Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 11 décembre 2019, 19-11.862, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que soutenant avoir été exposée in utero au diéthylstilbestrol (DES), Mme P... a assigné en responsabilité et indemnisation la société UCB Pharma, venant aux droits de la société Ucepha, producteur du Distilbène, et mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie de Paris (la caisse) qui a demandé le remboursement de ses débours ; que la société UCB Pharma a assigné en intervention forcée la société Novartis santé familiale, venant aux droits de la société Borne, producteur du Stilbestrol-[...], et devenue la société Glaxosmithkline santé grand public (la société Glaxosmithkline) ; que M. N..., père de Mme P... et représenté par celle-ci, en sa qualité de tutrice, ainsi que M. P..., son époux, sont intervenus volontairement à l'instance ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi incident de la société Glaxosmithline, réunis, ci-après annexé :

Attendu que les sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline font grief à l'arrêt de les déclarer responsables in solidum des dommages résultant de l'exposition in utero au DES et de les condamner in solidum à payer à Mme P... différentes sommes, en son nom personnel et ès qualités, ainsi qu'à M. P... et à la caisse ;

Attendu, d'abord, que l'arrêt relève que, si aucune prescription d'un médicament contenant du DES n'a pu être retrouvée, les pièces du dossier médical de Mme P..., composé d'examens et comptes rendus de plusieurs praticiens, établissent qu'elle a été suivie pour une suspicion d'exposition in utero au DES, que, selon les experts, plusieurs éléments conjugués rendent vraisemblable cette exposition, lesquels, même si l'intéressée ne présente pas d'utérus en forme de T, tiennent à des anomalies morphologiques de l'utérus évoquées par des images utérines et décrites dans la littérature, à une fréquence élevée de grossesses extra- utérines, à la présence d'adénose cervicale et à l'échec des diverses tentatives de fécondation in vitro et d'implantation, que les autres causes susceptibles d'être associées à ces pathologies peuvent être écartées et que Mme P... apporte ainsi, par un faisceau d'indices graves, précis et concordants, en l'absence d'autres causes établies à l'origine de sa pathologie, la preuve de son exposition in utero au DES ;

Attendu, ensuite, que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que les experts ont admis un rapport de causalité entre l'exposition in utero de Mme P... au DES et les anomalies par elle présentées ainsi que son infertilité, en se fondant sur la somme des critères étudiés ; qu'il relève qu'au vu de ces éléments, il existe des présomptions graves, précises et concordantes que cette exposition en soit la cause ;

Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations souveraines, la cour d'appel a pu tenir pour certain que Mme P... avait été exposée in utero au DES et que les anomalies présentées et son infertilité avaient été causées par cette exposition et en déduire, sans inverser la charge de la preuve, qu'en l'absence de preuve par les sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline que le dommage n'était pas imputable à leur produit, leur responsabilité était engagée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :

Attendu que la société UCB Pharma fait grief à l'arrêt de la condamner in solidum avec la société Glaxosmithkline à payer à Mme P... une indemnité au titre de son préjudice d'établissement ;

Attendu qu'ayant retenu que Mme P... avait perdu tout espoir de fonder une famille en raison des pathologies dont elle est victime du fait de son exposition au DES, la cour d'appel a caractérisé l'existence d'un préjudice d'établissement éprouvé par l'intéressée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen du pourvoi principal et le second moyen du pourvoi incident de la société Glaxosmithline, réunis, ci-après annexé :

Attendu que les sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à M. P... une indemnité au titre de son préjudice de procréation et une indemnité au titre de son préjudice moral :

