituant une discrimination en raison de l'âge, et en réintégration ;
Sur le premier moyen en ce que celui-ci critique le rejet de la demande du salarié de réintégration et de ses demandes en paiement d'une indemnité arrêtée au 30 septembre 2017 pour perte de revenus, correspondant à la différence entre la rémunération que celui-ci aurait dû percevoir depuis son soixante-cinquième anniversaire s'il était demeuré dans son emploi et la pension de retraite perçue, et d'une indemnité correspondant à cette différence entre le 1er octobre 2017 et la date de réintégration effective :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en réintégration au sein de l'établissement après annulation de sa mise à la retraite d'office et de ses demandes en paiement d'une indemnité arrêtée au 30 septembre 2017 pour perte de revenus, correspondant à la différence entre la rémunération qu'il aurait dû percevoir depuis son soixante-cinquième anniversaire s'il était demeuré dans son emploi et la pension de retraite perçue, ainsi que d'une indemnité correspondant à cette différence entre le 1er octobre 2017 et la date de réintégration effective, alors, selon le moyen :
1°/ que conformément à l'article 17 de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, l'article L. 122-45 ancien puis l'article L. 1132-4 du code du travail ont édicté, à droit constant, qu'est nul toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance du principe de non-discrimination ; qu' après avoir jugé discriminatoire la décision de mise d'office à la retraite de M. W..., la cour d'appel devait en déduire que cette mesure était nulle et, dès lors, accueillir sa demande en réintégration avec effet rétroactif au 1er décembre 2005 ; qu'en décidant, au contraire, que M. W... n'avait droit qu'à réparation du préjudice subi, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l'article 6, § 1, de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, les articles L. 1133-1, L. 1237-5 et L. 3111-1 du code du travail ;
2°/ que l'article 3 de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, relatif au champ d'application, a étendu son champ d'application à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics ; qu' après avoir jugé discriminatoire la décision de mise d'office à la retraite de M. W..., la cour d'appel devait en déduire que cette mesure était nulle et, dès lors, accueillir sa demande en réintégration au sein de la Sncf avec effet rétroactif au 1er décembre 2005 ; qu'en décidant, au contraire, que cette directive ne s'appliquait pas à M. W..., salarié de la Sncf établissement public industriel et commercial, à la date de sa mise en retraite d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l' article 6, § 1, de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, les articles L. 1133-1, L. 1237-5 et L. 3111-1 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, qu'il résulte de l'article L. 122-45 du code du travail, devenu L. 1132-1 et L. 1132-4 du même code, qu'aucun salarié ne peut être licencié en raison de son âge et que toute disposition ou acte contraire à l'égard d'un salarié est nul ; que le salarié dont la rupture du contrat de travail est discriminatoire en raison de l'âge et qui demande sa réintégration a droit à une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait perçue, après déduction des revenus de remplacement, depuis la date de son éviction jusqu'à celle de sa réintégration ; que, toutefois, le salarié qui présente de façon abusive sa demande de réintégration tardivement, n'a droit, au titre de cette nullité, qu'à la rémunération qu'il aurait perçue du jour de sa demande de réintégration à celui de sa réintégration effective ;
Attendu, ensuite, que, aux termes de l'article 1er du décret n° 2010-105 du 28 janvier 2010 relatif à la limite d'âge des agents de la Société nationale des chemins de fer français et de la Régie autonome des transports parisiens, en vigueur à la date à laquelle le salarié a formé sa demande de réintégration, la limite d'âge à laquelle les agents du cadre permanent de la SNCF sont admis à la retraite est fixée à soixante-cinq ans ;
Attendu que l'arrêt fait ressortir que, le 7 novembre 2017, date où celui-ci est rendu, le salarié, né le [...] , était âgé de soixante-sept ans et retient que la mise à la retraite de ce dernier est discriminatoire en raison de l'âge ;
Qu'il en résulte que, le salarié ayant atteint la limite d'âge de soixante-cinq ans, sa demande en réintégration au sein de l'établissement après annulation de sa mise en retraite d'office ainsi que ses demandes en paiement d'une indemnité arrêtée au 30 septembre 2017 pour perte de revenus correspondant à la différence entre la rémunération qu'il aurait dû percevoir s'il était demeuré dans son emploi et la pension de retraite perçue et d'une indemnité correspondant à cette différence entre le 1er octobre 2017 et la date de réintégration effective n'étaient pas fondées ;
Que, par ces motifs, substitués à ceux critiqués après avis donné aux parties, la décision se trouve légalement justifiée ;
