Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 28 novembre 2019, 18-21.991, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique, pris en ses quatre premières branches :

Vu les articles R. 323-12 et D. 323-2 du code de la sécurité sociale ;

Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (la caisse) a refusé de verser à M. S... les indemnités journalières afférentes à la période du 27 septembre au 2 octobre 2015, au motif que l'avis d'arrêt de travail lui était parvenu après la fin de la période d'interruption de travail ; que l'assuré a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que pour accueillir partiellement ce recours, le jugement retient que M. S... avait déjà fait l'objet, le 26 novembre 2014, d'un avertissement pour transmission tardive d'un arrêt de travail ; qu'alors qu'il est courant que les arrêts de travail soient adressés aux organismes de sécurité sociale par courrier simple ou déposés directement dans une boîte
aux lettres dédiée ou au service de l'accueil, la caisse, pourtant tenue à une obligation générale de conseil à l'endroit des assurés, n'a pas fait connaître à M. S... qu'elle ne pouvait pas garantir la bonne réception, ni même le traitement diligent, de tous les courriers qui lui parvenaient ; que compte tenu des délais postaux d'acheminement d'un arrêt de travail commençant le dimanche 27 septembre 2015 et de traitement de cet arrêt par les services de la caisse, il est difficile pour le tribunal de concevoir que la caisse aurait diligenté un contrôle dans un laps de temps aussi court ou que M. S... aurait pu lui remettre un duplicata avant la fin de l'interruption de travail ; qu'en tout état de cause, il appartient au tribunal, en application de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, de contrôler le montant de la sanction prononcée par la caisse à l'infraction commise par l'assuré ; qu'au cas présent, la suppression totale des indemnités journalières apparaît comme une sanction disproportionnée au regard de la bonne foi de l'assuré, des démarches qu'il a effectuées pour régulariser sa situation et de la brièveté de son arrêt de travail et que la sanction doit être limitée, en application de l'article D. 323-2 du code de la sécurité sociale, à la moitié des indemnités journalières ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'avis d'arrêt de travail n'avait été reçu par la caisse que le 7 avril 2016, de telle sorte que celle-ci n'ayant pu exercer son contrôle durant la période d'interruption de travail litigieuse, les indemnités journalières n'étaient pas dues, le tribunal a violé les textes susvisés, le premier par refus d'application et le second par fausse application ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la dernière branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 30 avril 2018, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Déboute M. S... de son recours ;

Condamne M. S... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne

Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR infirmé partiellement la décision rendue par la Commission de Recours Amiable de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val de Marne en séance du 20 juin 2016 et d'AVOIR condamné la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val de Marne à verser à M. A... S..., conformément aux dispositions de l'article D. 323-2 du code de la sécurité sociale, la moitié de ses indemnités journalières au titre de l'arrêt de travail établi le 27 septembre 2015 jusqu'au 2 octobre 2015,