Attendu qu'en réparant, d'une part, le préjudice consécutif à l'accompagnement et au soutien de son épouse, d'autre part le préjudice lié à l'impossibilité d'avoir des enfants biologiques avec celle-ci, comme il l'aurait souhaité, la cour d'appel a caractérisé des préjudices distincts éprouvés par M. P... et, dès lors, n'a pas méconnu le principe d'une réparation intégrale, sans perte ni profit ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident de la caisse, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 376-1 du code de la sécurité sociale et 700 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour rejeter la demande tendant à la condamnation des sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline in solidum au paiement d'une certaine somme à la caisse au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt relève que celle-ci a été indemnisée de ses frais sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 précité, diffère, tant par ses finalités que par ses modalités d'application, des frais exposés non compris dans les dépens de l'instance, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'indemnité formée par la caisse primaire d'assurance maladie de Paris au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 7 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne in solidum les sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline santé grand public aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société UCB Pharma à payer à M. et Mme P... la somme de 1 500 euros, et la société Glaxosmithkline santé grand public à leur payer la même somme ; condamne in solidum les sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline santé grand public à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société UCB Pharma, demanderesse au pourvoi principal.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré la société UCB Pharma responsable in solidum avec la société Novartis, devenue Glaxosmithkline Santé Grand Public, des dommages résultant de l'exposition au DES de Mme P... et d'AVOIR, en conséquence, condamné la société UCB Pharma in solidum avec la société Novartis, devenue Glaxosmithkline Santé Grand Public, à payer diverses sommes à R... P..., prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité de tutrice de B... N..., W... P... et la Cpam de Paris ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Sur l'exposition à la molécule DES ; (
) ceci exposé, il appartient à Mme P... de rapporter la preuve de son exposition in utero à la molécule DES ; que cette preuve est rapportée si la molécule est la cause directe de la pathologie ; qu'en l'espèce, si la molécule est la cause directe de la pathologie ; qu'en l'espèce, Mme P... se plaint d'une infertilité dont elle impute la cause à son exposition in utero à la molécule DES ; (
) qu'il est constant qu'aucune prescription à Mme K..., mère de Mme P..., d'un médicament contenant la molécule DES n'a pu être retrouvée, celle-ci affirmant toutefois avoir pris du distilbène pendant sa grossesse ; que néanmoins, Mme P... a produit son propre dossier médical et gynécologique ; que comme l'ont observé les premiers juges, dès le 3 février 2001, Mme P... a subi une hystéroalpingographie pour une suspicion d'exposition utérine au DES ; que le docteur S... a conclu à la présence d'un aspect de segmentation en ligne brisée des bords évoquant fortement une exposition in utero au DES et à une suspicion d'une telle exposition ; qu'elle a ensuite subi plusieurs grossesses extra-utérines ; qu'en envisageant un parcours de procréation médicalement assistée, elle a été adressée au docteur E..., celui-ci faisant état d'une exposition au DES dans la demande de prise en charge des soins à 100 % pour stérilité ; que cette suspicion d'exposition au DES in utero a été portée en première page de son dossier médical à l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul ; que ce praticien a alors noté au fil de ses consultations une « HSG très évocatrice », ou encore « qualité moyennement hypoplasique, ébauche de striction, bords irréguliers » ; qu'elle a alors été adressée au docteur Q... pour une coloscopie réalisée dans le contexte d'une exposition au distilbène ; que celle-ci a montré un petit col avec un aspect typique d'adénome ; qu'un hystéroscopie pour plastie d'agrandissement a été réalisée le 5 juillet 2004 ; que l'hystéroscopie de bilan réalisée le 17 novembre 2005 a conclu à un « utérus présentant des aspects mixtes d'hyperplasie de l'endomètre et d'hypoplasie » ; qu'enfin, le professeur D... indique qu'à « la lecture du dossier de cette patiente exposée au DES, on peut remarquer au niveau de l'hystérographie des anomalies de l'utérus avec une cavité aux aspects segmentés en ligne brisée et un aspect radiologique très évocateur d'exposition au distilbène » ; (
) qu'il résulte de tout le dossier médical de Mme P... que celle-ci a été suivie pour une suspicion d'exposition à la molécule DES ; (
.) de plus que l'expertise judiciaire confiée au docteur C... et au professeur L... répond qu'il n'y a pas dans les antécédents de la requérante d'arguments pouvant de façon formelle évoquer une autre cause à cette affection ; qu'il existe en revanche des éléments qui, sans être individuellement des preuves absolues, en se conjuguant, rendent vraisemblable l'exposition ; que les experts précisent que l'analyse repose à la fois sur des critères chronologiques et des critères sémiologiques auxquels s'ajoutent l'informativité du dossier ; que cette méthodologie d'analyse résulte toutefois de l'actualisation de la méthode dans un but de pharmacovigilance ; que les experts observent que l'absence de documents empêche une quelconque notion concrète d'exposition, le dossier étant totalement déficient concernant l'exposition ; qu'ils en déduisent que le critère relatif à « l'informativité du dossier » n'est donc pas rempli ; (
) néanmoins que, s'agissant du critère très important selon eux des atteintes morphologiques de l'utérus liées à l'exposition au DES, si la patiente ne présente pas d'utérus en forme de T, aspect iconographique très spécifique, les images utérines, moins caractéristiques, évoquent cependant des cas décrits dans la littérature ; que, dans le corps du rapport, ils précisent que d'autres malformations ont été décrites, à savoir contriction de qualité utérine et marges irrégulières de cette qualité, ce qui rejoint l'observation du professeur D... qui a remarqué au niveau de l'hystérographie des anomalies de l'utérus avec une cavité aux aspects segmentés en ligne brisée ; qu'il est donc faux pour les laboratoires appelants de soutenir que la morphologie de l'utérus de Mme P... n'est pas caractéristique de l'exposition au DES au seul motif qu'il ne présente pas une forme en « T » dès lors que cette morphologie est décrite par la littérature scientifique comme rencontrée dans les cas d'exposition à la molécule ; que l'atteinte morphologique en « T » n'est donc pas la seule atteinte morphologique rencontrée dans les cas d'exposition ; (
) que sur le plan clinique, les experts retiennent également les grossesses extras utérines dont la fréquence est élevée dans la population exposée au DES quand bien même, elles ne sont pas l'exclusivité des expositions à la molécule ; que si les laboratoires appelants émettent l'hypothèse d'un contexte infectieux global à l'origine des grossesses extras utérines de Mme P..., cette hypothèse est en revanche rejetée par le professeur T..., expert conseil de Mme P... au motif que la première grossesse extra utérine a fait l'objet d'une salpingotomie conservatrice de la trompe qui ne peut être proposée que dans les rares cas où l'origine infectieuse ne peut être affirmée, le protocole opératoire de la seconde grossesse extra utérine de 2002 ne mentionnant pas de séquelles infectieuses au niveau du petit bassin mais une salpingectomie bilatérale étant proposée cette fois pour éviter une récidive ; qu'ils relèvent en effet que Mme P... a présenté deux grossesses extra-utérines sans avoir a priori d'antécédent d'infection pelvienne caractérisée ; qu'ils considèrent que cette répétition d'un phénomène rare laisse penser que la fonctionnalité des trompes était que c'est le lieu pour la cour de rappeler que si les appelantes font valoir que ce sont les salpingectomies qui sont à l'origine des FIV, ce sont les grossesses extra-utérines qui ont nécessité, lors du premier cas une salpingectomie puis, lors de la seconde grossesse utérine, une salpingectomie pour éviter une récidive : qu'ainsi la cour estime que la cause infectieuse des grossesses extra-utérines n'est pas établie dès lors que les experts des parties divergent sur ce point et que les experts judiciaires ne l'ont pas retenue ; (
) que les experts judiciaires retiennent encore la présence d'adénose cervicale, également décrite dans la littérature et, enfin, les échecs des diverses tentatives de fécondation in vitro et d'implantation ; que s'agissant de l'adénose cervicale, si les laboratoires appelants émettent l'hypothèse d'un banal ectropion, celle-ci est combattue par le professeur T..., expert conseil de Mme P... ; que les avis divergents des experts conseils des parties ne permettent donc pas de retenir cette hypothèse alors que, de leur côté, les experts judiciaires ont retenu l'adénose cervicale de Mme P... comme témoin de son exposition au DES ; qu'en ce qui concerne les échecs des fécondations in vitro, en raison des expérimentations chez l'animal en ce sens, les experts judiciaires estiment que le tissu de la cavité utérine était peu apte à une nidification ou, plus exactement, au déroulement d'une grossesse normale dès lors que Mme P... a pu être enceinte une fois, cette grossesse ayant été interrompue volontairement ; qu'ils estiment d'ailleurs que le défaut de cette fonctionnalité conjoint aux malformations de l'utérus visibles à l'imagerie renforce l'hypothèse d'une exposition au DES ; (
) en outre qu'interpellés par les dires des conseils de la société Glaxosmithkline et de la société UCB Pharma, les experts ont répondu que les examens pratiqués (sérologie Chlamydiae, mycoplasmes ...) dans le bilan des fécondations in vitro d'une part et la coelioscopie du 25 février 2002 pour traitement de la grossesse utérine n'avait pas mis en évidence d'étiologie infectieuse à l'infertilité de Mme P... ; que le docteur O... avait pratiqué à deux reprises un agrandissement de la cavité utérine de Mme P..., utérus qu'il décrit comme hypoplasique de type distilbène ; que c'est donc vainement que les laboratoires invoquent le caractère modérément hypoplasique de l'utérus de Mme P... ; que les experts rejettent également l'hypothèse de l'infertilité de M. P... au motif qu'on ne peut le rendre responsable des facteurs propres d'infertilité de son épouse, les résultats de spermogramme dans les bilans d'infertilité étant fluctuants et celui effectué le 22 juillet 2002 étant, au demeurant, normal ; qu'enfin, ils estiment que les problèmes de dysovulation, en lien avec les ovaires polykystiques, ne peuvent expliquer à eux seuls l'infertilité de Mme P... et l'échec des fécondations in vitro ; qu'en conclusion et en réponse aux dires, comme témoins de l'exposition au DES de Mme P... et les conséquences de cette exposition sur sa fertilité, ils retiennent donc les grossesses extra-utérines, les anomalies morphologiques de l'utérus et l'adénose cervicale; que si, en réponse à la mission, ils concluent à une exposition vraisemblable, c'est en réponse à la question qui leur était précisément posée et ce, conformément à la méthodologie préconisée par l'ANSM à laquelle la question posée par l'ordonnance les missionnant se réfère expressément ; qu'il n'y a donc pas lieu de tirer argument de l'utilisation de cet adjectif dès lors qu'ils s'expriment en faveur de l'exposition à la molécule ; (
) enfin que les jurisprudences de cette cour invoquées par les laboratoires appelants ne sont pas transposables ; qu'en effet, dans la dernière espèce, la requérante présentait une anomalie majeure de son utérus de nature à elle seule à expliquer ses troubles ; que dans la première, le dossier de la requérante ne portait pas de traces de notion de distilbène et qu'il s'agissait au surplus d'une demande de provision et non pas d'un litige au fond ; qu'au contraire, le dossier médical de Mme P... évoque la notion de distilbene à maintes reprises ; (
) en définitive qu'aucune des autres hypothèses de l'infertilité de Mme P... évoquées par les laboratoires appelants n'est documentée dans son dossier médical comme l'ont retenu les experts ; que c'est donc à bon droit que le tribunal a retenu que Mme P... faisait la preuve de son exposition in utero au DES par un faisceau d'indices graves, précis et concordants en l'absence d'autres causes établies à l'origine de sa pathologie; que ce faisceau est largement corroboré et explicité par les termes de l'expertise judiciaire ; que le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point ;