Sur le premier moyen en ce que celui-ci critique le rejet de la demande d'indemnisation du préjudice moral et de la demande indemnitaire, correspondant à la différence entre la rémunération que le salarié aurait dû percevoir antérieurement à son soixante-cinquième anniversaire s'il était demeuré dans son emploi et la pension de retraite perçue, et sur le second moyen :
Vu l'article L. 122-45 du code du travail, devenu L. 1132-1 et L. 1132-4 du même code, l'article 1er du décret n° 2010-105, alors applicable, interprétés conformément à l'article 6, § 1, de la directive n° 2000/78/CE, du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;
Attendu qu'il résulte de ces textes qu'aucun salarié ne peut être licencié en raison de son âge et que toute disposition ou acte contraire à l'égard d'un salarié est nul ; que le salarié dont la rupture du contrat de travail est discriminatoire en raison de l'âge et qui demande sa réintégration a droit, lorsque il a atteint l'âge limite visé à l'article 1er du décret n° 2010-105, alors applicable, à une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait perçue, après déduction des revenus de remplacement, depuis la date de son éviction jusqu'à cet âge ; que, toutefois, le salarié qui présente de façon abusive sa demande de réintégration tardivement, n'a droit, au titre de cette nullité, qu'à la rémunération qu'il aurait perçue du jour de la demande de réintégration à celui auquel il a atteint ledit âge ;
Attendu que pour limiter à la somme de 3 000 euros l'indemnité allouée au salarié au titre de sa mise à la retraite d'office discriminatoire en raison de son âge, l'arrêt retient que cette décision apparaît comme une mesure individuelle préjudiciable prise exclusivement en violation du principe général du droit de l'Union de non-discrimination en raison de l'âge, et non du code du travail, dans la mesure où il résulte des articles L. 120-1 et L. 200-1 de ce code en vigueur au jour de la mise à la retraite de l'agent, que les dispositions de l'article L. 122-45, reprenant la directive 2000/78 n'étaient pas applicables aux établissements industriels et commerciaux publics jusqu'à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 applicable à compter du 1er mars 2008, qu'aucune norme n'est utilement invoquée obligeant de prononcer la nullité d'un acte pris en violation d'un principe général du droit communautaire ou d'une norme ou jurisprudence européenne muette sur sa sanction, que M. W... a droit de prétendre à l'indemnisation intégrale du préjudice causé par cette situation, qu'en l'état de l'ensemble des éléments dont il justifie, son préjudice peut être évalué à ladite somme ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu le caractère discriminatoire en raison de l'âge de la mise à la retraite d'office du salarié, la cour d'appel, qui devait appliquer l'article L. 122-45 du code du travail conformément à l'article 6, § 1, de la directive n° 2000/78/CE, du 27 novembre 2000, qui consacre un principe général du droit de l'Union européenne, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à la somme de 3 000 euros le montant de l'indemnisation de la mise à la retraite discriminatoire de M. W..., l'arrêt rendu le 7 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne l'établissement public SNCF mobilités aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'établissement public SNCF mobilités à payer à M. W... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour M. W....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à la Cour d'appel d'Aix-En-Provence d'avoir débouté M. W... de sa demande en réintégration au sein de la Sncf Mobilités avec effet rétroactif au 1er décembre 2005 après annulation de sa mise en retraite d'office et, en conséquence, de ses demandes en paiement d'une indemnité de 182 076,78 € arrêtée au 30 septembre 2007 pour perte de revenus correspondant à la différence entre la rémunération qu'il aurait dû percevoir s'il était demeuré dans son emploi et la pension de retraite perçue, d'une indemnité correspondant à cette différence entre le 1er octobre 2017 et la date de sa réintégration effective et d'une indemnité de 10 000 € au titre de son préjudice moral;
AUX MOTIFS QU'il est de principe, en droit, que si des dispositions réglementaires autorisant, à certaines conditions, la mise en retraite d'un salarié à un âge donné peuvent ne pas constituer, par elles-mêmes, une discrimination prohibée, il n'en résulte pas que la décision de l'employeur de faire usage de la faculté de mettre à la retraite un salarié déterminé est nécessairement dépourvue de caractère discriminatoire, l'employeur devant justifier que la mesure répond aux exigences de la directive consacrant un principe général du droit de l'Union; qu'en l'espèce, la décision de mettre à la retraite M. W... a été prise sur le fondement de l'article 2 du décret n° 54-24 du 9 janvier 1954 par lequel la Sncf peut prononcer d'office l'admission à la retraite de ses agents remplissant la double condition d'âge et d'ancienneté de service prévue par l'article 7 du règlement des retraites de la Sncf RH0828, soit à 55 ans pour les agents sédentaires ayant comptabilisé vingt-cinq années de service et pouvant bénéficier d'une pension de