Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 8 janvier 2020, 19-82.385, Inédit
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 8 janvier 2020, 19-82.385, Inédit
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 19-82.385
- ECLI:FR:CCASS:2020:CR02811
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du mercredi 08 janvier 2020
Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, du 08 mars 2019- Président
- M. Soulard (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° S 19-82.385 F-D
N° 2811
SM12
8 JANVIER 2020
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 8 JANVIER 2020
Mme W... D..., partie civile, M. J... D..., partie civile, Mme O... P... D... , partie civile ont formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 1re section, en date du 8 mars 2019, qui, dans l'information suivie contre M. F... L... et autres, des chefs notamment d'assassinats et de tentative d'assassinat en bande organisée en relation avec une entreprise terroriste, séquestration, sans libération volontaire avant le 7ème jour, en vue de préparer ou faciliter la commission d'un crime ou d'un délit, commise en bande organisée, en relation avec une entreprise terroriste, direction ou organisation d'une association de malfaiteurs terroristes en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes d'atteintes aux personnes, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable leur constitution de partie civile ;
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Moreau, conseiller, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de Mme W... D..., partie civile, M. J... D..., partie civile, Mme O... P... D... , partie civile, et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 novembre 2019 où étaient présents M. Soulard, président, M. Moreau, conseiller rapporteur, Mme Drai, conseiller de la chambre, et Mme Darcheux, greffier de chambre,
La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 87, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale,
"en ce que l'arrêt attaqué a dit les appels de M. J... D..., Mmes U... et W... D... mal fondés et a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant déclaré irrecevable la constitution de partie civile de M. J... D..., Mmes U... et W... D... ;
" 1°) alors que, pour qu'une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possibles l'existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale ; que les proches de la victime d'une infraction sont recevables à rapporter la preuve d'un dommage dont ils ont personnellement souffert et découlant des faits, objet de la poursuite ; que dès lors, en excluant, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile de M. J... D..., Mmes U... et W... D..., l'existence d'un lien de causalité direct entre les crimes perpétrés au bar « La Belle équipe » le 13 novembre 2015 et le préjudice personnellement subi par les consorts D..., consécutivement au grave traumatisme subi par leur fille et soeur, Mme E... D..., présente au bar « La Belle équipe » lors de l'attentat le 13 novembre 2015 et dont plusieurs amis sont décédés, cependant que la tentative d'assassinat en bande organisée en relation avec une entreprise terroriste, dont Mme E... D... a été victime, était de nature à causer à ses parents et à sa soeur un préjudice direct et personnel, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;
" 2°) alors que, pour qu'une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possibles l'existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale ; que les proches de la victime d'une infraction sont recevables à rapporter la preuve d'un dommage dont ils ont personnellement souffert et découlant des faits, objet de la poursuite ; que dès lors, en excluant l'existence d'un lien de causalité direct entre les crimes perpétrés et le préjudice personnellement subi par les consorts D... au motif inopérant qu'« ils n'étaient pas présents lors de la commission des faits » , la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 3°) alors que, tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en affirmant que « les circonstances des faits excluent l'existence d'un lien de causalité direct entre les crimes perpétrés au bar « La Belle Equipe » et les dommages psychiques dont ils font état », sans préciser les « circonstances des faits » auxquelles elle se référait, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;
Vu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale et 593 dudit code ;
Attendu qu'il résulte des deux premiers textes que les proches de la victime d'une infraction sont recevables à rapporter la preuve d'un dommage dont ils ont personnellement souffert et qui découle des faits objets de la poursuite ;
Attendu que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 13 novembre 2015 à 21h36, [...] , Mme E... D... était présente à la brasserie "La Belle Equipe" pour fêter l'anniversaire d'une amie quand deux hommes descendus d'une berline noire ont tiré sur les clients de la terrasse de l'établissement provoquant la mort de vingt personnes et de nombreux blessés ; qu'elle s'est constituée partie civile dans l'information suivie des chefs notamment d'assassinats en relation avec une entreprise terroriste et tentatives ; que le 27 avril 2017, M. J... D..., Mme O... D... et Mme W... D..., père, mère et soeur de la victime, se sont constitués partie civile en faisant valoir leur préjudice résultant du syndrome post-traumatique subi par leur fille et soeur ; que, par ordonnance du 4 juillet 2018, le juge d'instruction a déclaré irrecevable leur constitution de partie civile en relevant que ceux-ci n'étaient pas les victimes directes de ces faits ; que les consorts D... ont interjeté appel de cette décision ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance entreprise, l'arrêt retient que, s'il est indéniable que les consorts D... ont personnellement souffert du grave traumatisme subi par la victime présente au bar "La Belle Equipe" au moment de la commission de l'attentat, et dont plusieurs de ses amis sont décédés, ils n'étaient pas présents lors de la commission des faits et que les circonstances des faits excluaient l'existence d'un lien de causalité direct entre les crimes perpétrés au bar "La Belle Equipe" et les dommages psychiques dont ils font état ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que, pour qu'une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possibles l'existence d'un préjudice personnel et direct et sa relation directe avec une infraction à la loi pénale, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 8 mars 2019, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit janvier deux mille vingt.ECLI:FR:CCASS:2020:CR02811