ET AUX MOTIFS QUE (
) Sur le lien entre les préjudices invoqués et l'exposition (
) ceci exposé que les experts retiennent le rapport de causalité entre la pathologie de Mme P... et l'exposition au DES in utero ; que si le score est moyen c'est en raison de la nouvelle méthode d'imputation qui intègre le critère d'informativité du dossier ; qu'ils considèrent toutefois que ce critère , déficient au cas d'espèce, est plus déterminant en matière de pharmacovigilance qu'en matière d'expertise judiciaire où selon eux il doit y avoir une prime très importante entre l'adéquation entre la clinique observée chez les requérantes et les données de la science accumulées dans toutes les observations publiées ; qu'ils estiment que, dans le cas présent, la sommation des critères étudiés les conduit à exprimer un avis allant dans le sens d'une causalité d'exposition au DES pour les troubles présentés par Mme P... ; qu'ils répondent par ailleurs que la question de savoir si cette causalité a été exclusive ou adjointe à d'autres facteurs concomitants est sans objet ; qu'il en est de même de la question de savoir si cette causalité a été initiale ou additive à un état antérieur ; qu'il en est de même de la question de savoir si cette causalité a été déterminante ou simplement génératrice d'une aggravation de risque ; qu'en résumé, l'exposition au DES est la seule cause des troubles présentés par Mme P... ;

ET AUX MOTIFS REPUTÉS ADOPTÉS QUE sur la preuve de l'exposition : Il appartient à Mme P... de rapporter la preuve par tous moyens de son exposition in utero à la molécule Des, cette preuve pouvant résulter de présomptions graves, précises et concordantes. Pour établir son exposition au diethylstilboestrol durant sa vie utérine Mme P..., qui indique ne pas avoir retrouvé de document contemporain à la grossesse de sa mère malgré ses recherches, produit divers éléments de son propre dossier médical et gynécologique, notamment les résultats d'une hystérosalpingographie pratiquée le 3 février 2001 à la demande du gynécologue de Mme P... pour une suspicion d'exposition utérine au Des et alors que la mère de celle-ci venait de lui confirmer qu'elle avait pris du distilbène pendant sa grossesse. Cet examen pratiqué par le docteur S... conclut à la « présence, dès les premiers clichés, d'un aspect de segmentation en ligne brisée des bords évoquant fortement une exposition in utéro au Des » et à une « suspicion d'exposition in utero au Des ». Par ailleurs, alors qu'à la suite de plusieurs grossesses extra-utérines, Mme P... est adressée au docteur E... pour envisager un parcours de procréation médicalement assistée, ce médecin fait état de l'exposition au Des dans la demande de prise en charge des soins à 100% pour stérilité. Dans le dossier médical I... P... à l'hopital Saint Vincent de Paul, qui porte la mention en première page d'une « exposition au Des in utero », le docteur E... a noté au fil de ses consultations, « HSG très évocatrice » ou encore « cavité moyennement hypoplasique, ébauche de striction, bords irréguliers ». Dans un courrier du 27 mai 2003, le docteur Q... répond au docteur E... que la colposcopie réalisée dans le contexte d'une exposition au distilbène montre en effet un petit col avec un aspect typique d'adénose. Alors qu'il est justifié qu'une hystéroscopie pour plastie d'agrandissement a été réalisée le 5 juillet 2004, Phystéroseopie de bilan réalisée le 17 novembre 2005 conclut à un « utérus présentant des aspects mixtes d'hyperplasie de l'endomètre et d'hypoplasie ». Enfin, le professeur D... qui a transmis à Mme P... l'entier dossier de son prédécesseur indique qu'à « la lecture du dossier de cette patiente exposée au Des, on peut remarquer au niveau de l'hystérographie des anomalies de l'utérus avec une cavité aux aspects segmentés en ligne brisée et un aspect radiologique très évocateur d'exposition au distilbène ». Les éléments médicaux produits par Mme P... sont corroborés par les conclusions du docteur C... et du professeur L... qui indiquent qu'il n'y a pas dans les antécédents de Mme P... d'arguments pouvant évoquer une autre cause à ses pathologies et qu'il existe, en revanche, des éléments qui sans être individuellement des preuves absolues, rendent en se conjuguant vraisemblable l'exposition au Des, les experts évoquant successivement dans le cas de Mme P... : l'atteinte morphologique de l'utérus, la survenue de grossesses extra-utérines, la présence d'adénoses cervicales, l'échec des tentatives de fécondation in vitro. Ils concluent que la juxtaposition de ces différents éléments, bien qu'aucun d'entre eux ne soit individuellement suffisant, les conduit à exprimer un avis allant dans le sens d'une causalité d'exposition au Des. 11 résulte de l'ensemble de ces éléments que bien qu'elle ne rapporte pas la preuve directe de la prescription de Des à sa mère pendant la grossesse, Mme P... établit par un faisceau de présomptions graves, précises et concordantes, qu'elle a été exposée in utéro au diéthylstilboestrol sans toutefois qu'il soit possible de déterminer laquelle des spécialités produites par les laboratoires mis en cause a été prescrite à sa mère. (
.)

