Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 21 novembre 2019, 18-23.251, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Donne acte à M. et Mme U... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. et Mme W... ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble,12 juin 2018), que, par acte du 27 novembre 2009, M. et Mme W... ont vendu à M. et Mme U... une maison d'habitation ; qu'une expertise a révélé que le diagnostic de performance énergétique (DPE) était erroné ; que M. et Mme U... ont assigné M. et Mme W..., le diagnostiqueur, M. G..., et son assureur, La Mutualité Mutuelles du Mans assurances, en résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés et en indemnisation de leurs préjudices ;

Attendu que M. et Mme U... font grief à l'arrêt de déclarer M. G... responsable de la seule perte de chance et de limiter leur indemnisation, alors, selon le moyen, que, lorsque le diagnostic prévu au 6° de l'article L. 271-4 du du code de la construction et de l'habitation n'a pas été réalisé conformément aux normes édictées et aux règles de l'art et se révèle erroné, le coût des travaux nécessaires pour réaliser une isolation thermique conforme à la performance énergétique annoncée dans ce diagnostic constitue un préjudice certain dont le diagnostiqueur doit réparation ; qu'en jugeant que le préjudice subi par les époux U... du fait de l'information erronée du diagnostic sur la qualité énergétique du bien était seulement une perte de chance de négocier une réduction du prix de vente et non pas le coût de l'isolation nécessaire pour satisfaire à la performance énergétique annoncée, la cour d'appel a violé les articles L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation et 1382, devenu 1240, du code civil ;

Mais attendu que, selon le II de l'article L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation, le DPE mentionné au 6° de ce texte n'a, à la différence des autres documents constituant le dossier de diagnostic technique, qu'une valeur informative ; qu'ayant retenu que M. G... avait commis une faute dans l'accomplissement de sa mission à l'origine d'une mauvaise appréciation de la qualité énergétique du bien, la cour d'appel en a déduit à bon droit que le préjudice subi par les acquéreurs du fait de cette information erronée ne consistait pas dans le coût de l'isolation, mais en une perte de chance de négocier une réduction du prix de vente ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme U... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. et Mme U....