N° S 19-82.385 F-D
N° 2811
SM12
8 JANVIER 2020
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 8 JANVIER 2020
Mme W... D..., partie civile, M. J... D..., partie civile, Mme O... P... D... , partie civile ont formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 1re section, en date du 8 mars 2019, qui, dans l'information suivie contre M. F... L... et autres, des chefs notamment d'assassinats et de tentative d'assassinat en bande organisée en relation avec une entreprise terroriste, séquestration, sans libération volontaire avant le 7ème jour, en vue de préparer ou faciliter la commission d'un crime ou d'un délit, commise en bande organisée, en relation avec une entreprise terroriste, direction ou organisation d'une association de malfaiteurs terroristes en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes d'atteintes aux personnes, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable leur constitution de partie civile ;
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Moreau, conseiller, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de Mme W... D..., partie civile, M. J... D..., partie civile, Mme O... P... D... , partie civile, et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 novembre 2019 où étaient présents M. Soulard, président, M. Moreau, conseiller rapporteur, Mme Drai, conseiller de la chambre, et Mme Darcheux, greffier de chambre,
La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 87, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale,
"en ce que l'arrêt attaqué a dit les appels de M. J... D..., Mmes U... et W... D... mal fondés et a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant déclaré irrecevable la constitution de partie civile de M. J... D..., Mmes U... et W... D... ;
" 1°) alors que, pour qu'une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possibles l'existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale ; que les proches de la victime d'une infraction sont recevables à rapporter la preuve d'un dommage dont ils ont personnellement souffert et découlant des faits, objet de la poursuite ; que dès lors, en excluant, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile de M. J... D..., Mmes U... et W... D..., l'existence d'un lien de causalité direct entre les crimes perpétrés au bar « La Belle équipe » le 13 novembre 2015 et le préjudice personnellement subi par les consorts D..., consécutivement au grave traumatisme subi par leur fille et soeur, Mme E... D..., présente au bar « La Belle équipe » lors de l'attentat le 13 novembre 2015 et dont plusieurs amis sont décédés, cependant que la tentative d'assassinat en bande organisée en relation avec une entreprise terroriste, dont Mme E... D... a été victime, était de nature à causer à ses parents et à sa soeur un préjudice direct et personnel, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;
" 2°) alors que, pour qu'une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possibles l'existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale ; que les proches de la victime d'une infraction sont recevables à rapporter la preuve d'un dommage dont ils ont personnellement souffert et découlant des faits, objet de la poursuite ; que dès lors, en excluant l'existence d'un lien de causalité direct entre les crimes perpétrés et le préjudice personnellement subi par les consorts D... au motif inopérant qu'« ils n'étaient pas présents lors de la commission des faits » , la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 3°) alors que, tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en affirmant que « les circonstances des faits excluent l'existence d'un lien de causalité direct entre les crimes perpétrés au bar « La Belle Equipe » et les dommages psychiques dont ils font état », sans préciser les « circonstances des faits » auxquelles elle se référait, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;
Vu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale et 593 dudit code ;
Attendu qu'il résulte des deux premiers textes que les proches de la victime d'une infraction sont recevables à rapporter la preuve d'un dommage dont ils ont personnellement souffert et qui découle des faits objets de la poursuite ;
Attendu que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 13 novembre 2015 à 21h36, [...] , Mme E... D... était présente à la brasserie "La Belle Equipe" pour fêter l'anniversaire d'une amie quand deux hommes descendus d'une berline noire ont tiré sur les clients de la terrasse de l'établissement provoquant la mort de vingt personnes et de nombreux blessés ; qu'elle s'est constituée partie civile dans l'information suivie des chefs notamment d'assassinats en relation avec une entreprise terroriste et tentatives ; que le 27 avril 2017, M. J... D..., Mme O... D... et Mme W... D..., père, mère et soeur de la victime, se sont constitués partie civile en faisant valoir leur préjudice résultant du syndrome post-traumatique subi par leur fille et soeur ; que, par ordonnance du 4 juillet 2018, le juge d'instruction a déclaré irrecevable leur constitution de partie civile en relevant que ceux-ci n'étaient pas les victimes directes de ces faits ; que les consorts D... ont interjeté appel de cette décision ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance entreprise, l'arrêt retient que, s'il est indéniable que les consorts D... ont personnellement souffert du grave traumatisme subi par la victime présente au bar "La Belle Equipe" au moment de la commission de l'attentat, et dont plusieurs de ses amis sont décédés, ils n'étaient pas présents lors de la commission des faits et que les circonstances des faits excluaient l'existence d'un lien de causalité direct entre les crimes perpétrés au bar "La Belle Equipe" et les dommages psychiques dont ils font état ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que, pour qu'une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possibles l'existence d'un préjudice personnel et direct et sa relation directe avec une infraction à la loi pénale, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 8 mars 2019, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit janvier deux mille vingt.