retraite normale ; qu'il est nécessaire de s'assurer que l'application de ces dispositions à M. W... respecte les exigences des normes européennes non utilement contestées – pré-existantes et donc sans rétroactivité au regard de la mise en retraite de l'appelant – notamment celles de la directive européenne n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 et plus particulièrement de son article 6 sur la discrimination, ainsi que la jurisprudence européenne applicable en la matière ; que la Sncf à qui il incombe à ce titre la preuve de démontrer que la différence de traitement appliquée à M. W..., fondée sur l'âge de 55 ans qu'il a atteinte le 10 octobre 2005 par comparaison avec les autres salariés de la Sncf, est justifiée par un objectif légitime et que le moyen utilisé pour réaliser cet objectif, à savoir la décision individuelle de mise à la retraite d'office à l'égard de celui qui avait manifesté sa volonté de poursuivre son activité, est appropriée et nécessaire ; que la Sncf invoquait initialement l'objectif de lui permettre « d'adapter ses effectifs à l'évolution du contexte dans lequel elle se situe » et alléguait que la mise en retraite de M. W... constitue une mesure destinée à « apporter à l'entreprise publique une souplesse durable dans la gestion de ses effectifs, en fonction de l'évolution de son organisation et de son activité » ; que cet objectif général d'adaptation de la masse salariale à l'évolution du contexte et à l'évolution de l'organisation et de l'activité de l'entreprise, qui est commun aux entreprises du secteur privé dans lesquelles la mise en retraite n'est autorisée qu'à partir de 65 ans, ne saurait en soi de façon générale et abstraite caractériser le motif légitime permettant la dérogation au principe de non-discrimination ; que la généralité de ce motif ne permettant pas de la rattacher à la politique sociale, politique de l'emploi, du marché du travail ou de la formation professionnelle propre à l'entreprise et susceptible d'expliquer la mesure individuelle de mise à la retraite d'office, l'employeur fait désormais valoir, pour la première fois devant la présente cour, la nécessité de limiter la charge financière liée au nombre d'agents, de favoriser l'embauche et la promotion des plus jeunes, ainsi que le déroulement de carrière ; qu'en fin de procédure, à proximité de l'audience, la Sncf a conclu en invoquant un objectif sensiblement différent que celui initialement formulé, en mettant en exergue désormais, la nécessité de limiter la charge financière liée au nombre d'agents, de favoriser l'embauche et la promotion des plus jeunes, ainsi que le déroulement de carrière ; qu'elle se prévaut ainsi par adaptation de son argumentation, d'une jurisprudence de la Cour de cassation qu'elle cite, qu'elle explicite et qui initie désormais manifestement in fine sa posture procédurale et ses allégations ; qu'à défaut de précision de tels objectifs dans le décret n° 54-24 du 9 janvier 1954 ou dans le règlement des retraites de la Sncf RH0828 en cause, il y a lieu de rechercher les éléments tirés du contexte général de la mesure concernée permettant l'identification de ceux-ci aux fins de contrôler leur légitimité ainsi que le caractère approprié et nécessaire des moyens mis en oeuvre pour les réaliser ; or la Sncf qui procède par simples affirmations à ce titre ne produit aucun élément permettant d'étayer ses allégations selon lesquelles la mise en retraite d'office du salarié est justifiée par un objectif légitime au terme d'une analyse ou de documents établis au préalable établis au préalable de la mise en retraite du salarié ; que dans ces conditions la décision de mise d'office à la retraite de M. W... du 20 avril 2005 apparaît comme une mesure individuelle préjudiciable prise exclusivement en violation du principe général du droit communautaire de non discrimination en raison de l'âge, et non du code du travail, dans la mesure où il résulte de la combinaison des articles L. 1201 et L. 200-1 de ce code en vigueur au jour de la mise en retraite de l'agent, que les dispositions de l'article L. 122-45 du même code, aujourd'hui codifiées sous l'article L. 1132-1 reprenant la directive 2000/78/CE, n'étaient pas applicables aux établissements industriels et commerciaux publics jusqu'à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 applicable à compter du 1er mars 2008 ; qu'aucune norme n'est utilement invoquée obligeant de prononcer la nullité d'un acte pris en violation d'un principe général du droit communautaire ou d'une norme ou d'une jurisprudence communautaire muette sur sa sanction ; que M. W... qui demande l'annulation de sa mise en retraite, n'a droit de prétendre qu'à l'indemnisation intégrale du préjudice causé par cette situation ;