ET AUX MOTIFS ADOPTES Sur le lien de causalité (
) La littérature médicale ainsi que les différentes études menées sur les troubles présentés par les femmes exposées in utero à la molécule Des permettent de constater la présence chez ces femmes d'anomalies utérines et salpingiennes notamment des malformations de l'utérus en forme de T, des rétrécissements médio cavitaires, des trompes anormales, raccourcies ou enroulées avec des conséquences défavorables sur les grossesses notamment en provoquant des grossesses extra utérines, des avortements précoces et des accouchements prématurés. Elle relève aussi un certain nombre d'autres phénomènes sur la santé notamment la survenance plus fréquente d'adénocarcinome à cellules claires du vagin et du col de l'utérus. Si ces éléments scientifiques ont permis l'édition par l'AESSAPS en 2011 d'une brochure recensant les troubles présentés par les femmes exposées in utero au Des, ils permettent également de démontrer que les anomalies présentes chez les femmes exposées se manifestent de manières très variées, avec des symptômes plus ou moins associés et des degrés de gravité différents. Les études effectuées ont également mis en évidence que des facteurs extérieurs, indépendants de l'exposition in utero au Des, sont susceptibles d'interférer et parfois même d'expliquer à eux seuls notamment les problèmes d'infertilité de ces femmes. Dès lors il n'est pas possible compte tenu de la multiplicité des troubles que peuvent présenter les femmes exposées et des facteurs extérieurs pouvant expliquer ou aggraver ces troubles, qui au surplus ne sont pas tous caractéristiques de l'exposition au Des et se retrouvent dans la population non exposée, de poser une présomption de causalité qui admettrait un lien de causalité systématique entre l'exposition au Des et les troubles morphologiques ou de la fertilité des femmes exposées à charge pour les laboratoires de rapporter la preuve de l'absence de lien entre leur médicament et les troubles. Compte tenu de la multiplicité des symptômes et de la situation particulière de chacune des femmes exposées, le lien de causalité entre l'exposition et les troubles présentés au cas particulier s'établira au vu de présomptions graves, précises et concordantes. En l'espèce, le docteur C... et le professeur L... indiquent dans leur rapport d'expertise que Mme R... P... présentait, au vu des clichés de l'hystérographie de 2001, un utérus modérément hypoplasique aux bords flous, irréguliers et tourmentés avec un aspect de dilatation sus-isthmique évocatrice du Des, ce qui a nécessité de pratiquer à cieux reprises un agrandissement de la cavité utérine par le docteur H.... Ils précisent que ces anomalies utérines sont moins caractéristiques que certains aspects retrouvés chez des femmes exposées in utero au Des comme l'utérus en T, mais qu'elles sont néanmoins évocatrices de cas décrits clans la littérature médicale. Selon ces experts, le second critère clinique d'une exposition au Des que présente Mme P... est la répétition des grossesses extra-utérines sans antécédent d'infection pelvienne caractérisée, ce qui permet de penser à une altération de fonctionnalité des trompes, de telles altérations étant décrites lors des expositions au Des. Les experts considèrent que la présence d'adénoses cervicales dans le cas de Mme P... constitue un autre critère important en faveur d'une exposition au Des et ils estiment que l'échec des fécondations in vitro peut être mis sur le compte d'une inaptitude du tissu de la cavité utérine à la nidification ainsi qu'au déroulement d'une grossesse normale, ce défaut de fonctionnalité étant un élément venant conforter le rôle causal du Des. Après avoir procédé à l'examen de Mme P... et analysé les pièces médicales fournies, les experts ont conclu que compte-tenu des éléments du dossier médical de Mme P..., et des publications scientifiques relatives aux effets du Des sur les femmes exposées in utéro, la juxtaposition des troubles présentés par Mme P..., bien qu'aucun d'entre eux ne soit individuellement suffisant, permettait d'établir un lien de causalité avec une exposition in utéro au Des, les experts n'évoquant aucune autre cause pouvant expliquer ces affections. En réponse aux dires, ils ont précisé qu'il n'avait pas été mis en évidence d'étiologie infectieuse aux grossesses extra-utérines et à l'infertilité de Mme P..., que le spermogramme effectué le 22 juillet 2002 étant normal, Mr P... ne pouvait être rendu responsable des facteurs propres d'infertilité de son épouse (grossesses extra-utérine et anomalies de la morphologie utérine) et enfin que les problèmes de dysovulation ne pouvaient pas à eux seuls expliquer l'infertilité de Mme P... et l'échec des fécondations in vitro. Il apparaît donc, au vu de ces éléments, qu'il existe des présomptions précises, graves et concordantes, de ce que l'exposition de Mme R... P... au Des in utero est bien la cause de ses anomalies utérines et cervicales, mais également de son infertilité ;

1) ALORS QUE la responsabilité du fait d'un produit de santé suppose que soit préalablement rapportée la preuve certaine de l'exposition du demandeur au produit ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'aucune prescription à la mère de R... P... d'un médicament contenant la molécule DES n'avait pu être retrouvée et que cette dernière ne présentait pas les atteintes morphologiques rencontrées dans les cas d'exposition au DES ; qu'en se fondant, pour déclarer la société UCB Pharma responsable in solidum avec la société Novartis, devenue Glaxosmithkline Santé Grand Public, des dommages résultant de l'exposition au DES de Mme P..., sur l'absence d'autres causes établies à l'origine de sa pathologie, la cour d'appel a violé les articles 1315 devenu 1353 et 1382 devenu 1240 du code civil ;

2) ALORS QUE la responsabilité du fait d'un produit de santé suppose la preuve de l'existence d'un lien de causalité certain entre le produit et le dommage invoqué par le demandeur en réparation ; qu'en énonçant qu'il appartient aux laboratoires de démontrer que leur produit n'est pas à l'origine des préjudices dont il est demandé réparation et qu'il y a lieu de retenir un lien de causalité entre les différentes pathologies de Mme P... et sa prétendue exposition in utero au DES, en l'absence de tout autre cause médicale objectivée, la cour d'appel a violé les articles 1315 devenu 1353 et 1382 devenu 1240 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société UCB Pharma in solidum avec la société Novartis, devenue Glaxosmithkline Santé Grand Public, à payer à Mme P... la somme de 10.000 € au titre de son préjudice d'établissement ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Le préjudice d'établissement : ce poste de préjudice cherche, selon le rapport Z..., à indemniser la perte d'espoir, de chance ou de toute possibilité de réaliser un projet de vie familiale "normale" en raison de la gravité du handicap permanent, dont reste atteint la victime après sa consolidation ; qu'il s'agit de la perte d'une chance de se marier, de fonder une famille, d'élever des enfants et plus généralement des bouleversements dans les projets de vie de la victime qui l'obligent à effectuer certaines renonciations sur le plan familial ; Que toujours selon le rapport Z..., il convient ici de le définir par référence à la définition retenue par le Conseil national de l'aide aux victimes comme la "perte d'espoir et de chance de normalement réaliser-un projet de vie familiale (se marier, fonder une famille, élever des enfants, etc.) en raison de la gravité du handicap" ; qu'il convient sur ce point de relever d'emblée la divergence des laboratoires qui invoquent chacun des décisions au soutien de leurs argumentations contraires ; que Mme P... a perdu l'espoir de fonder une famille en raison des pathologies dont elle est victime du fait de son exposition au DES ; que ce préjudice est distinct du préjudice de procréation qui représente les séquelles fonctionnelles ; qu'il s'agit d'un préjudice permanent postérieur à la consolidation ; qu'il n'est pas indemnité au titre des souffrances endurées ; qu'il convient de l'indemniser d'une manière distincte du déficit fonctionnel permanent ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Préjudice d'établissement. Il est constitué par la perte d'espoir et de chance rie réaliser un projet de vie familiale en raison d'un grave handicap dont reste atteinte la personne, Mme P..., qui n'a pas pu avoir d'enfant malgré un parcours de procréation médicalement assistée, doit du fait de sa stérilité secondaire renoncer de façon définitive à tout espoir de pouvoir fonder une famille avec des enfants biologiques. Il est donc justifié de lui allouer une somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice d'établissement.

