Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 5 décembre 2019, 18-22.504, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 401 et 403 du code de procédure civile ;

Attendu, selon le second de ces textes, que le désistement de l'appel emporte acquiescement au jugement ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, qu'une procédure de redressement judiciaire a été ouverte au bénéfice de M. W... ; que la SELARL MP associés, représentée par M. X..., a été désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan ; que des échéances du plan de redressement n'ayant pas été honorées, un tribunal de grande instance, saisi par la caisse régionale de mutualité sociale agricole de Bourgogne (la MSA), a constaté l'état de cessation des paiements de M. W... et prononcé sa liquidation judiciaire ; que M. W... a interjeté appel de ce jugement et a transmis, le 25 juin 2018, aux intimés et à la cour d'appel, par la voie du réseau privé virtuel des avocats, des conclusions de désistement d'appel ;

Attendu que l'arrêt a annulé le jugement et débouté la MSA de ses demandes de résolution du plan de redressement et de placement de M. W... en liquidation judiciaire ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les conclusions de désistement de l'appel de M. W..., qui n'avaient pas besoin d'être acceptées et qui étaient parvenues pendant le cours du délibéré à la juridiction avant qu'elle ne rende sa décision, l'avaient immédiatement dessaisie, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu les articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

CONSTATE le désistement de l'appel de M. W... et l'extinction de l'instance ;

Condamne M. W... aux dépens exposés devant la cour d'appel ;

Condamne M. W... et la société MP associés, mandataire
judiciaire, prise en la personne de M. X..., ès qualités, aux dépens exposés devant la Cour de cassation ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes présentées devant la cour d'appel ; condamne M. W..., ainsi que la société MP associés, mandataire judiciaire, prise en la personne de M. X..., ès qualités, à payer à la caisse régionale de mutualité sociale agricole de Bourgogne la somme globale de 3 000 euros et rejette la demande de M. W... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale de mutualité sociale agricole de Bourgogne

Il est fait grief à l'arrêt d'avoir annulé le jugement du tribunal de grande instance de Dijon et débouté la Caisse Régionale de Mutualité Sociale Agricole de Bourgogne de sa demande de résolution du plan de redressement par voie de continuation et de placement de M. M... W... en liquidation judiciaire ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la nullité du jugement : aux termes de l'article R. 626-48 du code de commerce, le tribunal saisi aux fins de résolution du plan de redressement "statue dans les conditions de l'article L. 626-9, le commissaire à l'exécution du plan étant entendu ou dûment appelé et présentant son rapport en lieu et place de celui de l'administrateur" ; qu'en l'espèce, il ressort des notes d'audience du tribunal de grande instance que le 9 février 2018 Maître X... représentant la SELARL MP Associés commissaire à l'exécution du plan était présent et qu'il a été entendu par la juridiction ; que c'est en conséquence à tort que Monsieur W... reproche à la Caisse Régionale de Mutualité Sociale Agricole de Bourgogne de ne pas avoir fait notifier à cette SELARL une assignation à comparaître devant la juridiction de première instance ; que par contre, il est établi que la Caisse Régionale de Mutualité Sociale Agricole de Bourgogne a délivré son assignation en faisant état non seulement du non-respect par Monsieur W... des échéances du plan pour les années 2016 et 2017, mais également d'une dette de 341.509,09 € au titre de la poursuite d'activité correspondant aux cotisations et majorations de retard 2010 à 2017 ; qu'il est également établi que devant le tribunal, lors de l'audience du 9 février 2018, Monsieur W... a justifié avoir adressé à la Caisse Régionale de Mutualité Sociale Agricole de Bourgogne un chèque de banque d'un montant de 199.669,34 € à valoir sur la somme réclamée par ce dernier ; que les premiers juges ont mis leur dossier en délibéré au 16 mars 2018 et autorisé les parties à déposer une note sur l'apurement de la créance invoquée par la mutualité compte-tenu des engagements de paiement pris par le débiteur ; qu'il n'est pas contesté par la mutualité que, pendant le temps du délibéré, Monsieur W... lui a fait parvenir un premier virement de 86.000 € puis un chèque de 55.926,49 €, qu'il est ainsi avéré que le débiteur a versé au total au cours de la procédure de première instance la somme totale de 341.595,83 €, soit une somme supérieure à la créance invoquée par la mutualité au titre de la poursuite d'activité et correspondant aux cotisations et majorations de retard 2010 à 2017 ; qu'il ressort du dossier que la Caisse Régionale de Mutualité Sociale Agricole de Bourgogne a adressé au tribunal un décompte actualisé de sa créance en date du 15 mars 2018 dans lequel elle faisait état, après affectation du dernier paiement de Monsieur W... à hauteur de 55.926,49 €, d'un solde dû décomposé comme suit :
- dans un premier tableau récapitulant les cotisations des non-salariés agricoles pour les années 2010 à 2018, un principal de 16.410,36 € et des majorations et pénalités pour 19.975,03 € ;
- dans un second tableau portant sur des cotisations d'assurance complémentaires et des cotisations des salariés agricoles également afférentes aux années 2010 à 2017, des majorations et pénalités pour 39.179,68 € ;
que dès lors que la créance invoquée par la Caisse Régionale de Mutualité Sociale Agricole de Bourgogne dans son assignation à hauteur de 341.509,09 € portait expressément sur des sommes lui restant dues au titre de la poursuite d'activité et correspondant aux cotisations et majorations de retard 2010 à 2017, et qu'il était établi par Monsieur W... qu'il avait en cours de procédure versé une somme excédant ces cotisations et majorations, les premiers juges, en refusant le nouveau renvoi qui leur était demandé pour que les parties, et notamment Monsieur W..., puissent s'expliquer sur ce nouveau solde invoqué par la mutualité au même titre vingt-quatre heures seulement avant l'expiration du délibéré, n'ont pas respecté les dispositions de l'article 16 du code de procédure civile ; que le jugement doit dans ces conditions être annulé, et la cour est saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel ;