1/ ALORS QUE conformément à l'article 17 de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, l'article L. 122-45 ancien puis l'article L. 1132-4 du code du travail ont édicté, à droit constant, qu'est nul toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance du principe de non-discrimination; qu' après avoir jugé discriminatoire la décision de mise d'office à la retraite de M. W..., la cour d'appel devait en déduire que cette mesure était nulle et, dès lors, accueillir sa demande en réintégration avec effet rétroactif au 1er décembre 2005; qu'en décidant, au contraire, que M. W... n'avait droit qu'à réparation du préjudice subi, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l' article 6, § 1, de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, les articles L. 1133-1, L. 1237-5 et L. 3111-1 du code du travail ;
2/ ET ALORS QUE l'article 3 de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, relatif au champ d'application, a étendu à son champ d'application à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics ; qu' après avoir jugé discriminatoire la décision de mise d'office à la retraite de M. W..., la cour d'appel devait en déduire que cette mesure était nulle et, dès lors, accueillir sa demande en réintégration au sein de la Sncf avec effet rétroactif au 1er décembre 2005; qu'en décidant, au contraire, que cette directive ne s'appliquait pas à M. W... salarié de la Sncf établissement public industriel et commercial à la date de sa mise en retraite d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l' article 6, § 1, de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, les articles L. 1133-1, L. 1237-5 et L. 3111-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à la Cour d'appel de Nîmes d'avoir limité à la somme de 3 000 € le montant de la réparation due par la Sncf Mobilités à M. W... pour violation du principe général du droit communautaire de non-discrimination en raison de l'âge ;
AUX MOTIFS QUE le préjudice de M. W... doit tenir compte, ainsi que le rappelle son employeur et que lui-même connaît d'autant mieux qu'il travaillait en ce service de retraite et de prévoyance comme cadre Sncf, que le salarié au statut dérogatoire a pu de nombreuses années bénéficier de revenus conséquents sans assurer le moindre travail et tirer bénéfice d'un régime spécial de retraite Sncf avec notamment carrière courte de 32 ans 8 mois, retraite majorée en pourcentage à 65,43 %, majoration de retraite à compter du deuxième enfant, base de calcul sur la rémunération des 6 derniers mois ; que le salarié a pu même un temps cumuler sa retraite avec les allocations de chômage du régime spécifique Sncf au terme d'une procédure menée avec succès jusqu'à la Cour de cassation(Soc. 25 janvier 2012, 10-19135) dont il ne dit singulièrement rien ; qu'il est à remarquer aussi qu'il n'est justifié au dossier et même allégué aucune recherche de travail ou démarche quelconque du salarié à compter de sa mise à la retraite ou a fortiori depuis le commencement de la présente procédure ; que s'il ne peut être tenu comme auteur d'un abus de droit d'avoir tardivement engagé son action en contestation de sa mise en retraite, cette considération est une composante de l'appréciation de son préjudice ; que le préjudice de M. W... en l'état de l'ensemble des éléments dont il justifie réellement peut être évalué à 3 000 € ;
1/ ALORS QUE la réparation doit être intégrale ; qu'après avoir constaté que M. W... avait fait l'objet d'une mesure de mise en retraite d'office, qui présentait un caractère discriminatoire, la cour d'appel devait assurer la réparation intégrale du préjudice qui en résultait; qu'en réduisant le montant de la réparation au regard de droits dont il avait pu bénéficier en application du statut du personnel de la Sncf en matière d'emploi, de retraite et de chômage, la cour d'appel a violé les articles 6, § 1, de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, L. 1132-1, L. 1133-1, L. 1237-5 et L. 3111-1 du code du travail ;
2/ET ALORS QU'après avoir considéré que M. W... ne pouvait « être tenu comme auteur d'un abus de droit d'avoir tardivement engagé son action en contestation de sa mise en retraite », la cour d'appel a ajouté que « cette considération est une composante de l'appréciation de son préjudice » ; qu'en faisant produire ses effets au prétendu abus de droit qu'elle avait écarté, ce qui a privé M. W... de son droit à réparation intégrale, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 1382 devenu l'article 1240 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2020:SO00107
SOC.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 22 janvier 2020
Cassation partielle
M. CATHALA, président
Arrêt n° 107 FS-P+B
Pourvoi n° U 17-31.158
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 JANVIER 2020
M. E... W..., domicilié [...], a formé le pourvoi n° U 17-31.158 contre l'arrêt rendu le 7 novembre 2017 par la cour d'appel de Nîmes (chambre sociale), dans le litige l'opposant à l'établissement public SNCF mobilités, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [...], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ghestin, avocat de M. W..., de la SCP Colin-Stoclet, avocat de l'établissement SNCF mobilités, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 décembre 2019 où étaient présents M. Cathala, président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Pécaut-Rivolier, Ott, Sommé, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, M. Joly, conseillers référendaires, et Mme Lavigne, greffier de chambre.