ALORS QUE le préjudice d'établissement est constitué par la perte d'espoir, de chance ou de toute possibilité de réaliser un projet de vie familiale "normale" en raison de la gravité du handicap permanent, dont reste atteint la victime après la consolidation ; qu'en allouant à Mme P... une indemnité de 10.000 € au titre du préjudice d'établissement sans caractériser l'existence d'un handicap grave permanent entrainant une perte de chance de réaliser un projet de vie familiale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société UCB Pharma in solidum avec la société Novartis, devenue Glaxosmithkline Santé Grand Public, à payer à M. P... la somme de 3.000 € au titre de son préjudice de procréation et celle de 5.000 euros au titre de son préjudice moral ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Le préjudice d'affection : M. P... a dû non seulement accompagner et soutenir son épouse en partageant ses craintes mais aussi faire face à sa propre appréhension ; qu'il en subit un préjudice moral qui ne souffre pas débat ; Le préjudice de procréation : aux termes du rapport d'expertise judiciaire, l'infertilité de M. P... n'est pas établie dès lors qu'un seul spermogramme a présenté des anomalies, les autres s'étant révélés normaux ; que cette cause de l'infertilité de Mme P... n'a pas été retenue par les experts judiciaires ; que c'est par de justes motifs qui sont adoptés par la cour que le tribunal a retenu que M. P... subissait du fait des troubles présentés par son épouse un préjudice de procréation dans la mesure où il se trouve dans l'impossibilité d'avoir des enfants biologiques avec son épouse comme il l'aurait souhaité et que fils unique de ses propres parents, il ne pourra pas avoir de descendance ; que ce préjudice a toutefois été surévalué par les premiers juges ; qu'il convient de le ramener à la somme de 3 000 euros.

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE M. P... subit également du fait des troubles présentés par son épouse, un préjudice de procréation dans la mesure où il est dans l'impossibilité d'avoir des enfants biologiques avec son épouse comme ils l'auraient souhaité, et que fils unique de ses propres parents, il ne pourra pas avoir de descendance. Il subit également un préjudice sexuel par ricochet. Ce préjudice sexuel et de procréation pourra être réparé par l'octroi d'une somme de 5 000 euros ;