Sur le fond : que par application de l'article L. 626-27 du code de commerce, le tribunal, saisi par un créancier du débiteur ayant bénéficié d'un plan de redressement ou par le commissaire à l'exécution du plan ou par le Ministère Public, peut, après avis du Ministère Public, décider de la résolution du plan si le débiteur n'exécute pas ses engagements dans les délais fixés par ledit plan ; que le tribunal, s'il constate l'état de cessation des paiements au cours de l'exécution du plan, décide toujours après avis du Ministère Public, la résolution du plan et ouvre une procédure de redressement judiciaire ou, si le redressement est manifestement impossible, une procédure de liquidation judiciaire ; que pour maintenir sa demande, la Caisse Régionale de Mutualité Sociale Agricole de Bourgogne soutient qu'il lui reste dû la somme totale de 145.640,45 € dont 75.567,07 € au titre des dettes post redressement judiciaire qu'elle détaille comme suit :

"- dettes du redressement judiciaire 70.016,75 € (à noter que les dividendes
des années 2017 et 2018 lesquels doivent être versés en janvier n'ont pas été réglés)
- cotisation 2018 (1er appel) 16.410,36 €
- majorations de retard définitivement dues suite à CRA de 2014 : 10.897,67 €
- majorations de retard définitivement dues suite à forclusion : 2.934,66 € ;
- majorations de retard pouvant faire l'objet d'un examen CRA : 45.381,01 € ;