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation (Soc., 7 décembre 2016, pourvoi n° 15-21.190), que le 1er décembre 2005, la SNCF, aux droits de laquelle vient l'établissement public industriel et commercial SNCF mobilités, a mis à la retraite d'office M. W... qui, à cette date, remplissait la double condition d'âge et d'ancienneté de service prévue à l'article 7 du règlement des retraites de la SNCF ; que, le 12 juillet 2010, le salarié a saisi la juridiction prud'homale en annulation de sa mise à la retraite d'office, comme constituant une discrimination en raison de l'âge, et en réintégration ;
Sur le premier moyen en ce que celui-ci critique le rejet de la demande du salarié de réintégration et de ses demandes en paiement d'une indemnité arrêtée au 30 septembre 2017 pour perte de revenus, correspondant à la différence entre la rémunération que celui-ci aurait dû percevoir depuis son soixante-cinquième anniversaire s'il était demeuré dans son emploi et la pension de retraite perçue, et d'une indemnité correspondant à cette différence entre le 1er octobre 2017 et la date de réintégration effective :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en réintégration au sein de l'établissement après annulation de sa mise à la retraite d'office et de ses demandes en paiement d'une indemnité arrêtée au 30 septembre 2017 pour perte de revenus, correspondant à la différence entre la rémunération qu'il aurait dû percevoir depuis son soixante-cinquième anniversaire s'il était demeuré dans son emploi et la pension de retraite perçue, ainsi que d'une indemnité correspondant à cette différence entre le 1er octobre 2017 et la date de réintégration effective, alors, selon le moyen :
1°/ que conformément à l'article 17 de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, l'article L. 122-45 ancien puis l'article L. 1132-4 du code du travail ont édicté, à droit constant, qu'est nul toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance du principe de non-discrimination ; qu' après avoir jugé discriminatoire la décision de mise d'office à la retraite de M. W..., la cour d'appel devait en déduire que cette mesure était nulle et, dès lors, accueillir sa demande en réintégration avec effet rétroactif au 1er décembre 2005 ; qu'en décidant, au contraire, que M. W... n'avait droit qu'à réparation du préjudice subi, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l'article 6, § 1, de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, les articles L. 1133-1, L. 1237-5 et L. 3111-1 du code du travail ;
2°/ que l'article 3 de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, relatif au champ d'application, a étendu son champ d'application à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics ; qu' après avoir jugé discriminatoire la décision de mise d'office à la retraite de M. W..., la cour d'appel devait en déduire que cette mesure était nulle et, dès lors, accueillir sa demande en réintégration au sein de la Sncf avec effet rétroactif au 1er décembre 2005 ; qu'en décidant, au contraire, que cette directive ne s'appliquait pas à M. W..., salarié de la Sncf établissement public industriel et commercial, à la date de sa mise en retraite d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l' article 6, § 1, de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, les articles L. 1133-1, L. 1237-5 et L. 3111-1 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, qu'il résulte de l'article L. 122-45 du code du travail, devenu L. 1132-1 et L. 1132-4 du même code, qu'aucun salarié ne peut être licencié en raison de son âge et que toute disposition ou acte contraire à l'égard d'un salarié est nul ; que le salarié dont la rupture du contrat de travail est discriminatoire en raison de l'âge et qui demande sa réintégration a droit à une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait perçue, après déduction des revenus de remplacement, depuis la date de son éviction jusqu'à celle de sa réintégration ; que, toutefois, le salarié qui présente de façon abusive sa demande de réintégration tardivement, n'a droit, au titre de cette nullité, qu'à la rémunération qu'il aurait perçue du jour de sa demande de réintégration à celui de sa réintégration effective ;
Attendu, ensuite, que, aux termes de l'article 1er du décret n° 2010-105 du 28 janvier 2010 relatif à la limite d'âge des agents de la Société nationale des chemins de fer français et de la Régie autonome des transports parisiens, en vigueur à la date à laquelle le salarié a formé sa demande de réintégration, la limite d'âge à laquelle les agents du cadre permanent de la SNCF sont admis à la retraite est fixée à soixante-cinq ans ;
Attendu que l'arrêt fait ressortir que, le 7 novembre 2017, date où celui-ci est rendu, le salarié, né le [...] , était âgé de soixante-sept ans et retient que la mise à la retraite de ce dernier est discriminatoire en raison de l'âge ;