AUX MOTIFS QUE : « A titre liminaire, il est rappelé que : - les articles du Code de la sécurité sociale, du Code civil et du Code de procédure civile cités dans le présent jugement sont ceux applicables à la date des faits de l'espèce ; - le présent jugement sera rendu en dernier ressort, puisque la demande, certes non chiffrée, porte sur un élément chiffrable d'un montant inférieur au taux de premier ressort. Sur la transmission tardive de l'avis d'arrêt de travail : l'article R. 321-2 du code de la sécurité sociale dispose qu'en cas d'interruption de travail, l'assuré doit envoyer à la caisse primaire d'assurance maladie, dans les deux jours suivant la date d'interruption de travail, et sous peine de sanctions fixées conformément à l'article L. 321-2, une lettre d'avis d'interruption de travail indiquant, d'après les prescriptions du médecin, la durée probable de l'incapacité de travail. En cas de prolongation de l'arrêt de travail initial, la même formalité doit, sous peine des mêmes sanctions, être observée dans les deux jours suivant la prescription de prolongation. En l'espèce, M. A... S... s'est vu délivrer un avis d'arrêt de travail initial le 27 septembre 2015 jusqu'au 2 octobre 2015. La CPAM du Val de Marne lui a refusé le versement de ses indemnités journalières au motif que l'arrêt de travail précité lui était parvenu tardivement, en l'occurrence le 7 avril 2016. M. A... S... a fait valoir qu'il a envoyé cet arrêt de travail par courrier simple aussi bien à la Caisse qu'à son employeur, mais que ledit arrêt n'est pas parvenu à la CPAM. De ce fait, il a fait établir après plusieurs relances auprès de l'hôpital BEGIN un duplicata qu'il a adressé à l'organisme de sécurité sociale début avril 2016. Il n'est pas contesté par les parties lors de débats à l'audience du 15 février 2018 que l'arrêt de travail du demandeur est parvenu à la Caisse bien au-delà du délai de 48 heures prescrit par les textes. Toutefois, selon l'article D. 323-2 du code de la sécurité sociale, en cas d'envoi à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'avis d'interruption de travail ou de prolongation d'arrêt de travail au-delà du délai prévu à l'article R. 321-2, la Caisse informe l'assuré du retard constaté et de la sanction à laquelle il s'expose en cas de nouvel envoi tardif dans les vingt-quatre mois suivant la date de prescription de l'arrêt considéré. En cas de nouvel envoi tardif, sauf si l'assuré est hospitalisé ou s'il établit l'impossibilité d'envoyer son avis d'arrêt de travail en temps utile, le montant des indemnités journalières afférentes à la période écoulée entre la date de prescription de l'arrêt et la date d'envoi est réduit de 50%. En l'espèce, comme indiqué dans l'avis de la Commission de Recours Amiable de la CPAM du Val de Marne, M. A... S... a déjà fait l'objet d'un avertissement notifié en date du 26 novembre 2014 pour transmission tardive d'un arrêt maladie, ce qu'il reconnaît. De plus, la Caisse expose d'une part, qu'il appartient à l'assuré d'établir qu'il a transmis dans les délais l'avis d'interruption de travail, ses seules affirmations étant insuffisantes et d'autre part, que lorsque l'avis d'arrêt de travail ne lui a pas été adressé dans les délais requis, elle a été mise dans l'impossibilité d'exercer son contrôle et la déchéance du droit aux indemnités journalières est alors encourue. Mais cette argumentation ne saurait prospérer. En effet, il est courant que les arrêts de travail soient adressés aux organismes de sécurité sociale par courrier simple ou déposés directement dans une boîte aux lettres dédiée ou au service de l'accueil. La Caisse, qui est pourtant tenue d'une obligation générale de conseil à l'endroit des assurés, n'a pas fait connaître à M. A... S... qu'elle ne pouvait pas garantir la bonne réception, ni même le traitement diligent, de tous les courriers qui lui parviennent. En outre, l'arrêt de travail de l'assuré délivré le dimanche 27 septembre 2015 concerne la période du 27 septembre au 2 octobre 201. Or, compte tenu des délais postaux d'acheminement d'un arrêt de travail commençant un dimanche et de traitement de cet arrêt par les services de la Caisse, il est difficile pour le tribunal de concevoir que la CPAM aurait diligenté un contrôle en un laps de temps si court ou que M. A... S... aurait pu lui remettre un duplicata avant la fin de la période d'interruption de travail. En tout état de cause, selon la jurisprudence (Cour de cassation, 2ème chambre civile, 3 juin 2010, pourvoi n°09-13902 ; Cour de cassation 2ème chambre civile, 28 novembre 2013, pourvoi n° 12-26926 publié au Bulletin), il appartient aux juridictions du contentieux général de la sécurité sociale, en référence aux dispositions de l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, saisies d'un recours formé contre la décision d'une Caisse de retenir à titre de pénalité tout ou partie des indemnités journalières pour manquement du bénéficiaire à ses obligations, de contrôle l'adéquation du montant de la sanction prononcée par la Caisse à l'importance de l'infraction commise par l'assuré, ce contrôle devant s'exercer dans les limites fixées par le texte qui institue la pénalité. Au cas présent, la suppression totale des indemnités journalières de M. A... S... apparaît comme une sanction disproportionnée au regard de sa bonne foi, des démarches qu'il a effectuées pour régulariser sa situation et de la brièveté de son arrêt de travail. Dès lors, le tribunal infirme partiellement la décision de la Commission de Recours Amiable de la CPAM du Val de Marne en considérant que la sanction à appliquer doit être limitée, sur le fondement de l'article D. 323-2 du code de la sécurité sociale, à la moitié du montant des indemnités journalières sur la période écoulée entre la date de prescription de l'arrêt et la date d'envoi, étant précisé que l'assuré a reconnu à l'audience avoir reçu un avertissement pour transmission tardive d'un précédent arrêt maladie. Il est rappelé que la présent procédure est sans frais ni dépens, sauf coût éventuel de signification du jugement. »