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré M. G... responsable de la perte de chance pour les époux U... d'obtenir un moindre prix pour l'acquisition du bien immobilier des époux W... et d'avoir, en conséquence, condamné solidairement M. G... et les Mutuelles du Mans IARD à payer aux époux U... la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la demande dirigée contre le diagnostiqueur, il n'est pas contesté que, ainsi que cela ressort du rapport d'expertise judiciaire, le diagnostic de performance énergétique qui a été remis aux époux U... ne correspond pas à la réalité ; qu'en effet, ce document classe la maison en haut de la catégorie D en terme de consommation énergétique et en bas de la même catégorie pour les émissions de gaz à effet de serre, alors que l'expert judiciaire, prenant en compte les caractéristiques de la maison et du chauffage au gaz existant lors de la vente, conclut à une consommation énergétique au bas de la catégorie F et à des émissions de gaz à effet de serre au plus bas de la catégorie G, soit un bien énergivore ; que M. G..., chargé du diagnostic, reconnaît avoir commis une erreur quant à la consommation estimée du bâtiment, mais soutient que cette erreur résulte des informations « partielles et inexactes » que lui ont transmis les époux W... ; que si, comme l'expert judiciaire l'a relevé, seules les surfaces des murs que les époux W... avaient fait doubler ont été prises en compte, il appartenait au diagnostiqueur de procéder lui-même au relevé des surfaces de chaque pièce d'habitation et des épaisseurs des murs, sans se contenter des informations recueillies auprès des époux W... ; qu'or M. G... a reconnu, lors de l'expertise judiciaire, qu'il n'avait pas effectué de relevés dimensionnels, ce qui constitue une faute dans l'accomplissement de sa mission ; que cette faute a conduit à une appréciation erronée de la qualité énergétique du bien ; que les époux U..., tout en insistant à plusieurs reprises pages 22 et 23 de leurs conclusions, sur le fait que si le diagnostiqueur avait correctement réalisé son travail, ils n'auraient pas acquis le bien, sollicitent en définitive le versement de dommages et intérêts à hauteur du coût des travaux nécessaires pour réaliser une isolation thermique conforme à la performance énergétique annoncée ; qu'or, le préjudice subi par les époux U... du fait de l'information erronée sur la qualité énergétique du bien ne consiste pas dans le coût de l'isolation, mais en une perte de chance de négocier une réduction du prix de vente ; qu'ainsi que l'a retenu le tribunal, il est certain que, mieux informés, les acquéreurs auraient eu un élément supplémentaire de négociation du prix de vente dans des proportions qui, compte-tenu du prix déjà négocié, ont été justement évaluées à la somme de 15 000 € ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné solidairement M. G... et les Mutuelles du Mans à payer aux époux U... la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts, et a dit que l'assureur était fondé à opposer à M. G... la franchise contractuelle de 3 049 € ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU'au-delà de l'action rédhibitoire, les époux U... recherchent la responsabilité de M. G... et sollicitent la garantie de son assureur, la SA MMA IARD ; qu'ils fondent leur action sur la responsabilité délictuelle de l'article 1382 du code civil et réclament à titre indemnitaire le remboursement du prix d'achat de 300 000 €, outre celui de leurs frais liés à la vente et la condamnation à prendre en charge les préjudices en résultant, par le bais d'une solidarité avec les époux W... ; qu'il appartient, en conséquence, aux époux U... de rapporter la preuve d'une faute commise par M. G..., d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice ; qu'il est constant que le diagnostic de performance énergétique a été réalisé par M. G... uniquement sur la base de chiffres de consommation et les dimensionnements des pièces et des murs communiqués par les époux W... ; qu'or, il a été vu que ceux-ci ne chauffaient que les 2/5e de la maison, minorant ainsi leur consommation de gaz et n'ont pas pris en compte certains éléments comme le séchoir à noix ; que M. G..., professionnel du diagnostic énergétique, n'aurait pas dû se limiter à ces informations et ce d'autant qu'il ne donne aucune indication sur les demandes qu'il a adressées à ses clients pour les obtenir ; qu'il lui appartenait, en cette qualité, non pas seulement, comme il le prétend tout au long de ses écritures, de se contenter d'entrer dans son logiciel des informations remises par ses requérants et d'en tirer les conséquences théoriques, mais aussi de s'assurer de la fiabilité desdites informations et de leur compatibilité avec le bien à diagnostiquer ; qu'or, il ne l'a manifestement pas fait, puisque comme il a été rappelé ci-dessus, il n'a été tenu compte ni de la présence du séchoir à noix entre la partie habitation et la toiture, ce qui grève nécessairement la performance énergétique, ni d'une utilisation du chauffage que dans 2/5e des pièces de la maison ; qu'à supposer qu'il n'ait pas envisagé de modifier son logiciel en fonction de ces deux éléments, il appartenait à tout le moins à M. G... de faire figurer cette information dans son rapport ; qu'au regard de ce comportement, qui manque manifestement de professionnalisme, il est justifié de retenir une faute à la charge de M. G... ; que, sur le préjudice, l'auteur du diagnostic de performance énergétique ne saurait être tenu à titre indemnitaire à supporter le remboursement du prix de vente du bien et de ses accessoires dès lors que son travail n'a qu'un objet informatif ; que, de plus, il ne peut être tenu pour responsable d'une opération de vente à laquelle il n'intervient pas directement ; que, de même, M. G... n'est pas à l'origine des déficiences de l'isolation et des travaux nécessaires pour y remédier ; que, dès lors, il ne peut être au mieux recherché que dans le cadre de la perte de chance pour l'acquéreur potentiel d'obtenir un meilleur prix ou même de renoncer ; qu'il a été vu ci-dessus, qu'il n'est pas produit de pièces démontrant avec certitude un probable renoncement des époux U... à acquérir le bien des époux W... s'ils avaient reçu une information juste sur la performance énergétique de celui-ci ; que l'avis de l'expert sur ce point n'est aucunement étayé ; qu'en revanche, il est établi que les informations sur le diagnostic énergétique ont pu jouer un rôle dans le choix du bien immobilier des époux W..., même si celui-ci n'a pas été forcément déterminant ; que, de même, si une information sincère leur avait été donnée, ils auraient eu la possibilité de négocier un peu plus le prix de vente ; qu'au regard du prix de vente du bien, des concessions déjà acceptées par les époux W... concernant la distribution d'eau et l'assainissement et l'importance des travaux d'isolation à réaliser pour l'améliorer, le préjudice des époux U... peut être fixé à la somme de 15 000 € ; qu'il convient, en conséquence de condamner solidairement M. G... et son assureur, la SA MMA IARD, à payer aux époux U... la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour réparer le préjudice causé par le comportement fautif de M. G..., étant précisé que la solidarité entre M. G... et son assureur interviendra dans la limite de la police d'assurance, soit en tenant compte de la franchise contractuelle de 3 049 € ;

ALORS QUE lorsque le diagnostic prévue au 6° de l'article L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation n'a pas été réalisé conformément aux normes édictées et aux règles de l'art et se révèle erroné, le coût des travaux nécessaires pour réaliser une isolation thermique conforme à la performance énergétique annoncée dans ce diagnostic constitue un préjudice certain dont le diagnostiqueur doit réparation ; qu'en jugeant que le préjudice subi par les époux U... du fait de l'information erronée du diagnostic sur la qualité énergétique du bien était seulement une perte de chance de négocier une réduction du prix de vente et non pas le coût de l'isolation nécessaire pour satisfaire à la performance énergétique annoncée, la cour d'appel a violé les articles L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation et 1382, devenu 1240, du code civil. ECLI:FR:CCASS:2019:C300983
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