Qu'il en résulte que, le salarié ayant atteint la limite d'âge de soixante-cinq ans, sa demande en réintégration au sein de l'établissement après annulation de sa mise en retraite d'office ainsi que ses demandes en paiement d'une indemnité arrêtée au 30 septembre 2017 pour perte de revenus correspondant à la différence entre la rémunération qu'il aurait dû percevoir s'il était demeuré dans son emploi et la pension de retraite perçue et d'une indemnité correspondant à cette différence entre le 1er octobre 2017 et la date de réintégration effective n'étaient pas fondées ;
Que, par ces motifs, substitués à ceux critiqués après avis donné aux parties, la décision se trouve légalement justifiée ;
Sur le premier moyen en ce que celui-ci critique le rejet de la demande d'indemnisation du préjudice moral et de la demande indemnitaire, correspondant à la différence entre la rémunération que le salarié aurait dû percevoir antérieurement à son soixante-cinquième anniversaire s'il était demeuré dans son emploi et la pension de retraite perçue, et sur le second moyen :
Vu l'article L. 122-45 du code du travail, devenu L. 1132-1 et L. 1132-4 du même code, l'article 1er du décret n° 2010-105, alors applicable, interprétés conformément à l'article 6, § 1, de la directive n° 2000/78/CE, du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;
Attendu qu'il résulte de ces textes qu'aucun salarié ne peut être licencié en raison de son âge et que toute disposition ou acte contraire à l'égard d'un salarié est nul ; que le salarié dont la rupture du contrat de travail est discriminatoire en raison de l'âge et qui demande sa réintégration a droit, lorsque il a atteint l'âge limite visé à l'article 1er du décret n° 2010-105, alors applicable, à une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait perçue, après déduction des revenus de remplacement, depuis la date de son éviction jusqu'à cet âge ; que, toutefois, le salarié qui présente de façon abusive sa demande de réintégration tardivement, n'a droit, au titre de cette nullité, qu'à la rémunération qu'il aurait perçue du jour de la demande de réintégration à celui auquel il a atteint ledit âge ;
Attendu que pour limiter à la somme de 3 000 euros l'indemnité allouée au salarié au titre de sa mise à la retraite d'office discriminatoire en raison de son âge, l'arrêt retient que cette décision apparaît comme une mesure individuelle préjudiciable prise exclusivement en violation du principe général du droit de l'Union de non-discrimination en raison de l'âge, et non du code du travail, dans la mesure où il résulte des articles L. 120-1 et L. 200-1 de ce code en vigueur au jour de la mise à la retraite de l'agent, que les dispositions de l'article L. 122-45, reprenant la directive 2000/78 n'étaient pas applicables aux établissements industriels et commerciaux publics jusqu'à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 applicable à compter du 1er mars 2008, qu'aucune norme n'est utilement invoquée obligeant de prononcer la nullité d'un acte pris en violation d'un principe général du droit communautaire ou d'une norme ou jurisprudence européenne muette sur sa sanction, que M. W... a droit de prétendre à l'indemnisation intégrale du préjudice causé par cette situation, qu'en l'état de l'ensemble des éléments dont il justifie, son préjudice peut être évalué à ladite somme ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu le caractère discriminatoire en raison de l'âge de la mise à la retraite d'office du salarié, la cour d'appel, qui devait appliquer l'article L. 122-45 du code du travail conformément à l'article 6, § 1, de la directive n° 2000/78/CE, du 27 novembre 2000, qui consacre un principe général du droit de l'Union européenne, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à la somme de 3 000 euros le montant de l'indemnisation de la mise à la retraite discriminatoire de M. W..., l'arrêt rendu le 7 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne l'établissement public SNCF mobilités aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'établissement public SNCF mobilités à payer à M. W... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour M. W....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à la Cour d'appel d'Aix-En-Provence d'avoir débouté M. W... de sa demande en réintégration au sein de la Sncf Mobilités avec effet rétroactif au 1er décembre 2005 après annulation de sa mise en retraite d'office et, en conséquence, de ses demandes en paiement d'une indemnité de 182 076,78 € arrêtée au 30 septembre 2007 pour perte de revenus correspondant à la différence entre la rémunération qu'il aurait dû percevoir s'il était demeuré dans son emploi et la pension de retraite perçue, d'une indemnité correspondant à cette différence entre le 1er octobre 2017 et la date de sa réintégration effective et d'une indemnité de 10 000 € au titre de son préjudice moral;