ALORS QUE les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en allouant à M. P... une indemnisation pour les répercussions ressenties du fait des troubles de la fertilité de son épouse à la fois au titre du préjudice d'affection et au titre d'un préjudice de procréation, la cour d'appel a réparé deux fois le même préjudice, en violation de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. Moyens produits par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour la société Glaxosmithkline santé grand public, demanderesse au pourvoi incident.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la société Glaxosmithkline Santé Grand Public, anciennement Novartis Santé Familiale, responsable in solidum avec la société UCB Pharma, des dommages résultant de l'exposition au DES de Mme P... et d'avoir en conséquence condamné in solidum les deux sociétés à payer diverses sommes à cette dernière, en réparation de ses préjudices personnels et en sa qualité de tutrice de son père, M. N..., en réparation du préjudice moral subi par celui-ci, ainsi qu'à M. P... en réparation de son préjudice moral et de son préjudice de procréation et à la CPAM ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur l'exposition à la molécule DES : (
) ceci exposé, il appartient à Mme P... de rapporter la preuve de son exposition in utero à la molécule DES ; que cette preuve est rapportée si la molécule est la cause directe de la pathologie ; qu'en l'espèce, si la molécule est la cause directe de la pathologie ; qu'en l'espèce, Mme P... se plaint d'une infertilité dont elle impute la cause à son exposition in utero à la molécule DES ; qu'il est constant qu'aucune prescription à Mme K..., mère de Mme P..., d'un médicament contenant la molécule DES n'a pu être retrouvée, celle-ci affirmant toutefois avoir pris du distilbène pendant sa grossesse ; que néanmoins, Mme P... a produit son propre dossier médical et gynécologique ; que comme l'ont observé les premiers juges, dès le 3 février 2001, Mme P... a subi une hystérosalpingographie pour une suspicion d'exposition utérine au DES ; que le docteur S... a conclu à la présence d'un aspect de segmentation en ligne brisée des bords évoquant fortement une exposition in utero au DES et à une suspicion d'une telle exposition ; qu'elle a ensuite subi plusieurs grossesses extra-utérines ; qu'en envisageant un parcours de procréation médicalement assistée, elle a été adressée au docteur E..., celui-ci faisant état d'une exposition au DES dans la demande de prise en charge des soins à 100 % pour stérilité ; que cette suspicion d'exposition au DES in utero a été portée en première page de son dossier médical à l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul ; que ce praticien a alors noté au fil de ses consultations une « HSG très évocatrice », ou encore « qualité moyennement hypoplasique, ébauche de striction, bords irréguliers » ; qu'elle a alors été adressée au docteur Q... pour une coloscopie réalisée dans le contexte d'une exposition au distilbène ; que celle-ci a montré un petit col avec un aspect typique d'adénome ; qu'un hystéroscopie pour plastie d'agrandissement a été réalisée le 5 juillet 2004 ; que l'hystéroscopie de bilan réalisée le 17 novembre 2005 a conclu à un « utérus présentant des aspects mixtes d'hyperplasie de l'endomètre et d'hypoplasie » ; qu'enfin, le professeur D... indique qu'à « la lecture du dossier de cette patiente exposée au DES, on peut remarquer au niveau de l'hystérographie des anomalies de l'utérus avec une cavité aux aspects segmentés en ligne brisée et un aspect radiologique très évocateur d'exposition au distilbène » ; qu'il résulte de tout le dossier médical de Mme P... que celle-ci a été suivie pour une suspicion d'exposition à la molécule DES ; de plus que l'expertise judiciaire confiée au docteur C... et au professeur L... répond qu'il n'y a pas dans les antécédents de la requérante d'arguments pouvant de façon formelle évoquer une autre cause à cette affection ; qu'il existe en revanche des éléments qui, sans être individuellement des preuves absolues, en se conjuguant, rendent vraisemblable l'exposition ; que les experts précisent que l'analyse repose à la fois sur des critères chronologiques et des critères sémiologiques auxquels s'ajoutent l'informativité du dossier ; que cette méthodologie d'analyse résulte toutefois de l'actualisation de la méthode dans un but de pharmacovigilance ; que les experts observent que l'absence de documents empêche une quelconque notion concrète d'exposition, le dossier étant totalement déficient concernant l'exposition ; qu'ils en déduisent que le critère relatif à « l'informativité du dossier » n'est donc pas rempli ; néanmoins que, s'agissant du critère très important selon eux des atteintes morphologiques de l'utérus liées à l'exposition au DES, si la patiente ne présente pas d'utérus en forme de T, aspect iconographique très spécifique, les images utérines, moins caractéristiques, évoquent cependant des cas décrits dans la littérature ; que, dans le corps du rapport, ils précisent que d'autres malformations ont été décrites, à savoir constriction de qualité utérine et marges irrégulières de cette qualité, ce qui rejoint l'observation du professeur D... qui a remarqué au niveau de l'hystérographie des anomalies de l'utérus avec une cavité aux aspects segmentés en ligne brisée ; qu'il est donc faux pour les laboratoires appelants de soutenir que la morphologie de l'utérus de Mme P... n'est pas caractéristique de l'exposition au DES au seul motif qu'il ne présente pas une forme en « T » dès lors que cette morphologie est décrite par la littérature scientifique comme rencontrée dans les cas d'exposition à la molécule ; que l'atteinte morphologique en « T » n'est donc pas la seule atteinte morphologique rencontrée dans les cas d'exposition ; que sur le plan clinique, les experts retiennent également les grossesses extras utérines dont la fréquence est élevée dans la population exposée au DES quand bien même, elles ne sont pas l'exclusivité des expositions à la molécule ; que si les laboratoires appelants émettent l'hypothèse d'un contexte infectieux global à l'origine des grossesses extras utérines de Mme P..., cette hypothèse est en revanche rejetée par le professeur T..., expert conseil de Mme P... au motif que la première grossesse extra utérine a fait l'objet d'une salpingotomie conservatrice de la trompe qui ne peut être proposée que dans les rares cas où l'origine infectieuse ne peut être affirmée, le protocole opératoire de la seconde grossesse extra utérine de 2002 ne mentionnant pas de séquelles infectieuses au niveau du petit bassin mais une salpingectomie bilatérale étant proposée cette fois pour éviter une récidive ; qu'ils relèvent en effet que Mme P... a présenté deux grossesses extra-utérines sans avoir a priori d'antécédent d'infection pelvienne caractérisée ; qu'ils considèrent que cette répétition d'un phénomène rare laisse penser que la fonctionnalité des trompes était que c'est le lieu pour la cour de rappeler que si les appelantes font valoir que ce sont les salpingectomies qui sont à l'origine des FIV, ce sont les grossesses extra-utérines qui ont nécessité, lors du premier cas une salpingectomie puis, lors de la seconde grossesse utérine, une salpingectomie pour éviter une récidive : qu'ainsi la cour estime que la cause infectieuse des grossesses extra-utérines n'est pas établie dès lors que les experts des parties divergent sur ce point et que les experts judiciaires ne l'ont pas retenue ; que les experts judiciaires retiennent encore la présence d'adénose cervicale, également décrite dans la littérature et, enfin, les échecs des diverses tentatives de fécondation in vitro et d'implantation ; que s'agissant de l'adénose cervicale, si les laboratoires appelants émettent l'hypothèse d'un banal ectropion, celle-ci est combattue par le professeur T..., expert conseil de Mme P... ; que les avis divergents des experts conseils des parties ne permettent donc pas de retenir cette hypothèse alors que, de leur côté, les experts judiciaires ont retenu l'adénose cervicale de Mme P... comme témoin de son exposition au DES ; qu'en ce qui concerne les échecs des fécondations in vitro, en raison des expérimentations chez l'animal en ce sens, les experts judiciaires estiment que le tissu de la cavité utérine était peu apte à une nidification ou, plus exactement, au déroulement d'une grossesse normale dès lors que Mme P... a pu être enceinte une fois, cette grossesse ayant été interrompue volontairement ; qu'ils estiment d'ailleurs que le défaut de cette fonctionnalité conjoint aux malformations de l'utérus visibles à l'imagerie renforce l'hypothèse d'une exposition au DES ; en outre qu'interpellés par les dires des conseils de la société Glaxosmithkline et de la société UCB Pharma, les experts ont répondu que les examens pratiqués (sérologie Chlamydiae, mycoplasmes ...) dans le bilan des fécondations in vitro d'une part et la coelioscopie du 25 février 2002 pour traitement de la grossesse utérine n'avait pas mis en évidence d'étiologie infectieuse à l'infertilité de Mme P... ; que le docteur O... avait pratiqué à deux reprises un agrandissement de la cavité utérine de Mme P..., utérus qu'il décrit comme hypoplasique de type distilbène ; que c'est donc vainement que les laboratoires invoquent le caractère modérément hypoplasique de l'utérus de Mme P... ; que les experts rejettent également l'hypothèse de l'infertilité de M. P... au motif qu'on ne peut le rendre responsable des facteurs propres d'infertilité de son épouse, les résultats de spermogramme dans les bilans d'infertilité étant fluctuants et celui effectué le 22 juillet 2002 étant, au demeurant, normal ; qu'enfin, ils estiment que les problèmes de dysovulation, en lien avec les ovaires polykystiques, ne peuvent expliquer à eux seuls l'infertilité de Mme P... et l'échec des fécondations in vitro ; qu'en conclusion et en réponse aux dires, comme témoins de l'exposition au DES de Mme P... et les conséquences de cette exposition sur sa fertilité, ils retiennent donc les grossesses extra-utérines, les anomalies morphologiques de l'utérus et l'adénose cervicale; que si, en réponse à la mission, ils concluent à une exposition vraisemblable, c'est en réponse à la question qui leur était précisément posée et ce, conformément à la méthodologie préconisée par l'ANSM à laquelle la question posée par l'ordonnance les missionnant se réfère expressément ; qu'il n'y a donc pas lieu de tirer argument de l'utilisation de cet adjectif dès lors qu'ils s'expriment en faveur de l'exposition à la molécule ; enfin que les jurisprudences de cette cour invoquées par les laboratoires appelants ne sont pas transposables ; qu'en effet, dans la dernière espèce, la requérante présentait une anomalie majeure de son utérus de nature à elle seule à expliquer ses troubles ; que dans la première, le dossier de la requérante ne portait pas de traces de notion de distilbène et qu'il s'agissait au surplus d'une demande de provision et non pas d'un litige au fond ; qu'au contraire, le dossier médical de Mme P... évoque la notion de distilbène à maintes reprises ; en définitive qu'aucune des autres hypothèses de l'infertilité de Mme P... évoquées par les laboratoires appelants n'est documentée dans son dossier médical comme l'ont retenu les experts ; que c'est donc à bon droit que le tribunal a retenu que Mme P... faisait la preuve de son exposition in utero au DES par un faisceau d'indices graves, précis et concordants en l'absence d'autres causes établies à l'origine de sa pathologie; que ce faisceau est largement corroboré et explicité par les termes de l'expertise judiciaire ; que le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point ; (
