Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 21 novembre 2019, 18-23.051, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique, pris en sa première branche, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 18 mai 2017), que M. N... a commandé à l'EURL José Bati (l'EURL) la fourniture et la pose de carrelage ; que les travaux ont été intégralement payés ; que, se plaignant de désordres affectant le carrelage, M. N... a, après expertise, assigné I'EURL en indemnisation de ses préjudices ;

Attendu que M. N... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes ;

Mais attendu qu'ayant retenu que les travaux litigieux de pose du carrelage sur un ouvrage existant ne constituaient pas en eux-mêmes un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil, mais portaient sur un élément d'équipement, et que c'était en vain que M. N... invoquait l'article 1792-2 du même code, qui précisait, en son second alinéa, qu'un élément d'équipement était indissociable lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne pouvait s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière, ce qui n'était pas le cas en l'espèce pour le carrelage, dont le remplacement n'était pas de nature à entraîner la détérioration de l'ouvrage sur lequel il reposait, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée sur l'impropriété de l'habitation dans son ensemble à sa destination, a pu en déduire que M. N... ne pouvait fonder ses demandes sur la garantie décennale des constructeurs et a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres branches du moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. N... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. N... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. N...


Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR débouté M. Éric N... de sa demande tendant à voir condamner la société José Bati à lui verser des sommes au titre des travaux de remise en état du carrelage et à titre de dommages et intérêt en réparation de son trouble de jouissance ;

AUX MOTIFS QU'au soutien de ses demandes, M. N... invoque à titre principal les articles 1792 et 1792-2 du Code civil, qui concernent la garantie décennale des constructeurs ; qu'il soutient en particulier que la responsabilité de l'EURL José Bati est engagée sur tous ces fondements légaux puisque la garantie décennale s'applique sur le carrelage si les désordres ont le critère de gravité requis, ce qui est le cas en l'espèce puisque l'expert conclut que les désordres n'apparaissent pas purement esthétiques mais bien de nature à rendre l'ouvrage concerne impropre à sa destination en faisant notamment porter un risque d'atteinte à sa solidité et à la sécurité des personnes ; qu'il précise avoir sollicité une expertise judiciaire dans les deux ans de la réception tacite de l'ouvrage, qu'il date de la facture du 27 septembre 2011, et affirme ainsi que son action sur le fondement de la garantie biennale de bon fonctionnement est recevable ; que pour sa part, I'EURL José Bati estime que sa responsabilité ne peut être retenue car, au vu des désordres constatés par l'expert, M. N... ne rapporte pas la preuve de la réunion des conditions d'application des articles 1792 et 1792-2 du code civil ; qu'il souligne qu'il résulte de l'expertise que les désordres n'étaient que d'ordre purement esthétique ; qu'il précise que les dallages et carrelages ne bénéficient pas de la garantie de bon fonctionnement ; qu'il affirme en outre que les travaux ont été réalisés conformément aux demandes des clients ; que l'article 1792 du code civil dispose que « tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère » ; que les premiers juges ont rejeté la demande sur ce fondement, estimant d'une part que les désordres doivent être qualifies de purement esthétiques, et ne portent pas atteinte à la solidité de l'ouvrage, et d'autre part que le carrelage en l'espèce ne peut en aucun cas constituer un ouvrage, mais s'analyse comme un élément d'équipement dissociable, des lors qu'il a été posé sur une chape ; attendu que la partie appelante maintient néanmoins, à titre principal, le fondement choisi en première instance ; que M. N... fonde son action sur l'article 1792 du code civil, en soulignant les malfaçons affectant le carrelage, et à ce titre, en développant une argumentation portant sur le défaut de calepinage, le désaffleurement et leurs conséquences ; qu'il convient de relever que les parties, qui ne produisent pas de procès-verbal de réception, n'évoquent pas la réception des travaux, et qui ne précisent à ce titre aucune date pouvant être retenue dans le cadre d'une rection tacite ou judiciaire, ne demandent pas à la cour de se prononcer sur la réception des travaux ; que l'expert judiciaire indique dans son rapport que « (...) Des désaffleurements de 2 mm ont été constatés régulièrement sur les rives des carreaux dans tous les locaux et impliquent donc une mise en oeuvre non conforme pour l'ensemble du rez-de-chaussée concerné par les travaux.(...) Nous constatons : respect du calepinage en cuisine, séjour et couloir. Non-respect du calepinage en WC et bureau (...) » ; qu'il précise que la tolérance pour le désaffleurement est de 0,8 mm ; qu'il qualifie le défaut de calepinage relevé de purement esthétique, et mentionne que le désaffleurement présente un défaut esthétique, mais engendre également un risque de chute pour les personnels ; qu'il précise cependant que la pose du carrelage a été réalisée par collage sur le carrelage existant sur l'ensemble de la surface concernée, à l'exception de la cuisine, dans laquelle il a été collé sur une chape de ciment non solidarisée à la dalle existante ; que, sans préciser la superficie de la chape ainsi réalisée dans la cuisine (qui est donc au maximum celle de la cuisine), il retient que le désaffleurement relevé provient d'une mauvaise réalisation de celle-ci avant la pose du carrelage ; que l'expert, qui ne conclut pas à un élément non dissociable de la dalle existante, indique que cette chape a été réalisée en supplément des travaux initialement prévus dans le devis du 14 juin 2010, en raison d'une dénivellation importante apparue lors de l'abattage de la cloison entre le séjour et la cuisine ; qu'il est à noter que cette chape, d'une superficie peu importante et non solidaire de la dalle existante, et qui n'était donc pas prévue dans le devis sur lequel se base M. N... pour solliciter la condamnation de l'entrepreneur, ne fait l'objet d'aucune observation par les parties ; attendu que l'expert ne conclut pas à un désordre subi par les existants du fait de ces travaux de rénovation ; qu'il s'ensuit que les travaux litigieux de pose du carrelage sur un ouvrage existant, ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil, mais portent sur un élément d'équipement ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les désordres invoqués par M. N... ne relèvent pas de la garantie légale de l'article 1792 du code civil ; que la partie appelante souligne que la garantie décennale s'étend cependant, en vertu des dispositions de l'article 1792-2 du code civil, aux dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert ; mais que c'est en vain que la partie appelante invoque cet article, qui précise en son alinéa 2 qu'un élément d'équipement est considéré comme formant indissociablement corps avec l'un des ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage », ce qui n'est pas le cas en l'espèce pour le carrelage, dont le remplacement n'est pas de nature à entrainer la détérioration de l'ouvrage sur lequel il repose ; qu'il s'ensuit que M. N... ne peut valablement fonder ses demandes sur la garantie décennale des constructeurs ;

