Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 21 novembre 2019, 19-20.513, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Versailles, 15 avril 2019), et les pièces de la procédure, le 21 mars 2019, le directeur de l'Institut MGEN Marcel Rivière (l'institut) a pris une décision d'admission en soins psychiatriques sans consentement de M. C..., à la demande de sa mère.

2. Le 26 mars 2019, en application de l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique, le directeur a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de poursuite de la mesure.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen et sur le troisième moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Énoncé du moyen

4. M. C... fait grief à l'ordonnance de rejeter les moyens d'irrégularité invoqués et d'ordonner le maintien de la mesure de soins psychiatriques sous forme d'hospitalisation complète, alors que « la décision d'admission en soins psychiatriques sans consentement du directeur du centre hospitalier doit précéder l'admission effective du patient ; que le requérant a fait valoir sans être contesté que la décision d'admission en soins psychiatriques sans consentement du directeur du centre hospitalier en date du 21 mars 2019 est postérieure à son admission effective en soins psychiatriques contraints intervenue le 20 mars 2019 ; que le patient retenu sans consentement, sans statut et sans garanties juridiques entre son arrivée effective dans l'établissement et la signature, le lendemain, de la décision d'admission, souffre nécessairement d'une atteinte à ses droits ; qu'en statuant comme il l'a fait, le juge a violé les articles L. 3211-1, II, 1°, du code de la santé publique, 8 de la loi du 17 juillet 1978, et 5.2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique que la mesure de soins psychiatriques sans consentement commence à la date du prononcé de la décision d'admission.

6. Ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que la décision d'admission en soins psychiatriques sans consentement de M. C... était intervenue le 21 mars 2019, jour de son entrée à l'institut, le premier président en a exactement déduit que celle-ci était intervenue sans retard.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche

Énoncé du moyen

8. M. C... fait le même grief à l'ordonnance alors que « l'isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours, il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d'un psychiatre, prise pour une durée limitée, leur mise en oeuvre doit faire l'objet d'une surveillance stricte confiée par l'établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et un registre est tenu dans l'établissement lequel mentionne pour chaque mesure d'isolement ou de contention, le nom du psychiatre ayant décidé cette mesure, sa date, son heure, sa durée et le nom des professionnels de santé l'ayant surveillée, ce registre doit être présenté au juge des libertés et de la détention dans le cadre de son contrôle ; qu'en l'espèce, selon le personnel soignant accompagnant le patient à l'audience, expressément interrogé par l'avocat, M. C... aurait encore été en chambre d'isolement jusqu'au début de la semaine d'audience soit au plus tard le 8 avril ; qu'en s'abstenant de vérifier comme il y était invité la régularité de l'isolement et d'exiger la production du registre d'isolement jusqu'à cette date le juge a violé les articles L. 3222-5-1 du code de la santé publique et 66 de la Constitution. »

Réponse de la Cour

9. L'ordonnance énonce à bon droit qu'aucun texte n'impose la production devant le juge des libertés et de la détention du registre prévu à l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique consignant les mesures d'isolement et de contention, lesquelles constituent des modalités de soins. Celles-ci ne relevant pas de l'office du juge des libertés et de la détention, qui s'attache à la seule procédure de soins psychiatriques sans consentement pour en contrôler la régularité et le bien-fondé, le premier président en a justement déduit que le grief tenant au défaut de production de copies du registre était inopérant.

10. Le moyen ne peut donc être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

Rejette la demande formée par M. C... en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat aux Conseils, pour M. C...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté les moyens d'irrégularité invoqués et ordonné le maintien de la mesure de soins psychiatriques sous forme d'hospitalisation complète

AUX MOTIFS QUE
C'est à bon droit, par des motifs justes et pertinents que le juge d'appel adopte, que le premier juge a retenu que la décision d'admission était parfaitement régulière dès lors que cette décision apparaît, conformément aux dispositions légales, avoir été prise sur le fondement de deux certificats médicaux dont le premier daté du 20 mars 2019, accompagnait la demande d'admission et dont le second, est daté du 21 mars 2019 soit du jour même de la décision d'admission.
Le grief sera écarté.

AUX MOTIFS ADOPTES QUE
En l'espèce, la décision d'admission en soins psychiatriques sans consentement de Monsieur S... C... a été prise le 21 mars 2019, sur la demande de sa mère et sur la base de deux certificats médicaux initiaux établis les 20 et 21 mars 2019.
Aucun retard n'est donc constaté dans la prise de cette décision.
En conséquence, le moyen soulevé sera rejeté.

ALORS QUE la décision d'admission en soins psychiatriques sans consentement du directeur du Centre Hospitalier doit précéder l'admission effective du patient ; que le requérant a fait valoir sans être contesté que la décision d'admission en soins psychiatriques sans consentement du directeur du Centre Hospitalier en date du 21 mars 2019 est postérieure à son admission effective en soins psychiatriques contraints intervenue le 20 mars 2019 ; que le patient retenu sans consentement, sans statut et sans garanties juridiques entre son arrivée effective dans l'établissement et la signature, le lendemain, de la décision d'admission, souffre nécessairement d'une atteinte à ses droits ; qu'en statuant comme il l'a fait, le juge a violé les articles L. 3211-1, II 1° du code de la santé publique, 8 de la loi du 17 Juillet 1978, et 5.2 de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales.

DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté les moyens d'irrégularité invoqués et ordonné le maintien de la mesure de soins psychiatriques sous forme d'hospitalisation complète

AUX MOTIFS QUE
Rien ne permet de soutenir que la décision d'admission n'a pas été signée par Mme B... Q... elle-même dont le tampon est apposé sur la décision d'admission agissant par délégation au nom du directeur de l'établissement d'accueil, M. X... Y....
La décision entreprise sera donc également confirmée sur ce point.

AUX MOTIFS ADOPTES QUE
La décision d'admission de Monsieur S... C... en soins sans consentement, telle que produite au dossier, a été établie sous l'en-tête de M. X... Y..., directeur de l'établissement, par Mme B... Q..., agissant pour ordre.
Le moyen soulevé sera donc rejeté.

ALORS QUE la décision d'admission en soins psychiatriques à la demande d'un tiers doit être prononcée par le directeur de l'établissement ; que, s'il lui est possible en application des dispositions de l'article D. 6143-33 du code de la santé publique de déléguer ses compétences en cette matière, l'article D. 6143-34 du même code, s'agissant des exigences conditionnant la régularité de cette délégation, dispose : « Toute délégation doit mentionner : 1° Le nom et la fonction de l'agent auquel la délégation a été donnée ; 2° La nature des actes délégués ; 3° Eventuellement, les conditions ou réserves dont le directeur juge opportun d'assortir la délégation » ; que, par ailleurs, l'article D. 6143-35 du même code prévoit que ces délégations doivent être notifiées aux intéressés et publiées par tous moyens les rendant consultables ; que le non-respect de ces exigences formelles cause nécessairement un grief au patient car il n'a pas été mise en mesure de vérifier immédiatement que l'auteur de l'acte administratif d'hospitalisation sous contrainte avait juridiquement compétence et qualité pour prendre cette décision par essence attentatoire à la liberté individuelle ; qu'en l'espèce, le juge n'a pas vérifié que la personne ayant signé pour ordre la décision d'admission disposait d'une délégation régulière et publiée, et a ainsi violé les articles R. 6143-38, D. 6143-33, D. 6143-34 et D. 6143-35 du code de la santé publique, ensemble les articles L. 3216-1 du même code, 112 du code de procédure civile et 4 de la loi du 12 avril 2000.

TROISIÈME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté les moyens d'irrégularité invoqués et ordonné le maintien de la mesure de soins psychiatriques sous forme d'hospitalisation complète

AUX MOTIFS QUE
Le premier juge a relevé, que les copies du registre d'isolement avaient été communiquées au dossier au titre d'une période allant du 21 au 28 mars 2019.
Selon le personnel soignant accompagnant le patient à l'audience, expressément interrogé par l'avocat, M. S... C... aurait encore été en chambre d'isolement jusqu'au début de la semaine d'audience soit au plus tard le 8 avril.
Il est donc normal, que l'avis médical motivé transmis au juge d'appel, établi le 10 avril 2019 ne fasse pas état de cette circonstance de mise à isolement puisque cette mesure avait pris fin.
Le certificat du 26 mars 2019 faisait bien mention de la raison du placement en isolement.
Aucun texte n'imposant la production systématique du registre retraçant le placement des patients à l'isolement, laquelle constitue une modalité de soins, ce grief sera également écarté.
En synthèse, la mesure de placement de M. S... C... apparaît être régulière.

AUX MOTIFS ADOPTES QUE
En l'espèce, les extraits du registre susvisé concernant le placement en chambre fermée de Monsieur S... C... ont bien été joints au dossier pour la période du 21 au 26 mars 2019, puis communiqués à la juridiction après l'audience pour la période allant jusqu'au 28 mars. Ces extraits de registre, qui comportent de nombreuses informations sur les motifs et les modalités de cet isolement (port du pyjama, accès libre aux toilettes, repas en présence d'un soignant...) apparaissent suffisamment précis pour permettre un contrôle effectif de la régularité de la mesure.
En conséquence, le moyen soulevé sera rejeté

1°) ALORS QUE les motifs dubitatifs équivalent à une absence de motifs ; qu'en retenant qu'en synthèse la mesure de placement de M. S... C... apparaît être régulière, le juge a privé de motifs sa décision en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE l'isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours, il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d'un psychiatre, prise pour une durée limitée, leur mise en oeuvre doit faire l'objet d'une surveillance stricte confiée par l'établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et un registre est tenu dans l'établissement lequel mentionne pour chaque mesure d'isolement ou de contention, le nom du psychiatre ayant décidé cette mesure, sa date, son heure, sa durée et le nom des professionnels de santé l'ayant surveillée, ce registre doit être présenté au juge des libertés et de la détention dans le cadre de son contrôle ; qu'en l'espèce, selon le personnel soignant accompagnant le patient à l'audience, expressément interrogé par l'avocat, M. S... C... aurait encore été en chambre d'isolement jusqu'au début de la semaine d'audience soit au plus tard le 8 avril ; qu'en s'abstenant de vérifier comme il y était invité la régularité de l'isolement et d'exiger la production du registre d'isolement jusqu'à cette date le juge a violé les articles L. 3222-5-1 du code de la santé publique et 66 de la Constitution. ECLI:FR:CCASS:2019:C101075
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