) Sur le lien entre les préjudices invoqués et l'exposition : ceci exposé que les experts retiennent le rapport de causalité entre la pathologie de Mme P... et l'exposition au DES in utero ; que si le score est moyen c'est en raison de la nouvelle méthode d'imputation qui intègre le critère d'informativité du dossier ; qu'ils considèrent toutefois que ce critère , déficient au cas d'espèce, est plus déterminant en matière de pharmacovigilance qu'en matière d'expertise judiciaire où selon eux il doit y avoir une prime très importante entre l'adéquation entre la clinique observée chez les requérantes et les données de la science accumulées dans toutes les observations publiées ; qu'ils estiment que, dans le cas présent, la sommation des critères étudiés les conduit à exprimer un avis allant dans le sens d'une causalité d'exposition au DES pour les troubles présentés par Mme P... ; qu'ils répondent par ailleurs que la question de savoir si cette causalité a été exclusive ou adjointe à d'autres facteurs concomitants est sans objet ; qu'il en est de même de la question de savoir si cette causalité a été initiale ou additive à un état antérieur ; qu'il en est de même de la question de savoir si cette causalité a été déterminante ou simplement génératrice d'une aggravation de risque ; qu'en résumé, l'exposition au DES est la seule cause des troubles présentés par Mme P... » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « Sur la preuve de l'exposition : il appartient à Mme P... de rapporter la preuve par tous moyens de son exposition in utero à la molécule DES, cette preuve pouvant résulter de présomptions graves, précises et concordantes. Pour établir son exposition au diethylstilboestrol durant sa vie utérine Mme P..., qui indique ne pas avoir retrouvé de document contemporain à la grossesse de sa mère malgré ses recherches, produit divers éléments de son propre dossier médical et gynécologique, notamment les résultats d'une hystérosalpingographie pratiquée le 3 février 2001 à la demande du gynécologue de Mme P... pour une suspicion d'exposition utérine au DES et alors que la mère de celle-ci venait de lui confirmer qu'elle avait pris du distilbène pendant sa grossesse. Cet examen pratiqué par le docteur S... conclut à la « présence, dès les premiers clichés, d'un aspect de segmentation en ligne brisée des bords évoquant fortement une exposition in utéro au DES » et à une « suspicion d'exposition in utero au DES ». Par ailleurs, alors qu'à la suite de plusieurs grossesses extra-utérines, Mme P... est adressée au docteur E... pour envisager un parcours de procréation médicalement assistée, ce médecin fait état de l'exposition au DES dans la demande de prise en charge des soins à 100% pour stérilité. Dans le dossier médical I... P... à l'hôpital Saint Vincent de Paul, qui porte la mention en première page d'une « exposition au DES in utero », le docteur E... a noté au fil de ses consultations, « HSG très évocatrice » ou encore « cavité moyennement hypoplasique, ébauche de striction, bords irréguliers ». Dans un courrier du 27 mai 2003, le docteur Q... répond au docteur E... que la colposcopie réalisée dans le contexte d'une exposition au distilbène montre en effet un petit col avec un aspect typique d'adénose. Alors qu'il est justifié qu'une hystéroscopie pour plastie d'agrandissement a été réalisée le 5 juillet 2004, hystéroscopie de bilan réalisée le 17 novembre 2005 conclut à un « utérus présentant des aspects mixtes d'hyperplasie de l'endomètre et d'hypoplasie ». Enfin, le professeur D... qui a transmis à Mme P... l'entier dossier de son prédécesseur indique qu'à « la lecture du dossier de cette patiente exposée au DES, on peut remarquer au niveau de l'hystérographie des anomalies de l'utérus avec une cavité aux aspects segmentés en ligne brisée et un aspect radiologique très évocateur d'exposition au distilbène ». Les éléments médicaux produits par Mme P... sont corroborés par les conclusions du docteur C... et du professeur L... qui indiquent qu'il n'y a pas dans les antécédents de Mme P... d'arguments pouvant évoquer une autre cause à ses pathologies et qu'il existe, en revanche, des éléments qui sans être individuellement des preuves absolues, rendent en se conjuguant vraisemblable l'exposition au DES, les experts évoquant successivement dans le cas de Mme P... : l'atteinte morphologique de l'utérus, la survenue de grossesses extra-utérines, la présence d'adénoses cervicales, l'échec des tentatives de fécondation in vitro. Ils concluent que la juxtaposition de ces différents éléments, bien qu'aucun d'entre eux ne soit individuellement suffisant, les conduit à exprimer un avis allant dans le sens d'une causalité d'exposition au DES. 11 résulte de l'ensemble de ces éléments que bien qu'elle ne rapporte pas la preuve directe de la prescription de DES à sa mère pendant la grossesse, Mme P... établit par un faisceau de présomptions graves, précises et concordantes, qu'elle a été exposée in utéro au diéthylstilboestrol sans toutefois qu'il soit possible de déterminer laquelle des spécialités produites par les laboratoires mis en cause a été prescrite à sa mère. (
.) Sur le lien de causalité : (
) La littérature médicale ainsi que les différentes études menées sur les troubles présentés par les femmes exposées in utero à la molécule DES permettent de constater la présence chez ces femmes d'anomalies utérines et salpingiennes notamment des malformations de l'utérus en forme de T, des rétrécissements médio cavitaires, des trompes anormales, raccourcies ou enroulées avec des conséquences défavorables sur les grossesses notamment en provoquant des grossesses extra utérines, des avortements précoces et des accouchements prématurés. Elle relève aussi un certain nombre d'autres phénomènes sur la santé notamment la survenance plus fréquente d'adénocarcinome à cellules claires du vagin et du col de l'utérus. Si ces éléments scientifiques ont permis l'édition par l'AESSAPS en 2011 d'une brochure recensant les troubles présentés par les femmes exposées in utero au DES, ils permettent également de démontrer que les anomalies présentes chez les femmes exposées se manifestent de manières très variées, avec des symptômes plus ou moins associés et des degrés de gravité différents. Les études effectuées ont également mis en évidence que des facteurs extérieurs, indépendants de l'exposition in utero au DES, sont susceptibles d'interférer et parfois même d'expliquer à eux seuls notamment les problèmes d'infertilité de ces femmes. Dès lors il n'est pas possible compte tenu de la multiplicité des troubles que peuvent présenter les femmes exposées et des facteurs extérieurs pouvant expliquer ou aggraver ces troubles, qui au surplus ne sont pas tous caractéristiques de l'exposition au DES et se retrouvent dans la population non exposée, de poser une présomption de causalité qui admettrait un lien de causalité systématique entre l'exposition au DES et les troubles morphologiques ou de la fertilité des femmes exposées à charge pour les laboratoires de rapporter la preuve de l'absence de lien entre leur médicament et les troubles. Compte tenu de la multiplicité des symptômes et de la situation particulière de chacune des femmes exposées, le lien de causalité entre l'exposition et les troubles présentés au cas particulier s'établira au vu de présomptions graves, précises et concordantes. En l'espèce, le docteur C... et le professeur L... indiquent dans leur rapport d'expertise que Mme R... P... présentait, au vu des clichés de l'hystérographie de 2001, un utérus modérément hypoplasique aux bords flous, irréguliers et tourmentés avec un aspect de dilatation sus-isthmique évocatrice du DES, ce qui a nécessité de pratiquer à cieux reprises un agrandissement de la cavité utérine par le docteur H.... Ils précisent que ces anomalies utérines sont moins caractéristiques que certains aspects retrouvés chez des femmes exposées in utero au DES comme l'utérus en T, mais qu'elles sont néanmoins évocatrices de cas décrits clans la littérature médicale. Selon ces experts, le second critère clinique d'une exposition au DES que présente Mme P... est la répétition des grossesses extra-utérines sans antécédent d'infection pelvienne caractérisée, ce qui permet de penser à une altération de fonctionnalité des trompes, de telles altérations étant décrites lors des expositions au DES. Les experts considèrent que la présence d'adénoses cervicales dans le cas de Mme P... constitue un autre critère important en faveur d'une exposition au DES et ils estiment que l'échec des fécondations in vitro peut être mis sur le compte d'une inaptitude du tissu de la cavité utérine à la nidification ainsi qu'au déroulement d'une grossesse normale, ce défaut de fonctionnalité étant un élément venant conforter le rôle causal du DES. Après avoir procédé à l'examen de Mme P... et analysé les pièces médicales fournies, les experts ont conclu que compte-tenu des éléments du dossier médical de Mme P..., et des publications scientifiques relatives aux effets du DES sur les femmes exposées in utéro, la juxtaposition des troubles présentés par Mme P..., bien qu'aucun d'entre eux ne soit individuellement suffisant, permettait d'établir un lien de causalité avec une exposition in utéro au DES, les experts n'évoquant aucune autre cause pouvant expliquer ces affections. En réponse aux dires, ils ont précisé qu'il n'avait pas été mis en évidence d'étiologie infectieuse aux grossesses extra-utérines et à l'infertilité de Mme P..., que le spermogramme effectué le 22 juillet 2002 étant normal, Mr P... ne pouvait être rendu responsable des facteurs propres d'infertilité de son épouse (grossesses extra-utérine et anomalies de la morphologie utérine) et enfin que les problèmes de dysovulation ne pouvaient pas à eux seuls expliquer l'infertilité de Mme P... et l'échec des fécondations in vitro. Il apparaît donc, au vu de ces éléments, qu'il existe des présomptions précises, graves et concordantes, de ce que l'exposition de Mme R... P... au DES in utero est bien la cause de ses anomalies utérines et cervicales, mais également de son infertilité » ;