AUX MOTIFS QU'il est de principe, en droit, que si des dispositions réglementaires autorisant, à certaines conditions, la mise en retraite d'un salarié à un âge donné peuvent ne pas constituer, par elles-mêmes, une discrimination prohibée, il n'en résulte pas que la décision de l'employeur de faire usage de la faculté de mettre à la retraite un salarié déterminé est nécessairement dépourvue de caractère discriminatoire, l'employeur devant justifier que la mesure répond aux exigences de la directive consacrant un principe général du droit de l'Union; qu'en l'espèce, la décision de mettre à la retraite M. W... a été prise sur le fondement de l'article 2 du décret n° 54-24 du 9 janvier 1954 par lequel la Sncf peut prononcer d'office l'admission à la retraite de ses agents remplissant la double condition d'âge et d'ancienneté de service prévue par l'article 7 du règlement des retraites de la Sncf RH0828, soit à 55 ans pour les agents sédentaires ayant comptabilisé vingt-cinq années de service et pouvant bénéficier d'une pension de retraite normale ; qu'il est nécessaire de s'assurer que l'application de ces dispositions à M. W... respecte les exigences des normes européennes non utilement contestées – pré-existantes et donc sans rétroactivité au regard de la mise en retraite de l'appelant – notamment celles de la directive européenne n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 et plus particulièrement de son article 6 sur la discrimination, ainsi que la jurisprudence européenne applicable en la matière ; que la Sncf à qui il incombe à ce titre la preuve de démontrer que la différence de traitement appliquée à M. W..., fondée sur l'âge de 55 ans qu'il a atteinte le 10 octobre 2005 par comparaison avec les autres salariés de la Sncf, est justifiée par un objectif légitime et que le moyen utilisé pour réaliser cet objectif, à savoir la décision individuelle de mise à la retraite d'office à l'égard de celui qui avait manifesté sa volonté de poursuivre son activité, est appropriée et nécessaire ; que la Sncf invoquait initialement l'objectif de lui permettre « d'adapter ses effectifs à l'évolution du contexte dans lequel elle se situe » et alléguait que la mise en retraite de M. W... constitue une mesure destinée à « apporter à l'entreprise publique une souplesse durable dans la gestion de ses effectifs, en fonction de l'évolution de son organisation et de son activité » ; que cet objectif général d'adaptation de la masse salariale à l'évolution du contexte et à l'évolution de l'organisation et de l'activité de l'entreprise, qui est commun aux entreprises du secteur privé dans lesquelles la mise en retraite n'est autorisée qu'à partir de 65 ans, ne saurait en soi de façon générale et abstraite caractériser le motif légitime permettant la dérogation au principe de non-discrimination ; que la généralité de ce motif ne permettant pas de la rattacher à la politique sociale, politique de l'emploi, du marché du travail ou de la formation professionnelle propre à l'entreprise et susceptible d'expliquer la mesure individuelle de mise à la retraite d'office, l'employeur fait désormais valoir, pour la première fois devant la présente cour, la nécessité de limiter la charge financière liée au nombre d'agents, de favoriser l'embauche et la promotion des plus jeunes, ainsi que le déroulement de carrière ; qu'en fin de procédure, à proximité de l'audience, la Sncf a conclu en invoquant un objectif sensiblement différent que celui initialement formulé, en mettant en exergue désormais, la nécessité de limiter la charge financière liée au nombre d'agents, de favoriser l'embauche et la promotion des plus jeunes, ainsi que le déroulement de carrière ; qu'elle se prévaut ainsi par adaptation de son argumentation, d'une jurisprudence de la Cour de cassation qu'elle cite, qu'elle explicite et qui initie désormais manifestement in fine sa posture procédurale et ses allégations ; qu'à défaut de précision de tels objectifs dans le décret n° 54-24 du 9 janvier 1954 ou dans le règlement des retraites de la Sncf RH0828 en cause, il y a lieu de rechercher les éléments tirés du contexte général de la mesure concernée permettant l'identification de ceux-ci aux fins de contrôler leur légitimité ainsi que le caractère approprié et nécessaire des moyens mis en oeuvre pour les réaliser ; or la Sncf qui procède par simples affirmations à ce titre ne produit aucun élément permettant d'étayer ses allégations selon lesquelles la mise en retraite d'office du salarié est justifiée par un objectif légitime au terme d'une analyse ou de documents établis au préalable établis au préalable de la mise en retraite du salarié ; que dans ces conditions la décision de mise d'office à la retraite de M. W... du 20 avril 2005 apparaît comme une mesure individuelle préjudiciable prise exclusivement en violation du principe général du droit communautaire de non discrimination en raison de l'âge, et non du code du travail, dans la mesure où il résulte de la combinaison des articles L. 1201 et L. 200-1 de ce code en vigueur au jour de la mise en retraite de l'agent, que les dispositions de l'article L. 122-45 du même code, aujourd'hui codifiées sous l'article L. 1132-1 reprenant la directive 2000/78/CE, n'étaient pas applicables aux établissements industriels et commerciaux publics jusqu'à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 applicable à compter du 1er mars 2008 ; qu'aucune norme n'est utilement invoquée obligeant de prononcer la nullité d'un acte pris en violation d'un principe général du droit communautaire ou d'une norme ou d'une jurisprudence communautaire muette sur sa sanction ; que M. W... qui demande l'annulation de sa mise en retraite, n'a droit de prétendre qu'à l'indemnisation intégrale du préjudice causé par cette situation ;