que la Caisse Régionale de Mutualité Sociale Agricole de Bourgogne produit au soutien de sa demande une pièce n° 1 constituée d'un "relevé de soldes" arrêté au 30 mars 2018, et d'un "relevé de compte synthétique" également arrêté au 30 mars 2018 ; qu'il ressort de l'examen du "relevé de compte synthétique" arrêté au 30 mars 2018, qui aboutit à un total dû de 16.410,36 € en principal et de 59.154,71 € au titre des majorations et pénalités, qu'il est la reprise intégrale des deux relevés de compte synthétiques arrêtés au 15 mars 2018 soumis au premier juge, et qu'hormis le principal de 16.410,36 €, les majorations et pénalités correspondent à des majorations et pénalités afférentes à la période de 2010 à 2017 dont la mutualité est incapable d'expliquer comment elles peuvent rester dues compte-tenu des paiements réalisés en cours de procédure ci-dessus relatés ; qu'il convient au surplus de relever que le relevé des soldes arrêté au 30 mars 2018 qui est censé faire la synthèse des sommes restant dues à la mutualité ne mentionne pour sa part au titre des majorations un total dû de 56.414,10 € et au titre des pénalités un total dû de 2.799,24 €, soit un total de 59.213,34 € différent donc de celui mentionné sur le relevé de compte synthétique ; en l'état de ces documents, aucun élément ne permet de retenir qu'il resterait dû à la mutualité les sommes qu'elle invoque au titre de ces majorations et pénalités de retard ; que le relevé des soldes mentionne ensuite comme étant dû à la mutualité d'une part la somme de 16.410,36 € au titre des cotisations de non-salariés agricoles 2018, et d'autre part au total 70.016,75 € au titre des cotisations des salariés agricoles pour les trimestres échus entre 2005 et 2007 ; que la somme de 70.016,75 € fait en conséquence partie du passif intégré dans le plan de redressement, et seule celle de 16.410,36 €, qui n'est exigible que depuis le 30 mars 2018, constitue une dette post-redressement ; que concernant les 70.016,75 €, la mutualité soutient que les annuités 2017 et 2018 du plan n'ont pas été honorées ; que la cour ne peut que relever qu'aucune des parties n'a jugé utile de produire le plan de redressement mis en place alors que le jugement du 18 janvier 2008 s'est contenté de prévoir un apurement du passif selon deux options, et que Monsieur W..., présent à l'audience, a précisé à la demande de la cour que le paiement de certaines créances a été prévu à 100% sur 15 ans et celui des autres à 70% sur 10 ans ; que par ailleurs, aucun pièce n'est produite au soutien de l'indication selon laquelle les annuités 2017 et 2018 (dont le montant est donc ignoré) seraient effectivement impayées ; que ce point n'a en tout état de cause pas été confirmé par le commissaire à l'exécution du plan si l'on se réfère à ses déclarations devant les premiers juges, et le conseil de Monsieur W..., lors de l'audience de la cour, a soutenu que la somme de 36.803,08 € que la SELARL MP Associés indique détenir dans son courrier du 12 juin 2018 correspond justement à ces annuités que le commissaire à l'exécution du plan aurait conservées dans l'attente des suites de la présente procédure ; que s'agissant de la somme de 16.410,36 € correspondant aux cotisations des non-salariés agricoles pour l'année 2018 qui n'est devenue exigible que depuis le 30 mars 2018, soit postérieurement au jugement dont appel, il est établi par les pièces du dossier et plus particulièrement par le jugement du tribunal de grande instance en date du 2 mars 2018 par lequel la modification du plan de redressement de Monsieur W... a été acceptée, le tribunal décidant que la SCEV Domaine M... W... était désignée comme étant tenue d'exécuter les engagements initialement souscrits par Monsieur M... W..., que l'appelant a apporté des éléments mobiliers d'exploitation viticole pour une valeur de 1.306.987 € "à charge pour la société d'assumer et de prendre en charge ses dettes financières" dont les dettes inscrites au passif admis de son redressement judiciaire ; que dans ces conditions, aucun élément du dossier ne permet de retenir que Monsieur W..., qui a pu en cours de procédure verser en quelques semaines plus de 340.000 €, serait dans l'incapacité de faire face au paiement de la somme de 16.410,36 € alors au surplus que, s'il a cessé son exploitation à titre personnel, il continue à l'exercer via la société civile dans laquelle il est associé et exerce également des fonctions de co-gérant de la société holding La Tour de Fontaine, toutes activités de nature à lui procurer des revenus ; que le fait que Monsieur W... a demandé à la mutualité une suspension des acomptes à verser en 2018 pour payer la totalité des cotisations de l'année en novembre 2018 en invoquant une baisse de son revenu agricole en 2017 est insuffisant à établir un état de cessation des paiements » ;

1°/ ALORS QUE lorsqu'il ne contient pas de réserves et qu'il n'est pas précédé d'un appel incident ou d'une demande incidente, le désistement de l'appel n'a pas besoin d'être accepté et peut intervenir à tout moment ; que le désistement de l'appel emporte acquiescement au jugement ; qu'en annulant le jugement sur appel de M. W... et, statuant à nouveau, en déboutant l'exposante de ses demandes, sans tenir compte du désistement d'appel de M. W..., intervenu par conclusions signifiées le 25 juin 2018, lequel ne contenait aucune réserve et n'avait été précédé d'aucun appel incident ou demande incidente, la cour d'appel a violé les articles 401 et 403 du code de procédure civile ;

2°/ ALORS QUE l'instance s'éteint, à titre principal, par l'effet du désistement d'instance ; que l'extinction de l'instance emporte dessaisissement de la juridiction ; qu'en annulant le jugement sur appel de M. W... et, statuant à nouveau, en déboutant l'exposante de ses demandes, cependant que par l'effet du désistement d'appel de M. W... ayant éteint l'instance d'appel, elle était dessaisie de l'affaire et ne pouvait donc statuer sur le fond, la Cour d'appel a violé l'article 384 du Code de procédure civile. ECLI:FR:CCASS:2019:C202093
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