1°/ ALORS QUE la responsabilité du fait d'un produit de santé suppose que soit préalablement rapportée la preuve certaine de l'exposition du demandeur au produit ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté qu'aucune prescription à la mère de Mme P... d'un médicament contenant la molécule DES n'avait pu être retrouvée et que cette dernière ne présentait pas les atteintes morphologiques rencontrées dans les cas d'exposition au DES ; qu'en se fondant, pour déclarer la société Glaxosmithkline Santé Grand Public responsable in solidum avec la société UCB Pharma des dommages résultant de la soi-disant exposition au DES de Mme P..., sur l'absence d'autres causes établies à l'origine de sa pathologie, la Cour d'appel a violé les articles 1315, devenu 1353, et 1382, devenu 1240, du Code civil ;

2°/ ALORS QUE la responsabilité du fait d'un produit de santé suppose la preuve de l'existence d'un lien de causalité certain entre le produit et le dommage invoqué par le demandeur en réparation ; qu'en énonçant en l'espèce qu'il appartenait aux laboratoires de démontrer que leur produit n'était pas à l'origine des préjudices dont il était demandé réparation et qu'il y avait lieu de retenir un lien de causalité entre les différentes pathologies de Mme P... et sa prétendue exposition in utero au DES, en l'absence de toute autre cause médicale objectivée, la Cour d'appel a derechef violé les articles 1315, devenu 1353, et 1382, devenu 1240, du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Glaxosmithkline Santé Grand Public, in solidum avec la société UCB Pharma, à payer à M. P... la somme de 3.000 euros au titre de son préjudice de procréation et de 5.000 euros au titre de son préjudice moral ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur les demandes de M. P... : Le préjudice d'affection : (
) que M. P... a dû non seulement accompagner et soutenir son épouse en partageant ses craintes mais aussi faire face à sa propre appréhension ; qu'il en subit un préjudice moral qui ne souffre pas débat ; Le préjudice de procréation : (
) qu'aux termes du rapport d'expertise judiciaire, l'infertilité de M. P... n'est pas établie dès lors qu'un seul spermogramme a présenté des anomalies, les autres s'étant révélés normaux ; que cette cause de l'infertilité de Mme P... n'a pas été retenue par les experts judiciaires ; que c'est par de justes motifs qui sont adoptés par la cour que le tribunal a retenu que M. P... subissait du fait des troubles présentés par son épouse un préjudice de procréation dans la mesure où il se trouve dans l'impossibilité d'avoir des enfants biologiques avec son épouse comme il l'aurait souhaité et que fils unique de ses propres parents, il ne pourra pas avoir de descendance ; que ce préjudice a toutefois été surévalué par les premiers juges ; qu'il convient de le ramener à la somme de 3 000 euros » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur le préjudice de M. P... : M. P... a dû accompagner et soutenir son épouse tout au long du parcours de procréation médicalement assistée, auquel il a lui-même dû se soumettre. Il a également dû faire face aux souffrances physiques et psychologiques de son épouse. Son préjudice moral pourra donc être réparé par l'octroi d'une somme de 5.000 euros. M. P... subit également du fait des troubles présentés par son épouse, un préjudice de procréation dans la mesure où il est dans l'impossibilité d'avoir des enfants biologiques avec son épouse comme ils l'auraient souhaité, et que fils unique de ses propres parents, il ne pourra pas avoir de descendance. Il subit également un préjudice sexuel par ricochet. Ce préjudice sexuel et de procréation pourra être réparé par l'octroi d'une somme de 5 000 euros » ;

ALORS QUE les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en allouant en l'espèce à M. P... une indemnisation pour les répercussions ressenties du fait des troubles de fertilité de son épouse, à la fois au titre du préjudice moral d'affection et au titre d'un préjudice de procréation, la Cour d'appel, qui a réparé deux fois le même préjudice, a violé l'article 1382, devenu 1240, du Code civil. Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, demanderesse au pourvoi incident.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la Cpam de Paris de sa demande tendant à voir condamner in solidum les sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline santé grand public à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE la Caisse primaire d'assurance maladie de Paris, indemnisée de ses frais sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

1°) ALORS QUE l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale diffère tant par ses finalités que par ses modalités d'application des frais exposés non compris dans les dépens de l'instance indemnisés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que la Caisse primaire d'assurance maladie de Paris était indemnisée des frais exposés non compris dans les dépens par l'indemnité forfaitaire de gestion ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

2°) ALORS QUE l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale diffère tant par ses finalités que par ses modalités d'application des frais exposés non compris dans les dépens de l'instance indemnisés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'en l'espèce, pour débouter la Caisse primaire maladie de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, la cour d'appel a retenu que celle-ci était indemnisée de ses frais sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ; qu'en s'estimant ainsi liée par un critère légal alors qu'elle ne l'était pas, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir négatif et violé l'article 700 du code de procédure civile ;ECLI:FR:CCASS:2019:C101044
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