1/ ALORS QUE conformément à l'article 17 de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, l'article L. 122-45 ancien puis l'article L. 1132-4 du code du travail ont édicté, à droit constant, qu'est nul toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance du principe de non-discrimination; qu' après avoir jugé discriminatoire la décision de mise d'office à la retraite de M. W..., la cour d'appel devait en déduire que cette mesure était nulle et, dès lors, accueillir sa demande en réintégration avec effet rétroactif au 1er décembre 2005; qu'en décidant, au contraire, que M. W... n'avait droit qu'à réparation du préjudice subi, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l' article 6, § 1, de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, les articles L. 1133-1, L. 1237-5 et L. 3111-1 du code du travail ;
2/ ET ALORS QUE l'article 3 de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, relatif au champ d'application, a étendu à son champ d'application à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics ; qu' après avoir jugé discriminatoire la décision de mise d'office à la retraite de M. W..., la cour d'appel devait en déduire que cette mesure était nulle et, dès lors, accueillir sa demande en réintégration au sein de la Sncf avec effet rétroactif au 1er décembre 2005; qu'en décidant, au contraire, que cette directive ne s'appliquait pas à M. W... salarié de la Sncf établissement public industriel et commercial à la date de sa mise en retraite d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l' article 6, § 1, de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, les articles L. 1133-1, L. 1237-5 et L. 3111-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à la Cour d'appel de Nîmes d'avoir limité à la somme de 3 000 € le montant de la réparation due par la Sncf Mobilités à M. W... pour violation du principe général du droit communautaire de non-discrimination en raison de l'âge ;
AUX MOTIFS QUE le préjudice de M. W... doit tenir compte, ainsi que le rappelle son employeur et que lui-même connaît d'autant mieux qu'il travaillait en ce service de retraite et de prévoyance comme cadre Sncf, que le salarié au statut dérogatoire a pu de nombreuses années bénéficier de revenus conséquents sans assurer le moindre travail et tirer bénéfice d'un régime spécial de retraite Sncf avec notamment carrière courte de 32 ans 8 mois, retraite majorée en pourcentage à 65,43 %, majoration de retraite à compter du deuxième enfant, base de calcul sur la rémunération des 6 derniers mois ; que le salarié a pu même un temps cumuler sa retraite avec les allocations de chômage du régime spécifique Sncf au terme d'une procédure menée avec succès jusqu'à la Cour de cassation(Soc. 25 janvier 2012, 10-19135) dont il ne dit singulièrement rien ; qu'il est à remarquer aussi qu'il n'est justifié au dossier et même allégué aucune recherche de travail ou démarche quelconque du salarié à compter de sa mise à la retraite ou a fortiori depuis le commencement de la présente procédure ; que s'il ne peut être tenu comme auteur d'un abus de droit d'avoir tardivement engagé son action en contestation de sa mise en retraite, cette considération est une composante de l'appréciation de son préjudice ; que le préjudice de M. W... en l'état de l'ensemble des éléments dont il justifie réellement peut être évalué à 3 000 € ;
1/ ALORS QUE la réparation doit être intégrale ; qu'après avoir constaté que M. W... avait fait l'objet d'une mesure de mise en retraite d'office, qui présentait un caractère discriminatoire, la cour d'appel devait assurer la réparation intégrale du préjudice qui en résultait; qu'en réduisant le montant de la réparation au regard de droits dont il avait pu bénéficier en application du statut du personnel de la Sncf en matière d'emploi, de retraite et de chômage, la cour d'appel a violé les articles 6, § 1, de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, L. 1132-1, L. 1133-1, L. 1237-5 et L. 3111-1 du code du travail ;
2/ET ALORS QU'après avoir considéré que M. W... ne pouvait « être tenu comme auteur d'un abus de droit d'avoir tardivement engagé son action en contestation de sa mise en retraite », la cour d'appel a ajouté que « cette considération est une composante de l'appréciation de son préjudice » ; qu'en faisant produire ses effets au prétendu abus de droit qu'elle avait écarté, ce qui a privé M. W... de son droit à réparation intégrale, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 1382 devenu l'article 1240 du code civil.