1/ ALORS QUE les dispositions de l'article D. 323-2 du code de la sécurité sociale prévoyant une réduction des indemnités journalières de 50% en cas d'envoi tardif de l'arrêt de travail ne sont pas applicables lorsque la prescription de l'arrêt de travail n'est plus en cours au moment de la transmission de l'arrêt de travail ; qu'en l'espèce, il était acquis aux débats que M. S... n'avait adressé à la Caisse un arrêt de travail afférent à la période du 27 septembre au 2 octobre 2015 que le 7 avril 2016 ; qu'en faisant néanmoins application de l'article D. 323-2 du code de la sécurité sociale pour condamner la Caisse à verser la moitié du montant des indemnités journalières au titre de cet arrêt de travail, le Tribunal a violé les articles L.321-2, D.323-2, R.321-2 et R.323-12 du code de la sécurité sociale,

2/ ALORS QUE la Caisse primaire d'assurance maladie est fondée à refuser le bénéfice des indemnités journalières afférentes à la période pendant laquelle son contrôle aura été rendu impossible ; que les juges du fond ne peuvent se substituer à la Caisse pour attribuer pour partie les prestations sollicitées ; qu'en l'espèce, la Caisse a précisément privé M. S... de ses indemnités journalières, après avoir reçu l'arrêt de travail postérieurement à la période de repos, l'empêchant d'exercer tout contrôle ; qu'en retenant la bonne foi de M. S..., les démarches effectuées pour régulariser sa situation et la brièveté de son arrêt de travail pour annuler le refus de prestations opposé par la Caisse et condamner celle-ci à verser à l'assuré la moitié des indemnités réclamées, le Tribunal a violé les articles L.321-2, R.321-2 et R.323-12 du code de la sécurité sociale,

3/ ALORS QUE l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'Homme, qui traite du procès équitable, n'autorise en aucun cas le juge de la sécurité sociale de statuer « en équité » et de modifier un refus de prestations opposé conformément à la loi par une Caisse primaire d'assurance maladie ; qu'en se prévalant de cette disposition pour annuler la décision de la Caisse et faire application de l'article D. 323-2 du code de la sécurité sociale quand seul l'article R. 323-12 du code de la sécurité sociale était applicable, le Tribunal des affaires de sécurité sociale a violé l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'Homme.

4/ ALORS QUE les juges du fond ne peuvent statuer par un motif hypothétique ou dubitatif ; qu'en retenant que, compte tenu des délais postaux d'acheminement d'un arrêt de travail commençant un dimanche et de traitement de cet arrêt par les services de la Caisse, il était difficile pour le tribunal de concevoir que la CPAM aurait diligenté un contrôle en un laps de temps si court ou que M. S... aurait pu lui remettre un duplicata avant la fin de la période d'interruption de travail, le Tribunal qui s'est prononcé par un motif hypothétique a violé l'article 455 du code de procédure civile,

5/ ALORS QUE l'obligation générale d'information dont les organismes de sécurité sociale sont débiteurs envers leurs assurés leur impose seulement de répondre aux demandes qui leur sont soumises par ces derniers ; qu'en l'espèce, il est constant qu'aucune demande de renseignement n'a été formée par M. S... auprès de la caisse exposante concernant les modalités d'envoi de ses arrêts de travail, de sorte que la caisse n'était nullement tenue de lui transmettre des informations sur ce point ; qu'en retenant néanmoins que la caisse était tenue au titre de son obligation générale d'information d'informer l'assuré de ce que l'envoi des certificats médicaux par courrier simple ne permettait pas de garantir leur bonne réception, ni leur traitement diligent, le Tribunal a violé l'article 1382 devenu l'article 1240 du code civilECLI:FR:CCASS:2019:C202032
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