1°) ALORS QUE les désordres affectant des éléments d'équipement, dissociables ou non, d'origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale, s'ils rendent l'ouvrage en son ensemble impropre à sa destination ; qu'en jugeant, pour exclure l'application de la garantie décennale des constructeurs, que le carrelage en cause, qui ne constituait pas un ouvrage, mais un élément d'équipement, n'avait pas été installé à l'origine mais postérieurement et qu'il n'était pas indissociable du reste de l'ouvrage puisqu'il pouvait être déposé sans détériorer le sol sur lequel il reposait (arrêt page 4, al. 4 à 7), refuser ainsi de rechercher, comme l'y invitaient les conclusions de M. Éric N... (conclusions page 6, al 4 à page 7, al. 9), si les désordres affectant le dallage ne rendaient pas l'habitation dans son ensemble impropre à sa destination, bien qu'elle ait elle-même relevé que « le désafleurement [des carreaux] engendrait un risque de chute pour les personnes » (arrêt, page 4, al. 3), la cour d'appel a violé l'article 1792-2 du code civil ;

2°) ALORS QUE les juges, qui doivent observer le principe de la contradiction, ne peuvent fonder leur décision sur un moyen relevé d'office sans inviter les parties à présenter leurs observations ; qu'en retenant, pour exclure la garantie décennale des constructeurs, que « les parties, qui ne produis[aient] pas de procès-verbal de réception, n'évoquent pas la réception des travaux et qui ne précisent à ce titre aucune date pouvant être retenue dans le cadre d'une réception tacite ou judiciaire, ne demand[aient] pas à la cour de se prononcer sur la réception des travaux » (arrêt page 4, al. 1er), sans appeler les observations des parties sur ce moyen tiré de l'absence de réception des travaux qui n'avait pas été invoqué par la société José Bati et qu'elle relevait donc d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QU'en toute hypothèse, M. M... N... soulignait, dans ses conclusions d'appel, « qu'il était possible de dater la réception tacite des travaux entrepris par l'EURL Bâti au 27 septembre 2011 correspondant à l'édition et au paiement intégral de la facture afférente n° 264 » (conclusions page 7, dernier al.) ; qu'en retenant que les parties « n'évoqu[ai]ent pas la réception des travaux » et ne précis[ai]ent à ce titre aucune date pouvant être retenue dans le cadre d'une réception tacite » (arrêt page 4, al. 1er), la cour d'appel a dénaturé les conclusions susvisées et, partant, a violé l'article 4 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2019:C300955
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